MENOPAUSE ET RISQUE CARDIOVASCULAIRE : PREVENTION PRIMAIRE ET SECONDAIRE. RAPPORT
BENEFICE-RISQUE.
Ulysse GASPARD
Service de Gynécologie
Centre Hospitalier Universitaire de Liège
Domaine Universitaire du Sart Tilman - Bat 35
B 4000 Liège 1 - BELGIQUE
Tél +32-4-366.71.69
Fax +32-1-366.82.66
Titre abrégé : Hormonosubstitution et risque vasculaire
Mots clés : ménopause - maladies cardiovasculaires -
oestrogènes - progestatifs.
Présentation : 13èmes Journées de Techniques Avancées
Fort de France, 9-16 Janvier 1998
MENOPAUSE ET RISQUE CARDIOVASCULAIRE : PREVENTION PRIMAIRE ET
SECONDAIRE. RAPPORT BENEFICE-RISQUE
U. GASPARD
PLAN DU TEXTE
- Résumé
- Introduction
- Impact du traitement substitutif par oestrogène seul ou par oestroprogestatif
sur le risque cardiovasculaire de la femme ménopausée
1. Effets du THS sur le risque cardiovasculaire primaire
1.1 Le risque coronaire
1.2 Le risque thromboembolique veineux
1.3 Le risque d'accident vasculaire cérébral
2. Effets du THS sur le risque cardiovasculaire secondaire
- Effet cardiovasculaire protecteur du THS à la ménopause : mythe ou
réalité ?
- Bilan benefice-risque induit par le THS
- Effets avérés et potentiels des oestrogènes sur le système cardiovasculaire et sa modulation par les progestatifs
1. Effets sur les lipides
2. Effets sur le métabolisme glucidique
3. Effets sur la coagulation et la fibrinolyse
4. Effets cardiaques et vasculaires directs
- Conclusions
- Références (10)
- Tableaux (1 à 4)
- Resume
Les maladies cardiovasculaires constituent la cause majeure de
mortalité féminine et ce risque peut notamment être accru par la ménopause et la
déficience oestrogénique. Les études épidémiologiques rétrospectives et prospectives indiquent que le traitement substitutif
oestrogénique ou oestroprogestatif réduit l'incidence de la morbidité et de la
mortalité par infarctus myocardique de près de 50%, tandis que l'incidence des accidents vasculaires
cérébraux semble substantiellement réduite sans qu'un consensus soit déjà acquis dans ce domaine, et qu'un
léger mais significatif accroissement de l'incidence des thromboembolies veineuses sous traitement
oestrogénique semble se dégager actuellement. L'effet favorable des oestrogènes sur le profil lipidique explique environ 1/3 de la
réduction du risque artériel. Parmi les autres effets non lipidiques des
oestrogènes ayant un impact cardiovasculaire positif, on peut noter une amélioration de la
sécrétion insulinique avec diminution de l'insulinorésistance, effet qui peut
être contrecarré par les progestatifs surtout s'ils présentent une activité
androgénique. Une action directe des oestrogènes s'observe sur la paroi artérielle : modification de facteurs endothelium-dependants tels qu'un accroissement du monoxyde d'azote [NO] et une diminution de l'endotheline-1 et de facteurs
endothélium-indépendants tels qu'un effet antagoniste vis-à-vis du calcium. Ces effets conduisent
à une amélioration du débit artériel tant au niveau coronaire et cérébral que
périphérique. L'hormonothérapie substitutive postménopausique constitue une
prévention primaire et (peut être) secondaire apparemment efficace des accidents cardio-circulatoires. Elle est responsable d'une bonne partie de diminution de la
mortalité totale observée chez les femmes sous substitution hormonale postménopausique. Toutefois, une
démonstration définitive de cet effet protecteur sur le plan cardiovasculaire demande encore des
études prospectives randomisées au long cours. Enfin, quels que soient les (faibles) accroissements de risque encourus sous
hormonothérapie substitutive (cancer de l'endomètre et du sein, thrombophlébites...), le
bénéfice coronaire l'emporte largement et les femmes présentant un risque vasculaire et surtout coronaire retireront un
bénéfice maximal du traitement substitutif.
