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Titre: Le diagnostic prenatal du syndrome de turner
Année: 2001
Auteurs: - Briard M.-L.
Spécialité: Gynécologie
Theme: Syndrome de Turner

Le DIAGNOSTIC PRENATAL du SYNDROME de TURNER

Marie-Louise BRIARD

Allo-Gènes, n° azur 0 801 63 19 20, Centre national d'information sur les maladies génétiques
Hôpital Necker-Enfants Malades - 149 rue de Sèvres - 75743 Paris cedex 15

Chacun sait que le syndrome de Turner concerne une personne de phénotype féminin dont le caryotype révèle la présence d’un seul chromosome X, voire un remaniement de structure d’un des deux chromosomes X.
Cliniquement, il se caractérise avant tout par une petite taille et une dysgénésie gonadique.
Il peut être découvert in utero sur un caryotype foetal dont les indications sont multiples : âge maternel élevé, signes échographiques, marqueurs sériques maternels évoquant un risque accru de trisomie 21, mais aussi remaniement chromosomique équilibré chez un des futurs parents, enfant précédant ayant une anomalie chromosomique déséquilibrée, diagnostic de sexe pour certaines pathologies, voire inquiétude parentale sans risque particulier.
Comme le montrent les données nationales, le diagnostic d’un syndrome de Turner est porté dans la majorité des cas devant un risque d’appel échographique, notamment un hygroma kystique au premier trimestre, ou un oedème plus ou moins étendu, voire un anasarque associé à un retard de croissance in utero au deuxième trimestre. Il est plus rarement posé sur un caryotype réalisé dans d’autres indications.
Poser le diagnostic de syndrome de Turner dans la période prénatale soulève des problèmes difficiles à résoudre en raison de la variabilité phénotypique considérable. Afin d’évaluer au mieux le pronostic, il faudra tenir compte de la formule chromosomique, de la présence de signes échographiques, leur absence étant de meilleur pronostic.

Le SYNDROME de TURNER, une ANOMALIE CHROMOSOMIQUE

Une fois sur deux, la perte d’un des deux chromosomes X est observée dans tous les noyaux (45X) et une fois sur cinq dans une partie seulement, avec une proportion plus ou moins élevée de cellules 45X (mosaïque 45X/46XX). Enfin, dans près d’un tiers des cas, on retrouve une altération de la structure d’un chromosome X (délétion d’un des deux bras, isochromosome, anneau). Les études cytogénétiques moléculaires révèlent dans 5 à 10 % des cas un clone XY non détectable par la cytogénétique traditionnelle (cette constatation conduit à recommander l’ablation des gonades rudimentaires en raison du risque de gonadoblastome).
L’âge maternel élevé n’est pas considéré comme un facteur de risque de syndrome de Turner.
Si à la naissance la prévalence du syndrome de Turner est estimée à 4 p 10.000 nouveau-nés féminins, le nombre de conceptus 45X est beaucoup plus élevé (15 pour 1.000 grossesses) et la très grande majorité des grossesses s’interrompt spontanément (avortement du premier trimestre, mort foetale in utero). Des questions demeurent sur l’origine de l’élimination spontanée de ces conceptus. Il semblerait que les monosomies homogènes soient létales alors que la présence d’une lignée 46XX, même non détectable à la cytogénétique, permettrait la survie du foetus.

LES DONNEES NATIONALES

Deux échantillons de caryotypes foetaux permettent d’analyser la situation réelle pour les syndromes de Turner détectés in utero et d’évaluer les pratiques devant cette découverte. Nous avons eu l’opportunité d’analyser personnellement ces deux échantillons. Le premier (échantillon A) concerne les données recueillies par l’Association Française pour le Dépistage et la Prévention des Handicaps de l’Enfant (AFDPHE) entre 1980 et 1990 avant le passage à la nomenclature du caryotype foetal en 1991 (125.392 caryotypes foetaux). Le second (échantillon B) concerne les données recueillies par la Direction Générale de la Santé à partir des bilans annuels d’activité (1996 et 1997) des laboratoires de cytogénétique ayant reçu l’autorisation ministérielle d’effectuer des caryotypes foetaux (137.492 caryotypes foetaux).

