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2001 > Obstétrique > Mort subite du nourrisson  Telecharger le PDF

Mort subite du nourrisson : quelles sont les causes résiduelles ?

C. Rambaud , M Guibert , J De Laveaucoupet , D Cointe et F Capron

Sept ans après la première campagne de prévention en France, même si la mortalité en rapport avec la mort subite du nourrisson (MSN) chez les enfants de moins de 1 an a diminué d’au moins 75%, des nourrissons continuent à mourir subitement et de façon totalement inattendue. Les diagnostics portés en post mortem ont-ils changé ? Quels sont les enfants qui continuent à mourir ? Pour cela nous avons revu les cas des 4 dernières années, c’est-à-dire un peu à distance de la première campagne réalisée en France en octobre 1994, en les comparant aux données des séries publiées par Dehan et al (59 cas entre juillet 1985 et juillet 1987) (1) et Chéron et al (154 cas de 1986 à 1991) (2).

Méthodes

Tableau 1 : Récapitulatif des 93 MSN accueillies au centre de référence (CRR)

1997

1998

1999

2000

Total

MSN admis dans le service de néonat.

14

19

26

5

65

dont autopsies =

6 (40%) + 1 IML

15 (79%) + 2 IML

17 (66.4%)

2 (40%)

40 (61.5%)

Transfert au CRR pour autopsie seule

9 (60%)

11 (42.3%)

1 (5.5%)

8 (80%)

29 (42%)

Nombre total d’enfants reçus par le CRR

23

30

27

13

93

IML = institut médico-légal

Entre janvier 1997 et octobre 2000, 93 enfants morts subitement ont été reçus dans notre centre de référence (tableau 1). Nous avons retenu pour analyse les 69 cas qui ont eu une autopsie. Le protocole post mortem complet (3) associe une prise en charge pédiatrique avec examen clinique et reconstitution de tous les éléments de la vie de l’enfant depuis sa conception jusqu’à sa mort, les antécédents familiaux, des examens biologiques et microbiologiques, et des radiographies du squelette.

Si l’autopsie est refusée par les parents, un scanner du crâne est systématiquement réalisé à la recherche d’une lésion méningée et/ou parenchymateuse, dont la présence ferait " forcer " l’acceptation de l’autopsie par les parents ou, à défaut, amènerait à un signalement judiciaire. L’autopsie non médico-légale ne peut être faite qu’après autorisation écrite des deux parents.

Les lois de juillet 1994 dites " lois bioéthiques " ayant fait une distinction entre les prélèvements d’organe à visée diagnostique et ceux à visée de recherche, nous faisons signer un accord en deux parties : autorisation d’autopsie pour " recherche des causes de la mort " (diagnostic), et autorisation de prélèvements à visée " scientifique " pour travaux de recherche. La banque de tissus (- 80°C) est constituée par des prélèvements d’enfants pour lesquels les parents ont signé la deuxième partie.

Pour les autres ne sont gardés en congélation que des fragments de cœur, de foie et de muscle. Pour tous les enfants nous archivons systématiquement dans le dossier des gouttes de sang (et d’urines s’il y en avait) sur du papier buvard, ainsi que quelques cheveux. Ceci permet de conserver du matériel ADN de bonne qualité dans le cas d’une suspicion ultérieure de pathologie génétique. Ces enfants avaient été soit amenés directement (et admis) au centre de référence par un SMUR, soit transférés secondairement à Antoine Béclère pour la réalisation de l’autopsie (tableau 1). Dans ce dernier cas, l’enfant et la famille étaient accueillis dans leur hôpital de proximité, et les investigations cliniques et biologiques immédiates étaient faites par le pédiatre local.

C’est celui-ci qui avait demandé le transport pour autopsie dans notre centre, qui nous avait transmis les informations qu’il avait recueillies, et qui a revu la famille pour les résultats. Le décret du 21 février 1996 (4) a allongé de 18 à 24 heures le délai du transport sans mise en bière de l’enfant. Ce décret a également permis de faire admettre à l’hôpital pour autopsie des enfants qui étaient à domicile ou dans un funérarium, et il stipule, comme l’avait fait la circulaire de 1986, que les frais de transport aller et retour et les frais d’autopsie sont à la charge du centre de référence.

