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2002 > Néonatologie > Prématuré  Telecharger le PDF

Le rein du prématuré et le métabolisme de l’eau

F Boubred , L Tauzin , L Fayol , V Lacroze , M Leclaire , Millet V et U. Simeoni

La fonction rénale fait face, à la période néonatale où elle est mise en jeu en relais des fonctions placentaires, à la tâche complexe d'installer une fonction d'épuration efficace tout en assurant l'homéostasie hydro-électrolytique. Cette phase d'adaptation à la vie extra-utérine est d'autant plus délicate que : 1. les principales fonctions rénales, hémodynamique, glomérulaire et tubulaire sont immatures, chez le nouveau-né à terme et à un degré accru chez le prématuré ; 2. la composition du milieu intérieur est bouleversée au même moment par les modifications physiologiques transitionnelles ; 3. les régulations doivent s'adapter aux besoins d'une croissance rapide.

Physiologie des compartiments hydriques chez le prématuré

La composition corporelle en eau est caractérisée durant la période fœtale par une masse hydrique totale élevée, dépassant 80% de la masse corporelle, et une répartition caractéristique de celle-ci, en faveur du compartiment extracellulaire dont la part est accrue (60% de la masse corporelle) et est supérieure à celle du compartiment intracellulaire. Chez le nouveau-né à terme, l'eau extracellulaire atteint 45 % de sa masse corporelle, la répartition étant approximativement égale entre les compartiments extra- et intracellulaires ; l'eau extracellulaire représente 35 % de la masse corporelle à 1 mois. La distribution de l'eau corporelle devient équivalente à celle de l'adulte, avec une prédominance de l'eau intracellulaire, à partir de l'âge de 3 mois. Il est vraisemblable qu'une évolution similaire se fasse chez le prématuré.

A ce profil maturatif progressif s'ajoutent d'importants changements à court terme, au cours de la période néonatale, dans le cadre de l'adaptation à la vie extra-utérine. Ces changements correspondent à une réduction postnatale physiologique du volume de l'eau totale, qui fait intervenir une contraction du compartiment extracellulaire. La contraction de l'eau extracellulaire atteint couramment 15% du poids corporel chez le prématuré. Cette évolution à court terme explique la perte de poids postnatale, qui correspond principalement à une perte de sodium et de l'eau qui lui est liée. Les facteurs déterminant cette adaptation à court terme sont incomplètement élucidés. Les facteurs natriurétiques atriaux et cérébraux semblent impliqués, sans que leur mise en jeu n'explique à elle seule ces phénomènes. Les enfants prématurés de moins de 30 semaines d'aménorrhée (SA) hypotrophes ont un contenu corporel total en eau supérieur à celui des enfants d'AG comparable eu trophiques, cette différence impliquant une réduction absolue et relative de la masse solide totale.

Balance hydrique du prématuré - pertes insensibles

L'adaptation extra-utérine conduit à l'installation d'une balance hydrique légèrement positive, liée à la balance sodée, qui permet la croissance postnatale de l'enfant. Il est démontré que des apports sodés insuffisants chez le prématuré sont associés à une altération de la croissance pondérale, ainsi qu'à des troubles du développement neurologique, notamment des fonctions sensorielles et cognitives. Chez le prématuré, la balance hydrique est fortement influencée par l'importance des pertes insensibles cutanées. L'immaturité cutanée est en effet responsable de pertes hydriques insensibles considérables, observées essentiellement chez les enfants d'âge gestationnel extrêmement faible, et au cours des deux à trois premiers jours de vie.

Ces pertes insensibles peuvent atteindre 200 ml/kg/j chez les prématurés nés après 25 semaines d'aménorrhée. Leur lien avec l'âge gestationnel et l'âge postnatal est de type exponentiel : les pertes insensibles s'accroissent considérablement dans les AG extrêmement faibles et se réduisent de façon majeure passés les deux à trois premiers jours de vie. Il est extrêmement important d'adapter les apports hydriques des premiers jours de vie en tenant compte de ces variations. L'importance des pertes insensibles cutanées dépend également de l'humidité relative de l'environnement dans lequel est placé l'enfant : elles sont considérablement réduites lorsque le taux d'hygrométrie ambiant atteint 80%, ce qui est une valeur aisément atteint par les incubateurs clos actuellement disponibles ; elles sont augmentées d'une valeur atteignant 50% lorsque, au contraire, l'enfant est placé temporairement dans un incubateur radiant sans mesures de protection particulière.

La protection de l'enfant au moyen d'une membrane de cellophane tendue à faible hauteur au-dessus de lui, entre les volets latéraux de l'incubateur, et la mise en place d'une humidification artificielle de l'air dans l'espace ainsi délimité permettent de limiter ce phénomène. Lorsque l'enfant présente des troubles respiratoires, et qu'il ne respire pas un mélange gazeux humidifié, les pertes insensibles peuvent être majorées de 10 à 20% du fait d'un accroissement des pertes pulmonaires. A l'inverse, un enfant ventilé artificiellement par un mélange gazeux fortement humidifié, ne présente pas de pertes insensibles d'origine respiratoire, peut voir son capital hydrique accru par le mélange gazeux humidifié.

