ALIMENTATION
DE LA FEMME ENCEINTE ET DU JEUNE ENFANT
DES PROGRES POUR QUELS RESULTATS EN FRANCE EN TERME DE SANTE PUBLIQUE
Professeur
Jacques GHISOLFI
Hôpital
des Enfants - CHU Toulouse
Il
est fréquent de lire que les apports alimentaires chez la femme enceinte
et pendant la lactation, puis chez le nourrisson, ont des implications majeures
sur le développement du jeune enfant et sans doute, sur sa santé,
tout au long de sa vie. Si cette assertion ne fait guère l'objet de discussion,
on est cependant étonné de constater, qu'elle ne repose que sur
des études fragmentaires. Jusqu'à une période récente,
les relations entre l'alimentation de la femme enceinte et allaitante et du
nourrisson et santé de l'enfant ont été surtout perçues
au travers des carences nutritionnelles graves, malnutrition, déficits
alimentaires majeurs.
Les
enjeux de santé publique, en France, sont aujourd'hui d'une tout autre
nature. Comme chez l'adulte, l'intérêt s'est déplacé
sur l'épidémiologie nutritionnelle, les essais de prévention.
La démarche en est cependant encore en pédiatrie qu'à un
stade préliminaire, même si, au moins pour des points très
particuliers, les avancées sont incontestables.
1.
Le ftus et l'enfant, un terrain particulièrement dépendant
des apports nutritifs
Beaucoup
de données paraissent souligner, ou devoir faire évoquer, que
les apports nutritionnels reçus pendant la grossesse, puis après
la naissance jusqu'à un an, conditionnent l'état de santé
de l'enfant. Sa croissance rapide, sa maturation, sont à l'évidence
dépendants de la qualité de ces apports. Sa situation physiologique
particulière, en particulier son immaturité organique, la faiblesse
de ses réserves, le rend particulièrement sensible aux désordres
nutritionnels environnementaux. Il est bien démontré que la différenciation
tissulaire est liée à la qualité des apports nutritifs
et qu'un grand nombre de nutriments, glucose, acides gras, acides animés,
fer, vitamines, participent à l'induction et à la régulation
de l'expression des gènes (1). Ces effets pourraient expliquer la déterminisme
précoce des maladies métaboliques n'apparaissant qu'au cours de
la deuxième enfance et à l'âge adulte, diabète, obésité,
athérome… Ces facteurs nutritionnels, pendant ces périodes
critiques de la grossesse et des premiers mois de vie, seraient ainsi un élément
majeur du " metabolic programming " de Barker. Cette hypothèse
conduit à impliquer l'alimentation pendant la gestation et la période
post natale dans le déterminisme du développement de la santé
et de la longévité de l'homme.
Si
cette approche est séduisante, elle ne repose aujourd'hui que sur des
données expérimentales et cliniques très fragmentaires.
Elle ne peut intéresser, compte tenu du polymorphisme génétique
caractérisant chacun de nous, l'échelon individuel. Elle ouvre
des perspectives particulièrement intéressantes en terme de santé
publique qui cependant aujourd'hui restent encore peu explorées.
2.
Alimentation de la femme enceinte et santé de l'enfant
Il
est généralement considéré, parce que leurs besoins
nutritionnels sont estimés comme fortement augmentés, que les
femmes enceintes sont en situation de risque. L'évolution des connaissances
amène aujourd'hui à revoir cette position(2).
La
régulation des transferts materno-ftaux constitue une puissante
barrière de sécurité. Une part importante des besoins maternels
serait couverte par un ajustement " anticipé " du métabolisme
maternel permettant la constitution de réserves mobilisables au cours
du dernier trimestre, lorsque la croissance est plus rapide (2). L'économie
nutritive des premiers mois sera ainsi utilisée en fin de grossesse.
Cette situation physiologique explique qu'en France, même dans les milieux
socio-économique défavorisés, l'alimentation de la femme
enceinte a peu ou pas, en dehors de problèmes nutritionnels très
spécifiques, de conséquences sur la santé de l'enfant et
très probablement sur son devenir organique à l'âge adulte.
