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1999 > Pédiatrie > Surdité  Telecharger le PDF

Prévalence et caractéristiques cliniques de la forme majeure de surdité de l'enfant, DFNB1, due à une atteinte du gène de la connexine 26 : implications pour le conseil génétique

C. Petit , L Moatti , D Weil , S Marlini , F Denoyelle et Garabedian

Introduction

La surdité neurosensorielle est un handicap extrêmement fréquent. Elle affecte environ un enfant sur mille à la naissance et un sur mille au cours de l'enfance. Un tiers des surdités de l'enfant sont de cause environnementale (infections et toxiques en période pré et postnatale, anoxie, prématurité), un tiers ont une origine génétique, et un tiers sont des cas sporadiques de cause indéterminée.

Les formes héréditaires sont des maladies monogèniques : l'atteinte d'un seul gène est en cause dans chaque forme de surdité. Cependant, de nombreux gènes sont impliqués : dans les formes de surdité syndromiques, c'est à dire associées à d'autres pathologies ou malformations, plus de 80 gènes ont été localisés sur les chromosomes humains (et 40 d'entre eux identifiés) (1).

Dans le domaine des surdités non syndromiques (isolées), qui représentent environ deux tiers des surdités génétiques, beaucoup de retard a été pris dans la localisation et l'identification des gènes responsables en raison du nombre important de gènes en cause (50 à 100 gènes attendus), de l'absence de critères cliniques permettant de différencier entre elles des surdités dues à des gènes différents (et donc de l'absence de phénotype caractéristique de l'atteinte de chaque gène) mais aussi des mariages fréquents entre personnes sourdes rendant l'analyse génétique difficile.

Jusqu'en 1994, seul un gène de surdité isolée avait été localisé sur les chromosomes humains, DFNA1 (par convention, les différents gènes de surdité isolée localisés sont appelées DFN pour les loci situés sur le chromosome X, DFNA si la surdité est transmise sur un mode autosomique dominant, DFNB si la transmission est autosomique récessive, et sont numérotés dans leur ordre de découverte). Depuis 1994, les progrès dans ce domaine ont été importants avec 42 gènes localisés et 7 gènes différents identifiés, dont celui de la forme de surdité DFNB1 : le gène de la connexine 26 (Cx26) (2). Ce gène est également responsable d'une forme de surdité se transmettant sur un mode autosomique dominant, DFNA3, que nous ne détaillerons pas en raison de sa rareté au sein des surdités de l'enfant (3).

Forte prévalence des mutations du gène de la connexine 26 (DFNB1)

Une surprise majeure est venue de la mise en évidence en 1997 de la large prédominance des mutations du gène Cx26 parmi les formes de surdité congénitale. Nous avons montré dans une analyse multicentrique menée parmi des familles provenant essentiellement de France, Nouvelle Zélande et Royaume-Uni, que la moitié des familles atteintes d'une surdité congénitale autosomique récessive présentaient une atteinte de ce gène (4). Des résultats identiques ont été rapportés simultanément par l'équipe de Zélante (5).

Nous avons de plus montré qu'une mutation particulière, 30delG (appelée aussi 35delG par d'autres équipes), représentait 70% des mutations de ce gène. En 1998, Estivill et al ont confirmé la très grande fréquence de la mutation 30delG : 2,5 à 4% de la population générale en Espagne et en Italie sont porteurs hétérozygotes sains de cette mutation (6). La mutation 30delG est en conséquence, avec la mutation DeltaF508 du gène CFTR (responsable de la mucoviscidose), la mutation pathogène humaine la plus fréquente connue à ce jour.

Les études menées parmi des groupes d'enfants atteints de surdité sporadique de cause inexpliquée, ont retrouvé une fréquence de mutations de Cx26 allant de 10% (7) à 37% (6). Toutes les études précédemment citées ont concerné des enfants atteints de surdité congénitale sévère ou profonde. La facilité de détection des mutations de Cx26 (gène de petite taille) donne la possibilité d'un diagnostic moléculaire accessible à un grand nombre d'enfants sourds.

