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2000 > Gynécologie > Ménopause  Telecharger le PDF

Evaluation du contenu minéral et du remodelage osseux à la ménopause :intérêt dans la surveillance

J. Pouilles , C Ribot et F. Trémollières

L'ostéoporose et l'athérosclérose constituent les deux principales complications de la carence estrogénique post-ménopausique.

En France, le risque d'ostéoporose est certainement prépondérant par rapport au risque cardio-vasculaire et ce risque est élevé : près de 40% des femmes âgées aujourd'hui de 50 ans et dont l'espérance de vie est de plus de 80 ans courrent le risque de présenter, d'ici la fin de leur vie, une ou plusieurs fractures ostéoporotiques.

Les données épidémiologiques les plus récentes ont chiffré à près de 55 000 le nombre annuel des fractures de l'extrémité supérieure du fémur. Ces fractures mettront en jeu le pronostic vital à court terme chez 1 femme sur 5 et entraineront une perte d'autonomie chez plus de la moitié des survivantes. Le coût annuel de l'ensemble des fractures ostéoporotiques dépasse pour la France les 5 milliards de francs et d'ici 30 ans, du fait de la seule évolution démographique, le nombre de ces fractures aura doublé en l'absence d'une politique active de prévention.

Actuellement nous disposons des moyens de cette prévention puisque nous pouvons identifier les femmes les plus menacées par ce risque et que nous possédons, avec le traitement hormonal substitutif (THS), de possibilités thérapeutiques dont l'efficacité préventive a été établie.

• Le développement et la disponibilité depuis plus de 10 ans de méthodes de mesure précises, simples et directes de la masse osseuse a constitué une étape décisive dans la prise en charge de l'ostéoporose post-ménopausique. Il est actuellement bien démontré que l'existence d'une masse osseuse basse constitue le principal facteur de risque de l'ostéoporose et seule la mesure directe de la densité osseuse permet d'identifier avec certitude, parmi les femmes abordant leur ménopause, celles qui ont la densité osseuse la plus abaissée. En effet, les facteurs cliniques dits "de risque" n'expliquent que 25 à 35 % des variations individuelles de la masse osseuse et n'ont donc pas une sensibilité suffisante pour servir de base à un dépistage.

• Nous pouvons également évaluer le remodelage osseux au moyen de marqueurs biochimiques de la formation et de la résorption osseuse facilement dosables dans le sang ou les urines. Leur intérêt dans l'évaluation du risque d'ostéoporose reste controversé et leur utilisation en pratique quotidienne demande encore à être validée. Ils pourraient être, par contre, plus intéressants dans la surveillance de l'efficacité osseuse du THS, une diminution de ces paramètres sous traitement étant à priori un gage de la bonne freination de la résorption osseuse et donc de la perte osseuse.

evaluation du contenu mineral osseux

Différentes méthodes de mesure du contenu minéral osseux sont actuellement disponibles. En pratique, l'absorptiométrie biphotonique à rayons X reste la méthode de référence de par sa précision, sa reproductibilité, son irradiation minime et la démonstration par de nombreuses études prospectives de la relation de causalité entre la baisse du contenu minéral osseux et le risque de fracture.

Les ultra-sons, de développement plus récent ont suscité un certain intérêt du fait de leur facilité d'utilisation, leur faible encombrement, leur coût et l'absence d'irradiation. Leur avantage principal serait de permettre, à côté de la mesure densitométrique, une évaluation qualitative de l'architecture osseuse, ce qui n'est cependant pas actuellement démontré.

En pratique, même si des appareils sont déjà commercialisés, l'utilisation clinique des ultrasons apparait encore prématurée tant dans l'évaluation du risque d'ostéoporose à la ménopause que dans le suivi des traitements. Nous n'aborderont également pas les autres techniques de mesure qui pour différentes raisons offrent moins d'intérêt dans l'évaluation du contenu minéral osseux.

