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Infection bacterienne materno-foetale en maternité

M. Vial-Courmont

Bien qu'elle soit relativement rare, estimée selon les définitions à 0,5 à 1 pour cent naissances (1), l'infection bactérienne materno-fœtale (IMF) constitue une des préoccupations permanente du pédiatre de maternité, en raison de sa gravité potentielle et des difficultés de diagnostic.. Dans notre expérience, en maternité et non en néonatologie, selon une définition constante et des critères relativement larges, la fréquence est nettement plus élevée, de l'ordre de 2 à 3 %, et est restée stable au fil des années (2).

Ce taux est probablement dû en partie à un fort recrutement de grossesses pathologiques mais aussi à une définition élargie, puisque la plupart des auteurs ne retient comme critère, trop restrictif, que l'existence d'une bactériémie : celle-ci peut ne pas être retrouvée, d'une part du fait du nombre et de la quantité nécessairement limités des prélèvements pour hémoculture chez le nouveau-né, d'autre part en raison de l'administration d'une antibiothérapie en cours de travail, fréquente en cas d'accouchement prématuré ou fébrile notamment (3).

L'évolutivité et la gravité potentielle de l'IMF en font une urgence thérapeutique et dans l'attente du délai nécessaire au diagnostic, la décision initiale ne peut être que " probabiliste ", appuyée sur un ensemble de critères de risque dont aucun n'est formel isolément.

Les critères d'infection

Ils sont de 3 types, anamnestique, clinique et biologique, de valeur très inégale.

Les critères anamnestiques

Connus dès la naissance, ils constituent les premiers signes d'appel et vont permettre de sélectionner une population d'enfants " à risque " et de décider des explorations biologiques (4). Ils sont de deux ordres : certains sont rééllement évocateurs d'infection, d'autres constituent des circonstances simplement favorisantes.

Les signes évocateurs ·

L'accouchement fébrile Défini par une température maternelle supérieure ou égale à 38°C pendant l'accouchement et dans les heures précédant ou suivant celui-ci, il est relativement peu fréquent, de l'ordre de 1 à 4 % (5) : à la maternité de l'hôpital Antoine Béclère en 1992-1993, la fréquence a été de 5,4 % sur 4649 naissances vivantes, atteignant 7,5 % en cas d'accouchement prématuré et 15 % après ouverture prolongée de la poche des eaux (3).

La présence d'une fièvre maternelle per-partum a une double signification : - pour la mère, elle constitue le principal critère de chorio-amniotite. Cependant elle peut aussi être dûe à une infection bactérienne d'autre localisation (urinaire surtout) voire à une infection virale (grippe...).

La température maternelle est aussi influencée par de nombreux facteurs non infectieux, notamment température ambiante et analgésie péridurale (6). - pour le nouveau-né, elle représente le marqueur essentiel d'infection : elle est retrouvée dans environ 40 % des infections materno-fœtales (38 % à Antoine Béclère en 1992-1993). La fréquence de l'infection bactérienne néonatale en cas d'accouchement fébrile est de l'ordre de 20 à 30%.

Dans notre expérience, cette fréquence ne s'est pas modifiée depuis plus de 10 ans puisqu'elle était évaluée à 24 % en 1984 (contre 2,9 % dans les accouchements non fébriles), et à 28 % (contre 2,6 %) en 1992-1993 (3). La fièvre maternelle est donc un signe d'alarme précieux puisqu'elle multiplie par 10 le risque d'infection, cependant une antibiothérapie systématique, préconisée par certains, conduirait à traiter inutilement les trois-quarts des nouveau-nés de mère fébrile. Une analyse plus discriminante de l'anamnèse obstétricale permettrait de moduler l'indication puisque l'absence totale de toute autre critère abaisse ce taux à 2,2 %, alors que la présence d'un seul d'entre eux l'augmente à 35 % et à 76 % en cas d'accouchement prématuré (3). ·