Cette possibilité est en train de bouleverser la pratique médicale quotidienne pour le diagnostic étiologique d'une surdité isolée, et le problème du diagnostic prénatal se posera certainement dans les années à venir. Aussi, il est maintenant important de connaître le phénotype de cette forme de surdité pour répondre aux questions suivantes : les mutations du gène Cx26 sont-elles toujours associées à des surdités sévères ou profondes ? à des surdités congénitales ? Deux enfants sourds présentant les même mutations, ou appartenant à une même famille ont-ils des degrés de surdité identiques ?

Caractéristiques cliniques et radiologiques de DFNB1

Nous avons mené d'Avril 1997 à Septembre 1998 une étude prospective chez 140 enfants (provenant de 104 familles) atteints de surdité neurosensorielle autosomique récessive ou sporadique, parmi les patients de la consultation de conseil génétique des surdités de l'H'pital Pasteur, et de l'H'pital d'Enfants Armand-Trousseau, Paris. Les enfants étaient âgés de 4 à 20 ans (médiane 7 ans). Nous avons réalisé un bilan clinique et paraclinique systématique afin de rechercher une surdité syndromique et de préciser le mode de transmission (voir Tableau 1).

43/88 familles (49%) atteintes de surdité prélinguale présentaient des mutations de Cx26, versus 0/16 en cas de surdité postlinguale (p < 0.01). Pour l'analyse phénotypique, nous avons comparé parmi les enfants atteints de surdité prélinguale, les 54 enfants présentant des mutations sur les deux allèles de Cx26, avec 57 enfants indemnes de mutations (9 enfants porteurs d'une mutation 30delG sur un seul allèle ont été exclus en raison du risque que certains d'entre eux, comme environ 3% de la population générale, soient porteurs sains hétérozygotes de la mutation 30delG avec surdité d'autre cause).

Les mutations bialléliques de Cx26 étaient détectées dans tous les groupes d'enfants classés par degré de surdité : chez 31/56 (55%) enfants présentant une surdité profonde, chez 14/29 (48%) enfants avec surdité sévère, chez 8/19 enfants (42%) avec surdité moyenne et chez 1/7 avec surdité légère (14%). 33 enfants étaient porteurs de la mutation 30delG à l'état homozygote (sur les deux allèles de Cx26). Ils étaient répartis dans les 4 groupes de surdité (absence de corrélation phénotype-génotype). Les 16 autres enfants étaient porteurs de la mutation 30delG sur un allèle et d'une autre mutation sur l'autre allèle.

L'étude des courbes audiométriques, qui représentent la prédominance de l'atteinte fréquentielle, n'a pas permis de retrouver de courbe pathognomonique de la forme de surdité DFNB1. Cependant la distribution des enfants avec mutations bialléliques de Cx26 parmi les trois catégories de courbe audiométrique (Tableau 2) était significativement différente de celle des enfants indemnes de mutations (p<0.001). On peut noter également que 2/3 des enfants ayant une courbe plate sur une oreille présentaient des mutations de Cx26, alors que 0/11 enfants avec courbes en U ou ascendantes.

Un scanner de l'oreille interne a été pratiqué chez 23 enfants porteurs de mutations de Cx26 : aucun ne présentait de malformation de l'oreille interne versus 7/32 enfants indemnes de mutations.

Enfin l'analyse des variations intrafamiliales a été menée chez 16 familles (35 enfants) avec mutations de Cx26 : dans 8/16 familles, le degré de surdité était similaire au sein d'une même fratrie, alors que dans 5/16 familles, un enfant était atteint d'une surdité profonde et l'autre d'une sévère, et que dans 3/16 familles, les enfants présentaient deux degrés de surdité d'écart (surdité moyenne chez un enfant et profonde chez l'autre, ou légère et sévère).