Une
malnutrition protéinocalorique pendant la gestation diminue le poids
de naissance des nouveaux-nés de 200 à 300 g et augmente la mortalité
et la morbidité infantile. Cette observation n'est cependant mise en
évidence que dans les grandes dénutritions.
Les
problèmes de santé publique qui aujourd'hui se posent dans notre
pays par rapport à l'alimentation de la femme enceinte ne concernent
guère que le fer et l'acide folique.
.
l'anémie ferriprive reste classiquement un risque majeur. La prévalence
de la carence en fer en France est estimée, selon les milieux sociaux
de 33 à 81 % et les manifestations biologiques patentes d'anémie
de 9 à 40 % de la population considérée. Les risques d'accouchement
prématuré et de naissance d'enfants de faible poids seraient plus
élevés dans cette situation. Plusieurs études semblent
montrer que c'est bien la carence en fer et non l'anémie qui est responsable,
particulièrement lorsqu'elle se produit en début de grossesse.
Pour l'enfant à naître, il n'existe pas de preuves formelles que
cet état de carence maternelle représente un risque accru de déficit
en fer.
Il
a été récemment recommandé de ne pas proposer, en
dehors des femmes appartenant à des milieux sociaux à risque,
de supplémentation systématique en fer pendant la grossesse (2).
Cependant, l'efficacité et l'innocuité de la supplémentation
précoce en fer chez la femme enceinte pour maintenir un statut de fer
adéquat chez la femme (et l'enfant ?) a conduit a proposer ce type de
supplémentation (30 à 50 mg/24 h du fer élément)
au moins en début de grossesse (3). La réduction de la carence
en fer pendant la grossesse figure parmi les objectifs spécifiques dans
le programme national nutrition-santé (PNNS), (5).
.
Pour l'acide folique, l'importance d'une situation physiologique "
normale ", pour la femme enceinte et le ftus est maintenant bien
établie. Une baisse des folates sériques et érythrocytaires
est fréquemment observée au cours de la grossesse chez les femmes
non supplémentées. Dans les pays occidentaux, un tiers des femmes
auraient des taux de folates étythrocytaires bas en début de grossesse.
Cette situation de carence en acide folique explique la fréquence de
l'anémie mégaloblatique de la femme enceinte, pourrait être
un facteur de naissance prématurée et il est bien établi
qu'elle peut être à l'origine de défaut de fermeture du
tube neural.
L'amélioration
du statut en folates des femmes en âge de procréer, notamment en
début de grossesse, est inscrite dans le PNNS. Il s'agit certainement
d'une action majeure de santé publique compte tenu de l'effet protecteur
démontré sur le risque de récurrence des défauts
de fermeture du tube neural au niveau de la population générale.
Les
femmes enceintes présentent fréquemment un déficit
en vitamine D en fin de grossesse, ce qui pourraît être
à l'origine d'une ostéomalacie et chez l'enfant, d'hypocalcémie
néonatale et de rachitisme carentiel. Une supplémentation en vitamine
D paraît donc nécessaire et est recommandée.
Les
risques pour la femme enceinte et l'enfant à naître des autres
déséquilibres nutritionnels, en France, ne sont pas prouvés,
qu'il s'agisse des protéines, du calcium, du magnésium, de l'iode,
du fluor, du zinc.
Une
question reste posée pour les acides gras polyinsaturés
(AGPI). Les besoins pour ces nutriments sont accrus durant la grossesse pour
répondre aux modifications physiologiques maternelles, au développement
et à la maturation des tissus ftaux. Les femmes enceintes présenteraient
fréquemment des signes biologiques pouvant témoigner d'un déficit
d'apport en AGPI. Cette situation pourrait être à l'origine de
naissances prématurées et de petits poids de naissance. On manque
cependant aujourd'hui d'études significatives qui pourraient conduire
à proposer une supplémentation en AGPI chez la femme enceinte.
Il conviendrait cependant de s'assurer systématiquement que leur régime
alimentaire apporte assez de graisses insaturées.
Il
n'a donc pas été démontré à ce jour que la
qualité des apports alimentaires chez la mère, dans les conditions
observées dans notre pays, a un effet santé, en dehors des situations
précédemment envisagées, pour l'enfant, encore moins pour
son devenir à l'âge adulte.
