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2002 > Pédiatrie > Allergies  Telecharger le PDF

Préparations lactées pour nourrissons / Préparations de suite et infections du jeune enfant

J. Ghisolfi

Préparations lactées pour nourrissons / Préparations de suite et infections du jeune enfant

Il est aujourd'hui bien démontré que la fréquence des infections bactériennes et virales, mais aussi la morbidité et la mortalité, sont plus faibles chez les enfants nourris au sein que chez ceux alimentés avec une préparation artificielle (1).

Ces effets sont reliés à la présence dans le lait de femme de nombreux éléments anti infectieux qui n'ont certainement pas tous été isolés et qui ont des mécanismes d'actions encore mal élucidés. Sans envisager de retrouver cette action particulièrement bénéfique en terme de santé publique, depuis des dizaines d'années, les nutritionnistes et les laboratoires de recherche des sociétés qui conçoivent les préparations pour nourrissons ont essayé, en prenant en compte l'évolution des connaissances sur le lait de femme, de supplémenter ces formules avec des nutriments et ingrédients supposés avoir une action préventive vis à vis des infections.

Les axes de recherche ont été nombreux et, en dehors de l'amélioration de la composition des formules lactées, n'ont guère abouti jusqu'à ces dernières années.

Aujourd'hui, sans doute pour la première fois, des pistes intéressantes apparaissent qui vont certainement ouvrir une voie nouvelle en nutrition infantile.

Lorsque, de nos jours un enfant ne peut être alimenté au sein, la prise de préparations pour nourrissons et de suite permet assurément de prévenir un état de malnutrition que l'on sait source de désordres immunitaires. Il y a longtemps que ces formules permettent une croissance somatique normale et préviennent tout déséquilibre nutritionnel sévère. Elles sont suffisamment supplémentées en oligoéléments, en particulier en fer et zinc, en vitamines, pour éviter toute sensibilité aux infections pouvant résulter d'une carence d'apport.

Les questions posées par l'utilisation des préparations lactées pour prévenir les infections du jeune enfant ne se situent plus à ce niveau. Elles résultent d'une approche plus spécifique, visant à supplémenter ces formules avec des nutriments ou ingrédients qui peuvent avoir par eux-mêmes une action préventive.

Supplémentation en acides gras polyinsaturés

- Les acides gras polyinsaturés à longue chaîne (AGPI-LC) sont utilisés depuis quelques années chez le nourrisson pour favoriser son développement somatique et neurosensoriel. Il est bien connu qu'ils ont une action immunomodulatrice qui s'exerce à la fois sur les fonctions immunitaires spécifiques et non spécifiques (2). On dispose aujourd'hui de preuves expérimentales et cliniques mettant en évidence l'amélioration de la réponse immunitaire et une meilleure défense contre les infections après prise d'huiles de poissons ou, plus spécifiquement, supplémentation par les acides eicosapentaénoïque et docosahexaénoïque.

Ces propriétés bénéfiques, utilisées en nutrition artificielle, n'ont pas fait l'objet d'études en nutrition infantile. Les données sont certes encore trop superficielles, mais cette approche mériterait une meilleure attention.

La supplémentation en acides gras polyinsaturés à longue chaîne des préparations pour nourrissons et de suite pose le problème inverse d'une augmentation de la sensibilité aux infections. Un excès d'apport en AGPI n-6 diminue la capacité de réaction de l'hôte (2). Cette question, compte tenu des teneurs élevées en AGPI n-6 parfois notées dans les formules lactées destinées aux jeunes enfants nécessiterait une recherche spécifique qui n'a guère été à ce jour abordée.

Acidification des laits

L'acidification des préparations lactées a été considérée, depuis des décennies comme une mesure permettant de prévenir la survenue des infections intestinales. L'obtention théoriquement obtenue pour ces laits d'un milieu plus acide dans la lumière intestinale aurait pour effet de diminuer le risque de croissance des bactéries pathogènes, d'augmenter les bifidobactéries, et donc de réduire l'incidence des diarrhées aiguës (3). Cette approche n'a pas été l'objet d'études permettant véritablement de se faire une opinion sur des bases scientifiques validées.

Nucléotides

La supplémentation en nucléotides est autorisée au Japon depuis 1965, en Espagne depuis 1983, aux Etats-Unis depuis 1989, et a fait l'objet d'une directive européenne en 1981. Elle reste cependant relativement peu employée. Parmi les effets bénéfiques recherchés figurent la prévention des infections gastro-intestinales. Les nucléotides en effet, parmi de nombreux rôles physiologiques auraient une action sur le système immunitaire, en particulier la production de lymphocytes, seraient un facteur important pour une bonne trophicité de la muqueuse intestinale et pour le maintien d'un bon équilibre de la flore intestinale, favorisant le développement de la flore bifide (3, 4).