Sur les 462 syndromes de Turner découverts en 1996 et 1997, à partir de caryotypes réalisés pour des indications diverses, 362 (78,4 %) l’étaient devant des signes d’appel échographiques, 47 (10,2 %) en raison d’un âge maternel élevé, 34 (7,4 %) devant le résultat des marqueurs sériques, 19 à partir d’un caryotype réalisé pour d’autres indications.

Syndrome de Turner et âge maternel élevé
Au total, 117 syndromes de Turner ont été découverts sur les 149.999 caryotypes recensés dans les deux échantillons, soit 1 p 1.282 (ou 0,8 p 1.00) avec une fréquence comparable dans chacun des échantillons (A : 70/98.418 = 0,7 p 1.00 ; B : 47/51.581 = 0,9 p 1.00). Cette incidence est 4 fois plus élevée que celle observée à la naissance sur les enfants de sexe féminin (1 p 2.500).

Syndrome de Turner et marqueurs sériques maternels
Quand le caryotype foetal est réalisé devant un risque accru de trisomie 21 (> à 1/250), après étude des marqueurs sériques, la situation est assez similaire. Dans l’échantillon B, le seul qui puisse être réellement analysé, 32.267 caryotypes (23,5 % de ceux réalisés pendant cette période) ont permis de découvrir 34 syndromes de Turner (1 p 949), tous sexes confondus. Là encore, l’incidence est un peu plus élevée qu’attendue.

Syndrome de Turner et signes d’appel échographiques
En revanche, la situation est très différente lorsque l’indication du caryotype foetal est la découverte d’anomalies échographiques : 613 syndromes de Turner ont été trouvés à partir des 42.848 caryotypes recensés dans les deux échantillons. L’incidence est de 1 p 70 (ou 1,43 p 100) soit 1 p 35 foetus féminins ce qui est 20 fois plus que dans les échantillons précédents. Les incidences sont identiques dans les deux échantillons : dans l’échantillon A, 251 syndromes de Turner sur 16.381 caryotypes réalisés entre 1985 et 1991 (1 p 65) et dans l’échantillon B, 362 cas sur 26.467 caryotypes (soit 1 p 73).
L’analyse attentive de l’échantillon A nous permet de faire les constatations suivantes :
( le diagnostic de syndrome de Turner est souvent porté devant une malformation isolée (181/251 soit 72,1 %), il s’agit le plus souvent d’un hygroma kystique du cou (voire d’une nuque épaisse) et/ou d’un anasarque foetal (159/181 = 87,8 %). Devant un hygroma kystique (167 cas), le plus souvent isolé (128), la probabilité de trouver un syndrome de Turner doit être considérée comme importante (167/640 = 28,1 %), alors qu’elle est relativement faible devant une nuque épaisse (7/707 = 1 %).
( le diagnostic est fait à un terme souvent précoce : 70,9 % (178/251) avant 22 SA et 11,6 % après 28 semaines. L’âge de découverte semble de plus en plus précoce puisqu’en 1990 et 1991, 76,5 % (91/119) des syndromes de Turner étaient dépistés avant 22 SA.
L’échantillon B, compte tenu des données recueillies, n’apporte pas d’autres précisions.

LES CONSEQUENCES D'UN DIAGNOSTIC IN UTERO DU SYNDROME DE TURNER

Les conséquences peuvent être analysées à titre individuel ou à titre collectif.

