PRISE
EN CHARGE DE LA FEMME MENOPAUSEE A RISQUE.
LA FEMME A RISQUE OSSEUX : STRATEGIE THERAPEUTIQUE ACTUELLE.
Florence TREMOLLIERES, Jean-Michel POUILLES et Claude RIBOT
Unité
Ménopause et Maladies Osseuses Métaboliques
Service d'Endocrinologie
CHU Rangueil
31403 Toulouse Cedex 4
La prise en charge de l'ostéoporose post-ménopausique a fait des
progrès importants au cours de ces 10 dernières années
grâce à l'amélioration du dépistage des femmes les
plus à risque et au développement de thérapeutiques efficaces.
La possibilité de mesurer de manière non invasive la densité
minérale osseuse a représenté incontestablement un progrès
décisif dans l'évaluation du risque d'ostéoporose. L'ostéodensitométrie
guidée par l'examen clinique et l'anamnèse constitue ainsi la
pierre angulaire de ce dépistage. Son utilisation est sous-tendue par
la démonstration indiscutable par de nombreuses études prospectives
de la relation étroite entre la diminution de la densité minérale
osseuse et l'augmentation du risque fracturaire (1,2). Cette relation a de plus
conduit tout naturellement à une nouvelle définition, "densitométrique",
de l'ostéoporose qui permet désormais d'envisager une prise en
charge plus précoce de cette affection, avant la survenue de la fracture.
Au plan thérapeutique, nous disposons, à côté du
traitement hormonal (THS), de nouveaux médicaments tant pour la prévention
primaire que la prévention secondaire des fractures. Ces médicaments,
qui sont comme les estrogènes des inhibiteurs plus ou moins puissants
de la résorption osseuse, sont représentés par les bisphosphonates
de dernière génération (alendronate, risédronate)
et le raloxifène, seul SERM (Selective Estrogen Receptor Modulator) actuellement
disponible. Si ces traitements ont fait la preuve de leur efficacité
anti-fracturaire dans de grands essais dont la méthodologie répond
aux exigences actuelles pour apporter un niveau de preuve suffisant, leurs indications,
telles qu'elles sont définies par leur AMM (tableau 1), restent en pratique
mal cernées. En effet, elles sont basées sur l'existence d'un
risque " avéré " ou " accru " d'ostéoporose
sans qu'il soit fait référence au niveau de masse osseuse, alors
que celui-ci représente un paramètre clé dans l'évaluation
du risque d'ostéoporose. Cette difficulté jointe aux conditions
différentes de prescription et de remboursement explique les problèmes
rencontrés dans l'utilisation de ces nouvelles thérapeutiques
et notamment en début de phase post-ménopausique.
Nous
rappellerons ici les principales données témoignant de l'efficacité
anti-fracturaire de ces différents traitements pour envisager dans un
2ème temps leur place respective chez la femme en début de ménopause.
Tableau
1 : AMM des nouveaux traitements de l'ostéoporose :
Molécules
|
AMM
|
R
|
EtidronateDidronel®
|
Traitement
curatif de l'ostéoporose post-ménopausique avec au moins
1 tassement vertébral |
+
|
Alendronate
Fosamax®
10 mg |
Traitement
de l'ostéoporose post-ménopausique avérée |
±
(1)
|
Alendronate
Fosamax®
5 mg |
Prévention
de l'ostéoporose post-ménopausique chez les femmes à
risque élevé |
-
|
RisédronateActonel®
5 mg |
Traitement
de l'ostéoporose post-ménopausique avérée
Prévention de l'ostéoporose post-ménopausique chez
les femmes à risque élevé |
±
(1)
|
RaloxifèneEvista®
60 mg |
Traitement
et prévention de l'ostéoporose chez les femmes ménopausées.
Une diminution significative de l'incidence des fractures vertébrales
mais non des fractures de l'extrémité supérieure
du fémur a été démontrée. |
±
(1)
|
R : remboursement au 01-08-2001
(1) : remboursement si au moins 1 fracture ostéoporotique
1
- Preuves et limites de l'efficacité anti-fracturaire des moyens thérapeutiques
actuels :
a)
Le THS :
Le
THS est le traitement le plus anciennement utilisé dans la prévention
de l'ostéoporose, ce qui nous permet de disposer de très nombreuses
études d'observation. Toutes ces études (3) rapportent une diminution
de l'ordre de 50% de l'incidence des fractures ostéoporotiques chez les
femmes traitées pendant plusieurs années après leur ménopause.