La prématurité

L'infection bactérienne est une cause fréquente de déclenchement prématuré du travail et doit être suspectée de principe devant tout accouchement avant terme inexpliqué. Dans notre expérience, elle est cinq fois plus fréquente chez les nouveaux-nés prématurés que chez les nouveau-nés à terme. D'autre part la gravité de l'infection est plus grande encore chez l'enfant prématuré et majore le risque le morbidité et de mortalité lié à la simple prématurité. Dans ces conditions, il parait raisonnable de pratiquer un bilan infectieux complet chez tous les enfants nés après déclenchement prématuré spontané et de traiter initialement plus largement en présence d'éléments anamnestiques évocateurs. ·

L'ouverture de la poche des eaux La rupture prématurée des membranes (RPM), non seulement avant terme mais aussi avant début de travail, peut être dûe à une fragilisation des membranes par une chorio-amniotite. L'ouverture prolongée de la poche des eaux (OPDE), surtout lorsqu'elle est supérieure à 12 heures, favorise quant à elle la contamination du liquide amniotique par voie ascendante. · Le liquide amniotique La présence de méconium dans le LA, constatée dans environ 10% des accouchements, témoigne d'une souffrance fœtale aigüe éventuellement provoquée par une infection ; elle favorise d'autre part la multiplication des germes en diminuant le pouvoir bactériostatique normal du LA.

Une odeur fétide du LA est considérée comme évocatrice d'une infection notamment à anaérobie, bien que celle-ci soit rare en dehors d'une OPDE. · Le rythme cardiaque fœtal (RCF) pendant le travail Les anomalies du RCF, témoins directs de la mauvaise tolérance du fœtus, doivent faire évoquer une infection en l'absence de cause obstétricale évidente. Plus que les ralentissements tardifs ou les bradycardies, non spécifiques, la tachycardie fœtale constitue un signe d'appel évocateur. Elle est souvent, mais pas constamment, associée à une fièvre et à une tachycardie maternelles et a la même signification.

Les circonstances favorisantes

Les plus classiques sont : une béance du col utérin, un cerclage surtout inefficace, une infection ou une colonisation vaginale par une flore pathogène déséquilibrée, une infection urinaire récente, un travail prolongé, des examens locaux répétés. Beaucoup moins spécifiques, elles prennent toute leur valeur en fonction du contexte et de leur association éventuelle.

Le portage maternel de streptocoque B

Le streptocoque B représente plus d'un tiers des IMF : environ 15 à 25 % des femmes enceintes sont porteuses de streptocoque B, 40 à 50 % de leurs nouveau-nés seront contaminés à la naissance mais seulement 3 à 5 % présenteront une infection, potentiellement léthale.. Bien qu'encore très discutée et faisant l'objet de consensus différents selon les équipes et les pays, la prophylaxie per partum semble efficace, avec des protocoles variables . ·

G. Breart (7), dans une méta-analyse, réalisée pour les Journées Parisiennes Obstétrico-Pédiatriques de 1994 et portant sur 5 études, démontrait une diminution moyenne du taux d'infection de 3,6 à 0,3 % (OR = 0,07) et de colonisation de 36 à 3 % (OR = 0,04). · T. A. Lieu (8), dans une enquête multicentrique publiée récemment, portant sur 80 000 naissances dans quatre hôpitaux californiens entre 1989 et 1995, trouve un taux de septicémie à streptocoque B de 0,9 % chez les enfants à terme et 3,1 % chez les prématurés.

La mise en place d'une prophylaxie dans deux hôpitaux en a diminué la fréquence globale de 1,3 % à 0,8 %. · Dans notre expérience (2), après la mise en place d'un protocole de dépistage du portage maternel et de traitement per partum systématique, le taux d'infection à streptocoque B, selon une définition plus large, est passé de 1,4 % en 1991-93 (7037 naissances vivantes) à 0,9 % en1994-97 (9496 naissances vivantes), soit 1,2 % à 0,8 % à terme et 2,9 à 1,6 % avant terme.