La
prévention de l'allergie par l'allaitement maternel reste discutée.
Dans les familles à risque, une prescription diététique
pendant la grossesse, diminuant le plus possible la charge antigénique
alimentaire et/ou assurant un apport de probiotique, suivie pour le jeune enfant
d'une alimentaiton lactée maternelle ou à base de préparation
HA, permettrait de diminuer la fréquence des primo-manifestations atopiques
au cours des six premiers mois de vie. Cet effet se poursuivrait, mais avec
moins significativité, jusqu'à cinq ans. On ne sait rien des effets
préventifs à long terme, jusqu'à l'âge adulte et
ces résultats n'intéressent pas la population générale.
3.
Allaitement maternel et santé publique
L'importance
de l'allaitement maternel en terme de santé publique est aujourd'hui
bien établie et indiscutée.
3.1.
Lait de femme et développement de l'enfant
La croissance staturo-pondérale des enfants nourris au sein par des mères
en bonne santé est certainement normale, au moins jusqu'à six
mois. Ce n'est qu'après cet âge qu'il a été observé
une inflexion de la croissance staturale par rapport aux enfants nourris artificiellement.
Cet effet n'a aucune signification physiologique reconnue à court, moyen
et long terme et ne traduit certainement pas des apports insuffisants. Par ailleurs,
la concentration énergétique et la teneur protéique du
lait de femme sont peu affectés par la situation nutritionnelle de la
mère, et la lactation n'est modifiée que lors d'état de
famine. La composition du lait de femme permet, à l'exception de la vitamine
K à la naissance et de la vitamine D de couvrir tous les besoins de l'enfant
au moins jusqu'à 6 mois. Il est donc inutile d'envisager, dans notre
pays de supplémenter artificiellement le régime alimentaire de
la mère qui allaite, en particulier en calcium, magnésium, en
fer, en fluor, et avec les autres vitamines.
Le
rôle du lait de femme dans l'optimisation du développement neuro-sensoriel
en particulier du fait de sa teneur en acides gras polyinsaturés a fait
l'objet de travaux épidémiologiques qui apportent des faisceaux
d'arguments sans fournir de preuves irréfutables de l'intérêt
d'une supplémentation des régimes alimentaires maternels avec
ces acides gras. Plusieurs études ont ainsi suggéré un
rôle bénéfique du lait maternel sur le développement
cognitif, particulièrement chez le prématuré (4). Il est
difficile d'en tirer des conclusions sur le plan de la santé publique
ne serait ce que parce que l'influence des autres facteurs, en particulier sociaux
et culturels, sont insuffisamment pris en compte. Les données sont peut
être plus démonstratives pour le développement sensoriel.
C'est ainsi que dans une étude récente, parmi d'autres, il a bien
été montré qu'il existe une corrélation significative
entre la quantité d'acide docosahexaénoïque du lait de mère
et l'acuité visuelle (5). Ces effets ne paraissent pas cependant persister
après quelques années et leur signification reste mal comprise.
Sur la base de ce faisceau d'arguments, il faut au moins s'assurer, comme pendant
la gestation, que la femme qui allaite a des apports en graisses riches en AGPI
adéquate.
3.2.
Lait de femme et prévention
3.2.1.
Prévention des infections
Il n'est plus discuté que les infections bactériennes et virales
sont moins fréquentes chez l'enfant nourri au sein. Cet effet bénéfique
a été mis en évidence dans tous les pays, quel que soit
le niveau socio-économique. Aucune étude épidémiologique
n'a évalué l'impact de cette action préventive en terme
de santé publique, mais il devrait être considérable.
3.2.2.
Prévention de l'allergie
Malgré un nombre important d'études, l'effet protecteur potentiel
de l'allaitement maternel sur la survenue de manifestions cliniques liées
à l'allergie reste discuté. Ce mode d'alimentation ne paraît
pas protéger complètement l'apparition de manifestations allergiques
chez les enfants à risque. Cependant, une récente méta-analyse
portant sur 18 études a montré que l'allaitement au sein exclusif
pendant plus de trois mois réduisait significativement l'incidence
de la dermatite atopique. On ne sait pas, mais c'est peu probable à
la lecture des études publiées, si cet effet protecteur persiste
à moyen et long terme.