Il est vrai cependant, que nous ne disposons pas, contrairement aux nouveaux
traitements de l'ostéoporose, de grandes études randomisées
répondant aux critères méthodologiques actuels nécessaires
pour apporter un niveau de preuve suffisant. Il n'en demeure pas que l'efficacité
des estrogènes, notamment vis-à-vis de l'ostéoporose vertébrale
apparaît difficilement contestable (4,5).
En ce qui concerne la fracture de l'extrémité supérieure
du fémur (ESF), dont l'âge moyen de survenue (en moyenne, en France
vers l'âge de 82 ans) augmente avec l'allongement de l'espérance
de vie, la place du THS reste très certainement encore à définir.
En effet, au delà de 75 ans, la très grande majorité des
femmes parmi celles qui ont bénéficié d'un traitement hormonal
au moment de la ménopause l'ont souvent interrompu depuis de nombreuses
années. On peut donc très raisonnablement s'interroger sur la
persistance, à distance du THS, d'un effet protecteur des estrogènes
vis-à-vis du risque fracturaire fémoral. Il est clair de toute
façon, compte tenu du caractère multi-factoriel des fractures
de l'ESF, que le traitement hormonal ne saurait avoir qu'un effet limité
sur cette incidence fracturaire, même si son efficacité n'apparaît
pas uniquement lié à un effet sur la masse osseuse.
Au plan épidémiologique, la totalité des études
qui ont examiné la relation entre THS et risque de fracture du col du
fémur souligne la notion d'une efficacité anti-fracturaire d'autant
plus importante que le traitement a été prolongé. Une durée
minimale de traitement de 5 à 7 ans apparaît nécessaire
pour être associée à une diminution significative du risque
de fracture tout en remarquant que la diminution de ce risque est surtout rapportée
pour les femmes en cours de traitement et dans la plupart des cas âgées
de moins de 75 ans (3). Au-delà de cet âge, nous disposons actuellement
de données qui remettent en cause la notion d'un effet préventif
prolongé à distance du THS (6-8). Ainsi, dans un suivi prospectif
de plus de 25 ans réalisé chez 490 femmes dont la moitié
avait reçu une estrogénothérapie de longue durée
(pendant en moyenne 17,1 ± 7,8 ans), Maxim et coll (7) observaient une
disparition de l'effet protecteur des estrogènes sur le risque de fracture
du col de fémur au-delà de 80 ans. Alors que le risque relatif
de fracture vertébrale (RR = 0,67 - 95% IC [0,41-1,10]) et du poignet
(RR = 0,46 - IC 95 % [0,25-0,86]) restaient significativement plus bas chez
les femmes de plus de 80 ans ayant reçu un traitement estrogénique,
le risque de fracture du col du fémur était identique à
celui des femmes qui n'avaient jamais été traitées (RR
= 1,16 - IC 95 % [0,51-2,62]).
Ces données pose donc le problème de la meilleure stratégie
d'utilisation du THS pour prévenir la fracture du col du fémur
au-delà de l'âge de 75 ans :
. La proposition
d'un traitement à vie apparaît peu réaliste dans
la pratique quotidienne.
. On pourrait également envisager de prolonger la prescription du THS
après la ménopause pendant 10 à 15 ans afin de renforcer
son efficacité préventive au-delà de 75 ans. Cette stratégie
soulève cependant tout comme la précédente le problème
de sa compliance et de son innocuité au plan mammaire (9).
. Une alternative serait de débuter le THS plus tardivement, non
pas au moment de la ménopause, mais après 65 ans en ciblant
les femmes les plus à risque de fracture.
Cette proposition,
si elle offre le plus d'avantages en termes de coût de santé, présente
cependant l'inconvénient majeur de n'aborder le problème du THS
que par le biais exclusif de la prévention de la fracture du col du fémur
et d'ignorer tous les autres bénéfices du THS. De plus, des données
récentes (6,8) semblent indiquer que le fait de ne pas débuter
le THS en début de ménopause, au moment où le remodelage
osseux est le plus élevé et susceptible de fragiliser la micro-architecture
osseuse, ne permette pas de prévenir de manière optimale le risque
osseux.