En pratique, nous demandons comme préalable à la réalisation de ces autopsies que le protocole pédiatrique, biologique et microbiologique initial soit assuré sur place et que le pédiatre participe à la réunion de synthèse anatomo-clinique. A sa demande et/ou celle de la famille, les parents peuvent être revus dans notre centre. Les résultats bactériologiques (5) sont interprétés par la bactériologiste en fonction du site de culture, de leur pouvoir pathogène, de l’âge de l’enfant, et de la flore habituelle du site. Les critères utilisés pour le diagnostic d’infection sont les mêmes que chez l’enfant vivant : numération des bactéries dans les sites ouverts, et présence de la même bactérie dans au moins deux sites différents pour les sites fermés.

Le diagnostic d’aspiration alimentaire a été porté avec les critères suivants :

- aspiration quantitativement sévère avec du matériel alimentaire dans les 2/3 des voies respiratoires terminales (bronchioles et canaux respiratoires) et dans les alvéoles,

- associée aux signes " vitaux " que sont l’œdème et l’hémorragie alvéolaire dans les mêmes territoires que le matériel alimentaire (vitaux = prouvant que l’enfant a respiré dessus).

La réunion de synthèse anatomo-clinique se fait avec les différents intervenants impliqués et a pour but de répondre aux questions suivantes : quel est le (ou les) diagnostic(s) que l’on peut porter chez cet enfant ? Quelle est son implication dans la mort ? Quels sont le ou les mécanismes qui ont conduit à la mort ? Existe t’ il un risque de récurrence pour la fratrie ? Ceci permet ensuite un classement des cas en 2 grandes catégories : soit mort de cause naturelle explicable (= a), partiellement explicable (= b), ou inexpliquée (c = avec des lésions discrètes, d = rien), soit mort de cause non naturelle (e = accident et f = homicide). Les diagnostics sont portés s’il existe un accord entre les données cliniques, biologiques, microbiologiques, radiologiques et anatomo-pathologiques. Toute discordance est discutée.

Aux fins de comparaison avec les séries antérieures, les points suivants ont été individualisés : données épidémiologiques / antécédents cliniques / évènements ayant marqué les 48 dernières heures, avec l’existence éventuelle de signes de gravité / données microbiologiques / données anatomo-pathologiques / classement à l’issue de la réunion anatomo-clinique.

Résultats

Tableau 2 : Récapitulatif des 69 enfants ayant eu une autopsie à Antoine Béclère

1997

1998

1999

2000

Total

Nombre total d’autopsies =

15

26

18

10

69

Age : < J28 > 1 an 1 m–1 an (âge moyen) < 6 mois

2 2 11 (3.9 m) 11

3 0 23 (3.5 m) 20

3 1 14 (5.3 m) 10

0 1 9 (4.1 m) 7

8 4 57 (4.2 m) 48

Sexe masculin

8 (53.3%)

14 (53.8%)

11 (61.1%)

9 (90%)

42 (60.86%)

Position : ventre dos

8 4

15 9

7 7

5 1

35 (50.7%) 21 (30.4%)

Classement : a b c / d e f

11 0 2 2 0

20 2 2 1 1

16 0 1 1 0

6 1

1 0

53 3 5 (7.2%) 5 1

Les caractéristiques des 69 enfants pour lesquels un protocole complet a été réalisé sont résumées dans le tableau 2. Nous n’avons pas inclus les 3 enfants qui ont été transférés à l’institut médico-légal de Paris (IML) en l’absence totale d’information sur les résultats de l’autopsie.