L’attitude des parents
Les données nationales permettent d’analyser l’attitude des parents dont l’enfant a un syndrome de Turner découvert in utero.
Dans l’échantillon A, la grande majorité des parents a demandé à interrompre la grossesse devant cette découverte :
( même si le diagnostic est fait, alors que la mère était âgée, sauf dans quelques cas où il s’agissait d’une mosaïque ;
( devant un signe d’appel échographique, sauf si le diagnostic est porté à un terme relativement avancé de la grossesse. Si l’on exclut les grossesses à issue inconnue, la grossesse est interrompue médicalement dans 84,7 % des cas (205/242) et spontanément dans 5 % (12/242). Sur les 25 grossesses poursuivies, 19 (soit 3 sur 4) l’étaient alors que le terme était de 28 SA ou plus ; à ce terme, en effet, 7 grossesses sur 10 (19/27) sont poursuivies alors qu’avant 22 SA, 96 % (167/174) sont interrompues. Cependant, lorsqu’il s’agit d’une mosaïque, la grossesse a été poursuivie plus d’une fois sur deux (10/18). Il en va de même s’il s’agit d’un retard de croissance in utero isolé, souvent de découverte tardive.
L’étude de l’échantillon B confirme les données précédentes. La découverte d’un syndrome de Turner devant un signe d’appel échographique conduit dans la majorité des cas à interrompre la grossesse (300/325 = 92,3 %), respectivement 94,3 % (164/174) en 1996 et 90,1 % (136/151) en 1997. Si le diagnostic est fait dans d’autres circonstances, la grossesse est plus volontiers poursuivie (36/81 = 44,4 %) , notamment si l’anomalie chromosomique est en mosaïque. Là encore, la grossesse a été moins souvent interrompue en 1997 qu’en 1996 (51,1 % contre 61,8 %).
L’attitude des couples a donc évolué au cours du temps. Leur demande n’est pas toujours d’interrompre la grossesse s’ils sont bien informés.

Conséquences sur le plan collectif
Cependant, beaucoup de questions demeurent sans réponse. Que seraient devenues spontanément les grossesses au cours desquelles le diagnostic de syndrome de Turner est fait ? Seraient-elles arrivées à terme ? Existe-t-il des signes échographiques lorsque la grossesse aboutit à la naissance d’une petite fille turnérienne ? Si oui, quelle est la proportion de ces grossesses ? Sur les 241 grossesses avec syndrome de Turner dépisté en 1997, combien de grossesses seraient arrivées à terme ? Quelle proportion sur les 181 cas dépistés après un caryotype réalisé devant des signes échographiques et parmi les 60 cas en raison d’autres indications ?
La réalisation d’un caryotype foetal peut-il contribuer à diminuer significativement le nombre de petites filles turnériennes nées ? Sur les 160 filles turnériennes (400.000 x 0,0004), qui doivent naitrent chaque année, quel nombre sera détecté grâce au caryotype foetal réalisé pour âge maternel ou risque élevé de trisomie 21 après marqueurs sériques ? En 1996 et 1997, 83.849 caryotypes ont été réalisés pour ces deux indications (respectivement 51.581 et 32.267) et ont conduit à découvrir 81 syndromes de Turner (respectivement 47 et 34) alors qu’une vingtaine était attendue. Si l’on considère le nombre de femmes âgées souhaitant bénéficier d’un caryotype foetal qui doit être constant (25 à 26.000 par an), les 40.000 caryotypes annuels pour marqueurs sériques (si 90 % des femmes bénéficient du test), quel est le nombre de cas pouvant être dépistés à un terme relativement tardif (amniocentèse habituellement) ? Si la majorité des enfants ayant un syndrome de Turner est découvert à partir de signes échographiques, et si un grand nombre de grossesses n’arrivent pas à terme (interruption médicale de grossesse ou avortement spontané), quel nombre de grossesses avec syndrome de Turner arrivera à terme ? En définitive, de combien est diminué le nombre de filles turnériennes arrivant à terme ? Autant de questions restant sans réponse.