Le rein immature et l'équilibre hydrique

L'immaturité fonctionnelle rénale du prématuré le prédispose aux altérations de l'équilibre hydrique et sodé. L'immaturité de sa fonction glomérulaire explique ses difficultés à excréter une charge sodée, et donc hydrique, excessive. Le tubule immature est caractérisé par une excrétion fractionnelle élevée du sodium. Cette caractéristique a fait considérer que la maturation glomérulaire précède celle de la fonction tubulaire. L'activité ATPase-Na/K-dépendante, par exemple, est très faible dans les différents segments du néphron du rein immature, par rapport à la fonction présente chez l'adulte. L'excrétion de quantités importantes de sodium durant les premiers jours de vie contribue à l'adaptation à la vie extra-utérine et à la nécessaire contraction hydro-sodée, notamment extracellulaire.

Elle peut être délétère passés les premiers jours de vie si elle n'est pas compensée, et conduire à un déficit sodé chronique susceptible d'altérer la croissance et le développement à long terme de l'enfant. Le pouvoir de concentration des urines est limité et il est exceptionnel de rencontrer des osmolarités urinaires supérieures à 600 mOsm/kg d'eau chez l'enfant prématuré. Cette caractéristique semble liée à plusieurs facteurs, parmi lesquels la faiblesse du gradient cortico-médullaire interstitiel d'urée, et, peut-être, une immaturité de la réactivité tubulaire à l'hormone antidiurétique.

Le pouvoir de dilution urinaire semble, lui, conservé du moins pour les besoins d'excrétion de charge osmolaire rencontrés couramment chez le prématuré. La diurèse des enfants grands prématurés présente spontanément un profil irrégulier au cours des premiers jours de vie, sans que ces variations ne correspondent toujours à une adaptation physiologique ou ne soit liée à l'évolution des troubles respiratoires: des phases de diurèse spontanée se succèdent, entrecoupées de phases non diurétiques durant lesquelles la balance hydrique est moins négative. Ces caractéristiques rendent aléatoire l'interprétation de la diurèse pour le maintien de l'équilibre hydro-électrolytique du grand prématuré.

Conséquences cliniques

Le maintien de l'équilibre hydro-électrolytique d'un grand prématuré nécessite dans un premier temps le contrôle des pertes insensibles particulièrement élevées des deux à trois premiers jours de vie. Celui-ci est facilité par le recours à des incubateurs capables d'assurer une humidité relative élevée, supérieure à 80%. Ces modalités permettent de réduire le risque de déshydratation hypernatrémique lié à des pertes prédominant sur l'eau par rapport au sodium, et à l'immaturité rénale. Le contrôle de la glycémie, afin d'éviter la glucosurie que tend à favoriser l'immaturité de la réabsorption tubulaire du glucose, contribue au maintien du capital hydrique qui peut être altéré par une diurèse osmotique (fig). Les premiers jours de vie sont caractérisés par la réduction du capital hydro-sodé qui accompagne la naissance. Les apports hydriques doivent respecter une perte de poids physiologique (tableau) et il n'est pas nécessaire d'apporter de sodium, l'excrétion sodée spontanément élevée concourant à ce phénomène adaptatif. De plus, il a été démontré que des apports hydriques élevés sont associés à un risque accru d'hémorragie intra-ventriculaire, de dysplasie broncho-pulmonaire, et de persistance du canal artériel notamment. Passée l'étape transitionnelle, les apports doivent être adaptés au maintien de la balance hydrique, et à la croissance, tant en ce qui concerne l'eau que le sodium. Les principes de cette gestion de l'équilibre hydro-électrolytique sont résumés dans le tableau.

Mots-clés : prématuré -eau corporelle - rein

Références

Lorenz JM, Kleinmann LI, Kotaoar UR, Reller MD. Water balance in very low birth weight infants: relationship to water and sodium intake and effect on outcome. J Pediatr 1982;101:423-32. Schaffer SG,

Weismann DN. Fluid requirements in the preterm infant. Clin Perinatol 1992; 19:233-250.

Bidiwala KS, Lorenz JM, Kleinman LI. Renal function correlates of postnatal diuresis in preterm infants. Pediatrics 1988;82:50-58.

Costarino AT, Gruskay JA, Corcoran L, et al. Sodium restrictions versus daily maintenance replacement in very low birth weight premature neonates.: a randomized, blind therapeutic trial. J Pediatr 1992;120:99-106.

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De Gamarra E. Compartiments liquidiens chez le prématuré. In Gouyon JB, Guignard JP, Simeoni U Equilibre hydro-électrolytique du grand prématuré. Arnette, Paris, 1997, pp 3-14.

Tableau : apports hydro-sodés proposés chez le grand prématuré

Figure : pathogénie de la déshydratation hypernatrémique chez le grand prématuré

Département de néonatologie CHU de Marseille
U Simeoni Département de néonatologie Hôpital de La Timone Enfants 264 rue Saint-Pierre 13385 Marseille cedex 05