. La radiographie standard est notoirement imprécise pour apprécier la densité osseuse car elle dépend des constantes d'examen utilisées et de la corpulence du sujet. Par ailleurs, elle est peu sensible et une perte minérale osseuse ne devient véritablement radio-visible qu'au-delà de 30 %.

. La technique de radiographie digitalisée, qui consiste à comparer la densité d'une radiographie à celle d'une échelle métallique mesurée de façon concomitante doit être proscrite pour l'étude du rachis et du fémur, car totalement inexacte.

. Le scanner simple ou double énergie peut fournir une quantification de la densité minérale sur des coupes effectuées sur les vertèbres lombaires. Par rapport à l'absorptiométrie, il a l'avantage de donner une densite "vraie" en g/cm3, de permettre une étude séparée de l'os trabéculaire et cortical de la vertèbre, et de fournir en plus, un aspect morphologique. Par contre, l'exactitude est légèrement inférieure, l'irradiation beaucoup plus importante et la mesure limitée aux vertèbres. Enfin, l'utilisation intensive des appareils pour l'imagerie médicale les rend souvent indisponibles pour des mesures de densité osseuse.

L'absorptiométrie biphotonique à rayons X (DXA pour Dual X-Ray Absorptiometry) :

Le principe de l'absorptiométrie biphotonique repose sur l'étude de l'atténuation d'un rayonnement gamma lors de sa traversée de la zone d'intérêt. L'atténuation sera d'autant plus grande que la densité du corps est plus élevée. L'utilisation de 2 rayonnements monochromatiques d'énergies différentes (d'où le terme "biphotonique"), permet de mesurer la densité de l'os en éliminant la part d'atténuation qui revient aux tissus mous. Jusqu'en 1988, l'émetteur de photons était un radio-isotope (généralement du Gadolinium), nécessitant son renouvellement annuel et limitant l'implantation des appareils aux services de médecine nucléaire. Le développement d'appareils de 2ème génération, équipés de tubes à rayons-X a permis une large diffusion de la méthode, tout en améliorant encore les performances. La France compte aujourd'hui un parc de plus de 400 appareils, commercialisés sous 4 marques différentes qui varient par leur procédure d'acquisition et de calcul des données.

Bases de l'utilisation de la DXA dans l'évaluation du risque d'ostéoporose à la ménopause

Les nombreuses données accumulées ces 20 dernières années ont montré qu'il existait une association étroite, entre le contenu minéral d'un os et sa solidité. Nous disposons aujourd'hui de plus de 10 études prospectives, réalisées principalement aux Etats-Unis et en Suède, totalisant plus de 10 000 femmes suivies pendant une période de 2 à 13 ans.

Sur la base de ces études, il est établi que chaque diminution de 1 écart type de la masse osseuse (10 à 15%) correspond globalement à un doublement du risque de fracture ostéoporotique. Ce risque relatif ajusté pour l'âge, est supérieur à celui rapporté dans l'étude de Framingham entre l'hypercholestérolémie et la pathologie coronarienne et comparable à la relation entre hypertension artérielle et accident vasculaire cérébral.

Ainsi, il apparait aussi justifié de mesurer la densité osseuse et de corriger une ostéopénie que de traiter une hypercholestérolémie ou une hypertension artérielle. Le risque cumulé de fracture fémorale pour une femme abordant sa ménopause avec une densité osseuse à -1 écart type est de 18% alors que ce risque est de 15% lorsque la densité osseuse se situe au niveau de la moyenne pour l'âge. Cette relation masse osseuse/fracture est démontrée pour toutes les fractures survenant en dehors d'un traumatisme évident, et cela quelle que soit la zone de mesure densitométrique : radius et calcanéum par absorptiométrie monophotonique ou rachis et extrémité supérieure du fémur par absorptiométrie biphotonique. La mesure directe de la densité osseuse fémorale par DEXA permet une meilleure estimation du risque de fracture fémorale (risque relatif = 2,7) qu'une mesure faite sur un site à distance (risque relatif = 1,7 à 2,3).