  • Il y a eu 40 morts pendant les 6 mois des périodes allant de septembre à février (58%).
  • Il y a eu un pic en 1998 avec 26 autopsies, contre une quinzaine pour chacune des 3 autres années (en extrapolant pour 2000).
  • Le nombre d’enfants de moins de 28 jours comme celui de plus de 1 an reste faible et à peu près constant. Pour les enfants de la tranche d’âge un mois / un an, l’âge moyen est aux alentours de 4 mois, avec un pic à 5 mois _ en 1999.
  • La prépondérance masculine est nette.
  • L’enfant a été trouvé sur le ventre dans la moitié des cas.
  • Dans les antécédents cliniques ont été trouvés 18 reflux gastro-oesophagiens (RGO) (26%), 1 sténose sur atrésie de l’œsophage opérée, 4 troubles du sommeil (agitations nocturnes = 2, ronflements = 1, hypersomnie = 1), 4 prématurités, 3 retards de croissance intra-utérine (RCIU), 1 prématurité avec RCIU, 3 jumeaux, 3 MSN dans la fratrie, 2 malaises graves, un cas de sueurs nocturnes profuses (dysautonomie), une laryngomalacie sévère, une trachéomalacie, 4 tabagismes passifs majeurs, 2 atopies familiales, une porencéphalie périventriculaire, un fibrome du cœur dans le cadre d’une myofibromatose familiale, une transposition des gros vaisseaux corrigée à J4, une sténose aortique et mitrale dans le cadre d’une maladie des fibres élastiques non étiquetée, une épilepsie traitée (Depakine), et une aplasie de l’oreille droite isolée.
  • Dans les dernières 48 heures : - 32 enfants allaient tout à fait bien (46.4%), mais 2 ont été trouvés en hyperthermie - et 36 avaient une symptomatologie. Celle-ci était banale pour 11 d’entre eux : 6 rhinites, 3 rhinopharyngites, et 2 toux. Dans 25 cas existaient des signes pouvant être considérés comme de gravité (tableau 3), souvent associés : 1 symptôme seul dans 13 cas, 2 symptômes dans 7 cas, 3 symptômes dans 4 cas, et 4 symptômes dans 1 cas. - Il est à noter une bronchiolite en fin d’évolution, et 2 gastro-entérites de l’entourage.
  • La microbiologie (tableau 4) a identifié 41 infections évolutives au moment de la mort (59.4%), bactériennes, virales, et combinées bactérienne et virale. Parmi les bactéries identifiées, il y avait notamment 17 Escherichia coli, dont deux porteurs de l’antigène K1 (cet antigène K1 n’a pas été cherché dans les autres cas) et un entéropathogène (O86 B7). Douze fois, E. coli était le seul germe identifié, et seulement 2 fois dans uniquement 2 sites. Les 10 autres cas étaient des infections disséminées. Le point de départ urinaire a été identifié 2 fois (rareté de la présence d’urines en post mortem). La virologie a montré la présence de 12 entérovirus (5 fois associées à une infection bactérienne). La microbiologie a été négative ou considérée comme telle 19 fois (27.5%), dont une fois où tous les prélèvements ont poussé à Clostridium mais la putréfaction avait commencé (corps vert).
  • Le classement à l’issue de la réunion anatomo-clinique montre dans notre recrutement un nombre stable de causes accidentelles et une rareté de mise en évidence d’homicide. Le nombre de cas pour lesquels nous n’avons rien trouvé est faible (7.2%), et la majorité des morts (75.4%) nous semble pouvoir être expliquée par les données post mortem réunies. Le tableau 5 montre les grandes catégories de diagnostics, classés en fonction de la pathologie principale.
  • Le diagnostic d’aspiration alimentaire a été porté 23 fois (33.3%). Les pathologies associées sont les suivantes : - gastro-entérite : n = 4 (dont 1 avec déshydratation et une avec translocation) - infection bactérienne : n = 6 (dont 4 infections à E. coli disséminées) - infection virale : n = 3 (dont 2 entérovirus) - infection combinée bactérienne et virale : n = 3 (3 entérovirus, dont 1 avec déshydratation) - cardiomyopathie : n = 3 - infection des voies aériennes supérieures et RGO : n = 1 - hématome sous-dural : n = 1 - aspiration en apparence isolée : n = 2

Les associations entre aspiration alimentaire et manœuvres de réanimation à la découverte de l’enfant, et entre aspiration alimentaire et RGO, sont données respectivement dans les tableaux 6 et 7 (les informations manquaient pour quelques enfants). Il y a 15 enfants avec une aspiration dans le groupe des 46 qui ont eu de la réanimation (32.6%) et 8/19 (42.1%) dans le groupe sans réanimation. Il y a 4 enfants avec une aspiration dans le groupe des 17 qui avaient des signes cliniques de RGO (23.5%) et 18/42 (42.8%) dans le groupe sans RGO.