. Une
autre alternative pourrait être basée sur deux séquences
de traitement (10) :
- une
première séquence, à partir de la ménopause
pendant 5 à 7 ans, offrirait l'avantage de prévenir l'ostéoporose
vertébrale et la fracture de Pouteau-Colles, tout comme de contrôler
les manifestations fonctionnelles, génito-urinaires et de diminuer
le risque cardio-vasculaire chez les sujets prédisposés. De
plus, cette durée de traitement n'apparaît pas susceptible,
d'après les dernières données épidémiologiques,
d'augmenter le risque de cancer du sein.
- une seconde séquence hormonale (ou non hormonale) pourrait ensuite
être envisagée vers l'âge de 70 ans en ciblant les
femmes les plus à risque de fracture du col du fémur. Cette
approche est rendue possible par la possibilité de dépister
à cet âge les sujets à risque sur des critères
cliniques (antécédents de fracture par fragilité, antécédents
familiaux de fracture de l'extrémité supérieure du
fémur) ainsi que par une mesure de la densité osseuse fémorale
par DXA.
En effet,
au-delà de 70 ans également, un pré-screening utilisant
une mesure de la densité osseuse au poignet ou au calcanéum apparaît
plus performant pour dépister les femmes à risque qu'au moment
de la ménopause. Enfin, et même chez le sujet âgé,
les estrogènes gardent toute leur efficacité pour freiner le remodelage
osseux du fait de la persistance de l'estrogéno-dépendance de
la perte osseuse, même plus de 20 ans après la ménopause.
Cette prévention plus ciblée, plus courte, à un âge
où l'incidence de ces fractures augmente de façon exponentielle
serait probablement plus efficace sur la réduction du nombre de fractures
et donc en termes de coût de santé.
Par ses bénéfices extra-osseux sur la fonction locomotrice
et la force musculaire, le THS pourrait également contribuer à
réduire le risque de chute, déterminant important de ces fractures.
Le schéma thérapeutique devra être adapté à
l'âge (dose d'estrogènes plus faible et progestatif en continu)
et précédé d'une évaluation gynécologique.
Enfin, il ne doit pas dispenser de toutes les autres mesures préventives
vis-à-vis de ces fractures (notamment de la supplémentation en
calcium et vitamine D).
Cette approche demande cependant encore à être validée par
des études cliniques prospectives.
Les
modalités de l'utilisation des estrogènes dans la prévention
de l'ostéoporose sont donc actuellement mieux définies. Leur efficacité
dans la prévention de l'ostéoporose a été largement
rapportés par de nombreuses études épidémiologiques.
Nous ne disposons pas cependant d'études nous permettant de par leur
méthodologie de quantitifer avec précision (par le "nombre
de femmes à traiter pour éviter une fracture" ou NNT pour
"Number Needed to Treat") le bénéfice osseux du THS,
tel que nous pouvons le faire désormais avec les traitements les plus
récents. De plus, le problème essentiel demeure toujours celui
de l'observance à long terme, problème d'autant plus important
que toutes les études concordent pour souligner la nécessité
d'un traitement prolongé pour une pleine efficacité anti-fracturaire.
b)
Les bisphosphonates :
Les bisphosphonates sont des analogues synthétiques du pyrophosphate
qui possèdent une forte action anti-ostéoclastique. Leur mécanisme
d'action précis reste encore mal élucidé, fonction du type
de bisphosphonate et pour une large part lié à leur capacité
de liaison au cristal d'hydroxyapatite. Ils inhibent ainsi directement l'activation
et le recrutement des ostéoclastes (par la voie du mévalonate
notamment) et favoriseraient leur apoptose. La "puissance" de leur
action anti-résorption in vitro a augmenté avec le développement
des molécules de dernière génération, l'alendronate
et le risédronate ayant une activité respectivement 1 000 et 2
000 fois plus marquée que celle de l'étidronate. Il est cependant
important de noter que l'absorption intestinale des bisphosphonates est extrêmement
limitée, à quelques pourcents de la dose orale pour certains d'entre
eux et que la prise concommittente d'aliments diminue encore cette absorption
à un niveau négligeable.
-
L'étidronate (Didronel®) est le 1er bisphosphonate à
avoir été utilisé dans le traitement de l'ostéoporose
vertébrale fracturaire. Il permet une diminution de l'incidence des nouveaux
tassements vertébraux, même si cette diminution n'a été
retrouvée de manière significative que chez les femmes présentant
déjà une ostéoporose sévère avec la présence
d'au moins 2 tassements avant le début de l'étude (11). De plus,
nous disposons pas de données témoignant de son efficacité
vis à vis des fractures du col du fémur. Bien que bénéficiant
d'une excellente tolérance clinique, son utilisation tend actuellement
à être supplantée par celle des bisphosphonates de 2ème
et de 3ème génération.