La meilleure connaissance de cette relation entre diminution du contenu minéral osseux et risque de fracture a de plus conduit à une nouvelle définition de l'ostéoporose, non plus basée sur la survenue de la fracture, mais sur la base de la mesure densitométrique. Un groupe d'expert de l'OMS a ainsi fixé le seuil de l'ostéoporose densitométrique à - 2,5 écarts-types de la valeur maximale de l'adulte jeune obtenue en fin de croissance ("peak bone mass"). Il est également fait une distinction entre ostéopénie, ostéoporose et ostéoporose avérée (cf. tableau I). Cette classification qui peut paraitre complexe et qui est actuellement remise en question, du fait de l'absence de définition d'un site de mesure de référence, a cependant le mérite de souligner la signification prognostique différente des stades évolutifs de la maladie. En particulier, la survenue d'un 1er épisode fracturaire constitue en soi un élément de gravité en terme de risque de nouvelle fracture et ce quel que soit le niveau de masse osseuse.

Tableau 1 : Définition densitométrique de l'ostéoporose :

- Normal : Densité osseuse inférieure de moins 1 écart-type à celle de l'adulte jeune (t-score > -1).

- Ostéopénie : Densité osseuse comprise entre -1 et -2,5 écarts- types par rapport à l'adulte jeune (-1 =< t-score >= -2,5).

- Ostéoporose : Densité osseuse inférieure à -2,5 écarts-types par rapport à l'adulte jeune (t-score < -2,5).

- Ostéoporose avérée :Densité osseuse inférieure à -2,5 écarts-types par rapport à l'adulte jeune en présence d'1 ou plusieurs fractures par fragilité.

Indications de la mesure de la densité osseuse dans l'évaluation du risque d'ostéoporose chez la femme ménopausée :

En l'état actuel de nos possibilités thérapeutiques, la femme ménopausée constitue la population la plus à même de bénéficier d'une évaluation du risque fracturaire. En effet, nous disposons avec l'hormonothérapie substitutive post-ménopausique d'un traitement validé dans la prévention de la perte osseuse, tout comme de la survenue de fracture ostéoporotique. Deux périodes apparaissent particulièrement propices à l'indication d'une ostéodensitométrie :

Au moment de la ménopause :

C'est la période optimale du fait de la survenue d'une perte osseuse rapide et transitoire dont le rôle dans la génèse de l'ostéoporose est aujourd'hui bien établi. C'est aussi le moment où les femmes vont interroger leurs médecins sur l'opportunité de débuter un THS.

Une mesure de densité osseuse apparait particulièrement utile :

- Chez les femmes chez qui la décision de se soumettre à un THS prolongé est motivée par la connaissance de leur risque d'ostéoporose.

- Chez les femmes (minoritaires) présentant une contre indication absolue au THS (cancer du sein, accidents thrombo-emboliques ...). La connaissance précise et objective de leur risque fracturaire va permettre de juger au cas par cas de la nécessité d'une autre thérapeutique.

- Chez les femmes présentant certains facteurs de risque d'ostéoporose (ménopause précoce, poids =< 55 kg, antécédents familiaux d'ostéoporose). La plupart des autres facteurs dits de "risque" n'ont qu'une influence limitée sur le niveau de densité osseuse, bien inférieure à celle de l'hérédité et un tiers à la moitié des femmes ayant une densité osseuse basse n'ont aucun facteur de risque identifiable. A l'inverse, certaines conditions (obésité, arthrose généralisée, diabéte de type II, THS en cours) sont des marqueurs d'un faible risque d'ostéoporose et ne constituent pas une indication privilégiée de la mesure.

Dans ces indications, seule une mesure couplée de la densité osseuse vertébrale et fémorale permet d'identifier la majorité des femmes à risque à la ménopause.

Chez la femme après 65 ans :

Plusieurs arguments plaident en faveur d'un dépistage après 65 ans des femmes à haut risque fracturaire :

- La perte osseuse se prolonge bien au-delà de la ménopause et semble même s'accélérer après 70 ans.

