TELEPHONE
ET PEDIATRIE AMBULATOIRE
Rémy
Assathiany* Jean Marc Rerolle et l'AREPEGE**
*
Pédiatre, Issy les Moulineaux
**Association pour la Recherche et l'Enseignement en PEdiatrie Genérale,
18 rue Sainte Sophie, 78000 Versailles
Le
téléphone est un outil indispensable à l'exercice de la
médecine. Il est le moyen qui permet de relier facilement les patients
à leur médecin pour prendre un rendez-vous, demander des conseils,
informer de l'évolution d'une situation.
Le but de ce travail est double : Evaluer au sein d'une population de pédiatres
ayant une activité ambulatoire :
- Le temps effectivement passé au téléphone pendant leur
activité de consultations
- L'origine des appels, leur motif, et leur devenir.
MATERIEL
ET METHODES
CARACTERISTIQUES DES PEDIATRES PARTICIPANTS A L'ETUDE
Les
pédiatres participants font tous partie d'une association francilienne
de formation médicale continue l'AREPEGE ( Association pour la Recherche
et l'Enseignement en Pédiatrie Générale ).Sur les 98 pédiatres
contactés, 79 (80%) ont accepté de participer à cette enquête.
L'âge moyen est de 49 ans ; 7O pédiatres (90%) sont installés
depuis plus de 10 ans ; il y a d'avantage de femmes que d'hommes (51 versus
28) ; 40 pédiatres exercent dans un cabinet de groupe, 39 exercent seuls.
PROTOCOLE
D'ETUDE
Les pédiatres participants ont rempli, d'une façon prospective,
2 questionnaires différents :
- Le 1er concerne les appels téléphoniques reçus par le
pédiatre lui-même (à l'exclusion des appels arrivant dans
leur secrétariat) pendant 3 jours (du 4 au 6 décembre 2000 );
Sur un questionnaire, il devait noter la date, l'heure, la durée, le
motif de chaque appel, la nature de l'interlocuteur, et la suite donnée.
- Le 2ème questionnaire concerne les pratiques d'utilisation du téléphone
de chaque pédiatre : présence d'un secrétariat téléphonique,
existence ou non d'une permanence téléphonique et recours éventuel
à la neutralisation du téléphone en cours de consultation.
Dans l'affirmative, les circonstances à l'origine de la neutralisation
du téléphone devaient être précisées : trop
d'appels reçus lors de la consultation du même enfant, ou autres
circonstances à préciser.
DEFINITIONS
La
permanence téléphonique est définie par l'existence
d'une plage horaire, connue des patients, au cours de laquelle le pédiatre
demande à ses patients de téléphoner préférentiellement.
Cette pratique a pour but d'essayer de diminuer les appels téléphoniques
au cours de la consultation proprement dite.
La neutralisation du téléphone consiste à débrancher
ou à décrocher le téléphone afin d'éviter
d'être dérangé pendant une certaine durée..
RESULTATS
Nombre
et durée des appels reçus :
Les 79 pédiatres ont reçu pendant les 3 jours de l'étude
4413 appels, soit 56 appels par pédiatre. La durée moyenne totale
des appels est de 78 minutes, soit 1 minute 24 secondes par appel.
Les pédiatres femmes reçoivent d'avantage d'appels que les pédiatres
hommes ( 60 versus 47 ) et passent en conséquence d'avantage de temps
au téléphone ( 84 minutes versus 64)
La durée des appels est assez brève puisque 86% des appels durent
moins de 2 minutes (tableau 1).
Origine
des appels reçus
La mère de l'enfant est l'interlocuteur habituel du pédiatre :
en effet, pour 96% des appels, c'est elle qui appelle.
Motif
des appels reçus
Le motif des appels est une demande de rendez vous (1036 appels, soit 23,5%)
, une demande de conseils (1416 appels, soit 32%) ou la survenue d'une maladie
(1961 appels, soit 44,5%). Lorsqu'il s'agit d'une maladie, la pathologie de
la sphère ORL et respiratoire vient nettement en tête ; les autres
pathologies à l'origine des appels sont, dans l'ordre décroissant
: une fièvre, des troubles digestifs, une éruption.