-
L'alendronate (Fosamax®) est un amino-bisphosphonate de 2ème
génération qui a fait l'objet d'un développement pré-clinique
majeur et pour lequel nous disposons de données cliniques importantes
issues d'études ayant impliqué plusieurs milliers de femmes. L'efficacité
de l'alendronate pour inhiber la perte osseuse à tous les sites (vertèbres
et fémur) en début de ménopause est dose-dépendante
(12) et apparait similaire à celle des estrogènes dès la
posologie de 5 mg/jour. Le meilleur rapport efficacité/risque est retrouvé
pour la posologie de 10 mg/jour. Utilisé pendant 3 ans chez des femmes
âgées en moyenne de 65 ans et présentant une diminution
de leur masse osseuse (t-score = - 1,6) avec ou sans fracture associée,
l'alendronate à la posologie de 10 mg/j entrainait un gain densitométrique
osseux par rapport au placebo, de 6,2% à la colonne vertébrale
et de 2,4% au col fémoral (13). Cet effet est lié à une
diminution importante de l'espace de remodelage osseux avec une diminution dès
le 3ème de traitement de l'ordre de 70% des marqueurs de la résorption
et de 50% des marqueurs de la formation osseuse. Surtout, l'incidence des nouveaux
tassements vertébraux était diminuée de manière
significative de 50% (p = 0,03). Il existait également une diminution
de l'incidence des fractures de l'ESF dans le sous groupe des femmes les plus
à risque (14), c'est-à-dire celles qui présentaient initialement
un t-score au col du fémur < -2,5. Ainsi le "nombre de femmes
à traiter" (ou NNT pour "number needed to treat") pour
éviter une nouvelle fracture passe de 15 à 36 chez les femmes
à haut risque osseux (t-score < -2,5 et/ou présence de fractures
préalables) à plus de 300 chez les femmes présentant un
t-score > - 2.
Le principal effet secondaire de l'alendronate qui peut limiter son utilisation
chez les femmes âgées ou à risque d'ulcère est une
tolérance digestive haute médiocre avec un risque d'érosion
de l'oesophage et d'oesophagite aigüe (15). Ce risque peut être diminué
par une prise strictement à jeûn le matin avec 200-250 ml d'eau,
l'impératif de ne pas se recoucher et d'attendre environ 30 minutes avant
la 1ère prise alimentaire. Ces éléments susceptibles de
gêner l'observance à long terme doivent être gardés
en mémoire dans l'utilisation de ce bisphosphonate.
-
Le risédronate (Actonel®) est un bisphosphonate cyclique de
3ème génération qui a également bénéficié
d'un développement pré-clinique et clinique important et qui vient
très récemment d'être mis sur le marché avec une
AMM comparable à celle de l'alendronate.
Dans une étude randomisée en double aveugle de 2 ans, portant
sur 543 femmes ménopausées à risque osseux (t-score <
- 2), le risédronate à la posologie de 5 mg/j entraînait
une augmentation significative de 4% de la densité minérale lombaire
et de l'ordre de 1% au col fémoral (16).
Plus intéressants, les résultats de 2 grandes études réalisées
aux USA et en Europe témoignent d'une réduction significative
de l'incidence des tassements vertébraux, avec un effet positif dès
la fin de la 1ère année de traitement (17). Dans l'étude
Américaine qui concernait 2 458 femmes âgées en moyenne
de 68 ans, le risédronate diminuait significativement le risque de nouveau
tassement vertébral, de 65% par rapport au placebo dès la 1ère
année de traitement, ainsi que celui des fractures non vertébrales
(diminution de 39% à 3 ans, p = 0,005). Parallèlement à
la diminution de l'incidence fracturaire, un gain densitométrique par
rapport au placebo de + 4,3% au rachis et de 2,8% au col fémoral était
observé chez les femmes traitées. Dans l'étude Européenne,
les critères d'inclusion étaient plus sévères puisque
les femmes devaient avoir présenté au moins 2 tassements vertébraux.
Le bénéfice thérapeutique a néanmoins été
comparable avec une diminution de 49% du risque de nouvelle fracture et de 61%
dès la fin de la 1ère année. Le risque de fracture périphérique
était également diminué de 33%.
