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1999 > Médecine foetale > Cytomégalovirus  Telecharger le PDF

L'infection materno foetale à CMV : Approche épidémiologique et virologique. .

F. Jacquemard

ILes particularités virologiques, l’épidémiologie, les différents tableaux cliniques de l’infection materno-fœtale à CMV durant la grossesse et ses potentialités évolutives sont désormais bien connus. En France, en dehors de quelques protocoles de suivi prospectif systématique des séroconversions maternelles en cours de grossesse, seules les infections fœtales et néonatales symptomatiques sont reconnues, soit devant l’existence de signes échographiques importants, soit à la naissance en cas de tableau d’infection généralisée à CMV. Quand les lésions observées pendant la grossesse sont majeures, un interruption médicale de grossesse est souvent pratiquée. La plupart des nouveau-nés pauci et asymptomatiques (dont certains risquent de développer des atteintes neuro-sensorielles sévères) ne sont pas identifiés et ne font l’objet d’aucun suivi ultérieur. Le traitement des infections généralisées à CMV diagnostiquées à la naissance est lourd et ne permet pas souvent d’éviter les séquelles de lésions déjà évoluées.

Cependant, le tableau de l’infection materno-foetale à CMV n’est pas aussi univoque et de nombreuses situations difficiles témoignent de la grande variabilité des tableaux cliniques et de leurs complications. Tous les fœtus gravement infectés ne sont pas identifiés par l’échographie, et la normalité apparente du fœtus à l’échographie ainsi que de l’enfant nouveau-né peut masquer une infection latente dont les potentialités évolutives sont encore mal connues.

Ainsi, des fœtus sévèrement hypotrophes et microcéphales sont parfois extraits en urgence en phase de décompensation et confiés aux réanimateurs pédiatriques avant que le diagnostic d’infection congénitale à CMV puisse être évoqué ; des nouveau-nés présumés sains peuvent développer secondairement des tableaux cliniques inquiétants pour lesquels le recul est insuffisant pour pouvoir évaluer le risque de séquelles neuro-sensorielles à distance.

La prévention de l’infection materno-fœtale

pourrait être possible chez les mères séro-négatives au contact d’enfants excrétant du CMV . Une publication d’Adler en 1996 (Adler S.P., Finney J.W., Manganello A.M., Best A.M. Prevention of child to mother transmission of CMV by changing behaviors : a randomized controlled trial. Pediatr. Infect. Dis. J. 1996, 15 , 240-6) a clairement mis en évidence en 1996 que des mesures simples de prévention permettaient de diminuer de manière importante le risque d’infection maternelle pendant la grossesse. Cet élément constitue bien sur un argument majeur souligne l’intéret de déterminer avant la grossesse ou en début de grossesse le statut des mères vis à vis du CMV afin d’adopter des mesures simples de prévention primaire

Tableau I

Precautions a prendre par les patientes seronegatives pour le cytomegalovirus

Lavez-vous fréquemment les mains

Si vous êtes en contact avec un enfant en bas âge, n’utilisez pas pour vous-même ses ustensiles de repas ou de toilette. En effet, s’il fréquente une collectivité(crèche, garderie), l’enfant a pu être contaminé, et le virus reste présent dans sa salive et dans ses urines pendant plusieurs mois. Pour cette raison, abstenez-vous de "goûter " les biberons ou les cuillerées d’aliments. De même, ses affaires de toilette (gants, serviettes, brosse à dents) doivent lui être personnelles. Evitez de l’embrasser sur la bouche ou d’être en contact avec sa salive. Lavez-vous soigneusement les mains après chaque change.

Ces précautions sont recommandées jusqu’à l’accouchement.

Les modalités d’un dépistage systématique de l’infection materno-fœtale à CMV dépendent des objectifs assignés :

  • le dépistage des femmes séro-négatives en début de grossesse permet une prévention primaire, visant à empêcher la survenue de séroconversions par des mesures d’hygiène, voire d’éviction professionnelle.
  • le dépistage systématique de la séroconversion maternelle en cours de grossesse permet de proposer un diagnostic prénatal puis une détermination des facteurs pronostiques du fœtus, afin de pouvoir identifier d’une part les fœtus présentant des lésions graves, d’autre part ceux qui seront asymptomatiques ou pauci-symptomatiques dont un certain nombre risque de développer des séquelles neuro-sensorielles à distance.

Pour ne donner qu’un seul exemple, les conséquences en termes de développement psychomoteur, langage, capacités d’acquisition d’une surdité sont totalement différentes selon que le diagnostic a été posé précocement ou non.

  • le dépistage de tous les nouveau-nés à la naissance représente un mode de prévention tertiaire, permettant d’identifier tous les enfants infectés in utero, en particulier les pauci ou asymptomatiques afin d’entamer une surveillance adaptée. Nous ne connaissons pas pour l’instant pour ces enfants d’indicateurs biologiques ou échographiques fiables permettant de craindre l’apparition de séquelles neuro-sensorielles graves et d’envisager la mise en route d’un traitement spécifique.