Cependant l'inconvénient principal de cette prophylaxie, outre son coût, serait le risque d'une recrudescence des infections à Escherichia Coli (E Coli) éventuellement résistants. Notre expérience des infections néonatales précoces observées entre 1993 et 1997 (sur approximativement 2500 naissances annuelles) ne semble par confirmer ce risque puisque la proportion relative des E Coli ne s'est pas statistiquement modifiée depuis l'introduction de ce protocole en 1994 (figure 1).

Les critères cliniques

Très inconstants et absolument pas spécifiques, ils ne sont pas obligatoirement présents d'emblée et leur dépistage précoce nécessite une surveillance attentive et répétée du nouveau-né au cours des premières heures de vie. Secondairement, en l'absence de traitement, le tableau initialement pauci-symptomatique va se compléter, aboutissant à une situation de détresse vitale respiratoire et hémodynamique rapidement irréversible.

La fièvre

A la naissance, la température est le plus souvent corrélée à la température maternelle et se normalise rapidement spontanément. Elle peut être le révélateur d'une fièvre maternelle passée inaperçue en fin de travail, d'où l'intérêt de surveiller la température de la mère après l'accouchement. Elle n'apporte pas d'argument supplémentaire à la fièvre maternelle en faveur d'une infection. Une fièvre secondaire dans les heures suivant la naissance, plus rare, est par contre, en l'absence d'effet iatrogène (incubateur, excès de vêtement ou de chauffage), fortement évocatrice, éventuellement même d'une méningite.

Le mauvais état à la naissance (Apgar bas, acidose, récupération lente),

Surtout en l'absence d'étiologie obstétricale, il constitue, au même titre que la souffrance fœtale aigüe pendant le travail, un bon signe d'alarme.

Les signes cliniques

Ils sont bien connus, essentiellement troubles respiratoires et hémodynamiques, mêmes mineurs, mais ils sont très peu spécifiques et souvent retardés, donc peu contributifs au diagnostic précoce. Toute anomalie clinique, même bénigne, survenant dans les premières heures de vie est susceptible de s'aggraver très rapidement et incite donc à une antibiothérapie urgente. Le vieil adage "tout nouveau-né qui va mal, surtout de façon inexpliquée, est à priori suspect d'infection" nous parait devoir être respecté et justifier d'une mise en route thérapeutique la plus précoce et active possible. Par contre il serait dangereux de se baser sur l'excellent état clinique d'un nouveau-né pour éliminer une infection, ou de surseoir à une antibiothérapie en espérant dépister à temps une infection débutante par des examens cliniques aussi soigneux et répétés qu'ils puissent être.

Les critères biologiques

Pour être utilisables dans la décision initiale, les résultats des différents examens biologiques doivent être rapidement disponibles. Secondairement, confrontés à l'anamnèse et à la clinique, ils permettront de porter un diagnostic définitif et de décider de la poursuite ou non de l'antibiothérapie.

Les anomalies hématologiques

Les anomalies de la lignée des leucocytes, nombre absolu de polynucléaires neutrophiles par mm3 et rapport entre les formes jeunes et les formes adultes, sont les plus significatives (9) : · Une neutropénie franche (inférieure à 5000/mm3 à terme) et une myélémie élevée (supérieure à 8 ou 10 %) sont les meilleurs critères. Malheureusement ils sont relativement tardifs, survenant plusieurs heures après le début de l'infection, et ne sont généralement présents que dans les formes graves évoluées et donc souvent déjà cliniquement symptomatiques.

· La polynucléose est beaucoup moins spécifique, pratiquement physiologique du fait de la démargination des leucocytes provoquée par le stress de l'accouchement, et provoquée par de nombreuses autres causes, donc peu interprétable à la naissance. Les autres anomalies, en particulier la thrombopénie, sont plus tardives encore, généralement associées aux formes graves. Au total, seules parmi les anomalies hématologiques, celles portant sur les polynucléaires neutrophiles sont relativement spécifiques mais malheureusement tardives et donc peu sensibles initialement et peu utilisables pour un diagnostic précoce.