Très récemment, nous disposons également des résultats
d'une étude randomisée contre placebo visant à évaluer
l'efficacité du risédronate dans la prévention de la fracture
de l'extrémité supérieure du fémur chez la femme
âgée (18). Cette étude a concerné 9 331 femmes âgées
de plus de 70 ans recrutés selon l'existence d'une diminution de la densité
fémorale ou pour les femmes de plus de 80 ans de facteurs de risque cliniques,
notamment de chute. Le résultat apparaît globalement positif, bien
que l'efficacité du risédronate ait été surtout
patente dans le sous-groupe de femmes ayant une diminution du BMD fémoral
(taux de facture de 1,9% dans le groupe risédronate vs 3,2% dans le groupe
placebo). Aucune différence significative n'était par contre retrouvée
dans le sous-groupe de femmes qui avaient été recrutées
sur la base de facteurs de risque cliniques de fracture. Indépendamment
de la démonstration du bénéfice du risédronate dans
cette indication de prévention primaire de la fracture de hanche chez
la femme âgée, cette étude souligne l'importance de l'examen
densitométrique pour identifier les femmes les plus à risque de
fracture et donc à mêmes de bénéficier d'un traitement
de prévention par les bisphosphonates.
La
tolérance digestive du risédronate apparaît satisfaisante,
tout au moins sur la base des résultats des essais cliniques. Il n'est
pas cependant impossible qu'il y ait une certaine discordance entre ces résultats
et les données ultérieures, comme pour l'alendronate pour lequel
les effets digestifs n'ont été surtout signalé que lors
de son utilisation pratique.
Les
bisphosphonates de dernière génération constituent donc
de puissants agents antiostéoclastiques dont l'efficacité anti-fracturaire
est surtout marquée chez les femmes à haut risque osseux (c'est-à-dire
présentant une diminution de la densité osseuse de plus de 2,5
écart-type de celle de l'adulte jeune et/ou des fractures osseuse préalables).
De ce fait, ils apparaissent plus comme des agents préventifs de 2ème
intention, d'autant que leur AMM actuelle en limite leur utilisation dans la
prévention de la perte osseuse des femmes en début de ménopause.
Chez les femmes très déminéralisées, la possibilité
de les associer au THS (19) apparait particulièrement intéressante
en terme de gain osseux et constitue d'ores et déjà une option
thérapeutique à ne pas méconnaître.
c)
Le raloxifène :
Le
raloxifène (Evista®) fait partie de la famille des SERMs (Selective
Estrogen Receptor Modulators) qui est une nouvelle classe de molécules
à action tissulaire spécifique possédant à la fois
une action agoniste et antagoniste des estrogènes selon les tissus.
En début de ménopause, il permet une prévention efficace
de la perte osseuse tant trabéculaire que corticale (20). Les femmes
recevant 60 mg/j de raloxifène avaient ainsi, en moyenne après
2 ans de traitement, des valeurs de densité osseuse vertébrale
et fémorale significativement plus élevées de 2,5% par
rapport à celles des femmes ayant reçu le placebo. Cet effet osseux,
confirmé également chez des femmes plus âgées et
ostéoporotiques (21), apparaît lié comme pour les estrogènes
à une diminution de la résorption ostéoclastique, comme
en témoigne le retour à des valeurs pré-ménopausiques
des marqueurs biochimiques du remodelage osseux. Il est cependant important
de remarquer que les variations densitométriques apparaissent habituellement
inférieures à celles observées avec les estrogènes.
De manière plus intéressante, le raloxifène entraine une
diminution de l'incidence des nouveaux tassements vertébraux chez la
femme ostéoporotique. L'étude MORE (Multiple Outcomes of Raloxifene
Evaluation) a ainsi intéressé 7 705 femmes présentant une
ostéoporose densitométrique (t-score < - 2,5), dont près
d'un tiers avait déjà eu au moins un tassement vertébral
et qui ont été randomisées pour recevoir en double insu
le raloxifène ou un placebo (22). A l'issue des 4 années de l'étude,
les femmes traitées par 60 mg/j de raloxifène présentaient
par rapport aux femmes ayant reçu le placebo, une diminution de 30% du
risque de nouveau tassement vertébral (risque relatif (RR) = 0,68 [IC
95% 0,55-0,81]) avec une efficacité comparable chez les femmes déjà
fracturées par rapport à celles qui ne l'étaient pas (0,51
[0,35-0,73]). Par contre et sur la base de données actuellement disponibles,
il n'y avait pas d'effet significatif vis-à-vis des fractures périphériques
(RR = 0,9 [0,8-1,1]), notamment des fractures du col du fémur.