Cette étude a permis de décrire le phénotype de la forme de surdité DFNB1, due à des mutations bialléliques de Cx26 : surdité pouvant être légère à profonde, courbes audiométriques plates ou descendantes, tomodensitométrie de l'oreille interne normale, fréquentes variations du degré de surdité à l'intérieur d'une même famille. Ces éléments sont importants à connaître afin de proposer le diagnostic moléculaire des mutations de Cx26 aux sujets ayant un phénotype compatible, et de donner un conseil génétique le plus précis possible aux familles et aux sujets sourds.

Bibliographie

1. VAN CAMP G, SMITH RJH, Hereditary Hearing Loss Homepage 1998; http://dnalab-www.uia.ac.be/dnalab/hhh.

2. KELSELL DP, DUNLOP J, STEVENS HP, et al, Ò Connexin 26 mutations in hereditary non-syndromic sensorineural deafnes Ó. Nature, 1997 : 387, 80-3.

3. DENOYELLE F, LINA-GRANADE G, PLAUCHU H, et al, Ò Connexin26 gene linked to a dominant deafness Ó. Nature, 1998 : 393, 319-20.

4. DENOYELLE F, WEIL D, MAW MA, et al, Ò Prelingual deafness : high prevalence of a 30delG mutation in the connexin 26 gene Ó. Hum Mol Genet, 1997 : 6, 2173-7.

5. ZELANTE L, GASPARINI P, ESTIVILL X, et al, Ò Connexin26 mutations associated with the most common form of non-syndromic neurosensory autosomal recessive deafness (DFNB1) in Mediterraneans Ó. Hum Mol Genet, 1997 : 6, 1605-9.

6. ESTIVILL X, FORTINA P, SURREY S, et al, Ò Connexin-26 mutations in sporadic and inherited sensorineural deafness Ó. Lancet, 1998 : 35, 394-8.

7. LENCH N, HOUSEMAN M, NEWTON V, et al, Ò Connexin26 mutations in sporadic non-syndromal sensorineural deafness Ó. Lancet, 1998 : 35,

Interrogatoire dirigé :

causes extrinsèques

hématuries, problèmes visuels nocturnes (rétinites dont S. de Usher)

âge de la marche (retardé dans les troubles vestibulaires)

antécédents familiaux :

surdité

anomalies branchiales (S. Branchio-Oto-Rénal)

mèches blanches, hétérochromies iriennes (S. de Waardenburg)

pathologies rénales

goitres (S. de Pendred)

Examen pédiatrique

Examen ophtalmologique avec fond d'oeil

Recherche d'hématurie-protéinurie (bandelette)

Tomodensitométrie des rochers (recherche de malformation d'oreille interne)

Pour les surdités congénitales : Electrocardiogramme (S. de Jervell et Lange-Nielsen)

En cas de goitre : T3, T4, TSH, test au perchlorate

Tableau 1. Examens cliniques et paracliniques pratiqués pour le diagnostic étiologique d'une surdité de l'enfant.

Mutations de Cx26

Forme des courbes audiométriques (sur une oreille/sur l'autre)

Desc./ Desc.

(n=65)

Plate / Desc.

ou

Plate/Plate

(n=35)

Autres

(n=11)

Mutations de Cx26 bialléliques

30

24

0

Absence de mutations

35

11

11

p < 0.001. Desc. : courbe descendante (atteinte prédominante des hautes fréquences). Plate : atteinte similaire de toutes les fréquences. Autres : courbes audiométriques en U (atteinte prédominante des fréquences moyennes) ou ascendantes (atteinte prédominante des fréquences graves) uni ou bilatérales.

Unité de Génétique des Déficits Sensoriels, CNRS URA 1968, Institut Pasteur, 25 rue du Dr Roux, 75724 Paris cedex 15, France. Service d'ORL pédiatrique de Chirurgie Cervicofaciale, Hôpital d'Enfants Armand-Trousseau, 26 av. du Dr Arnold Netter 75571 Paris cedex 12, France.