Les protéines de l'inflammation

Les plus utilisées sont l'orosomucoïde, le fibrinogène, et surtout la C-réactive protéine (CRP). Leur dosage est de réalisation technique relativement simple et rapide, en particulier le dosage de la CRP (3). Plus spécifique que les anomalies hématologiques, leur augmentation est malheureusement tardive, plusieurs heures après le début de l'infection bactérienne, ce qui diminue beaucoup leur intérêt pour la décision initiale. Ainsi en ce qui concerne la CRP, la plus utilisée, la spécificité est évaluée à 90 % mais la sensibilité n'est que de 50 à 60 % avant la douzième heure de vie et de 90 % ensuite. Elles permettent donc surtout de confirmer secondairement l'infection et de guider la poursuite du traitement. D'après les études préliminaires, l'augmentation de la procalcitonine semble s'avérer plus précoce et plus spécifique mais le dosage n'en est pas encore de pratique courante.

Les examens bactériologiques

Seul l'examen direct des prélèvements, après étalement sur lame et coloration de Gram, dont les résultats sont rapidement disponibles, peut contribuer à la décision initiale. L'examen du liquide gastrique prélevé immédiatement à la naissance avant toute manipulation, ou du frottis placentaire, sont les plus utilisés. La présence de nombreux polynucléaires et de germes, témoin de la contamination du liquide amniotique, est fortement évocatrice d'infection bactérienne (Dans notre étude, 6 faux négatifs soit 16 %, et 8 faux positifs soit 7 %). Mais sa sensibilité et sa spécificité dépendent directement de la qualité du laboratoire de bactériologie et de sa disponibilité 24 heures sur 24. L'examen direct du liquide gastrique donne d'autre part une orientation sur le type de germe, essentiellement cocci Gram positif (CG+) ou bacille Gram négatif (BG-), et donc sur le choix de l'antibiothérapie.

Données bactériologiques

Une étude, menée à la maternité de l'hôpital Antoine Béclère, portant sur l'ensemble des naissances vivantes survenues de 1993 à 1997 (11730 enfants), a permis d'anlyser les résultats bactériologiques obtenus dans 454 cas d'IMF (2).

La répartition des germes

Celle-ci est relativement constante au fil des années (figure 1) et identique à celle habituellement mentionnée dans la littérature. · La prédominance du streptocoque B (35,9 %) n'est plus à démontrer et de nombreuses propositions ont été faites pour tenter de prévenir, notamment en perpartum, la contamination fœtale (7-8). · La fréquence des streptocoques ?-hémolytiques, tout aussi pathogènes mais heureusement sensibles aux antibiotiques habituels, n'est pas négligeable, en particulier après ouverture prolongée de la poche des eaux, et semble d'apparition plus récente.

L'ensemble des bacilles Gram négatifs représente le tiers des infections (32,2 %) en particulier E. coli (21,5 %). Dans notre expérience, de même que dans d'autres études (10), sa sensibilité varie beaucoup en fonction de l'anamnèse, en particulier hospitalisation et antibiothérapie maternelles dans les trois mois précédant la naissance : dans ce cas le taux de résistance à l'Ampicilline passe de 31 à 75 %.

· Les anaérobies, qui eux aussi font partie de la flore vaginale habituelle, sont retrouvés avec une particulière fréquence après ouverture prolongée de la poche des eaux et disparition de la flore polymorphe normale sous antibiothérapie.

· Les germes plus inhabituels, staphylocoques, entérobactéries résistantes, pyocyaniques, et enfin levures, sont la rançon de la prise en charge des grossesses pathologiques par hospitalisation et souvent antibiothérapies prolongées et/ou répétées. Ils sont responsables de chorioamniotites, d'accouchements prématurés et d'infections néonatales sévères entrainant une lourde mortalité et des séquelles neurologiques graves, par leucomalacie notamment.