La place des techniques d’imagerie

dans les différents modes de dépistage doit être bien évaluée : si l’échographie systématique pendant la grossesse peut aisément mettre en évidence des signes majeurs d’atteinte fœtale, il lui est plus difficile de mettre en évidence des signes plus discrets tels qu’un début d’infléchissement de la croissance du périmètre crânien, ou l’apparition débutante de signes échographiques cérébraux discrets mais évoquant une atteinte neurologique généralisée. Seule la réalisation d’échographies orientées (en sachant ce que l’on cherche, donc en connaissant le contexte d’infection fœtale à CMV), permet à notre sens de dépister ces signes échographiques débutants.

Les données du Groupe CMV

Depuis plusieurs années, les équipes pratiquant un dépistage prospectif systématique ont mis en commun leurs expériences et leur données afin de disposer de séries plus importantes. Parallèlement, les virologues ont mis au point des outils fiables de diagnostic de séroconversions maternelles, de datation des infections et de diagnostic prénatal. Le protocole de suivi systématique est détaillé comme suit :

Protocole commun de dépistage des séroconversions en cours de grossesse

Lors de la première consultation d’une femme enceinte dans l’un des services participant à l’étude, réalisation d’une recherche d’IgG anti CMV. Si cette première sérologie est positive, recherche d’IgM. Si ces dernières sont négatives, la patiente est considérée comme immunisée, et la surveillance est abandonnée . Si les IgG et les IgM sont positives au premier examen, une étude de l’avidité des IgG est réalisée pour tenter de dater la séroconversion maternelle .

Si les IgG sont négatives, surveillance des IgG tous les mois jusqu’à l’accouchement dans certains centres, jusqu’à 6 mois avec réalisation d’une sérologie en toute fin de grossesse pour d’autres.

En l’absence de séro-conversion maternelle, il n’y a pas de recherche de virurie pratiquée.

Réalisation d’une amniocentèse en cas de séroconversion maternelle :

  • au moins 4 semaines après la date de séro-conversion
  • pas avant 18 SA .
  • après vérification de la négativité de la virémie maternelle . Si celle ci est positive, l’amniocentèse est retardée jusqu’à négativation ( recherche hebdomadaire)
  • recherche du CMV dans le liquide par culture et par PCR.

Si l’amniocentèse est positive, réalisation d’une ponction de sang fœtal au cordon pour recherche de signes aspécifiques d’infection et dosage des IgM spécifiques. Cet examen n’a pas été pratiqué de manière systématique par toutes les équipes.

Surveillance échographique mensuelle du fœtus.

IRM axée sur le cerveau fœtal en fin de grossesse.

Viruries chez l’enfant pendant les trois premiers jours de vie.

Si la virurie est négative, la surveillance de l’enfant est abandonnée.

Si la virurie est positive :

ETF pendant le séjour en maternité

FO en période néonatale

Potentiels Evoqués Auditifs dans les premiers mois

Surveillance clinique de l’enfant jusqu’à trois ans et nouveaux examens complémentaires à la demande.

Ce protocole a été soumis et accepté au CCPPRB du CHU de Caen. Chaque patiente n’est incluse dans l’étude que si elle en accepte le principe et signe le formulaire de consentement.

Depuis 1992, 158 séroconversions ont été colligées par les équipes participant au groupe CMV ( CHU de Caen, Clamart, Limoges, Saint Vincent de Paul, Institut de Puériculture de Paris). Ces 158 séroconversions sont survenues dans 49 % cas au premier trimestre de la grossesse, dans 36 % au deuxième trimestre, dans 15 % au troisième trimestre. Le devenir des 145 dossiers exploitables du fichier s’établit comme suit :

  • 2 fœtus sont morts in utero d’une cause non liée au CMV
  • 11 patientes ont subi une interruption médicale de la grossesse, dont 6 présentaient des signes échographiques anormaux ( 2 RCIU, 1 anasarque foeto-placentaire modéré, 1 grèle hyperéchogène, 1 hydrocéphalie débutante avec images calcifiées péri-ventriculaires, 1 spina-bifida ). Dans 5 cas, l’angoisse maternelle dans le cadre d’infections du premier trimestre de la grossesse motivait la demande de la patiente.
  • 87 enfants sont nés sans signes cliniques d’infection à CMV et non viruriques
  • 37 enfants sont nés viruriques pour le CMV et asymptomatiques à la naissance.
  • 8 enfants sont nés viruriques et présentaient des signes cliniques à la naissance ou dans leurs premiers mois de vie ce qui correspond à un taux de 6 % d’enfants présentant des anomalies cliniques et/ou paracliniques (tableau II

Tableau II

N°1 : ETF : petites calcifications intracrâniennes dans les noyaux gris centraux et les hémisphères cérébraux. PEA à 7 mois : petite immaturité du tronc cérébral, audition sub-normale. Aucun signe clinique.