MIEUX CONNAITRE le SYNDROME de TURNER

Afin de permettre aux parents de prendre une décision éclairée, il est essentiel de les informer sur les conséquences de l’anomalie chromosomique découverte tout en tenant compte des circonstances qui ont conduit à réaliser un caryotype foetal.
Deux signes sont fréquents : la petite taille et la dysgénésie gonadique. La petite taille est quasi constante (142 cms ( 6) ; elle peut se manifester dès la vie intra-utérine (retard de croissance) et s’accentue dans l’enfance en l’absence de poussées de croissance pré-pubertaire. La dysgénésie gonadique constante est à l’origine d’un impuberisme et d’une stérilité, mais la situation peut être différente en cas de mosaïque : puberté spontanée, fertilité possible. Les autres signes sont inconstants et exceptionnellement réunis : lymphoedème des mains et des pieds, pterigium colli, malformations cardiaques à type de sténose de l’isthme aortique (1/3 des cas), malformations rénales (1 cas sur 2) souvent mineures (rein en fer à cheval, mal rotation, duplication).
Le développement intellectuel des filles turnériennes est dans la limite de la normale mais elles peuvent avoir des difficultés d’apprentissage (parole, lecture), des difficultés en mathématiques, ou en géométrie de l’espace, difficultés qui requièrent la même prise en charge que celle donnée aux enfants ayant un caryotype normal. D’autres problèmes peuvent être relevés : timidité ou immaturité, hypo ou hyperthyroïdie, hypoacousie liée à des otites à répétition, surcharge pondérale.
Une grande variabilité phénotypique peut être observée : elle va d’un phénotype féminin quasi normal dans certaines mosaïques à une forme sévère avec retard mental en cas d’un anneau X de petite taille.
Un environnemnent familial, stimulant et attentif sera bénéfique au développement de ces enfants. Si des difficultés d’apprentissage sont constatées, une prise en charge adaptée devra être mise en place dès que possible.
Le traitement par hormone de croissance biosynthétique, commencé dès le plus jeune âge, permettra aux jeunes femmes turnériennes d’atteindre une taille définitive de 10 cm environ supérieure à celle qu’elles auraient eu sans traitement. Un traitement hormonal substitutif favorisera l’apparition des caractères sexuels secondaires et une vie sexuelle normale, préviendra l’ostéoporose et le risque cardiovasculaire. Enfin, une assistance médicale à la procréation avec un don d’ovocyte pourra pallier la stérilité liée à l’agénésie ovarienne.

LES ELEMENTS POUR DECIDER

Quatre syndromes de Turner sur cinq sont découverts après la constatation d’un signe échographique qui vient objectiver le trouble de développement d’un foetus féminin qui n’a pas été éliminé spontanément au cours du premier trimestre, conséquence habituelle de cette anomalie chromosomique.
La situation n’est évidemment pas la même quand on constate des anomalies échographiques importantes : hygroma kystique volumineux pouvant survenir ou non dans un tableau d’anasarque. La décision d’interrompre la grossesse est plus liée à la gravité des signes observés qu’à l’anomalie chromosomique elle-même.
Quand les signes échographiques sont modérés (nuque épaisse, lymphoedème transitoire) ou absents, il convient de prendre le temps nécessaire afin de donner les informations appropriées sur cette anomalie chromosomique. Cependant, l’appréciation de ses conséquences sera diverse d’un couple à l’autre et dépendra de la structure familiale, du terme de la grossesse, des convictions religieuses, du milieu socio-culturel du couple. La petite taille, l’absence de puberté spontanée, la stérilité fort probable, sont souvent considérées comme des handicaps importants. L’absence de retard mental, les possibilités thérapeutiques expliquées avec soin (la rencontre d’un pédiatre endocrinologue est particulièrement importante) peuvent permettre aux couples de voir sous un jour plus favorable les conséquences de ce diagnostic inattendu. Quelle que soit sa décision, le couple devrait être accompagné par un psychologue. Ce soutien et cette aide psychologiques doivent être poursuivis au-delà de la naissance quand la grossesse est poursuivie et lorsque le besoin s’en fait sentir aussi bien pour les parents que pour l’enfant. Le gain de taille, grâce à un traitement précoce par hormone de croissance, la survenue d’une puberté induite par un traitement hormonal et l’espoir de pouvoir bénéficier d’un don d’ovocyte sont autant de pistes pour améliorer le pronostic et limiter ainsi le nombre d’interruptions de grossesse à l’avenir.