Nous
disposons donc avec le raloxifène d'une molécule dont l'efficacité
préventive vis-à-vis des fractures vertébrales est actuellement
bien démontrée et comparable à celle des bisphosphonates.
Leur intérêt plus général est lié à
la multiplicité des cibles tissulaires potentielles et à leur
action estrogénique sélective. L'absence d'effet délétère
sur le tissu mammaire, voire leur possibilité de prévenir le cancer
du sein comme le montrent les résultats à 4 ans de l'étude
MORE (44) et leur très bonne tolérance endométriale constitueront
très certainement des éléments particulièrement
important dans la stratégie de prise en charge de l'ostéoporose.
2 - Place des traitements dans la prise en charge de l'ostéoporose à
la ménopause :
- En principe,
la place de chacun des différents moyens thérapeutiques est
bien définie :
-
Le THS est le seul à pouvoir être utilisé dans le cadre
d'une véritable prévention primaire, c'est-à-dire en
prévention de la perte osseuse post-ménopausique, comme dans
le cadre d'une prévention secondaire, chez une femme ayant déjà
présenté une fracture par fragilité.
-
Les autres traitements (bisphosphonates, raloxifène) sont quant à
eux indiqués dans des situations qui pourraient être étiquetées
de " primo-secondaire ", c'est à dire chez des femmes à
haut risque osseux du fait notamment d'une ostéoporose densitométrique
(t-score < -2,5) ayant ou non déjà présenté
une fracture. Dans cette situation, le raloxifène pourra être
utilisé en prévention de l'ostéoporose vertébrale,
de même que les bisphosphonates, qui seront par contre privilégiés
pour la prévention de l'ostéoporose fémorale.
- Dans
la réalité pratique, le choix du traitement est
rendu plus difficile par le fait que la connaissance du niveau de densité
osseuse n'est pas considérée comme une condition préalable
à l'utilisation de ces nouveaux traitements. Or toutes les études
qui sont à la base de l'AMM de ces médicaments ont bien établi
que leur efficacité anti-fracturaire n'était patente que
chez les femmes dont le t-score était au moins inférieur à
- 2,5 écart-types, cette efficacité étant encore
plus marquée chez celles ayant déjà présenté
une fracture par fragilité (tassement vertébral, notamment).
Il est donc clair que l'utilisation éventuelle d'un bisphosphonate
ou du raloxifène chez une femme en début de ménopause
ne devrait être envisagée sans une mesure préalable de
la densité osseuse par une technique validée.
Une autre
difficulté est représentée par les conditions très
précises réglementant le remboursement de ces traitements qui
dépendent de l'existence d'un antécédent documenté
de fracture par fragilité. S'il est vrai que c'est dans cette situation
clinique que ces molécules ont fait la preuve de leur meilleure efficacité,
il existe cependant quelques situations cliniques (contre-indications absolues
du THS) où ces traitements représentent la seule thérapeutique
disponible. Est-il normal de ne pas rembourser un tel traitement chez une femme
ayant une ménopause précoce dans les suites du traitement d'un
cancer du sein et une diminution importante de sa densité osseuse, même
si elle n'a pas encore présenté de fracture ?
Chacun conçoit que cette réglementation a pour principal objet
de limiter des prescriptions abusives mais on peut regretter que le législateur
n'ait pas laissé, tout au moins aux médecins spécialistes
des pathologies osseuses une plus grande marge d'appréciation.
Au total, nous disposons des moyens thérapeutiques permettant d'envisager
une meilleure prévention de l'ostéoporose post-ménopausique.
Tous les problèmes ne sont cependant pas résolus pour autant :
le non remboursement de l'examen de densité osseuse dont la validité
n'est plus contestée par les différentes agences de santé
française ou européenne limite de toute évidence l'efficacité
du dépistage. De plus, les conditions de remboursement des nouveaux traitements
de l'ostéoporose ne favorisent certainement pas une intervention précoce,
même chez les sujets à haut risque mais encore sans fracture. Il
nous reste à espérer que les ambiguïtés de la situation
actuelle soient rapidement levées pour que la prévention de l'ostéoporose
puisse être la plus large et la plus efficace possible.
Références
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