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2002 > Gynécologie > Cancer du col utérin  Telecharger le PDF

Papillomavirus et cancer du col : diagnostic virologique

C. Bergeron

Papillomavirus et cancer du col

Le cancer du col correspond à un carcinome épidermoide (malpighien) dans 90% des cas et un adénocarcinome dans 10% des cas. C'est un cancer d'évolution lente qui est précédé par des lésions intraépithéliales appelées néoplasies intraépithéliales cervicales ou CIN.

Ces lésions précancéreuses sont caractérisées histologiquement par une désorganisation de l'architecture de l'épithélium, des atypies nucléaires et des figures de mitoses anormales. Les grades I, II, III ou les termes bas grade et haut grade sont utilisés pour définir la hauteur de l'épithélium malpighien impliquée par ces anomalies.

Il n'existe qu'un type de lésion intraépithéliale pour l'adénocarcinome appelé adénocarcinome in situ.

La lente évolution des lésions intraépithéliales permet de dépister ce cancer avant qu'il ne devienne invasif. Leur traitement entraîne une guérison sans risque de métastases.

Le dépistage des lésions précancéreuses se fait par la cytologie qui classe les anomalies selon la terminologie de Bethesda. Les anomalies cytologiques des cellules malpighiennes (squamous cells) bien définies sont classées soit en lésions intraépithéliales de bas grade (LSIL) si elles touchent les cellules superficielles ou en lésions intraépithéliales de haut grade (HGSIL) si elles touchent les cellules basales.

Les anomalies cytologiques mal définies sont classées en atypies des cellules malpighiennes de signification indéterminée (ASC-US) ou ne permettant pas d'exclure une lésion intraépithéliale de haut grade (ASC-H).

Les anomalies des cellules glandulaires sont classées en adénocarcinome in situ ou atypies des cellules glandulaires.

Le cancer du col utérin est fréquent, avec environ 360.000 nouveaux cas diagnostiqués dans le monde en 1990 et 190.000 morts. Il représente la première cause de mortalité par cancer chez la femme dans les pays en voie de développement, où le dépistage n'a pas été mis en place. L'incidence de ce cancer a baissé de manière importante dans les pays où le dépistage par la cytologie existe. Pourtant, même dans ces pays, il reste un problème de santé publique. Dans 60% des cas, les femmes qui développent ce cancer aux Etats-Unis n'ont pas eu de dépistage ou l'ont eu de manière espacée. Dans 10% des cas, elles ont eu un frottis mais n'ont pas eu un suivi approprié. Enfin, dans 30% des cas, elles ont eu un frottis régulier et ont développé un cancer invasif.

En France, environ 3600 nouveaux cas sont diagnostiqués par an et 1600 femmes meurent de ce cancer. Les raisons de développer un cancer du col utérin sont les mêmes en France qu'aux Etats-Unis. Le premier objectif pour diminuer l'incidence de ce cancer est donc d'augmenter la couverture de la population. Le deuxième est certainement d'améliorer l'efficacité de la cytologie chez les femmes ayant un examen cytologique régulier.

Plusieurs arguments plaident en faveur du rôle causal des PVH dans l'étiologie et la progression des lésions précancéreuses et des cancers invasifs. Plus de 40 génotypes sont susceptibles d'infecter la muqueuse génitale. Seule une quinzaine d'entre eux (les PVH 16, 18, 31, 33, 35, 39, 45, 51, 52, 56, 58, 59, 66, 68) sont mis en évidence dans les CIN de haut grade et sont considérés comme potentiellement oncogènes.

Le PVH 16 est mis en évidence dans 20% des lésions de bas grade et dans 50 à 60% des lésions de haut grade. Une patiente infectée par un PVH 16 ou 18, a un risque relatif de développer un CIN, de 30 à 50 fois plus important qu'une femme qui ne présente pas d'évidence d'infection par un PVH.

Le risque de progression d'une lésion de bas grade vers une lésion de haut grade est associé à la persistance d'une infection par un PVH potentiellement oncogène.

Les PVH sont largement répandus dans la population normale et on estime qu'au minimum 10 à 20% des femmes sont infectées de manière latente. Si on les recherche de manière cumulative par PCR, on peut même les détecter chez 50% des femmes, en particulier pendant la grossesse.

Seulement une très petite proportion des femmes infectées par ces virus développe un CIN de haut grade.

On connaît mal les mécanismes qui contrôlent les étapes clés de l'expression du potentiel oncogène des PVH que représentent le passage d'une infection latente vers une néoplasie intraépithéliale, et la régression ou la progression des CIN de bas grade. Ces mécanismes s'exercent probablement à deux niveaux :

la régulation intracellulaire de l'expression du génome viral par des protéines cellulaires et la réaction immunitaire dirigée contre les protéines virales.