Dans les pays occidentaux, la mortalité d'origine cardiovasculaire globale touche plus de 50% de la population, d'autant plus que l'age moyen de celle-ci ne cesse de
s'élever et avec elle les facteurs de risques majoritaires. Elle dépasse de ce fait largement la
mortalité par cancer qui est cinq fois plus faible, et plus particulièrement pour le cancer du sein qui est neuf fois plus faible environ (1).
Chez la femme, la mortalité pour cause cardiovasculaire est moindre que chez l'homme -parfois de 2
à 4 fois selon le pays concerné - et ceci jusqu'à la ménopause ou la castration; par
après la différence s'amenuise, pour être virtuelle au delà de 80 ans. Cette nette
différence entre les sexes donne à penser qu'il existe un trait féminin universel protecteur, la
présence d'ovaires fonctionnels étant le candidat le plus évident : l'augmentation du risque
après la cessation de la fonction ovarienne, en plus de l'accroissement naturel dû
à l'âge, et les études montrant que la mortalité et la morbidité cardiovasculaires diminuent vraisemblablement sous traitement hormonal substitutif (THS) (1) constituant la base de
l'évaluation qui va suivre, sont des éléments convaincants qui vont faire l'objet de cette
évaluation.
Il faut ajouter que si le THS est par son rÙle cardioprotecteur un facteur de survie
ultérieure, en diminuant la mortalité primaire et peut être même secondaire, la diminution de la
morbidité, en apportant un supplément de qualité à cette vie allongée est un facteur positif sur le plan social car elle minimise la
nécessité du recours aux soins de santé pour cette population plus ‚gée mais mieux portante (2).
- Impact du traitement substitutif par oestrogène seul ou par oestro-progestatif sur le risque cardiovasculaire de la femme
ménopausée.
1. Effets du THS sur le risque cardiovasculaire primaire
1.1 Le risque coronaire
Au cours des 25 dernières années, plus de 40 études ont
porté sur la relation entre le traitement substitutif et le risque de coronaropathie. Aux USA, une femme de 50 ans a 46% de chances de
développer une maladie coronaire, et 31% de probabilité d'en mourir à un âge
moyen de 74 ans (3).
Les études épidémiologiques prospectives (de cohortes) ou
rétrospectives (cas-témoins) sont largement cohérentes et montrent une réduction significative du risque coronaire fatal et non fatal. Les 3 grandes
méta-analyses reprises par Grady et al (3) calculent un risque relatif (R.R.) total de la femme
ménopausée traitée par oestrogène seul par rapport à la non- traitée de 0,55 pour Bush, 0,58 pour Stampfer et de 0,65 pour Grady, ces valeurs
étant statistiquement significatives. Plus précisément le R.R. de mort par infarctus est de 0,63 avec un intervalle de confiance 95% de 0,55-0,72. Ces valeurs sont parfaitement
corroborées dans la mise à jour la plus récente de la Nurses' Health Study (4).
La protection engendrée par les oestrogènes serait un phénomène
précoce, se prolongeant au delà de la prise oestrogénique et pour des doses
d'oestrogènes oraux équivalant à 0,3-1,25mg par jour d'oestrogènes conjugués
équins. Les données ne sont pas suffisamment informatives pour approfondir la relation
dose-réponse et durée d'exposition-réponse. Cependant, en ce qui concerne les
oestrogènes conjugués équins (Premarin®
), Grodstein et al (4) estiment que l'effet optimal vis à vis du risque coronaire est obtenu avec des doses de 0,3-0,625mg/j mais qu'il
s'accroît de nouveau lorsque le traitement est arrêté depuis 3 ans, la protection disparaissant
après 10 ans d'arrêt du traitement ou plus (retour à un RR de 1.0, soit le risque de la femme non
traitée). Il n'y a pas d'étude épidémiologique recourant à des oestrogènes transdermiques. Lors d'un THS combinant un
oestrogène et un progestatif, parmi les 4 études publiées, l'importante étude
suédoise d'Uppsala indique un R.R. de 0,5 (IC 0,3-0,87), c'est-à-dire un degré de protection comparable
à celui observé chez les femmes recevant des oestrogènes seuls . Ceci est
conforté par les données de la Nurses' Health Study rapportant un R.R. total sous
oestrogénothérapie de 0,60 et sous oestro-progestagénothérapie de 0,39 (I.C 0,19-0,78), une diminution de risque tout
à fait significative.