Il a été suggéré que l'emploi d'une préparation lactée supplémentée en nucléotides permettait de diminuer l'incidence et la sévérité des diarrhées aiguës de l'enfant (5). Malgré ces données, il est toujours considéré que la démonstration des effets favorables de l'administration de nucléotides aux préparations lactées pour jeunes enfants n'a pas encore été apportée (3).

Probiotiques et prébiotiques

Plus intéressante sans doute est la voie offerte dans la prévention des infections par la supplémentation des préparations pour nourrissons / de suite par les probiotiques et prébiotiques.

La possibilité de prévenir les affections gastrointestinales par l'utilisation de lait enrichi en ferments lactiques est connue depuis des millénaires. Ces données cliniques empiriques n'ont cependant été véritablement étayées que ces deux dernières années. L'importance métabolique, immunitaire, de la microflore intestinale a été démontrée. Le rôle bénéfique pour la santé de l'homme de " bons " germes de la flore autochtone de l'intestin, les bifidobactéries et les lactobacilles, a été mis en évidence. Ces avancées scientifiques ont abouti aux concepts de probiotiques et prébiotiques de plus en plus couramment appliqués en nutrition infantile.

Six études publiées, ou ayant fait l'objet de communications, randomisées, en double aveugle, montrent de façon concordante que la supplémentation en probiotiques d'une préparation lactée permet de diminuer le nombre d'épisodes, la sévérité de la diarrhée (in 6). Cet effet préventif semble particulièrement s'exercer vis à vis des infections à rotavirus. Il a été observé avec des souches de bifidobactéries et de lactobacilles.

Les mécanismes de ces actions préventives sont certainement multiples : acidification du milieu intestinal, compétition avec les agents bactériens pathogènes, effet barrière, modification des relations cellules épithéliales-bactéries, renforcement des défenses immunitaires.

Il est possible que dans ces mécanismes d'action, les constituants des bactéries utilisées jouent un rôle prédominant. Pour Salminen et al, un probiotique est une préparation de cellules microbiennes ou de composants de cellules microbiennes qui ont une effet bénéfique sur la santé (8). Pour ces auteurs, un probiotique n'est pas nécessairement une cellule vivantes. Cette approche permettrait d'expliquer que la supplémentation de préparations lactées par des " ferments actifs " issus de cultures de bifidobactérium brève et streptococcus thermophilus, ces germes étant secondairement tués par la chaleur, permettrait de diminuer la sévérité des épisodes de diarrhée aiguë du jeune enfant (9).

On ne sait pas aujourd'hui si ces effets préventifs sont particulièrement liés à des souches spécifiques de bifidobactéries et de lactobacilles. Si comme cela semble probable, cette action est développée par des composants de la flore intestinale autochtone, les prébiotiques devraient aussi permettre de prévenir les diarrhées aiguës du nourrisson. Aucune étude n'a cependant été publiée à ce jour permettant de confirmer cette hypothèse.

Aussi intéressante apparaît la perspective de prévention des infections ORL et systémiques par la prise orale de probiotiques. Dans une étude randomisée, en double aveugle, réalisée en Finlande, dans 18 ,centres de séjours pour enfants, comparant 282 enfants en bonne santé, âgés de 1 à 6 ans, à 289 enfants dans une situation comparable, avec une suivi de 7 mois, sur la période hivernale, il est noté chez ceux du premier groupe prenant 5-10 x 105 CFU/24 h de lactobacillus GG mélangé à 200 ml de lait, une diminution de la fréquence des infections respiratoires et digestives et une moindre consommation d'antibiotiques (10).

Ces diverses études, qui apportent des résultats concordants, paraissent bien montrer que la prise quotidienne de bifidobactéries ou de lactobacilles pendant de longues périodes, serait susceptible d'avoir une effet préventif sur les infections digestives et peut être systémiques du jeune enfant. Cette approche particulièrement intéressante devra être confortée par d'autres essais cliniques avant qu'il puisse être envisagé une commercialisation de telles préparations sur la base d'allégations indiquant un effet préventif vis à vis des infections de l'enfant.

Autres effecteurs

D'autres voies font aujourd'hui l'objet de recherches. Le lait de femme étant toujours considéré comme la référence, il est logique d'envisager de supplémenter les préparations lactées pour nourrissons avec ce que l'on appelle les effecteurs de lait, lactoferrine, polyamines, lysozyme, facteurs de croissance, qui peuvent avoir une action de prévention vis à vis des infections de l'enfant.