Parmi les 21 enfants pour lesquels les parents ont refusé l’autopsie, la prise en charge pédiatrique initiale a néanmoins permis de porter un diagnostic de certitude (tableau 8) pour 7 d’entre eux (33.3%). Les accidents de literie étaient des enfants trouvés enfouis sous les couvertures et en hyperthermie, ou encore trouvés sur le ventre la tête enfouie dans la literie, et/ou coincée de face dans l’espace entre le bord du matelas et le bord du lit.

Tableau 3 : symptomatologie des 48 heures précédant la mort

Symptômes de gravité:

n =

Fièvre > 38°C

11

Anorexie

10

Somnolence, fatigue

7

Pleurs

3

Gastro-entérite

3

Bronchite / bronchiolite

3

Geignement

2

Malaise grave

1

Agitation

1

Cyanose

1

Perte de poids

1

Tableau 4 : résultats microbiologiques

Bactérie

Virus

Bactérie + virus

Total

E. coli = 12

E. coli + entérovirus

H. influenzae = 2

E. coli + entérovirus

M. morganii = 1

Entérovirus = 7

E. cloacae + entérovirus

E. cloacae = 1

K. pneumoniae + entérovirus

K. oxytoca = 1

S. pneumoniae + entérovirus

S. aureus = 1

Strept. groupe B = 1

H. parainfluenzae + adénovirus

Strept. bêta hémolyt. = 1

translocation = 2

translocation + rotavirus

E. coli + S. aureus = 2

E. coli + K. oxytoca = 1

E. cloacae+ K oxytoca = 1

Candida albicans = 1

= 27

= 7

= 7

= 41 (59.4%)

Tableau 5 : Récapitulatif des diagnostics des groupes a et b en fonction de la pathologie principale

Dgt :

Age :

n =

Infection bactérienne

Infection virale

Infection bact. + virale

Gastro-entérite

Pathologie cardiaque

Maladie métabolique

< j 28

7

3 IMF

1

1 cardiopathie congénitale (hypo-VG)

2

> 1 an

4

1

1 (anaérobies)

1 CMPT hypertrophique 1 CMPT arythmogène du VD

0

1 m / 1 an

44

17

6

4

9

(dont 3 DH2O)

1 CMPT hypertrophique 1 CMPT arythmogène du VD 1 CMPT du VD 1 CMPT avec dysplasie des fibres élastiques 1 fibrome

0

TOTAL

55

21

7

4

10

8

2 autres = 3

IMF = infection materno-fœtale ; DH2O = déshydratation ; CMPT = cardiomyopathie.

Tableau 6 : association entre aspiration alimentaire et manœuvres de réanimation

N = 65

Réa oui : n = 46

Réa non : n = 19

Aspi oui : n = 23

15

8

Aspi non : n = 42

31

11

Tableau 7 : association entre aspiration alimentaire et RGO

N = 59

RGO oui : n = 17

RGO non : n = 42

Aspi oui : n = 22

4

18

Aspi non : n = 37

13

24

Tableau 8 : diagnostic précis porté malgré un refus d’autopsie

1997

1998

1999

2000

Total

MSN admis dans le service de néonat.

14

19

26

5

65

Refus d’autopsie

8 (57.1%)

2 (10.5%)

9 (34.6%)

3 (60%)

22 (33.8%)

Discussion

Comparaison avec les séries antérieures

Nombre d’enfants

La série publiée par Dehan et al (1) portait sur deux ans (juillet 1985 à juillet 1987), et comportait 59 enfants âgés de plus d’une semaine de vie. Il y avait 2 enfants de plus de 1 an (14 mois). Celle de Chéron et al (2) portait sur cinq ans et demi (1er janvier 1986 au 30 juin 1991) et comportait 171 enfants âgés de 1 mois à 1 an. Notre série a porté sur presque 4 ans (1er janvier 1997 au 30 septembre 2000), et comporte 69 enfants avec une autopsie. Parmi ces derniers, il y a 57 enfants âgés de 1 mois à 1 an.