L'âge gestationnel :

En cas de prématurité, la répartition des germes montre des différences significatives (figures 2 et 3) : chez les nouveau-nés à terme le streptocoque B est prédominant (54,7 %). Chez les prématurés, le germe dominant est E. coli (21,7 %) et surtout l'ensemble des bacilles Gram négatifs (39,4 %) ; les anaérobies et les staphylocoques occupent une place non négligeable. La répartition des germes s'est peu modifiée au fil des années chez les enfants à terme ; chez les prématurés ont été observées une augmentation de la fréquence des anaérobies et l'apparition, au cours des deux dernières années, des infections à levures. 2.3. La résistance aux antibiotiques :

Une étude portant sur 118 cas d'infection néonatale précoce survenus à la maternité Antoine Béclère, entre 1995 et 1997 (résultats présentés aux Journées Parisiennes de Pédiatrie en octobre 1998), a trouvé un taux de résistance global à l'ampicilline de l'ordre de 16 %. Les germes résistants étaient essentiellement constitués par des E Coli (75 %) et des entérobactéries (21 %), bacilles à gram négatif facilement identifiables par l'examen direct du liquide gastrique.

Ils représentaient les deux tiers des germes retrouvés en réanimation et un tiers seulement en maternité. Les facteurs anamnestiques significativement retrouvés dans ces cas sont une ouverture prolongée de la poche des eaux (p=0,005) et une antibiothérapie (p=0,007) ou une hospitalisation (p=0,02) maternelle dans les trois mois précédant l'accouchement.

Conduite à tenir

A la naissance

En l'absence de critère formel c'est l'analyse du dossier obstétrical qui va permettre de sélectionner une population d'enfants à risque d'infection qui feront l'objet d'un dépistage d'importance croissante : 1. Des prélèvements bactériologiques périphériques, (classiquement liquide gastrique, avec examen direct, oreilles, ± cavum, anus, frottis placentaires) pratiqués chez tous les enfants présentant au moins un critère anamnestique. 2.

Un bilan biologique associant numération globulaire ± dosage de la CRP (ou autre protéine inflammatoire), éventuellement sur sang du cordon, en cas d'anomalie fortement évocatrice (accouchement fébrile ou prématuré) ou d'association de critères (OPDE + LAM par exemple) 3. Une antibiothérapie d'emblée, dans un nombre très limité de cas : association hautement évocatrice (accouchement fébrile + prématurité ou OPDE ou LAM), anomalie clinique, examen direct du liquide gastrique positif.

Choix des antibiotiques

Une fois l'indication d'antibiothérapie posée, reste la question du choix du ou des antibiotiques de première intention, avant identification du germe et de sa sensibilité. En maternité une bithérapie est habituelle : elle associe un aminoside pendant les 48 premières heures jusqu'au résultat des cultures, et soit l'ampicilline ou l'amoxicilline soit une céphalosporine de troisième génération en cas de bacille Gram négatif à l'examen direct ou d'anamnèse évocatrice d'un germe résistant.

Une triple antibiothérapie

est souvent conseillée associant aminoside-ampicilline-céphalosporine : probablement justifiée en réanimation, compte tenu de la fréquence des germes résistants, elle paraît, à beaucoup de pédiatres de maternité, excessive en routine, en l'absence d'argument anamnestique en faveur d'une sélection de germes.

Quant à la listériose, sa fréquence est actuellement très faible (environ 1 à 2 % des infections) et elle entraîne généralement un tableau évocateur, de sorte que l'association systématique de l'ampicilline aux céphalosporines, en raison de la résistance de la listéria à ces derniers semble très discutable, en dehors du risque d'entérobactéries résistantes.

· Chez les nouveau-nés à terme, en l'absence de détresse vitale, l'extrême rareté de la listériose et la prédominance du streptocoque B, et plus globalement des streptocoques ? ou ? hémolytiques pratiquement toujours sensibles, nous paraît autoriser, surtout si l'examen direct du liquide gastrique confirme la présence de cocci Gram positif, à préférer une simple bithérapie initiale, associant l'amoxicilline et un aminoside. L'existence d'une fièvre maternelle et/ou néonatale ne modifie pas significativement le spectre bactérien, même si le streptocoque B y est encore plus fréquent, et ne justifierait pas un choix antibiotique différent (2).

