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2001 > Gynécologie > Mucoviscidose  Telecharger le PDF

Etude d'un traitement pharmacologique dans la mucoviscidose : premiers résultats du protocole colchicine

M. Laurans , I. Sermet , J. Duhamel et G. Lenoir

Depuis l'identification du gène de la mucoviscidose en 1989, des progrès considérables ont été accomplis dans la connaissance de la structure et la fonction de la protéine CFTR . Les conséquences de ses anomalies dans la fibrose kystique sont également mieux comprises. A partir d'observations cliniques faisant état d'une amélioration significative de la fonction pulmonaire chez trois patients atteints de mucoviscidose après une chimiothérapie anti-tumorale pour une pathologie associée, une nouvelle voie de la physiopathologie de la mucoviscidose est née, issue d'une réflexion commune entre chercheurs fondamentaux ( équipe du Pr JY Lallemand et celle d'A Edelmann à Necker ) et cliniciens ( équipe du Pr G Lenoir ).

L'amélioration de ces patients pourrait être due à la substitution du CFTR déficient par d'autres protéines ABC ( ATP binding cassette) telles MRP ( Multi Resistance Drug Associated Protein ) ou MDR stimulées par la chimiothérapie ; CFTR ne serait plus considéré exclusivement comme un canal chlore mais comme transporteur ABC ayant pour rôle principal en dehors de celui de transporteur trans-épithélial, un rôle important de détoxification de la cellule associée au glutathion (1) . A partir de ces résultats, un essai de la colchicine dans la mucoviscidose a été proposé.

Les résultats préliminaires

observés chez des enfants ou adolescents atteints de mucoviscidose traités en ouvert par la colchicine ont été les suivants : 19 patients ( 5-28 ans ) atteints de mucoviscidose, présentant des infections pulmonaires graves ou une obstruction respiratoire chronique, ont bénéficié d'un traitement par colchicine, à raison d'1 mg par jour. Leur traitement habituel est resté inchangé. Le poids ( exprimé en déviation standard, DS , du poids idéal pour l'âge), le volume expiratoire maximal seconde (VEMS), la capacité vitale forçée (CVF) et la durée d'antibiothérapie ont été comparés avant et après une période minimale de six mois de traitement.

Tous les patients ont noté une amélioration de leur état clinique. La médiane du gain de poids était de 5% ( p = 0.2 ).La médiane de la durée de l'antibiothérapie a diminué de façon significative, de 6.6 à 2.9 jours par mois, après le début du traitement ( p = 0.05 ).En terme d' EFR, seuls 13 patients ont pu être analysés . Un patient est resté stable tandis que 8 patients ont été améliorés de plus de 5% de leur VEMS et /ou de la CVF. En l'absence de traitement, on observe habituellement une diminution régulière du VEMS au cours du temps. Un patient a eu une très nette amélioration de sa fonction respiratoire ( augmentation de la CVF de 32 à 44% et du VEMS de 21 à 37% ) qui a conduit à son retrait de la liste de transplantation pulmonaire. La colchicine a été bien tolérée, à l'exception de deux patients qui ont présenté des troubles digestifs les premiers jours de l'administration ( 2 ).

Ces premiers résultats encourageants ont conduit à la réalisation d'un essai prospectif de phase II, randomisé en double aveugle dans les services du Pr G Lenoir (CHU Necker Paris) et du Pr JF Duhamel ( CHU Clémenceau Caen). Son objectif était d'évaluer l'efficacité de la colchicine versus placebo, sur la fonction respiratoire de patients de plus de cinq ans atteints de mucoviscidose. L'évaluation clinique a été complétée par la détection d'une activité des canaux chlore sur les cellules issues des brossages nasaux. Dans cette étude, la colchicine est associée à la N Acétylcystéine, précurseur du glutathion.

Ce dernier joue un rôle essentiel dans le processus de détoxification cellulaire et est indispensable au fonctionnement de MRP. L'accord du CCPRB de Necker a été obtenu. L'étude a bénéficié de l'aide du Secrétariat d'état à la santé.

Patients et Méthodes

Les patients atteints de mucoviscidose (test de la sueur : Cl 60 mmol/l et/ou génotype confirmatoire) inclus étaient suivis au CHU Necker Enfants Malades ou à Caen. Ils étaient âgés de plus de 5 ans et étaient capables d'effectuer des EFR. Ils devaient avoir une fonction respiratoire stable à l'inclusion et présenter une capacité vitale (CV) supérieure à 50 % de la théorique et un VEMS supérieur à 40 % de la théorique. Les principaux critères d'exclusion étaient les suivants : absence d'atteinte pulmonaire, autre maladie évolutive associée, insuffisance rénale, hépatique, cardiaque, antécédents digestifs (ulcère gastro-duodénal), diabète, infection pulmonaire évolutive (aspergillose broncho-pulmonaire, mycobactéries atypiques, infection à Burkholderia cepacia...) grossesse et cancer.

