MENOPAUSE PRECOCE : CONSEQUENCES
(En dehors de la stérilité)
Christian JAMIN - Paris
Aussi étonnant que cela puisse paraître, les conséquences de la ménopause ne sont pas encore connues de façon précise. Certaines, comme la stérilité par disparition définitive des ovulations, ne pose guère de problèmes . Les bouffées de chaleurs sont elles sans conteste à mettre au crédit de la défaillance ovarienne secondaire d’origine périphérique.
Toutes les autres conséquences ne sont, au mieux, qu’en partie secondaire à la carence hormonale. En effet des facteurs environnementaux et psychologiques prennent également une part plus ou moins importante de responsabilité dans leur apparition.
Deux circonstances nous aident à faire la part des choses: d’une part les analogues de la LHRH permettent de mettre en lumière les conséquences aiguës et de durée brève, de d’autre part les ménopauses précoces permettent d’éliminer l’effet de l’âge.
SIGNES CLINIQUES DE LA MENOPAUSE PRECOCE.(2, 3, 7)
Les signes cliniques de la ménopause précoce ne différent pas de ceux de la ménopause classique. L’aménorrhée s’installe soit progressivement après une période plus ou moins longue de troubles du cycle, soit brutalement. Il n’est pas exceptionnel que l’aménorrhée se dévoile à l’arrêt d’une contraception orale.
Par ailleurs les bouffées de chaleur, souvent présentes, ne sont pas indispensables au diagnostic.
Les troubles psychiques ne sont que partiellement identiques à ceux observés lors de la ménopause, tant les circonstance et les conséquences, bien évidemment sur la fertilité en particulier, sont différentes. Ils n’existe pas à ma connaissance d’étude spécifique comparative sur ce thème particulier.
Dans le cas de ménopause précoce, les troubles de la libido semblent être moins prononcés de même que la dyspareunie et la sécheresse vaginale.
COMPLICATIONS A DISTANCE DE LA MENOPAUSE PRECOCE
OSTEOPOROSE(1,4,5,10)
Le risque fracturaire dépend de nombreux paramètres: certains osseux comme le contenu minéral osseux et la structure osseuse, d’autres extra-osseux comme la fréquence et la qualité des chutes.
Le contenu minéral osseux dépend du pic de masse osseuse atteint avant de 20 ans ainsi que de la perte survenue ultérieurement .Les conséquences de la ménopause précoce seront très différentes suivant que celle-ci survient avant ou après l’âge de 20 ans. Dans le premier cas, en comparaison avec une femme ménopausée à un âge normal, la masse osseuse sera amputée d’une partie du pic de masse osseuse non atteint et d’une durée de perte plus longue. Dans le second cas, seule la durée de perte plus longue interviendra.
En postménopause la perte osseuse est rapide pendant les cinq premières années qui suivent la ménopause puis se ralentit ultérieurement. Ainsi en théorie il existera une différence de masse osseuse entre une femme ménopausée à un âge normal et une femme ménopausée de façon précoce d’autant plus importante que la première est nouvellement ménopausée. Avec le temps la différence devrait s’amenuiser. Au delà de 5 ans la différence devrait être égale à la différence d’âgede survenu de la ménopause multipliée par la vitesse de perte lente. Comme la vitesse de perte osseuse diminue avec l’age, à partir d’un certain temps la différence de masse osseuse devrait devenir négligeable.
Ces notions théoriques ont été vérifiées dans de nombreuses études. Les femmes ayant eu une ménopause précoce ont une masse osseuse plus faible, avec cependant une différence qui s’atténue avec l’âge. Au delà de 60 ans il n’existe plus de différence suivant l’âge de la ménopause.
Il ne semble pas que le type de ménopause (chirurgicale ou naturelle ) influe sur le résultat.
En revanche le risque fracturaire semble être plus important chez les femme ayant une M.P. A cela plusieurs explications : tout d’abord l’influence des facteurs extra-osseux est mal cernée. De plus lorsqu’une femme a une masse osseuse modeste avant la ménopause elle atteindra plus tôt dans la vie le seuil du risque fraturaire si elle présente une MP, elle restera donc plus longtemps au cours de sa vie dans cette zone à risque qu’une femme ménopausée à un âge normal. Ici intervient la notion de durée d ‘exposition au risque.