1.2. Le risque thromboembolique veineux
Une revue de Persson datant de 1994 montrait que l'essai
thérapeutique prospectif randomisé de Nachtigall (1979) et les études rétrospectives
cas-témoins du Boston Collaborative DSP (1974), de Pettiti (1979) et plus récemment de Devor (1992), [cette
dernière par exemple montrant un odd-ratio (0.R.) de 0,8 (IC 0,3-3,1)], n'indiquaient aucune
différence de risque thrombotique veineux entre les femmes ménopausées traitées par
oestrogène ou oestroprogestatif et les non traitées.
Cependant, une série de publications récentes résumées au tableau 1 permettent de penser que le risque de thromboembolie veineuse (TEV) est significativement
augmenté (RR env. 2,5) chez les utilisatrices de THS par rapport aux non-utilisatrices, et ceci surtout pendant la
première année d'utilisation du THS, et quel que soit le type d'oestrogène ou d'oestroprogestatifs (y compris la Tibolone) ou le mode d'administration (y compris transdermique).
L'excès de risque n'est cependant que de 1 pour 5000 années femmes d'exposition au traitement, un risque
très faible pour les femmes bien portantes mais accru pour les femmes présentant des facteurs de risque de TEV. Devant ces observations
récentes, la Medicines Control Agency a proposé les recommandations suivantes
dès novembre 1996 :
- sont considérés comme des contre-indications absolues du THS l'existence d'une thrombose profonde active avec ou sans embolie ou des
antécédents de même nature;
- sont considérés comme des contre-indications relatives du THS l'existence de varices importantes,
d'obésité marquée (BMI >=
30), d'un traumatisme ou d'une intervention chirurgicale entraînant un repos au lit, ou une immobilisation
prolongée.
Ainsi, ces nouvelles études semblent indiquer que le recours
à des oestrogènes même naturels et faiblement dosés peuvent entraîner une élévation
discrète mais apparemment significative du risque thromboembolique veineux, à l'instar de ce qui est
observé sous contraception orale. Ces nouvelles données demandent une confirmation
ultérieure mais suscitent cependant la prudence. Aussi, toute femme présentant une histoire personnelle ou familiale de thromboembolie veineuse
nécessite une mise au point individuelle avant de recevoir un THS. Comme l'a fait remarquer
récemment Vessey, (4è Congrès Européen de la Ménopause, Vienne, Octobre 1997), le risque absolu de TEV est dans ce cas
très faible : 1 femme sur 5000 utilisant le THS est susceptible de présenter un
épisode de TEV qui ne serait pas survenu si elle n'avait pas utilisé de THS. Comme seulement environ 1
à 2% des épisodes de TEV ont une issue fatale, l'excès de risque de mortalité dû
à cette cause est négligeable.
1.3 Le risque d'accident vasculaire cérébral (AVC)
Ici, la situation semble relativement différente entre d'une part la contraception hormonale qui
accroît modérément le risque d'AVC et d'accident ischémique transitoire (AIT), d'une
manière accrue par le tabagisme, et d'autre part l'influence du THS. Ce dernier, -peut
être à la fois par son action vasodilatatrice cérébrale et probablement
antiathérogène- est susceptible d'exercer un effet protecteur vis à vis des AVC et des AIT. Les 15
études épidémiologiques les plus récentes consacrées à ce sujet ont été bien revues par Persson et par Grady (3). L'avis des auteurs n'est cependant pas concordant, qu'il s'agisse d'AVC fatal ou non fatal.
L'étude de Framingham montre un risque accru chez la femme traitée et la grande Nurses' Health Study un risque identique (R.R. = 1); on a
reproché à cette dernière cependant le fait qu'il s'agisse d'une population dans l'ensemble trop jeune.
Néanmoins toutes les autres études montrent un risque significativement diminué chez les femmes
ménopausées recevant des oestrogènes (RR de 0,4 à 0,7), tandis que la grande
étude suédoise de Persson indique un RR de 0,5 (IC 0,4-0,9) chez les femmes recevant un
oestrogène naturel (valérianate d'oestradiol) combiné avec un progestatif puissant
(lévonorgestrel 250µg). Une réduction du RR de 30 à 40% était observée en ce qui concerne les thromboses et
hémorragies cérébrales, le risque étant inchangé (=1) pour les hémorragies
subarachnoidiennes.