Devenir
des appels reçus
Lorsque le motif d'un appel téléphonique est une pathologie, un
rendez-vous de consultation est donné seulement dans 26% des cas ; dans
74% des cas, un simple conseil de traitement et de surveillance est donné.
Secrétariat
téléphonique
66 pédiatres de l'étude (83%) utilisent un secrétariat
téléphonique ; celui-ci peut être sur place ou à
distance ; Les femmes pédiatres ont moins souvent de secrétariat
que leurs homologues masculins (80% versus 89%). En l'absence de secrétariat
téléphonique, le nombre des appels double.
Permanence
téléphonique
Elle est proposée aux patients par 28% des pédiatres participants
à l'étude ; sa durée moyenne est de 30 minutes.
Les pédiatres qui proposent une permanence téléphonique
reçoivent d'avantage de communications téléphoniques (22%
d'appels en plus)
Neutralisation
du téléphone
63% des pédiatres ont recours à la neutralisation du téléphone.
Les raisons de cette pratique peuvent être le retard accumulé dans
leur consultation, une consultation d'un enfant ayant un problème psychologique,
ou un nombre d'appels jugés excessifs au cours de la consultation avec
le même enfant ; ainsi au bout de 3 appels interrompant une consultation
75% des pédiatres qui ont recours à cette pratique, décrochent
leur téléphone (tableau 2).
DISCUSSION
Les
pédiatres participants à l'étude sont représentatifs
de la population pédiatrique nationale pour l'âge : l'âge
moyen qui est de 49 ans dans notre groupe varie entre 48 et 52 ans selon les
régions de France; par contre le taux de féminisation est plus
important dans notre groupe (64%) par rapport à la moyenne nationale(52%)
(ref).
Le pourcentage élevé de pédiatres ayant accepté
de participer à cette étude (80%) est expliqué par leur
appartenance à un groupe de Formation Médicale Continue. Il est
comparable à celui des 2 études précédentes faites
par le même groupe de pédiatres 2,3
Le nombre de 56 appels téléphoniques reçus en moyenne par
pédiatre pendant les 3 jours peut paraître relativement faible.
Rappelons qu'il s'agit uniquement des appels arrivant au pédiatre, ceux
s'arrêtant au secrétariat n'étant pas pris en compte ; cette
donnée est à rapprocher de la durée de travail en cabinet
pendant ces 3 jours qui a été en moyenne de 22 heures (extrêmes
allant de 12 à 36 heures). En effet tous les pédiatres ne travaillent
pas exclusivement dans leur cabinet, et peuvent avoir une activité externe
( visites à domicile, travail dans une maternité, consultation
hospitalière ou dans un centre de PMI). Ainsi, pendant ces 3 jours étudiés,
la durée moyenne du temps passé à répondre au téléphone
représente 6% de la durée de travail.
Par contre il est important de noter qu'en cas de maladie, un simple conseil
téléphonique est donné, dans un 1er temps, dans plus de
75% des appels, évitant ainsi une consultation. L'importance de cette
activité de conseils téléphoniques par les pédiatres
est probablement méconnue. Elle pose le problème de la responsabilité
médico-légale de cette consultation téléphonique,
ainsi que de sa rémunération qui existe dans d'autres pays, la
Suisse par exemple.
2 études, l'une faite aux USA4, l'autre faite en France5, trouvent une
fréquence de conseils téléphoniques, donnés dans
les mêmes conditions, nettement inférieure, autour de 50%
La durée des appels est plutôt brève, puisque la durée
moyenne est d'une minute 24 secondes. La demande de rendez-vous (presque un
quart des appels reçus) contribue sûrement à raccourcir
la durée des appels.
