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Titre: Controverse : l'analgésie péridurale n'augmente pas l'incidence des extractions instrumentales
Année: 1997
Auteurs: - Benhamou D.
Spécialité: Obstétrique
Theme: Analgésie péridurale

CONTROVERSE

L'ANALGESIE PERIDURALE N'AUGMENTE PAS L'INCIDENCE DES EXTRACTIONS INSTRUMENTALES

Pr Dan BENHAMOU*, Dr Jamil HAMZA**

*Département d'Anesthésie-Réanimation, Hôpital Antoine Béclère, Clamart

** Département d'Anesthésie-Réanimation, Hôpital St-Vincent de Paul, Paris

La discussion des effets de l'analgésie péridurale sur la mécanique obstétricale est déjà ancienne. Cette méthode d'analgésie dont l'excellente efficacité est reconnue par tous a été injustement accusée d'être responsable d'anomalies de l'évolution de la mécanique obstétricale et d'un taux anormalement élevé d'extractions instrumentales. Nous verrons que l'évolution de l'anesthésie et de la pratique obstétricale au cours des dernières années a conduit à faire disparaître les effets délétères supposés de l'analgésie péridurale sur le travail.

Cette démonstration de l'inocuité de l'analgésie péridurale sur le déroulement du travail peut être développée en 5 points:

1. Une analgésie péridurale efficace dès le début du travail ne prolonge pas la durée de la phase de dilatation

2. Le choix d'une méthode d'analgésie péridurale adaptée permet d'éviter tout retentissement sur la progression de la dilatation

3. La poursuite de l'analgésie péridurale au cours de la phase d'expulsion n'en allonge pas la durée et n'augmente pas l'incidence des extractions instrumentales

4. Le choix d'une méthode d'analgésie péridurale adaptée poursuivie jusqu'à l'accouchement permet de ne pas augmenter le taux d'extractions instrumentales

5. L'analgésie péridurale n'augmente pas l'incidence des césariennes pour dystocie

1. Une analgésie péridurale efficace dès le début du travail ne prolonge pas la durée de la phase de dilatation

C'est la douleur, bien plus que la péridurale, qui est en elle-même un facteur associé à un travail prolongé. C'est ainsi que Wuitchik et collaborateurs (34) ont observé une relation entre la douleur durant le début du travail et la progression ultérieure du travail chez 115 femmes nullipares. Pendant la phase latente du travail, les femmes subissant des douleurs importantes avaient une prolongation de la phase de dilatation du col et une incidence d'extraction instrumentale accrue par rapport aux femmes qui avaient seulement une douleur modérée. De plus, les patientes correctement analgésiées avaient un risque moindre d'extraction instrumentale et de souffrance foetale que celles dont la douleur n'était pas suffisamment calmée (34). C'est dire qu'une analgésie efficace - en pratique une analgésie péridurale - peut être nécessaire chez certaines femmes dès le début du travail alors même que la dilatation du col est encore modeste.

Lorsque l'on analyse les rares études prospectives randomisées comparant l'analgésie péridurale à d'autres formes d'analgésie (18) , les résultats sont cohérents quant à la durée de la phase de dilatation. C'est ainsi que les études de Jouppila (19), Robinson (25), Philipsen (23) comparant l'analgésie péridurale à une analgésie utilisant la péthidine par voie parentérale ne retrouvent aucune différence significative dans la durée de la phase de dilatation. Certes, l'étude de Thorp et coll (30) trouve une durée moyenne de la phase de dilatation un peu plus longue dans le groupe péridurale que dans le groupe péthidine ( 676 +/-394 min vs 519 +/- 279 min; p<0,05) mais la qualité de l'analgésie était bien supérieure dans le groupe péridurale que dans le groupe péthidine où les scores de douleur sont restés toujours supérieurs ou égaux (EVA >= 80/100) à ceux... précédant le début de l'analgésie !

Deux études prospectives contrôlées et randomisées sont venues récemment confirmer l'inocuité de l'administration précoce d'une analgésie péridurale en déterminant l'absence de prolongation de la durée du travail chez les nullipares ayant un foetus unique en présentation céphalique.

La première étude concernait des femmes qui recevaient de l'ocytocine pour le déclenchement ou le renforcement du travail au moment ou elles demandaient une analgésie péridurale (12). La deuxième étude concernait des femmes en travail spontané (11).