Ces trois séries sont donc sensiblement comparables. Âges Si l’on considère les 57 enfants de moins de 1 an de la série de Dehan et al, 82,4% (47 cas) avaient moins de 6 mois, avec un âge moyen de 3.9 mois. Dans la série de Chéron et al, 94% étaient morts avant l’âge de 6 mois, et l’âge moyen était de 14 semaines, soit 3.3 mois. Dans la tranche d’âge 1 mois – 1 an de notre série, nous avons 84% d’enfants de moins de 6 mois, soit un chiffre stable par rapport à la première série d’Antoine Béclère (1) et qui reste donc inférieur à celui de Chéron et al. L’âge moyen dans notre série a légèrement augmenté (4.2 mois) par rapport aux 2 séries antérieures. Pourcentage d’autopsies Pour Dehan et al, le nombre d’autopsies avait été de 51/59 soit un taux de 88%, plus une autopsie faite à l’institut médico-légal après constat clinique et radiologique de sévices.

Dans la série de Chéron et al le taux d’autopsie était quasiment le même, de 90% (154 / 171). Dans notre série, le pourcentage d’autopsie a nettement baissé (66.2%). Le nombre de refus d’autopsie est très variable d’une année sur l’autre, allant de 10.5% à 60%, malgré une prise en charge initiale par des pédiatres expérimentés. Nous n’avons pas d’explication à ce recul des autopsies. Le nombre d’enfants accueillis au centre de référence pour l’autopsie seule est lui aussi très variable d’une année à l’autre. Ce nombre a augmenté de façon apparemment paradoxale en raison de la diminution de la mortalité.

En effet, il est devenu plus difficile à des petits centres d’assurer une autopsie de qualité alors qu’ils ne reçoivent plus qu’une, deux ou trois MSN par an, et ils préfèrent les transférer. Sexe Pour Dehan et al, ces 51 enfants étaient répartis en 29 garçons (56.9%) et 22 filles. Pour Chéron et al, les garçons représentaient 60.2% du groupe. Nous retrouvons toujours cette majorité de garçons (60.86%). Période de l’année Dans sa série, Chéron et al avait noté que 62% des décès avaient eu lieu entre le 1er septembre et le 28 février. Nous trouvons un chiffre proche de 58% de morts pendant ces périodes. Antécédents cliniques Un reflux gastro-oesophagien était noté chez 22 des 171 enfants de la série de Chéron et al (12.9%).

Dans la première série d’Antoine Béclère, un RGO avait été trouvé pour 15 des 59 enfants de la série (25.4%, Dehan et al) ; ce chiffre est resté stable dans notre série actuelle avec un pourcentage de 26%. Par contre, nous avons - moins de prématurés : 5/69 (7.2%) contre 6/59 (10.2%) chez Dehan et al, et 30/171 (17.5%) chez Chéron et al, - et moins d’hypotrophiques à terme : 3/69 (4.3%) contre 7/59 (11.9%) chez Dehan et al, et 18/171 (10.5%) Chéron et al. Données cliniques des 48 heures précédant la mort Dans la série de Chéron et al, 79 /171 nourrissons (46.2%) n’avaient aucune symptomatologie avant de mourir. Nous en avons un nombre équivalent (32/69 = 46.4%). Dans la série de Dehan et al, ce sont 38.9% des cas qui avaient une absence de symptomatologie. Une symptomatologie qui aurait dû faire évoquer un risque potentiel a été rapportée dans 38 cas sur 59 (64.4%) par Dehan et al, et dans 53.8% des cas par Chéron et al. Nous en avons identifié chez 25 enfants sur 69 (36%), ce qui est une nette amélioration.