· Chez les nouveau-nés prématurés, et tous les enfants en détresse vitale, la plus grande diversité des germes rencontrés et leur possible résistance incitent à une antibiothérapie plus large, bithérapie associant une céphalosporine de troisième génération et un aminoside voire trithérapie classique.

· Surtout, une attention particulière devrait être apportée à l'anamnèse et en particulier aux circonstances susceptibles d'induire une modification de la flore vaginale maternelle, d'ailleurs aussi souvent responsables du déclenchement prématuré de l'accouchement : grossesse sur stérilet (favorisant les chorioamniotites à candida), rupture prématurée des membranes et ouverture prolongée de la poche des eaux, hospitalisation(s) et/ou antibiothérapie(s) maternelles.

Dans ces situations, et souvent déjà lors de la surveillance antenatale, il est fréquent de voir la flore variée habituelle remplacée par une flore plus monomorphe constituée de germes inhabituels souvent résistants, tels que les anaérobies, les entérobactéries, le staphylocoque doré, les levures enfin. L'antibiothérapie initiale, dans les situations les plus graves, surtout si l'on ne dispose pas de résultats bactériologiques maternels récents et/ou d'une orientation par l'examen direct du liquide gastrique, pourrait dès lors être éventuellement élargie, en fonction de l'anamnèse, à l'acide clavulanique, le métronidazole, le miconazole …

C'est la constatation de ces germes inhabituels et souvent résistants qui a conduit les néonatologistes-réanimateurs à proposer une antibiothérapie probabiliste de plus en plus large. Celle-ci est probablement justifiée dans ces circonstances mais ne devrait pas être élargie à toutes les infections materno-fœtales observées en maternité. En effet, dans notre expérience, la moitié de celles-ci surviennent chez des enfants à terme et sont dans leur majorité a- ou pauci-symptomatiques et peuvent donc être traités en maternité : elles sont le plus souvent dûes à des germes "classiques" et généralement sensibles à une antibiothérapie simple, ce qui permettrait d'en limiter les effets indésirables sur l'écologie globale du service.

Administration des Antibiotiques

Les modalités

Elles doivent tenir compte du métabolisme particulier du nouveau-né et d'une élimination plus lente : les injections peuvent être espacées toutes les 12 heures pendant la première semaine de la vie (24 heures pour la ceftriaxone). Désormais l'administration unique quotidienne d'aminoside est recommandée dans un but de plus grande efficacité et de moindre toxicité.

La voie d'administration :

Compte tenu de l'urgence thérapeutique et de la gravité évolutive potentielle, l'antibiothérapie initiale ne peut être que parentérale : elle est le plus souvent intra-veineuse, directe pour l'ampicilline, lente pour les autres antibiotiques. La voie intra-musculaire, exclusivement dans la cuisse, est théoriquement possible, la diffusion des antibiotiques se faisant de façon satisfaisante.

Cependant elle est douloureuse pour le nouveau-né et présente un risque, probablement très faible, de lésion musculaire à type de fibrose et de rétraction. Elle est donc à réserver aux situations où elle permettrait d'éviter le transfert d'un nouveau-né, par ailleurs bien portant, pour une simple problème de voie d'abord. La mise en place d'un cathlon, bouché entre les injections, est une solution plus satisfaisante qui permet de maintenir le nouveau-né auprès de sa mère, à condition de disposer d'un personnel expérimenté et d'assurer une surveillance attentive.

La voie orale permet une bonne diffusion des amino-pénicillines mais ne peut être proposée qu'en relai, adaptée aux résultats bactériologiques définitifs, en l'absence de bactériémie et après normalisation des anomalies biologiques éventuelles.