Dans les deux études la randomisation était faite après qu'un cathéter péridural ait été mis en place et que le col soit dilaté d'au moins 3 cm mais pas plus de 5 cm. Les patientes étaient randomisées de façon à recevoir une analgésie péridurale précoce ou tardive. Les patientes dans le groupe péridurale précoce recevaient 3 ml de lidocaïne à 1,5 % adrénalinée suivie de bupivacaine à 0,25 % . Les patientes dans le groupe tardif recevaient de la nalbuphine 10 mg par voie intraveineuse et pouvaient recevoir une deuxième dose de nalbuphine à la demande au moins une heure après la première dose mais ne recevaient pas d'analgésie péridurale tant que la dilatation du col n'était pas au moins de 5 cm ou tant qu'au moins une heure ne s'était pas écoulée après la deuxième dose de nalbuphine. Lorsque la dilatation du col avait atteint 5 cm, les patientes des deux groupes recevaient une perfusion péridurale continue de bupivacaine à 0,125 % .

Dans la première étude, 150 patientes ont été randomisées pour recevoir une péridurale soit précoce soit tardive (12). Il n'y avait aucune différence entre les groupes dans la durée de la phase de dilatation. Ces résultats sont en accord avec une étude plus ancienne qui suggérait qu'une anesthésie régionale n'affecte pas la réponse contractile utérine à l'ocytocyne (17).

La deuxième étude (11) confirme que l'administration précoce de l'analgésie péridurale ne prolonge pas le premier stade du travail ni n'augmente le nombre de patientes qui nécessitent une augmentation du travail par l'ocytocyne (22 % dans le groupe précoce vs 28 % dans le groupe tardif). Cette étude suggère que s'il existe, cet effet d'une péridurale précoce ne diffère pas de celui de la nalbuphine intraveineuse et surtout elle confirme que la bupivacaine par voie péridurale procure une analgésie nettement supérieure à celle procurée par la nalbuphine intraveineuse.

En conclusion, on peut considérer que si la douleur maternelle est telle qu'elle nécessite un soulagement, celui ci doit être procuré sans chercher à savoir si la femme est en phase latente ou en phase active du travail, car s'il n'y a que très peu d'argument pour penser que la péridurale puisse allonger la phase d'expulsion, il y en a de nombreux qui confirment l'efficacité analgésique de cette méthode. Cependant, l'une des raisons de la controverse est qu'il n'existe pas en 1996 une seule "péridurale" mais plusieurs manières de gérer une analgésie péridurale qui peuvent influer sur la qualité de l'analgésie mais aussi sur le bon déroulement du travail.

2. Le choix d'une méthode d'analgésie péridurale adaptée permet d'éviter tout retentissement sur la progression de la dilatation

2.1. Le choix de l'anesthésique local

Certes, quelques études ont observé une diminution transitoire de l'activité utérine après l'administration péridurale de lidocaïne (20, 32). Mais l'utilisation de la bupivacaïne ne semble pas modifier l'activité utérine dans la plupart des études publiées (14, 27).

Quant à la durée de la phase de dilatation, elle n'est pas affectée par le choix de l'anesthésique local employé (bupivacaïne, 2-chloroprocaïne ou lidocaïne) dans 2 études prospectives randomisées comparant ces 3 anesthésiques locaux administrés en bolus ou en perfusion continue (1)

En conclusion, le choix de l'anesthésique local n'affecte pas la durée de la phase de dilatation et les réserves suscitées par la lidocaine sont sans objet car cet anesthésique local est supplanté par la bupivacaine dans le cadre de l'analgésie pendant le travail.

2.2. La prévention de l'hypotension artérielle

Cheek et collaborateurs (7) ont observé que les femmes qui recevaient (avant péridurale) une perfusion d'entretien (125 ml/h) ou un bolus de 500 ml de sérum physiologique ne subissaient aucune modification de l'activité utérine alors que celles qui recevaient un bolus préventif de 1000 ml de sérum physiologique avaient une diminution transitoire de l'activité utérine avant toute administration d'analgésie péridurale. Par contre, l'administration de l'anesthésie péridurale n'entrainait aucune diminution de l'activité utérine dans aucun des trois groupes. Ceci démontre bien que d'éventuelles modifications transitoires de contractilité utérine observées en association avec l'analgésie péridurale sont en rapport avec l'expansion volémique avant analgésie péridurale dont l'intérêt pour la prévention de l'hypotension artérielle est bien établie et non en rapport avec l'analgésie péridurale elle-même.