3.2.3.
Prévention des maladies métaboliques et des désordres
immunitaires
L'effet préventif de l'allaitement maternel sur le risque d'apparition
de diabète insulino-dépendant (6), l'obésité (7)
est suspecté sans que l'on sache réellement si le lait de femme
joue un rôle par lui-même ou si l'introduction précoce
de lait de vache est le facteur déterminant. L'hypothèse souvent
avancée que la teneur élevée en cholestérol du
lait de femme pourrait avoir un effet bénéfique à long
terme sur l'homéostasie du cholestérol n'a jamais été
confirmée. L'effet préventif du lait maternel pour la maladie
coeliaque, la maladie de Crohn, la sclérose en plaque est encore plus
discuté.
Même
si des études sont encore nécessaires, les effets bénéfiques
prouvés pour la santé de l'enfant de l'allaitement maternel
rendent à l'évidence nécessaire la promotion de l'allaitement
maternel qui reste en France d'une prévalence anormalement faible.
4.
Préparations lactées, alimentation diversifiée des jeunes
enfants et santé publique
4.1.
Evolution de la composition des préparations et santé de l'enfant
L'évolution de la composition des préparations lactées
destinées aux jeunes enfants nés à terme de la naissance
à trois ans, adaptée en fonction de l'avancée des connaissances,
a constitué un progrès mal évalué mais certainement
majeur pour la santé de l'enfant.
Certaines
de ces adaptations ont un intérêt nutritionnel démontré.
La supplémentation en vitamine D, même si elle peut paraître
insuffisante, et devoir être complémentée par une prise
médicamenteuse, est un facteur indiscutable de diminution du rachitisme
carentiel. Les préparations enrichies en fer contribuent à la
diminution de l'incidence de l'anémie ferriprive. Un meilleur rapport
calcium/phosphore a permis l'amélioration de l'absorption du calcium.
Si on dispose de données validées sur ces adaptations des formules
lactées destinées aux jeunes enfants qui assurent que l'effet
recherché est bien bénéfique à court terme, on manque
d'études épidémiologiques nutritionnelles permettant d'évaluer
les conséquences à long terme. Il en est ainsi par exemple pour
l'ostéoporose.
Pour
d'autres évolutions des compositions des préparations lactées,
pourtant réalisées sur des bases scientifiques incontestables,
il n'a pas été apporté la preuve de leur intérêt
en terme de santé publique. On sait que la teneur en protéines
est fréquemment trop importante. Comme l'apport en énergie, la
quantité de protéines consommée est susceptible de modifier
sensiblement la croissance. La comparaison de l'évolution pondérale
et staturale des enfants nourris au sein ou avec des préparations lactées
est sur ce plan très significative. Lors de la diversification alimentaire,
la consommation trop importante de protéines animales, contribue à
l'apport protéique exagéré. Même si des travaux suggèrent
que cela n'est pas dénué de conséquences pour la santé
de l'enfant à moyen et long terme, en particulier en terme d'obésité,
on manque de données pour bien évaluer l'impact de ces ingesta
protidiques trop élevés.
La
supplémentation en acides linoléique et alpha linolénique
des préparations lactées est réalisée depuis plus
de dix ans et n'est pas discutée. Les niveaux d'apports conseillés
pour ces acides gras essentiels semblent nécessaires. De nombreuses études
suggèrent par ailleurs qu'un complément de ces formules en AGPI
à longue chaine conditionne la qualité du développement
neuro-sensoriel, au moins chez l'enfant prématuré. Cette supplémentation
est aujourd'hui parfois réalisée. Cependant, pendant des décennies
des millions d'enfants ont reçu des préparations non enrichies
en AGE, ou non enrichies en AGPI à longue chaine et aucune conséquence
sur la santé n'a été mise en évidence…
D'autres
innovations comme la supplémentation en taurine, en nucléotides,
n'ont jamais fait la preuve de leur intérêt nutritionnel.
4.2.