Il est surprenant de remarquer le plus grand nombre d'appels téléphoniques
reçus par les pédiatres femmes au cours des 3 jours de l'étude
(60 versus 47 pour les pédiatres masculins) ; ceci s'explique au moins
partiellement par le fait qu'elles ont moins souvent de secrétariat téléphonique
que leurs confrères (8O% versus 89%); d'autre part une maman a peut-être
d'avantage de facilité pour parler à une femme, et moins de scrupule
à la déranger.
Une sous population de pédiatres n'ayant pas de secrétariat téléphonique
peut être individualisée : Au nombre de 13 (17%), ils reçoivent
personnellement en permanence tous les appels téléphoniques ;
le nombre d'appels reçus très logiquement double par comparaison
aux pédiatres ayant un secrétariat.
La neutralisation du téléphone est largement répandue puisque
près des 2/3 des pédiatres de l'étude y ont recours; elle
est parfois indispensable quand le téléphone n'arrête pas
de sonner au cours de la consultation du même enfant, devenant ainsi extrêmement
gênant. La patience vis à vis de ces appels itératifs est
variable parmi ces pédiatres : alors que 75% d'entre eux neutralisent
leur téléphone au bout de 3 appels, 10% le font après le
5ème appel, ce qui témoigne d'une très grande tolérance.
L'activité téléphonique en pédiatrie a surtout été
étudiée dans les hôpitaux6 , avec même réalisation
de cas simulés afin de juger de la qualité des réponses
données 7,8 . Elle a peu été étudiée auprès
des pédiatres ayant une activité ambulatoire 5.
Les publications venant des USA concernent surtout le triage des appels téléphoniques
par les "nurses", qui sont présentes dans tous les cabinets
de pédiatrie ; elles sont chargées de trier les appels pendant
les horaires de travail et pendant les horaires de fermeture des cabinets. La
difficulté rencontrée par nos collègues américains
est dans la qualité de la formation de ces nurses qui ont un rôle
important.
En
conclusion, cette étude originale est remarquable par le nombre important
(4413) d'appels enregistrés par les pédiatres ambulatoires lors
de leur activité de consultation. Les résultats marquants sont:
- L'interlocuteur habituel du pédiatre est la mère de l'enfant
( 96% des appels )
- L'importance des conseils donnés par téléphone, en présence
d'une pathologie (76% des appels).
Remerciements
Nous remercions vivement tous les pédiatres de l'AREPEGE qui ont participé
à ce travail. q
Mots
clés : téléphone- pratique pédiatrique
1
Enquête du Syndicat National des Pédiatres Français de 1998:
http://www.snpf
2 Chalumeau M, Salanave B, Assathiany R, Kémeny J, Bréart, le
groupe AREPEGE. Connaissance et application par les pédiatres de ville
de la conférence de consensus sur les rhinopoharygites aiguës de
l'enfant. Arch Pédiatr 2000 ;7 : 481-488.
3 Chalumeau M, Treluyer JM, Salanave B, Assathiany R, Chéron G, Crocheton
N, Rougeron C, Mares M, Bréart G, Pons G. Off label and unlicensed drug
use among French office based paediatricians. Arch Dis Child 2000;83:502-5O5.
4 Crane JD, Benjamin JT. Pediatric residents' telephone triage experience: do
parents really follow telephone advice? Arch Pediatr Adolesc Med 2000 Jan;154(1):71-4
5 Nouilhan P, Dutau G. Le pédiatre et le téléphone Arch
Pediatr 1995 Sep;2(9):891-4
6 Carbajal R, Barthez P, Viala J, Manceron V, Olivier-Martin M, Simon N. Evaluation
des demandes de conseils téléphoniques pédiatriques dans
un servie d'urgences. Arch Pediatr 1996 Oct;3(10):959-63
7 Carbajal R, Barthez P, Blanc P, Paupe A, Lenclen R, Olivier-Martin M, Simon
N. Conseils téléphoniques donnés aus urgences pour un cas
pédiatrique simulé Arch Pediatr. 1996 Oct;3(10):964-8.
8 Isaacman DJ, Verdile VP, Kohen FP, Verdile LA .Pediatric telephone advice
in the emergency department: results of a mock scenario. Pediatrics 1992 Jan;89(1):35-9
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