2.3. Le rôle des morphiniques par voie péridurale et intrathécale

Abouleish et collaborateurs (3) ont observé que la morphine intrathécale prolongeait le premier stade du travail, mais ce type d'analgésie est actuellement peu utilisé car peu efficace en obstétrique.Par contre, plusieurs études ont noté une progression tout à fait normale du travail après administration intrathécale ou péridurale d'opiacés (2, 4). C'est pourquoi leur utilisation est croissante en obstétrique en raison de leur effet d'épargne sur les anesthésiques locaux que nous évoquerons plus loin.

En résumé, bien que l'analgésie péridurale puisse, par l'intermédiaire d'une expansion volémique trop importante, réduire l'activité utérine chez certaines patientes, l'augmentation de la durée de la phase de dilatation n'est pas prouvée, même si la péridurale est mise en place précocément pendant le travail. Même si l'on prouvait un tel effet, sans doute pourrait-on conclure avec d'autres (33) que la durée de cette phase a peu de sens si la douleur est bien contrôlée et le bien-être foetal préservé. Le vrai problème est plutôt de montrer que la péridurale n'augmente pas le risque d'extraction instrumentale.

3. La poursuite de l'analgésie au cours de la phase d'expulsion n'en allonge pas la durée et n'augmente pas l'incidence des extractions instrumentales

Les rares études randomisées comparant l'administration d'une analgésie péridurale à celle de morphiniques par voie parentérale et évaluant les effets de ces méthodes sur la phase d'expulsion ont été analysées dans un travail récent (18). Les auteurs ont différencié les études selon que l'analgésie péridurale était maintenue tout au long de la phase d'expulsion ou seulement pendant la phase de dilatation. Dans ce dernier cas, l'analgésie péridurale n'augmente ni la durée de la phase d'expulsion, ni le % d'extractions instrumentales par rapport à d'autres modes d'analgésie (19, 23).

Plusieurs auteurs ont évalué l'effet du maintien de l'analgésie péridurale jusqu'à l'accouchement sur la durée de la phase d'expulsion et sur l'incidence des extractions instrumentales (8, 9, 24). Dans ces études toutes les patientes recevaient une analgésie péridurale pendant la phase de dilatation, mais elles étaient randomisées pour la poursuite ou non de l'analgésie péridurale pendant la phase d'expulsion.

Dans une étude randomisée mais non aveugle, utilisant des réinjections intermittentes de bolus d'anesthésiques locaux (24), aucune différence dans la durée du deuxième stade où l'incidence des forceps n'était observée chez les patientes nullipares lorsque l'analgésie péridurale était maintenue jusqu'à l'accouchement par rapport aux femmes qui ne recevaient plus de bolus d'anesthésique local après dilatation cervicale complète.

Chestnut et collaborateurs ont réalisé 2 études randomisées en double aveugle dans lesquelles des femmes nullipares, recevant une perfusion péridurale continue d'anesthésiques locaux pendant la phase de dilatation ont été randomisées pour recevoir soit des anesthésiques locaux, soit du sérum physiologique pendant la phase d'expulsion. Dans ces deux études, les extractions instrumentales étaient réalisées uniquement pour des indications obstétricales. Dans la première étude (8), les effets de la poursuite d'une perfusion péridurale de lidocaïne à 0,75 % après dilatation de 8 cm ont été comparés à ceux d'une perfusion péridurale de sérum physiologique . La perfusion de lidocaine n'a pas prolongé la phase d'expulsion (73+/-63 mn versus 76+/- 48 mn) mais l'analgésie n'était pas meilleure que celle observée chez les femmes qui recevaient du sérum physiologique. Dans la deuxième étude (9), le maintien d'une perfusion péridurale de bupivacaine à 0,0625 % avec 0,0002 % de Fentanyl après dilatation complète n'a pas prolongé la durée de la phase d'expulsion ni accru l'incidence des extractions instrumentales mais a procuré une analgésie qui était légèrement meilleure que celle procurée par le sérum physiologique.