Préparations destinées aux jeunes enfants et prévention
Plus intéressante aujourd'hui sans doute, paraît être l'orientation
des préparations lactées pour jeunes enfants dans une indication
préventive.
- Dans
le domaine de la prévention de l'allergie alimentaire, l'utilisation
depuis la fin des années 1980 de préparations à base
d'hydrolysats partiels de protéines a constitué indiscutablement
une innovation nutritionnelle conséquente. De nombreux essais cliniques
réalisés chez des enfants à risque, issus de famille
à antécédents allergiques, ont démontré
de manière constante que la prescription de ces formules HA diminuait
le risque de survenue de manifestations cliniques liées à une
allergie alimentaire, eczéma atopique et asthme (8). Même si
cet effet préventif n'a pas été démontré
pour la population générale, la fréquence de l'allergie
est telle que cette indication des formules HA, dans le cadre de la prise
en compte de l'ensemble des mesures préventives peut avoir une signification
en terme de santé publique.
Une
autre approche vient d'être récemment proposée pour
prévenir l'allergie, l'utilisation de probiotiques. Les premières
études cliniques sont encourageantes mais on manque trop de recul
pour évaluer à moyen et long terme ce que sont réellement
les effets de prévention vis à vis des manifestations allergiques.
Les rares données publiées ne concernent que les jeunes enfants
à risque.
- La
prévention des infections par les préparations lactées
est aujourd'hui envisageable.
La possibilité de prévenir les affections gastrointestinales
par l'utilisation de lait enrichi en ferments lactiques est connue depuis
des millénaires. Ces données cliniques empiriques n'ont cependant
été véritablement étayées par des travaux
de qualité que ces dernières années. L'importance métabolique,
immunitaire, de la microflore intestinale a été démontrée.
Le rôle bénéfique pour la santé de l'homme de "
bons " germes de la flore autochtone de l'intestin, les bifidobactéries
et les lactobacilles, a été mis en évidence. Ces avancées
scientifiques ont abouti aux concepts de probiotiques et prébiotiques
de plus en plus couramment appliquées en nutrition infantile.
De récentes
études montrent qu'il est ainsi possible de prévenir l'incidence
et la sévérité des diarrhées aiguës et
peut être des infections ORL et systémiques du jeune enfant.
On ne
sait pas aujourd'hui si ces effets préventifs sont particulièrement
liés à des souches spécifiques de bifidobactéries
et de lactobacilles. Si comme cela semble probable, cette action est développée
par des composants de la flore intestinale autochtone, les prébiotiques
devraient aussi permettre de prévenir les infections du nourrisson.
Aucune étude n'a cependant été publiés à
ce jour permettant de confirmer cette hypothèse.
Cette
approche particulièrement intéressante devra être confortée
par d'autres essais cliniques avant qu'il puisse être envisagé
une commercialisation de telles préparations sur la base d'allégations
indiquant en effet préventif vis à vis des infections de l'enfant.
5.3.
Alimentation diversifiée et santé de l'enfant
Il y a aujourd'hui un consensus pour recommander de débuter la diversification
alimentaire vers 4 à 6 mois chez le nourrisson sans risque d'atopie et
plus tôt, après 6 mois, pour les enfants nés au sein d'une
famille connue pour ses risques allergiques. Toutes les études réalisées
en France montrent que pour un certain nombre non négligeable de nourrissons,
la diversification est commencée dès 2-3 mois. On ne sait pas
avec certitude ce que pourraient être les effets éventuellement
délétères d'une alimentation non lactée trop précoce.
Si l'enfant ne reçoit pas une préparation pour nourrissons ou
de suite, le risque d'anémie ferriprive est certainement important. On
ne connaît pas les conséquences à moyen et long terme d'une
probable carence d'apport en AGPI. La diversification précoce augmenterait
le risque de manifestations allergiques.
L'introduction
des aliments non lactés dans le régime du nourrisson, quel que
soit son moment est très fréquemment à l'origine d'un apport
hyperprotéique, particulièrement s'il reçoit du lait de
vache. En dehors du rôle possible de cette alimentation hyperprotidique
dans l'apparition d'une obésité, on ne sait rien sur ces autres
effets sur la santé. Il a été évoqué, sans
que la preuve soit apportée, que la diversification alimentaire, pourrait
être un facteur favorisant la survenue de l'athérome ou d'une hypertension
artérielle.