Ces observations sont d'autant plus importantes que la pathologie vasculaire
cérébrale est grave et fréquente, 20% des femmes de plus de 50 ans ont une
probabilité de présenter un AVC et 8% d'en mourir à un âge moyen de 83 ans (3). Cependant, si le recours aux
oestrogènes à la ménopause semble diminuer le risque d' AVC, le bénéfice est peut
être variable selon la dose d'oestrogènes conjugués pour le THS : Grodstein et al (4) estiment que le Risque Relatif
après ajustement multivarié, passe de 0,64 pour une dose d'oestrogènes
conjugués de 0,3mg à 1,86 pour une dose de plus de 1,25mg, la tendance à l'accroissement
étant significative. Ceci souligne la prudence à observer et l'impérieuse nécessité de s'en tenir lorsque c'est possible
à la dose oestrogénique minimale effective !
2. Effets du THS sur le risque cardiovasculaire secondaire
Au travers des études épidémiologiques, on peut se rendre compte que les femmes
postménopausiques présentent un nombre important de facteurs de risque cardiovasculaire bien
individualisé (Tableau 2) et que les deux tiers d'entre elles présentent au moins 2 facteurs de risque
caractérisé. Diverses études, notamment des Lipid Research Clinics, ont bien
montré que l'effet protecteur de l'oestrogénothérapie non seulement était
retrouvé chez les femmes ménopausées à risque, mais encore était plus élevé par rapport aux femmes
à risque ne recevant pas de traitement. Dans ce contexte, le RR des femmes ménopausées
présentant de l'hypertension, de l'obésité, de l'hypercholestérolémie, et du tabagisme est
diminué de 60% et plus chez les utilisatrices de THS par rapport aux non utilisatrices. Les femmes
ménopausées présentant un passé d'infarctus ou d'AVC ont une diminution du RR de 75% (utilisatrices vs non utilisatrices) alors que les patientes dont
l'anamnèse est négative ont une réduction du risque de 55% environ. De même, dans un groupe de femmes
ménopausées sous THS avec diagnostic angiographique du degré de sténose coronaire, le risque de
récurrence d'infarctus myocardique est réduit de 84% (6) tandis que l'oestrogénothérapie
réduit significativement le risque de rechute après angioplastie coronaire, ainsi que le temps de convalescence (American Heart Association, 1994, non
publié). Enfin, une intéressante étude longitudinale recourant à la mesure pendant 3 ans de
l'épaisseur de la paroi carotidienne chez des femmes ménopausées hypercholestérolémiques a
montré quel 'administration d'oestrogènes par rapport à un placebo, et d'un agent
hypocholestérolémiant (Lovastatin) vs placebo, entraînait dans les 2 cas une
réduction comparable et significative de l'épaisseur de la paroi carotidienne (7).
Différentes critiques méthodologiques sévères ont été faites et bien
résumées entre autres par Barrett-Connor (1) à l'encontre des études épidémiologiques dites observationnelles concernant l'existence de facteurs de confusion, de biais de
sélection, de prescription, et d'une observance médiocre fréquente, parmi bien d'autres facteurs : en effet, les femmes auxquelles on prescrit une
hormonothérapie substitutive sont susceptibles d'être en meilleure santé, plus minces, d'un niveau social et
éducationnel plus élevé, tous facteurs associés à un risque cardiovasculaire moindre; elles sont, de plus,
médicalement mieux suivies. Stampfer estime néanmoins que dans la "Nurses' Health Study" les facteurs de risque cardiovasculaire se retrouvent
très également répartis chez les femmes traitées et non traitées et que les facteurs confondants sont
très modestes face à la diminution très importante (~
50%) du risque cardiovasculaire fatal et non fatal qui est observée (comm. orale, Montreux, 1995). Un argument
intéressant allant dans le sens d'une grande ressemblance entre la population des utilisatrices vis
à vis des non utilisatrices, et donc de la valeur générale des études épidémiologiques reprises plus haut, ressort de l'analyse des
résultats de la grande étude de cohorte "Cardiovascular Health Study" (8) portant sur 2955 femmes de plus de 65 ans (Tableau 3). Celle-ci montre que chez les utilisatrices en cours de THS, on n'observe que 8,5% de coronaropathies, contre 16% chez les non utilisatrices c'est-à-dire, comme
prévu, la moitié en moins. Mais chez les anciennes utilisatrices
d'hormonothérapie, la fréquence des coronaropathies est aussi élevée que chez les non utilisatrices : si le traitement n'avait
été administré qu'à des femmes en meilleure santé ("biais de prescription"),
même après l'arrêt du traitement, elles devraient avoir un taux de coronaropathies moindre que les non utilisatrices ayant soi disant, au
départ, un niveau de risque plus élevé.