En résumé, la poursuite d'une analgésie péridurale efficace jusqu'à l'accouchement procure une qualité d'analgésie supérieure à celle résultant d'autres méthodes analgésiques ou de l'arrêt de l'entretien de l'analgésie péridurale en fin de travail. Par contre, la façon de maintenir cette analgésie péridurale (anesthésique locaux seuls - bupivacaine 0,25% ou 0,125% - ou adjonction de morphiniques afin d'en réduire la concentration) influe sur la durée de la phase d'expulsion et sur l'incidence des extractions instrumentales. Ce n'est donc pas "la" péridurale qui a des effets sur la mécanique obstétricale, mais bien plutôt la façon dont celle-ci est gérée, ce que nous allons examiner maintenant.

4. Le choix d'une méthode d'analgésie péridurale adaptée poursuivie jusqu'à l'accouchement permet de ne pas augmenter le taux d'extractions instrumentales

4.1. Position du problème

L'administration péridurale continue ou répétée d'une solution d'anesthésique local pourrait théoriquement résulter en un blocage de la conduction nerveuse au niveau des fibres motrices. La relaxation des muscles du plancher pelvien qui en résulterait pourrait interférer avec la rotation interne de la tête foetale pendant le travail.

En fait, selon ses modalités d'administration, l'analgésie péridurale pourrait induire ou non un bloc moteur significatif susceptible de retentir sur la mécanique obstétricale. De façon schématique, l'intensité du bloc moteur est proportionnelle à la concentration des solutions d'anesthésiques locaux employés ainsi qu'à la dose totale utilisée. Toute méthode permettant d'"économiser" des anesthésiques locaux est ainsi susceptible de diminuer l'incidence du bloc moteur et de ses conséquences obstétricales.

4.2. Réinjections fractionnées ou perfusion péridurale continue ?

Les réinjections fractionnées présentent des avantages par rapport à la perfusion péridurale continue. L'incidence des "jambes lourdes" est ainsi moins élevée (6) chez les patientes recevant des bolus intermittents de bupivacaine à 0,5% que chez celles recevant une perfusion péridurale continue de bupivacaïne à 0,125% . De même, l'incidence des extractions instrumentales est plus faible chez les patientes nullipares recevant des bolus intermittents de bupivacaïne à 0,25% comparée à celle des patientes recevant une perfusion péridurale continue de bupivacaine à 0,25 % (28).

Le problème posé par les réinjections discontinues est celui de la disponibilité de l'anesthésiste ou de la sage-femme lorsqu'elle a été formée à cette pratique. Une troisième voie s'ouvre depuis peu, c'est celle de l'analgésie péridurale contrôlée par la patiente (APCP) dans laquelle c'est la femme elle-même qui par l'intermédiaire d'une pompe programmée par l'anesthésiste peut s'injecter un bolus prédéterminé de solution anesthésique à un intervalle variable selon sa sensibilité individuelle à la douleur. Une étude randomisée a montré que la consommation de bupivacaine et le % de forceps sont significativement diminués lorsque ce mode d'analgésie péridurale contrôlée par la patiente est comparé au mode d'administration par perfusion continue d'une solution diluée de bupivacaine et fentanyl (13).

4.3. La concentration d'anesthésique local joue-t-elle un rôle ?

L'administration péridurale d'une solution diluée d'anesthésiques locaux résulte en une incidence plus faible des malpositions foetales et des extractions instrumentales que l'utlisation d'une solution plus concentrée (21, 22, 29). Sachant qu'en deçà d'une certaine concentration d'anesthésique local (bupivacaine 0,125%), l'efficacité de l'analgésie péridurale utilisant les seuls anesthésiques locaux devient insuffisante, l'adjonction d'un morphinique à la solution d'anesthésique local est devenue une pratique courante en raison de l'effet synergique vrai (et non seulement additif) de cette association sur la qualité de l'analgésie péridurale. Le corollaire pratique est que cette association permet l'administration d'une dose totale diminuée d'anesthésique local, ce qui résulte en un bloc moteur beaucoup moins important pour une même qualité d'analgésie.

Dans une étude randomisée en double aveugle , l'efficacité analgésique de la perfusion péridurale continue de bupivacaïne très diluée à 0,0625% associée au Fentanyl 0,0002 % a été comparée à celle d'une perfusion continue de bupivacaïne à 0,125 % sans morphiniques chez 80 patientes nullipares (10). La qualité de l'analgésie était similaire dans les 2 groupes et l'incidence du bloc moteur à dilatation complète était nettement plus basse chez les femmes du groupe bupivacaïne + morphiniques. Cependant, la durée de la phase d'expulsion (124 +/- 69 mn versus 112 +/- 64 mn) n'était pas allongée et l'incidence des extractions instrumentales n'était pas augmentée .