Cela semble signifier que les pathologies évolutives potentiellement graves sont mieux repérées. Diagnostics Comme auparavant, une cause de mort est trouvée pour tous les enfants de moins de 1 mois ou de plus de 1 an. Pour les 7 nouveau-nés, il y avait 3 infections materno-fœtales :

- l’une à Enterobacter cloacae avec mort à H20 (trouvé dans les prélèvements de rein, méninges et plexus choroïdes) ;

- une à Escherichia coli qui a entraîné la mort à J15 de vie, avec une positivité de la totalité des prélèvements post mortem ;

- la dernière était une mort à H4 avec une infection à Streptococcus du groupe B et, là aussi, une positivité de la totalité des prélèvements post mortem. Pour la tranche d’âge 1 mois-1 an, le pourcentage de morts classées dans le groupe " a " est en augmentation à 75% pour notre série comparée à celle de Chéron et al (69%). Pour la série de Dehan et al, le faible nombre de cas de ce groupe (4/51) semble être dû à un classement différent, avec dans le groupe " a " les causes de mort certaines et dans le groupe " b " les morts potentiellement explicables (que nous classons en " a "). Dans les 3 séries, le nombre de morts pour lesquelles les investigations restent vaines est faible : 5/59 (8.5%) pour Dehan et al, 7/154 (4.5%) pour Chéron et al, et 5/69 (7.2%) dans notre série. En ce qui concerne la pathologie cardiaque, il y en avait 44/154 (28.6%) dans la série de Chéron et al, dont 26 myocardites (16.9%) et 6 cardiomyopathies (3.9%).

Dans la série de Dehan et al, il y avait 10/51 atteintes inflammatoires du cœur (19.6%) (dont 7 (13.7%) myocardites) et une malformation cardiaque. Dans la série que nous rapportons, nous n’avons que des atteintes inflammatoires ponctuelles du myocarde dans le cadre de lésions inflammatoires pluri-tissulaires, mais pas de myocardite. Nous n’avons pas d’explication pour ceci, et ce d’autant plus que d’une part le diagnostic de myocardite se fait selon des critères bien établis (6), et que d’autre part le pathologiste de la série de Chéron et al est le même que celui de cette série.

Par contre, il faut souligner le nombre important de cardiomyopathies (6/69 = 8.7%) dans cette série, auxquelles il faut rajouter la cardiopathie congénitale (hypo-VG) ayant entraîné la mort du nourrisson à J25. Dans le cas du volumineux fibrome du septum interventriculaire qui n’inquiétait pas les cardiologues qui suivaient cet enfant de 8 mois _, la mort a été provoquée par une infection profonde et septicémique à Candida. Les deux enfants ayant une cardiomyopathie arythmogène du ventricule droit ont probablement décompensé à l’occasion du " stress " causé pour l’un par une infection virale et pour l’autre par une otite avec bactériémie à pneumocoque. Les familles des enfants chez qui une cardiomyopathie a été diagnostiquée ont été confiées à un cardiologue pour dépistage et surveillance.

La reprise de l’interrogatoire de la mère de l’enfant qui avait le fibrome, à l’occasion de l’annonce du diagnostic, a mis en évidence une myofibromatose familiale. Les maladies métaboliques restent rares : 1 est rapportée dans la série de Dehan et al, et nous en avons diagnostiqué deux chez des nouveau-nés morts respectivement à H34 (déficit en carnitine-palmityl-transférase de type II) et H 20 (non identifiée). Ces deux enfants avaient une surcharge en graisses neutres massive (coloration à l’huile rouge de coupes à congélation du foie, du cœur et du muscle faites systématiquement). Pour ce qui est des sévices à enfants, Dehan et al en rapportent 1/59 (1.7%), et Chéron et al en rapportent 6/154 (3.9%). Dans notre série, nous en avons 1/69, auquel il faut ajouter les 3 cas dont l’autopsie a été faite à l’IML (4.2%). Ce nombre semble donc stable.