Des cofacteurs interviennent aussi pour favoriser le développement d'une lésion après une infection par un PVH oncogène, comme des co-infections par le virus de l'herpès simplex, le virus HIV, l'usage du tabac, la contraception hormonale.

Une minorité de CIN et de cancers invasifs ne contiennent pas de séquences d'ADN viral. On ne sait pas si cette non-détection est liée à des tumeurs d'étiologie différente avec un mauvais pronostic, comme certains l'ont suggéré.

Prise en charge d'un frottis anormal

Le meilleur moyen de prendre en charge les femmes dont le frottis comporte des atypies des cellules malpighiennes mal définies (ASC-US) reste un sujet de controverses.

Certains cliniciens proposent de suivre ces femmes en répétant un frottis six mois plus tard en se basant sur les arguments suivants : les anomalies détectées peuvent ne correspondre qu'à des atypies de réparation dans un contexte inflammatoire ou à une métaplasie immature qui sont surévaluées en cytologie. D'autre part, si ces anomalies correspondent à une véritable lésion intraépithéliale de bas grade, beaucoup de ces lésions régressent spontanément sans traitement ou ne progressent que lentement vers une lésion de haut grade. Cette lente évolution permet de suivre ces lésions par la cytologie sans faire prendre de risque à la patiente et permet de traiter seulement les anomalies qui persistent plus de 2 ans.

Cependant 5% de ces anomalies correspondent à des lésions de haut grade et même parfois des cancers invasifs et certains cliniciens préfèrent d'emblée pratiquer une colposcopie.

La détection de l'ADN d'un PVH a été proposée comme une alternative pour trier, parmi les patientes avec un diagnostic cytologique d'ASC-US, celles qui nécessitent un examen colposcopique. L'objectif de ce typage est de détecter dans ce groupe de femmes celles qui ont une infection par un PVH potentiellement oncogène et qui sont à risque d'avoir ou de développer une lésion de haut grade.

Des études ont comparé la sensibilité et la spécificité du suivi cytologique et de la virologie par rapport à la biopsie sous colposcopie systématique. La sensibilité correspond à la probabilité qu'une patiente qui a une néoplasie intraépithéliale ait un test positif.

La spécificité est la probabilité qu'une femme qui n'a pas de néoplasie intraépithéliale ait un test virologique négatif. L

a virologie a une meilleure sensibilité que le suivi cytologique pour détecter la présence d'un CIN de haut grade.

La recherche d'un PVH oncogène pourrait être effectué parallèlement à la cytologie de contrôle faite par la méthode conventionnelle ou se faire sur le matériel résiduel de la cytologie quand le prélèvement est effectué en milieu liquide.

Ce mode de prélèvement permet de faire un étalement des cellules en couche mince ou monocouche par un processus de centrifugation ou de sédimentation. Cette méthode permet de faire le test virologique sur une partie du matériel prélevé pour la cytologie et évite une deuxième visite pour la patiente. Les patientes avec un test virologique positif auraient une colposcopie, une virologie négative conduirait à un suivi cytologique.

La spécificité de la virologie est moins bonne que celle de la cytologie. Si l'on admet que la prévalence d'un CIN de haut grade est de l'ordre de 5% chez les patientes ayant un ASC-US, il faut comparer le bénéfice de détecter plus tôt un petit nombre de lésions précancéreuses avec le coût additionnel suscité par des colposcopies chez de nombreuses femmes qui n'ont pas de lésion de haut grade.

Des études coût-efficacité doivent être faites dans chaque pays en tenant compte du prix de la colposcopie, de la facilité d'accès à cet examen, du prix de la cytologie en milieu liquide et de celui de la virologie.

Ces études permettront de choisir entre la recherche d'un PVH, le suivi cytologique ou la colposcopie d'emblée pour une patiente qui a un diagnostic cytologique d'ASC-US. Les défenseurs du test virologique viennent plutôt des Etats-Unis où le contexte économique est très différent de la France et où la colposcopie et la biopsie sont d'un coût beaucoup plus élevé.

La détection d'un PVH n'est pas utile pour les patientes qui ont un diagnostic cytologique de lésion intraépithéliale de bas grade ou de haut grade mais pourrait l'être dans certains cas particuliers comme celui d'une patiente qui a une lésion persistante en cytologie et des biopsies négatives.

Peu de données sont à ce jour disponibles pour établir l'intérêt d'un test virologique pour une patiente qui a un diagnostic cytologique d'atypie glandulaire. Enfin, la détection d'un PVH dans le suivi des patientes traitées par conisation pour détecter la persistance ou la récidive d'une lésion est également une indication en cours d'évaluation.