Une étude randomisée multicentrique a comparé chez 695 parturientes les effets de l'administration péridurale de bolus de bupivacaïne 0,125 % adrénalinée au 1/100.000ème avec ou sans Sufentanil . Il n'y avait aucune différence entre les deux groupes dans la durée de la phase d'expulsion (33+/- 24 mn dans le groupe Sufentanil vs 27 +/- 21 mn dans le groupe contrôle) mais l'incidence des extractions instrumentales était diminuée dans le groupe Sufentanil (24 % vs 36 %; p<0,01) (31). Ces résultats sont vraisemblablement liés à la diminution de la dose totale de bupivacaïne utilisée (34 +/- 17 vs 42 +/- 19 mg) et de l'intensité du bloc moteur dans le groupe Sufentanil.

Au total, il est possible et donc souhaitable de procurer une analgésie satisfaisante pendant la phase d'expulsion sans induire un bloc moteur tel qu'il puisse retentir sur la mécanique obstétricale: cela suppose l'utilisation de faibles concentrations d'anesthésique local associées à de faibles concentrations de morphiniques ainsi qu'un mode d'administration discontinue plus souple car il permet de mieux tenir compte de la variabilité interindividuelle dans les besoins analgésiques.

4.4. Analgésie péridurale, réflexe de poussée et perfusion d'ocytociques

Une étude réalisée chez des patientes nullipares sous analgésie péridurale (15) a montré que l'augmentation de la perfusion d'ocytocine permettait d'obtenir une diminution de l'incidence des extractions instrumentales

La perfusion d'ocytociques est donc recommandée lors de la phase d'expulsion lorsque la patiente est sous analgésie péridurale puisqu'elle réduit la durée de la phase d'expulsion. En ce qui concerne celle-ci, il est actuellement bien admis que l'on peut tolérer qu'elle dure plus longtemps chez la patiente sous analgésie péridurale qu'en son absence: selon le Collège Américain des Gynécologues-Obstétriciens , celle-ci peut être de 3 heures chez une nullipare et 2 heures chez une multipare sous analgésie péridurale. Dès lors que la femme est correctement analgésiée et hydratée et que le foetus ne présente pas de signes de souffrance foetale, la durée de la phase d'expulsion est moins importante que le choix du moment approprié pour faire débuter les efforts expulsifs. Faire pousser trop tôt la patiente peut aboutir à une fréquence accrue de décélérations variables du rythme cardiaque foetal (5).

En résumé, l'utilisation judicieuse des ocytociques et une attitude plus libérale sur la durée de la phase d'expulsion en évitant de faire débuter trop tôt les efforts expulsifs sont les points essentiels pour diminuer l'incidence des seules extractions instrumentales dont l'effet peut être délétère pour le foetus, c'est-à dire les forceps à la partie moyenne.

5. L'analgésie péridurale n'augmente pas l'incidence des césariennes pour dystocie

Les rares études affirmant le contraire sont critiquables dans leur conclusion car il ne s'agit que d'études rétrospectives, ce qui implique un fort risque de biais de sélection : c'est précisément lorsque le travail s'annonce difficile (gros foetus, dystocie cervicale de démarrage) que le recours à l'analgésie péridurale est le plus souvent nécessaire. De plus, la décision de réaliser une césarienne est souvent subjective dans ces études.

Chestnut et coll ont réalisé deux études déjà citées évaluant en particulier les effets de la réalisation précoce ou tardive de l'analgésie péridurale sur l'incidence des césariennes. Dans la première étude, réalisée chez des patientes nullipares recevant de l'ocytocyne soit pour un déclenchement, soit pour le renforcement du travail, l'administration précoce d'une analgésie péridurale n'augmente pas l'incidence des césariennes (12). La deuxième étude réalisée chez des femmes en travail spontané (11) montre que 10 % des femmes du groupe péridurale précoce et 7 % des femmes du groupe péridurale tardive ont eu une césarienne pour dystocie, différence qui n'est pas significative