Cas résiduels

Il y a encore 50% des enfants qui sont trouvés sur le ventre, que ce soit leur position de couchage habituelle, qu’ils se soient retournés, ou qu’ils aient été couchés comme cela pour la première fois. Si l’on prend en compte le fait que la mortalité en rapport avec la MSN a diminué d’au moins 75% depuis le changement de position de couchage, cela signifie que l’on devrait pouvoir la faire encore baisser en continuant les campagnes d’information et en les diffusant au sein des maternités et parmi les groupes de bas niveau socio-culturel. Le nombre d’accidents de literie reste encore élevé, et justifierait à lui seul des campagnes d’information.

Les résultats montrent que la pathologie infectieuse est prédominante et de ce fait semble jouer un rôle probablement important dans les mécanismes qui conduisent à la mort. Dès 1988, Dehan et al (1,7) avaient attiré l’attention sur les ‘’signes d’alarme’’, qui pouvaient permettre une prévention individuelle. Le nombre encore élevé (36%), bien qu’en nette régression, des enfants qui avaient une symptomatologie potentiellement grave avant la mort (avec dans la moitié des cas une association de plusieurs signes) encourage également à poursuivre les campagnes d’information et d’éducation des parents et des professionnels de santé. Le diagnostic d’aspiration alimentaire reste controversé comme cause directe de mort, essentiellement en raison des manœuvres de réanimation entreprises à la découverte de l’enfant et qui pousseraient le matériel alimentaire dans les voies respiratoires.

L’étude de notre série montre l’absence de relation entre ces manœuvres de réanimation et une aspiration telle que nous l’avons définie. De la même façon, nous n’avons pas de relation entre l’existence de signes cliniques de RGO et les aspirations alimentaires qui sont trouvées. Il ressort de notre série que l’aspiration alimentaire serait le mécanisme terminal, le " coup de grâce ", chez un enfant en grande difficulté du fait de sa pathologie sous-jacente et qui aurait altéré ses réflexes de protection des voies aériennes supérieures. Le RGO seul ne peut donc être retenu comme facteur de risque pour la mort subite. Nous avons 3 cas de récidive intra-familiale :

  • l’un est une cardiomyopathie du ventricule droit qui n’a été diagnostiquée chez le premier enfant qu’après la mort du deuxième et en effectuant un nouveau prélèvement du cœur. un autre est un nourrisson mort alors qu’il était placé en pouponnière : il y avait un signalement judiciaire de la famille pour le premier enfant ;

  • le deuxième enfant était une petite fille, morte à l’âge de 18 mois alors qu’elle était porteuse d’une sclérose tubéreuse de Bourneville (autopsie à l’IML en raison du contexte familial). Le troisième enfant était couché sur le ventre à la pouponnière. Il a été diagnostiqué une colite à E. coli entéropathogène et un choc. 

  • Le troisième cas n’est pas résolu : il s’agit du 3ème mort d’une fratrie de 9, avec une absence totale de suivi des grossesses, des accouchements prématurés à domicile, et une absence complète de suivi des enfants (pas même de vaccination). Néanmoins, aucune cause évidente de mort n’émerge à l’issue des investigations post-mortem que nous avons menées pour les deux derniers (3 mois et 9 mois), pas plus qu’il n’y en avait eu pour la première (2 ans).

La prévention d’ordre général a ses limites, comme en témoignent les 43 enfants (62.3%) qui soit n’avaient aucune symptomatologie avant leur mort (n = 32), soit avaient une symptomatologie banale (n = 11). De ce fait, même si on arrive rétrospectivement à un diagnostic, il reste impossible de dire ce qu’il aurait fallu faire pour éviter la mort ou pour repérer les enfants à risque particulier. Il n’existe pas de prévention individuelle possible pour l’instant en l’absence de symptomatologie. La baisse du pourcentage d’autopsies incite là aussi à faire une information positive en faveur de celle-ci. En effet, même si un diagnostic a pu être porté dans environ un tiers des cas sans autopsie, on ne peut cependant pas être sûr qu’il n’existait pas une autre pathologie, jusque là silencieuse, associée. Néanmoins, l’identification d’au moins une cause possible à la mort permet au pédiatre et aux parents d’aborder plus sereinement le suivi des autres enfants.