- Le risque fracturaire global et surtout fémoral peut être évalué de façon précise par une mesure de densité osseuse fémorale (la mesure au rachis perd de son intérêt du fait de l'arthrose) couplée à la recherche de facteurs de risque de chute et d'antécédents personnels et familiaux d'ostéoporose.

- Le THS peut être débuté à distance de la ménopause, même chez les femmes âgées et nous disposons de nombreuses données démontrant dans cette population de son efficacité dans la prévention des fractures ostéoporotiques.

Intérêt du suivi densitométrique dans la surveillance de l'efficacité osseuse du THS :

La capacité de la technique de mesure à détecter rapidement les variations de densité osseuse est essentielle pour apprécier la réponse densitométrique à un traitement. Elle dépend de la reproductibilité de la méthode qui est appréciée à partir de plusieurs mesures faites chez un même sujet et exprimée habituellement par un coefficient de variation (CV%). Pour l'absorptiométrie biphotonique, la reproductibilité in vivo est de l'ordre de 1% pour le rachis et 1 à 3% pour le fémur, ce qui nettement inférieur à la reproductibilité des dosages biologiques que nous utilisons quotidiennement.

L'intérêt du suivi densitométrique des traitements anti-ostéoclastiques, et notamment du THS reste encore controversé. Pour certain, la surveillance de l'effet osseux d'un THS serait inutile compte tenu de la quasi certitude de l'efficacité préventive d'un THS bien conduit (c'est à dire chez les femmes recevant une posologie journalière de 17ß-estradiol équivalent à 2 mg pour la voie orale, 50 µg pour la voie transdermique et 1,5 mg pour la voie percutanée). En fait, cette situation n'est pas aussi schématique du fait d'une variation individuelle des besoins tissulaires en estrogènes.

De plus, il est impossible de prédire, à partir des données de l'examen clinique, l'effet osseux du THS. Ainsi la présence des hémorragies de privation (éventualité de plus en plus rare avec la tendance aux schémas combinés continus) et encore moins le contrôle des bouffées de chaleur ne sauraient constituer un gage de l'effet osseux des estrogènes.

En pratique,

il apparait donc difficile de ne pas recommander la surveillance de l'effet osseux d'un THS surtout lorsque celui-ci est prescrit dans la prévention de l'ostéoporose et chez des femmes à haut risque de fracture. La mesure densitométrique par DEXA reste dans l'état actuel de nos connaissances la seule façon de nous assurer de celui-ci (le critère principal d'efficacité restant l'absence de fracture), sous reserve que la mesure soit réalisée dans de bonne condition, par un opérateur entrainé et sur un appareil de mesure fiable de préférence de même marque.

De plus, cette surveillance représente un élément susceptible d'améliorer l'observance du THS, l'assurance d'une absence de perte osseuse chez les femmes traitées constituant un élément de motivation à la poursuite du traitement. Ainsi, une mesure réalisée 18 à 24 mois après le début du traitement nous paraît prendre tout son intérêt chez les femmes à densité osseuse basse, chez lesquelles il est particulièrement important de s'assurer de l'absence de perte osseuse, voire de l'existence d'un gain osseux en début de traitement.

La surveillance densitométrique apparait également être intéressante en cas de doute sur l'observance du traitement et lors de l'utilisation de faibles doses d'estrogènes qui ne permettent pas, dans un pourcentage non négligeable de femmes, de prévenir complètement la perte osseuse, notamment au col fémoral. Dans les autres situations, c'est à dire chez les femmes qui présentent une densité osseuse normale et qui poursuivent consciencieusement leur traitement, une mesure tous les 3 ans apparait suffisante.

evaluation du remodelage osseux: les marqueurs biochimiques du remodelage osseux.