Ainsi la M.P. fait que les femmes qui en sont affectées ont une masse osseuse plus faible jusqu’à 60 ans et surtout un risque fracturaire plus important et plus précoce.
LE RISQUE CARDIOVASCULAIRE(8)
Les modifications métaboliques liées à la carence hormonale sont connues grâce au modèle de la castration chimique par analogues de la LHRH. Il s’agit d’une élévation du cholestérol total et du LDL Cholestérol et d’une minime élévation des triglycérides sans modification du HDL Cholestérol. Il n’est pas prouvé qu’apparaît une modification du rapport du tour de taille sur tour de hanche, ni des autres signes d’insulino-résistance. Ce sont pourtant ces signes qui sont les marqueurs les plus sensibles du risque coronarien.
La carence hormonale s’accompagne aussi d’une augmentation des résistances vasculaires.
L’apport d’oestrogènes exogènes a d’autres conséquences comme une inhibition de l’oxydation des LDL, sans que l’on puisse affirmer qu’il s’agisse d’un effet physiologique ou pharmacologique.
Les modifications observées expliquent-elles l’augmentation du risque cardio-vasculaire chez la femme de la post cinquantaine, indépendamment de l’âge?
Pour répondre à cette question il faut comparer ce risque chez des femmes non ménopausées à celui de femmes ménopausées depuis au minimum 15 ans ( temps nécessaire à l’augmentations du risque en post ménopause) à âge égal. Ceci n’est possible qu’en prenant comme groupe de femmes ménopausées des MP. Ce travail idéal n’existe pas.
Dans l’étude de Framingham à âge égal , les femmes ménopausées ont toujours un risque coronarien supérieur à celui des femme non ménopausées. Cependant après ajustement pour le tabagisme, tout sur-risque disparaît. Ceci n’est donc pas en faveur d’un effet ménopause dans le risque cardio-vasculaire de la femme de la post-cinquantaine.
VAN DER SCHOUM a étudié le risque cardio-vasculaire de femmes suivant la durée de la ménopause. Il trouve que le risque est d’autant plus élevé que la ménopause est plus ancienne. Chaque année de ménopause supplémentaire donne un sur-risque de 2%.
Cet effet ménopause disparaît progressivement avec l’âge biologique pour devenir négligeable après 75 ans. Au delà le risque ne dépend plus que de l’âge. Ces résultats sont indépendants des facteurs de risques cardio-vasclaires connus.
Ainsi les femmes ayant une MP ont un risque relatif de développer une coronaropathie, versus les femmes non ménopausées, plus élevé avant 75 ans. Cependant, en risque attribuable, ceci n’a de signification qu’entre 40 et 75 ans du fait du risque spontané négligeable avant l’âge de 40 ans.
MENOPAUSE PRECOCE ET DUREE DE VIE.(9)
SNOWDON à partir des causes et ages de mortalité d’un groupe de 5287 femmes a crée un modél mathématique qui lui permet d’affirmer que, pour un âge de ménopause de moins de
47 ans, chaque année de baisse d’âge de ménopause entraîne une baisse de l’espérance de vie de 0,47 ans. Pour une ménopause au delà de 47 ans chaque année de ménopause gagnée augmente l’espérance de vie de seulement 0,01 année.
La MP représente bien un facteur de risque de mortalité précoce alors qu’une ménopause normale ou tardive n’est pas un facteur de longévité. Ceci va dans le même sens que ce qui est exposé plus haut sur le risque coronarien, principale cause de mortalité féminine post-ménopausique.
CONCLUSIONS
La MP a d’importante conséquences, en dehors de la fertilité, sur la qualité de vie des femmes. Pour les grandes pathologies osseuse et coronarienne comme pour la durée de vie son influence négative se fait sentir jusqu’à l’âge de 70 ans, moment ou la vieillesse devient le facteur de risque dominant.
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