La décision définitive

Quelle que soit la décision prise initialement, et surtout en cas d'abstention thérapeutique, la surveillance clinique et biologique de l'enfant doit être très attentive, permettant éventuellement de redresser à temps un diagnostic initialement récusé. La décision secondaire va reposer sur les résultats des cultures bactériologiques disponibles, avec antibiogramme éventuel, en 48 heures, qui permettront en principe de porter une conclusion définitive :

La positivité des prélèvements centraux (sang, liquide céphalo-rachidien)

signe l'infection bactérienne septicémique, à condition d'une asepsie correcte des prélèvements afin d'éviter les souillures, surtout en cas de prélèvement au cordon. Même s'il n'existe aucun signe clinique ou biologique, l'enfant doit être considéré comme infecté et traité 14 jours par une antibiothérapie adaptée aux données de l'antibiogramme.

La négativité des prélèvements bactériologiques

Elle élimine en principe l'infection, et, sous réserve de la normalité des examens biologiques, l'antibiothérapie éventuellement entreprise initialement peut être interrompue. L'antibiothérapie maternelle avant la naissance n'évite en règle pas l'infection chez le nouveau-né, mais en atténue la gravité : prolongée plus de 6 à 8 heures, elle peut négativer les résultats bactériologiques de l'enfant. La décision définitive repose alors sur les critères cliniques et biologiques et éventuellement les résultats des prélèvements maternels (secrétions vaginales, urines, et surtout liquide amniotique), qui sont donc indispensables avant toute antibiothérapie en cours de travail.

La positivité des prélèvements périphériques,

Malgré des prélèvements centraux négatifs, la positivité des prélèvements périphériques à un seul germe réputé pathogène, nécessite une interprétation nuancée :

· La constatation d'anomalie clinique initiale, ou biologique plus souvent secondaire, évoque une infection "probable" et incite à poursuivre l'antibiothérapie. En effet le nombre d'hémocultures et la quantité de sang prélevé peuvent être insuffisants pour mettre en évidence une bactériémie souvent peu importante et transitoire. · L'absence de signe clinique ou biologique suggère plutôt une simple "contamination", ou "colonisation", lors du passage dans la filière génitale, qui ne justifie en principe pas la poursuite des antibiotiques.

· Un problème particulier est celui de la colonisation massive par du streptocoque B : dans ces situations certains, craignant une dissémination secondaire et la survenue d'infection tardive septicémique ou méningée, poursuivent une antibiothérapie par voie orale pendant 7 à 10 jours ; d'autres, en revanche, préfèrent ne pas traiter au prix d'une surveillance clinique et biologique prolongée difficilement compatible avec la sortie de plus en plus précoce des maternités.

· L'interprétation des résultats bactériologiques dépend aussi de la précocité des prélèvements : en effet plus ceux-ci sont tardifs (par exemple lors de l'admission dans un service de transfert et/ou après des manipulations telles que aspiration, intubation, voire alimentation), plus grand est le risque de retrouver des germes de contamination post-natale. De même la présence de plusieurs germes dans un même site, des résultats dissociés selon les sites, sont les témoins d'une contamination banale sans signification pathologique.

En conclusion,

la conduite à tenir peut être shématisée par les protocoles suivants, à adapter bien sûr en fonction de chaque structure et du plateau technique disponible :

Bibliographie

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4- BLOND M.H., GOLD F., QUENTIN R., LEGARE C., PIERRE F., BORDERON J.C., LAUGIER J, " Infection bactérienne du nouveau-né par contamination materno-fœtale : on peut se fier à l'anamnèse ". J Gynecol Biol Reprod, 1992 : 21, 393-397.

5- DENAIN-DENOIX C., LEJEUNE C., NECTOUX M. - Hyperthermie maternelle pendant l'accouchement et risque d'infection bactérienne néonatale. In Journées Parisiennes de Pédiatrie, Flammarion Médecine-Sciences, Paris, 1986 : pp. 103-10.

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9- COULOMBEL L., VIAL M., DEHAN M., HILL C., TCHERNIA G, " Intérêt des données hématologiques pour le diagnostic d'infection materno-fœtale ". Arch Fr Pediatr. 1980 : 37, 385-391.

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Pédiatre de Maternité, Hôpital Antoine Béclère, 92141, Clamart.