PERIODE

1 PREINCLUSION

2 TRAITEMENTS COMPARATIFS

3 SUIVI

Visites

V1

V2

V3

V4

V5

V6

V7

V8

V9

V10

V11

Jours

- 7 à - 28

0 INCLUSION

28

56

84

112

140

168

196

224

252

Examens (EX) cliniques

+

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Antibiothérapie et hospitalisations (nbre de jours)

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Qualité de vie

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Compliance

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Evenements indésirables

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ECBC

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EFR

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Examens sanguins

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Examens de Recherche

+ (glutathion)

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Score clinique et radiologique

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dosage de la Colchicine

+

TABLEAU I

Cette étude s'est déroulée en trois phases (tableau I ) ; 72 patients ont été inclus :

  • Une première phase de pré-inclusion dite de " stabilisation " (V1) au cours de laquelle le protocole est expliqué, le consentement est signé par les deux parents ou l'adulte , les antécédents médicaux consignés et un prélèvement sanguin est réalisé (dosage du glutathion). Le traitement par N-Acétylcystéine est débuté et sera poursuivi tout au long de l'étude.
  • Une phase de " traitements comparatifs " (période en double aveugle) :
  • 6 mois de Colchicine : 1 mg le soir (0.5 mg la première semaine de traitement). ou 6 mois de placebo.

La visite d'inclusion (V2) inclue un examen clinique complet , des prélèvements sanguins (NFS plaquettes, ionogramme sanguin, VS, électrophorèse des protides, bilan hépatique, glutathion), un ECBC, des EFR et un frottis nasal pour étude de l'expression protéique de P-gP, MRP et CFTR. Une visite analogue aura lieu au troisième et sixième mois (V8). Entre ces visites, le patient est vu mensuellement en consultations externes dans le service du Professeur LENOIR à Necker Enfants Malades et dans le service du Professeur DUHAMEL au CHU de Caen.

Le principal critère d'efficacité est l'amélioration du VEMS de plus de 7.5% par rapport au niveau de base du patient. Les critères secondaires d'appréciation sont : - des paramètres cliniques : poids (DS), taille (DS ), activité (score de Shwachman), qualité de vie, nombre de jours d'antibiothérapie (per os ou IV) et d'hospitalisation - et des paramètres paracliniques :

  • amélioration de la CVF, du DEM 25-75.
  • diminution de la colonisation bronchique.
  • amélioration du score radiologique.
  • induction protéique :  expression de l'ARN messager des protéines MDR, MRP et CFTR au sein des cellules ciliées nasales,  mesure du glutathion intracellulaire,  mesure de l'activité oxydative des polynucléaires neutrophiles.

Ces données ont été comparées à celles précédant le début du traitement par méthode de l'analyse de variance ( ANOVA) à un facteur répété permettant de mettre en évidence une différence significative, si elle existe, entre les moyennes dans leur ensemble. Les résultats ont été interprétés comme significatifs, lorsque le risque était inférieur à 0.05. En complément, nous avons dénombré les journées d'antibiothérapie et d'hospitalisation avant et après traitement et, apprécié la tolérance clinique et biologique. Les patients présentant des troubles digestifs de plus d'une semaine sous régime d'exclusion lactée en début de traitement ont été sortis de l'étude. Nous avons également évalué l'observance en comptabilisant le nombre de gélules retirées à la Pharmacie centrale des hôpitaux de Paris et à celle de Caen et le nombre de gélules restantes. L'analyse des résultats a été effectuée à l'aide de tests paramétriques.

L'étude est maintenant terminée et son analyse statistique est en cours. Les résultats détaillés seront exposés lors de la réunion des JTA le 17/01/ 2001.

Conclusion

Depuis 1995, le pronostic de la mucoviscidose qui atteignait alors une médiane de survie de 35 ans dans les meilleurs centres de traitement, n'a que très peu évolué.

Pour des raisons techniques, les espoirs de thérapie génique ne se sont pas confirmés.

Dans ces conditions, en complément de l'ensemble des propositions thérapeutiques dûment validées, il est apparu légitime d'envisager des thérapeutiques à visée anti-inflammatoire, voire des thérapies de substitution.

C'est dans ces conditions qu'une première étude de phase II avec la colchicine a été proposée, à partir des résultats encourageants d'une étude ouverte.

Il est probable que les bénéfices éventuels seront différents en fonction des sujets et de leur type de mutation. Les résultats détaillés indiqueront si cette voie peut être considérée comme justifiée, si d'autres thérapeutiques pourront être ajoutées ou substituées à la colchicine.

Bibliographie

1) CLEMENT A, TAMALET A, FAUROUX B, TOURNIER G. Mucoviscidose : les stratégies thérapeutiques se multiplient. Arch Pediatr 1998 ; 5 : 1246-52.

2) LENOIR G, SERMET I, SORIN M DUHAMEL JF, CHRETIENNOT C, GUILLERM JC, SCHERMANN JM . Interest of colchicine in cystic fibrosis patients XIIIth International Cystic Fibrosis Congress Stockholm 2000 , Abstract 102 : 115.

*CHU Clémenceau Caen, **CHU Necker-Enfants Malades Paris - France