Les marqueurs biochimiques du remodelage osseux

sont des enzymes ou des constituants de la matrice osseuse libérés dans la circulation lors du processus de renouvellement osseux. Ils sont dosés dans le sang ou les urines où leur taux reflètent le niveau global de formation et de résorption de l'os. D'importants progrés ont été réalisés ces dernières années dans ce domaine et aux dosages usuels mais peu performants (phosphatase alcaline totale, calciurie, hydroxyprolinurie...), sont venus s'ajouter de nouveaux marqueurs beaucoup plus spécifique du tissu osseux.

Parmi les marqueurs actuellement disponibles en pratique courante, l'ostéocalcine serique totale semble être l'un des plus intéressants de par sa facilité de dosage, sa bonne reproductibilité (coefficient de variation de 5-10%), sa sensibilité aux effets de la ménopause et du vieillissement, sa réponse aux thérapeutiques anti-ostéoporotiques et sa spécificité du remodelage global ainsi que de l'activité d'ostéoformation.

Les molécules de pontage du collagène (pyridinoline et déoxy-pyridinoline libres et totales) et leurs formes associées à des peptides (N et C-télopeptides) réflètent assez fidèlement la résorption osseuse. E

lles sont dosées dans les urines des 24 heures ou plus simplement sur un échantillon des premières urines du matin rapporté à la créatinurie avec pour principal inconvénient une variabilité de l'ordre de 20 à 30% pour un même individu évalué à plusieurs reprises.

Les dosages sériques des pyridinolines actuellement en cours de développement devraient permettre d'améliorer significativement cette reproductibilité tout en conservant une sensibilité comparable aux dosages urinaires.

Les autres marqueurs sériques (peptides d'extension du procollagène I, phosphatase alcaline osseuse, phosphatase acide...) semblent avoir moins d'intérêt dans l'ostéoporose. Enfin, il faut rappeler que tous ces marqueurs obéissent à un rythme circadien d'où la nécessité d'une standardisation du recueil (valeur maximale le matin).

Intérêt de l'évaluation du remodelage osseux dans l'évaluation du risque d'ostéoporose chez la femme ménopausée :

La place des nouveaux marqueurs du remodelage osseux dans la prise en charge de l'ostéoporose fait l'objet d'un débat souvent passionné où s'affrontent des avis très contrastés sur un terrain non exempt de considérations commerciales.

- Tout d'abord, il est clair que les dosages biologiques ne permettent pas de prédire le niveau individuel de densité minérale osseuse (DMO), même s'il existe à l'échelle de groupe de population un certain degré de corrélation (r = -0,2 à -0,4) entre l'augmentation des taux aprés la ménopause et la baisse de la densité minérale osseuse. L'étude prospective multicentrique EPIDOS conduite en France chez la femme âgée de plus de 80 ans a établi une association en partie indépendante de la DMO, entre l'augmentation de certains marqueurs de la résorption (CTX, déoxy-pyridinoline libre) et la survenue dans les 2 années suivantes d'une fracture du col du fémur. Néanmoins, cette étude montre que dans la plupart des cas il n'y a pas d'avantage net à combiner le dosage de ces marqueurs à la densité osseuse pour l'évaluation du risque fracturaire par rapport à la mesure densitométrique seule.

- La place des marqueurs du remodelage en début de ménopause reste également controversée. La ménopause s'accompagne d'une accélération de la perte osseuse dont le taux peut varier selon des facteurs encore mal appréciés, mais dont le principal semble être l'imprégnation estrogénique résiduelle. Pour certains auteurs, le risque d'ostéoporose serait ainsi dépendant non seulement du niveau de masse osseuse avec lequel la femme aborde sa ménopause, mais également de sa vitesse de perte osseuse post-ménopausique. Les travaux de Christiansen ont conduit au concept d'un sous-groupe de femmes à perte osseuse rapide ("fast bone losers") qui seraient particulièrement exposées à la survenue ultérieure d'une ostéoporose. En fait, cette question reste encore très controversée et l'influence réelle de la vitesse de perte osseuse sur le risque fracturaire, indépendamment du niveau de masse osseuse, n'est pas encore validée.