Conclusion

- Il est toujours aussi nécessaire de tout mettre en œuvre pour aboutir à un diagnostic, avec un effort tout particulier pour obtenir l’autorisation d’autopsie. Les réunions de confrontation pluridisciplinaires sont essentielles pour comprendre ce qui s’est passé. Il faut également insister sur l’importance du recueil des données sur les lieux de l’accident par les premiers intervenants (SAMU, pompiers) et sur la prise de température centrale à leur arrivée.

- Les campagnes de prévention doivent être poursuivies sans relâche, car il reste encore de nombreux enfants qui sont couchés sur le ventre (dans la moitié des cas de notre série) bien qu’il soit très clairement démontré que cela constitue un facteur de risque considérable. Ces campagnes de prévention doivent continuer à insister sur les conditions de sécurité pour le couchage de l’enfant : température de la pièce pas supérieure à 19°C, pas d’oreiller, pas de couverture ni de couette, matelas ferme et de dimensions adaptées à la taille du lit, pas d’entourage de lit trop épais et barreaux pas trop espacés, pas d’amoncellement de jouets dans le lit.

- L’autre facteur de risque essentiel, et sur lequel il faut faire porter les efforts de prévention d’une manière aussi pressante que le couchage, est le tabagisme à la fois pendant la grossesse et après la naissance. Pendant la grossesse, il est responsable non seulement de RCIU, mais aussi d’un retard de développement cérébral et pulmonaire, et d’une gliose de la substance blanche. Le tabagisme passif en post natal entraîne une inhibition de la motilité ciliaire des cellules respiratoires, une plus grande fréquence des infections respiratoires, et une hyper-réactivité bronchique.

- Enfin, il faut savoir être d’une vigilance toute particulière pour un nourrisson qui a une température supérieure à 38°5C, une anorexie ou un changement de comportement, car cela peut être le signe d’un enfant en difficulté (7).

Bibliographie

1- DEHAN M, IMBERT M.C, GAUTIER J.P, BENISVY C, ROSET F, MAGNY J.F, SABY M.A, DWORZAK P, GUYOT H, CHABERNAUD J.L, ‘’Etude clinique et anatomo-pathologique de 59 cas de mort subite du nourrisson’’. Arch Fr Pediatr, 1988 : 45, 541-548.

2- CHERON G, RAMBAUD C, REY C, MAHUT B, CANIONI D, LAVAUD J, ROUZIOUX C, HUBERT P, RUDLER M, BROUSSE N, NEZELOF C, ‘’ Morts subites au berceau. Expérience d’un centre de référence, 1986-1991’’. Arch Fr Pediatr, 1993 : 50, 293-299.

3- RAMBAUD C, IMBERT M.C, ‘’ Protocole d’autopsie d’une mort subite du nourrisson’’. Ann Pathol, 1993 : 13, 131-134.

4- Décret n° 96-141 du 21 février 1996 relatif au transport de corps vers un établissement de santé et modifiant le code des communes. Journal Officiel de la République Française du 23 février 1996, p 2929.

5- RAMBAUD C, GUIBERT M, BRIAND E, GRANGEOT-KEROS L, COULOMB-L'HERMINÉ A, DEHAN M, ‘’Microbiology in Sudden Infants Death Syndrome (SIDS) and other childhood deaths’’. FEMS Immunol Med Microbiol, 1999 : 25, 59-66.

6- ARETZ H.T, ‘’Myocarditis: the Dallas criteria’’. Hum Pathol, 1987 : 18, 619-624.

7- DEHAN M, BENISVY C, GAUTIER J.P, ‘’Signes d’alarme pour la prévention de certains cas de mort subite du nourrisson’’. In Journées Parisiennes de Pédiatrie, Flammarion Médecine - Sciences, Paris, 1990 : pp. 229-237.

Services d’anatomie pathologique , de néonatologie , de bactériologie de virologie et de radiologie centre de référence pour la mort subite du nourrisson, hôpital Antoine Béclère, 92141 Clamart ; et département universitaire de médecine légale, Paris V (6).