N°2 : ETF : Petite cavitation de la matrice germinale gauche. IRM à 8 mois : atteinte cérébrale bilatérale, atrophie à droite. A deux ans, hémiplégie gauche modérée.

N°3 : Virémie + et IgM + à la naissance. A trois mois, 3 poussées fébriles avec bilan négatif et anémie ferriprive. A 6 mois, cassure de la courbe de poids. A 9 mois, retard psychomoteur modéré.

N°4 : ETF : kyste de 7 à 8 mm bombant dans la corne frontale gauche. Scanner à J31 : calcification unique périventriculaire gauche. Clinique et tests audio normaux à 2 mois.

N°5 : Hypotrophie et thrombopénie à la naissance, pas de suivi de l’enfant rapporté.

N°6 : ETF : images en candélabre, kystes sous épendymaires, hypotonie du VG. Traitement par Gancyclovir. Torticolis droit, hypermétropie droite. Petit ralentissement des acquisitions psychomotrices à 11 mois. A un an et un mois, développement psychomoteur normal.

N°7 : Petit ictère à la naissance et accès de cyanose. Ne tient pas assis à 9 mois et hypoacousie de transmission. A deux ans, a rattrapé son retard.

N°8 : ETF : calcifications frontales gauches, zone de germinolyse droite de 12 mm. A neuf mois, clinique et test audio normaux.

Ces chiffres sont inférieurs à ce qui est habituellement rapporté dans la littérature. Il convient d’interpréter cette notion avec prudence, ce d’autant que la majorité des enfants n’a pas encore 3 ans, avant de conclure que l’infection à CMV est moins grave que ce qui est évoqué habituellement . En particulier, le faible nombre de surdités peut être expliqué par la difficulté de leur dépistage et la courte durée du suivi, et ne saurait masquer le fait que l’infection à CMV reste la première cause de surdité de l’enfant, la moitié de ces surdités provenant d’infections asyptomatiques ne pouvant être identifiées que dans le cadre d’un dépistage systématique.

Il existe manifestement des anomalies neuro-radiologiques chez les enfants asymptomatiques, les données préliminaires du suivi des enfants infectés laissant penser que ce n’est pas incompatible avec un développement ultérieur normal.

Certains nouveau-nés infectés apparemment asymptomatiques peuvent présenter une virémie, pouvant disparaître sans séquelles apparentes à moyen terme ou au contraire entrainer une évolution inquiétante (cas n° 3) sans qu’il soit possible d’en tirer plus de conclusions sur le devenir.

Les formes asymptomatiques survenant lors de réinfections ne sont pas dépistées par ce dépistage ; elles ne le seraient que si le dépistage néonatal systématique concernait tous les nouveau nés, ce qui est difficilement envisageable et probablement peu rentable compte tenu de la faible morbidité de ces formes.

Les difficultés rencontrées par les équipes qui ont débuté un dépistage systématique sont multiples, aussi bien médicales que psychologiques. Sur un plan strictement médical, le protocole de diagnostic et de surveillance de l’infection fœtale est lourd, la difficulté à pouvoir évaluer de manière fiable le pronostic foetal, le faible nombre d’évolutions observées pouvant entraîner des modifications dans la prise en charge du fœtus et du nouveau-né, l’absence de traitement spécifique et efficace et sans effets secondaires importants représentent autant de difficultés.

Pour les patientes concernées par ce dépistage, l ’annonce de l’infection fœtale, ses incertitudes pronostiques, la lourdeur voire le caractère invasif des techniques de surveillance mises en place pour tenter de déterminer le bon pronostic d’une infection foetale, sont fréquemment à l’origine de nombreuses demandes d’interruption médicale de grossesse bien compréhensibles du fait de l’angoisse intense soulevée par ce type de situation.

La plupart des équipes pratiquant ce dépistage évoluent actuellement vers une prise en charge allégée, permettant de donner aux mères séro-négatives en début de grossesse des conseilsd’hygiène, et visant à à repérer tous les enfants infectés à la naissance, mais sans envisager de diagnostic prénatal autre que basé sur des signes échographiques repérés lors des échographies morphologiques habituelles.

L‘histoire naturelle de l’infection materno-foetale à CMV

reste donc à écrire sur bien des points, et nos interrogations sont nombreuses, en rapport avec la variabilité d’expression clinique et biologique de l’infection aussi bien pendant la grossesse que durant les premières années de vie.

La cohorte d’enfants suivie à l’intérieur du groupe CMV permettra probablement de répondre à ces interrogations, et de définir des critères évolutifs cliniques et biologiques permettant d’orienter la surveillance et le recours aux thérapeutiques médicamenteuses en cours de développement.

Service de Médecine Fœtale Institut de Puériculture 26 Bd Brune- 75014 PARIS