Dépistage primaire

Dans le cadre du dépistage systématique des précurseurs du cancer du col utérin, la détection de l'ADN d'un PVH a été proposée, seule ou associée au frottis.

La sensibilité de la virologie est le plus souvent supérieure à la cytologie pour dépister les patientes ayant un CIN de haut grade. L'absence de détection d'un PVH est associée à un faible risque d'avoir ou de développer une lésion précancéreuse du col et correspond à une valeur prédictive négative élevée. Associé à une cytologie négative, elle permettrait d'espacer l'intervalle de dépistage, améliorant le coût-efficacité du dépistage du col.

Plusieurs études sont en cours en Europe et aux USA pour évaluer cet aspect. La valeur prédictive négative de la virologie n'étant pas de 100%, cela signifie aussi qu'il existe une faible proportion de lésions précancéreuses et de cancers invasifs du col non détectés par la virologie.

On ne sait pas si de telles lésions témoignent d'une voie de carcinogenèse non associée aux PVH ou de l'inadéquation des méthodes actuellement utilisées pour détecter l'infection par certains PVH. La spécificité de la virologie est moins bonne que celle de la cytologie.

La détection d'un PVH ne signifie pas la présence d'une lésion clinique, et d'autres examens seraient nécessaires pour différencier les infections latentes des infections associées à une lésion. La fréquence des infections latentes ou transitoires est importante chez les femmes avant 35 ans. Dans le contexte d'un dépistage, une approche virologique chez des femmes jeunes conduirait à examiner un nombre important de femmes sans lésion décelable par la cytologie ou la colposcopie. Chez les femmes plus âgées, la persistance d'une infection par un PVH oncogène est un facteur de risque significatif d'avoir ou de développer une lésion.

Mais il n'existe pas de consensus sur la prise en charge la plus adéquate pour le clinicien en cas de test virologique positif et de cytologie négative : faire des frottis annuels, répéter le test de détection d'un PVH pour évaluer la persistance de l'infection ou faire d'emblée une colposcopie ? Certains proposent également le dépistage virologique primaire dans les pays en voie de développement quand il n'existe pas de dépistage cytologique. Là aussi des études de coût-efficacité sont nécessaires pour choisir la mise en place d'un dépistage virologique ou cytologique et mettre en place le suivi et le traitement des lésions associées.

En conclusion,

la détection et l'identification des PVH ont une place dans la prise en charge des atypies malpighiennes mal définies. Des tests de détection des PVH oncogènes encore plus performants sont en cours d'évaluation. Il persiste cependant des inconnues, parmi lesquelles le pourcentage réel de cancers invasifs du col utérin non associés à un PVH et le rôle de la variabilité des PVH potentiellement oncogènes dans la persistance et la progression des lésions précancéreuses. Ces considérations doivent être prises en compte pour définir les stratégies de dépistage du cancer du col utérin.

Références

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Tableau I - Terminologie cytologique de Bethesda réactualisée au cours de la Conférence du National Cancer Institute (Bethesda, Avril 2001)

PAS DE LÉSION INTRAEPITHELIALE OU DE MALIGNITE
ANOMALIES DES CELLULES ÉPITHÉLIALES

Cellules malpighiennes (squamous cells)

  • Atypie des cellules malpighiennes (atypical squamous cells) - de signification indéterminée (ASC-US) - ne permettant pas d'exclure une lésion intraépithéliale de haut grade (ASC-H)
  • Lésion malpighienne intraépithéliale de bas grade (LSIL) comprenant la koilocytose (effet cytopathogène des PVH), la dysplasie légère et le CIN I.
  • Lésion malpighienne intraépithéliale de haut grade (HSIL) comprenant la dysplasie modérée ou sévère, le carcinome in situ et les CIN 2 ou 3.
  • Carcinome malpighien.

Cellules glandulaires

  • Atypie - des cellules endocervicales - des cellules endométriales - des cellules glandulaires (origine non spécifiée)
  • Atypie évoquant une néoplasie
  • Adénocarcinome endocervical in situ
  • Adénocarcinome (endocervical, endométrial, extra-utérin, origine non précisée)

Tableau II - Prise en charge des atypies des cellules malpighiennes mal définies réactualisée au cours de la Conférence de Consensus du National Cancer Institute et de l'American Society for Colposcopy and Cervical Pathology (Bethesda, Septembre 2001)

ASC-H : atypie des cellules malpighiennes ne permettant pas d'exclure une lésion intraépithéliale de haut grade. ASC-US : atypie des cellules malpighiennes de signification indéterminée.

 Laboratoire Pasteur-Cerba, 95066 Cergy Pontoise Cedex 9 - France