Une autre approche est d'évaluer l'évolution de l'incidence des césariennes avant et après l'introduction d'un service d'analgésie péridurale dans un hôpital donné. C'est ainsi que Gribble et coll (16) ont comparé l'évolution de l'incidence des césariennes pendant deux périodes de 15 mois : l'analgésie péridurale n'était pas disponible durant la première période mais disponible 24 h/24 pendant la seconde période. Ces 2 périodes étaient séparées d'une période de 17 mois pendant lesquels l'analgésie péridurale a été progressivement mise en place. En limitant cette étude aux patientes ayant une grossesse unique avec un foetus en présentation céphalique et sans antécédent de césarienne, les auteurs ont pu comparer un groupe de 1298 patientes de la période "avant" péridurale à un groupe des 1484 patientes de la période "après" péridurale. Bien que le % de péridurale entre les 2 groupes soit passé de 0% à 48%, l'incidence des césariennes en cours de travail était similaire ( 9 % dans le groupe "avant" et 8,2 % dans le groupe "après"). La disponibilité d'une analgésie péridurale à la demande pendant le travail n'augmente donc pas le taux de césarienne (16).

Le faible taux de césariennes de la maternité de l'hôpital de Dublin a été en partie attribuée par certains à l'utilisation peu fréquente de l'analgésie péridurale pendant le travail. Une étude récente est venu démentir cette hypothèse (26). Bien que le taux d'analgésie péridurale ait augmenté de 10 % en 1987 à 45 % en 1992, l'évolution obstétricale d'un groupe constitué des 1000 premières nullipares en travail spontané qui ont accouché dans cet hôpital de Dublin en 1987 a été similaire à celle d'un groupe semblable de femmes qui ont accouché en 1992: 82 % des femmes ont accouché par voie basse spontanée dans les 2 groupes, tandis que le taux de césarienne était de 4 % en 1987 et de 5 % en 1992. Les auteurs ont conclu que l'analgésie péridurale ne réduit pas l'incidence des accouchements spontanés par voie basse à condition de prendre en charge activement la progression du travail et d'accepter la prolongation de la phase d'expulsion (26).

L'effet bénéfique de l'utilisation de solutions diluées d'anesthésiques locaux par voie péridurale ne concerne pas seulement le % d'extractions instrumentales mais aussi le % de césariennes. C'est ainsi que 2 études récentes (21, 22) montrent que la dilution croissante au fil des années des solutions d'anesthésiques locaux avec (21) ou sans (22) l'aide de l'adjonction de morphiniques a permis de réduire significativement l'incidence des césariennes au cours du travail.

Au total, en 1996, l'analgésie péridurale ne peut pas être rendue responsable d'une augmentation de l'incidence des césariennes pour dystocie car l'utilisation judicieuse des solutions diluées d'anesthésiques locaux associées à des morphiniques, mais aussi l'utilisation de l'ocytocine sont actuellement de plus en plus répandues.

CONCLUSION

Les considérations médicales qui permettent d'approcher le double idéal d'une analgésie efficace et d'un accouchement rapide avec un minimum d'extractions instrumentales et de césariennes pour dystocie sont schématiquement les suivantes:

1. Institution d'une analgésie péridurale efficace dès que la douleur le nécessite mais optant d'emblée pour les plus faibles concentrations utiles d'anesthésique local en s'aidant de l'adjonction de morphiniques liposolubles (fentanyl ou sufentanil).

2. Maintien de l'analgésie tout au long du travail en conservant les mêmes principes d'épargne concernant les anesthésiques locaux. Favoriser l'utilisation de l'injection de bolus discontinus à la demande ou n'utiliser que de faibles concentrations d'anesthésiques locaux avec morphiniques en perfusion péridurale continue.

3. Non-interruption de l'analgésie à dilatation complète car cela est éthiquement peu acceptable et sûrement inutile pour réduire l'incidence des extractions instrumentales et des césariennes pour dystocie.

4. Utilisation généreuse des ocytociques pendant la phase d'expulsion afin de raccourcir cette phase

5. Attitude souple vis-à-vis de la durée acceptable de la phase d'expulsion pour ne pas faire pousser trop tôt la femme.

Cette attitude largement répandue actuellement permet d'affirmer qu'en 1996, la péridurale n'augmente pas l'incidence des extractions instrumentales.

 

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