La
qualité des apports diététiques lors de la diversification
alimentaire du jeune enfant est la traduction fidèle des habitudes parentales.
Les conseils diététiques à ces âges devraient être
basés sur les recommandations proposées en France pour les adultes
par la politique nutritionnelle de santé publique. Les enjeux, à
peu de choses près, sont les mêmes.
5.
Conclusions
Les
résultats d'études expérimentales apportent des arguments
solides amenant à penser que l'alimentation de la femme enceinte et du
nourrisson est un facteur déterminant de ce que sera l'état de
santé de ce jeune enfant et ce qu'il deviendra à l'âge adulte.
Ces faits indiscutables ne sont pas aujourd'hui confirmés par les études
épidémiologiques. On ne peut dire, sauf pour des points très
particuliers, qu'il a été prouvé qu'il y a une relation
certaine entre qualité de la nutrition ftale et du nourrisson de
la naissance à l'âge de un an et mortalité, morbidité,
humaine.
Les
certitudes sont rares et spécifiques. Pendant la grossesse, on n'a de
preuves ( ?) que sur l'importance d'apports adéquats en fer, acide folique
et vitamine D. L'effet bénéfique de l'allaitement maternel n'est
réellement démontré que pour les premiers mois de la vie.
Les conséquences à moyen et long terme des déséquilibres
nutritionnels, observés en particulier lors de la diversification de
l'alimentation, n'ont pas été évalués. Les mesures
d'actions préventives qui ouvrent d'intéressantes perspectives
ont fait l'objet de peu d'études. Seule la prévention de l'allergie
alimentaire par des actions diététiques pendant la grossesse et
la première enfance semble pouvoir être envisagée, au moins
pour les sujets à risque et pour quelques années.
Les
relations entre nutrition de la femme enceinte et du nourrisson et les principales
maladies nutritionnelles restent hypothétiques. Si des données
scientifiques soulignent de plus en plus son importance probable pour l'obésité
et sans doute l'ostéoporose, on n'a aujourd'hui aucune fait prouvé
pouvant faire évoquer qu'elle pourrait jouer un rôle dans le déterminisme
des maladies du métabolisme, l'athérome, l'hypertension artérielle
et le cancer.
Cela
ne veut évidemment par dire que la nutrition pendant ces périodes
cruciales de la vie n'a pas une importance fondamentale et que les avancées
nutritionnelles de ces dernières années n'ont aucun effet de la
santé. Une première conclusion peut découler de cette analyse.
Au cours des trente dernières années se sont accumulés,
au niveau international, de très nombreux travaux scientifiques de type
mécanistique clinique, épidémiologique qui ont permis d'identifier
et de documenter un certain nombre de facteurs de risque et de protection liés
à la nutrition chez l'adulte (3). Par contre, on manque, en dehors de
questions très spécifiques, totalement en pédiatrie d'études
épidémiologiques nutritionnelles, identifiant des marqueurs validés
et permettant d'évaluer la relation entre apports nutritifs du ftus
et du jeune enfant et santé. Dans les perspectives scientifiques actuelles,
on ne peut se limiter à un suivi de quelques mois.
Dans
l'attente de ces données, de la commercialisation de préparations
lactées fonctionnelles ayant fait la preuve de leur efficience, le fait
majeur reste que l'alimentation de la femme enceinte et de l'enfant doit respecter
les grands principes de l'équilibre nutritionnel tels qu'ils sont aujourd'hui
appréhendés. Sur ce plan, la prise en compte à ces périodes
de la vie, comme chez l'adulte, des recommandations du programme national nutrition-santé,
serait un progrès évident. Il ne servirait à rien d'élaborer
une nutrition très sophistiquée pour la femme enceinte et le nourrisson,
si, dès les premiers mois de vie, les erreurs diététiques
bien identifiées pour notre pays apparaissent et perdurent.
Mots-clés
:- nutrition- femme enceinte- jeune enfant- santé publique
REFERENCES
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events - FASEB Journal - 1992 ; 6 : 3146-52
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