En effet, la corrélation rapportée de façon inconstante avec le taux de perte osseuse est trop faible pour avoir une quelconque valeur prédictive au plan individuel. Le concept même de "perdeurs rapides" développé par l'équipe danoise n'a jamais été validé par d'autres équipes indépendantes. Quant à une relation entre l'augmentation du remodelage osseux en début de ménopause et la survenue ultérieure de fracture, si elle s'avère physiologiquement possible, elle n'est pas formellement établie. En pratique, le mesure ostéodensitométrique reste le meilleur moyen d'apprécier le risque fracturaire en début de ménopause, l'intérêt d'y adjoindre dans certaines situations une évaluation biologique du niveau de remodelage demande à être mieux évalué.

Intérêt des marqueurs biochimiques dans l'évaluation de la réponse osseuse au THS :

En l'état actuel de nos connaissances, le principal intérêt de ces marqueurs résiderait dans la possibilité d'apprécier la réponse aux thérapeutiques antiostéoclastiques.

Ces traitements (bisphosphonates et estrogène) entrainent une baisse de 30 à 70% du niveau des marqueurs (plus marquée pour la résorption), maximale à 3 mois pour la résorption et après 6 mois à 1 an pour l'ostéoformation. Cette baisse est modérément correlée à l'évolution densitométrique après 2 à 3 ans de traitement (r variant de -0,3 à -0,7 selon le site de mesure et les études) et cette corrélation apparait diminuer avec la durée du traitement.

Leur principal intérêt serait dans leur possibilité d'évaluer de manière précoce la réponse osseuse individuelle au traitement, sans attendre les 18 mois à 2 ans nécessaires pour mettre en évidence avec une fiabilité suffisante une variation significative de la densité osseuse.

Cette évaluation pourrait constituer un moyen d'améliorer l'observance des traitements anti-ostéoporotiques dont la prise est souvent prolongée pendant des années. Il n'en demeure pas moins que la principale limite à leur utilisation en pratique quotidienne tient à une variabilité intra- et inter-individuelle importante, parfois supérieure aux variations attendues sous traitement. De plus, de nombreuses questions sont encore sans réponse : quel(s) marqueur(s) doit-on utiliser ?

doit-on privilégier les marqueurs de la résorption osseuse (à priori, oui) et le(s)quel(s) ? comment interpréter leur valeur ? doit-on prendre la valeur de la femme non ménopausée comme valeur de référence ou doit-on prendre en compte les variations du taux pré-thérapeutique (ce qui oblige à disposer d'un évaluation avant la mise en route du traitement) ? En pratique, l'absence de réponse à toutes ces questions limite l'utilisation de ces marqueurs dans la surveillance du THS, même si il est probable que dans un proche avenir ils constitueront un outil intéressant.

Au total,

nous disposons avec l'absorptiométrie biphotonique à rayons X d'une méthode de mesure non invasive du contenu minéral osseux particulièrement performante dans l'évaluation du risque d'ostéoporose à la ménopause.

Sa bonne reproductibilité autorise le suivi des thérapeutiques anti-ostéoclastiques, ce qui est susceptible d'améliorer l'observance de traitements dont l'administration prolongée est nécessaire dans la prévention de l'ostéoporose.

Il est par contre certain qu'une utilisation correcte de l'examen densitométrique impose un contrôle de qualité régulier des appareils, une connaissance claire de la signification du résultat et de son interprétation, le respect de ses indications, autant d'éléments constituant le meilleur garant de sa crédibilité vis à vis des autorités de tutelle tout comme de ses utilisateurs.

Il est en effet regrettable que le non remboursement de l'examen densitométrique en limite encore l'accès à de nombreux patients, au contraire de celui des marqueurs biochimiques dont l'utilisation en pratique quotidienne apparait encore prématurée.

Bibliographie

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Service d'Endocrinologie CHU Rangueil 31403 Toulouse Cedex 4