On sait utiliser ces effecteurs quand ils sont extraits des produits animaux. Si les résultats expérimentaux de leur utilisation sont bons, chez l'animal il n'en est pas de même en clinique humaine. On est donc conduit à proposer l'utilisation des protéines humaines recombinantes obtenues par génie génétique. Cependant, même dans ces conditions d'obtention, les protéines obtenues n'ont pas toujours la même séquence nucléotique, la même phosphorylation ou glycosylation, ce qui modifie leurs effets biologiques. Il n'est par ailleurs pas prouvé que ces protéines obtenues par procédé génétique soient sans risques potentiels. En l'état actuel de nos connaissances, il est certainement prématuré d'envisager leur emploi chez l'enfant. De toute façon, à juste titre, les parents ne l'accepteraient pas.

Conclusion

Parmi les diverses hypothèses actuellement proposées, seule l'addition de bifidobactéries ou de lactobacilles vivants (probiotiques) ou de produits visant à stimuler de façon spécifique la croissance de ces germes intestinaux (prébiotiques), dans les préparations lactées pour nourrissons, de suite, et laits de croissance, constitue une avancée intéressante en nutrition infantile.

Il est bien démontré que cette supplémentation permet d'augmenter la population de bifidobactéries et/ou de lactobacilles dans les selles, ce qui traduit le maintien ou le développement de ce type de flore à un niveau élevé dans le colon.

Cependant, on ne peut affirmer aujourd'hui que cet effet sur la microflore colique a de façon constante des effets bénéfiques sur la santé et en particulier pour la prévention des infections de l'enfant. Beaucoup de questions restent posées. La grande variabilité des méthodologies mises en œuvre dans les études publiées (nombre de cas, populations sociologiquement différentes, âges, mode d'emploi, véhicule alimentaire des pro et prébiotiques, durée de la supplémentation, souches et doses utilisées ….) et le faible nombre de travaux de qualité publiés, ne permettent pas aujourd'hui de répondre de manière générale. Chaque supplémentation conduit à un produit alimentaire spécifique, qui doit être justifié par un dossier scientifique et clinique qui lui est propre.

Mots clés : . préparations lactées. pédiatrie - enfants. prévention

Bibliographie

1 - WHO collaborative study team on the role of breast feeding on the prevention of infant mortality. Effect feeding on the prevention of infant mortality. Effect of breastfeeding on infant and child mortality due to infectious diseases in less developed countries : a pooled analysis. Lancet 2000 ; 355 : 451-5

2 - Ghisolfi J. Lipides, acides gras polyinsaturés et fonctions immuntaires. Nutr Clin Metabol 1993 ; 7 : 289-95

3 - Comité de nutrition. Société française de pédiatrie. Les nucléotides dans l'alimentation des nourrissons au cours des premiers mois de la vie. Arch Fr Pédiatr 1993 ; 50 : 921-5

4 - Pickering LK, Granoff DM, Erickson JR, Masor ML et al. Modulation of the immun system by human milk and infant formula containing nucleotides. Pediatrics 1998 ; 2 : 242-9

5 - Brunser O, Espinosa J, Araya M, Gruchet S, Gil A. Effect of dietary nucleotide supplementation on diarrheal disease in infants. Acta Paediatr Scand. 1994 ; 83 : 188-91

6 - Varavithia W, Phuapradit P, Vathanophas K et al. Prevention of severe rotavirus infection in children receiving bifidobacteria - supplemented formula. J Pediatr Gastroenterol Nutr. 2000 ; 31 (suppl) : S 254 (abstract)

7 - Szajewska H, Kotowska M, Msukowicz J et al. Lactobacillus GG in prevention of diarrhea in hospitalised children. J Pediatr 2001 ; 138 : 361-5

8 - Salminen S, Ouwchand A, Benno Y, Lee YK. Probiotics : how should they be defined. Trends Food Sci Technol. 1999 ; 10 : 107-10

9 - Goulet O, Thibaut H, Gontier C, Blareau JP. Less severe diarrheic episodes with consumption of a new fermented infant formula FF C 50 : a double blind randomised study in 968 french infants. Ann Nutr Metab 2001 : 45 (suppl 1) : 558 (abstract)

10 - Hassaka K, Savilahri E, Pönkä A et al. Effect of long term consumption of probiotic milk on infections in children attempting day care centres : double blind randomised trials. B Med J. 2001 ; 322 : 1327-9

Hôpital des Enfants CHU Toulouse