Cependant, s'il est très plausible de penser qu'un effet protecteur cardiovasculaire important existe bien chez les femmes
ménopausées recevant un THS, la relation causale définitive n'apparaîtra qu'à travers des essais
thérapeutiques randomisés comparatifs prospectifs qui ne sont qu'à leur début.
La revue des données épidémiologiques actuelles permet
d'évaluer que la femme ménopausée recevant une substitution hormonale peut
espérer un surcroît de vie de qualité de plus d'un an. Les effets du traitement sur la protection de la masse osseuse sont bien connus ainsi que ses effets
délétères sur l'endomètre en cas de recours à un oestrogène seul, ce qui n'est pas -ou
très peu- le cas si l'oestrogène est correctement accompagné d'un progestatif. Sur le plan du sein, le recalcul
récent par Beral et al (1997) pour le groupe d'Oxford du risque de développer un cancer en cas d'utilisation d'un THS a
été effectué pour 90% de l'ensemble des données mondiales acquises dans ce domaine au cours des 20
dernières années, soit 53.000 femmes ménopausées présentant un cancer du sein et 108.000 contrÙles.
Il en ressort, en résumé, que si la femme ménopausée utilise un THS pendant 5
à 10 ans, son R.R. moyen de développer un cancer du sein dans les 5 années qui suivent par rapport
à la non utilisatrice est de 1,31, ce qui cadre bien avec les données "de consensus"
antérieures. Si on exprime ces valeurs en termes de risque absolu , on observe que chez 10.000 femmes non utilisatrices de THS, on doit s'attendre
à 45 cancers du sein par an entre 50 et 70 ans; s'il s'agit de femmes utilisant un
THS, l'excès de cas de cancer du sein sera de 2/an si l'hormonothérapie dure moins de 5 ans et de 6/an si elle dure de 5
à 10 ans.
Quant à la mortalité annuelle chez les femmes ménopausées qui recourent au THS, elle est
diminuée d'environ 35% chez les femmes ‚gées de 50 à 75 ans selon les données de la Nurses Health study (1997) (2). Le
bénéfice est d'autant plus apparent que le traitement dure 5 ans mais diminue
légèrement par la suite du fait de l'accroissement de la mortalité par cancer du sein. Le
bénéfice en terme de mortalité est largement imputable à l'effet cardioprotecteur du THS, la plus grande
réduction de mortalité étant observée chez les femmes ménopausées présentant des facteurs de risque coronaire
(prévention secondaire), le R.R. étant alors de 0,51 ! Les études épidémiologiques les plus
récentes ne montrent pas de rÙle péjoratif des progestatifs lorsqu'ils sont
ajoutés à l'oestrogène. Tenant compte de cet ensemble de facteurs de bénéfice et de risque, on peut estimer que le tableau 4, repris et
adapté de Ross (9), reste parfaitement acceptable, indiquant un gain appréciable quant
à la mortalité et la part importante que prend le THS dans la protection cardiovasculaire.
- Effets averes et potentiels des oestrogènes sur le systeme cardiovasculaire et sa modulation par les progestatifs
L'action des oestrogènes (et des progestatifs) sur le
métabolisme énergétique, sur les paramètres de la coagulation, sur la fonction cardiaque, et sur la paroi vasculaire (effets
endothélium-dépendants ou -non dépendants) est extrêmement diverse et ne peut donner lieu qu'à une
énumération restreinte. Des revues plus vastes sont disponibles et les références qui se rapportent aux
études évoquées ci dessous se trouvent reprises dans (10).
1. Effets sur les lipides
Chez la femme ménopausée, à la fois en rapport avec l'avancement en
âge et la déficience oestrogénique, on observe un accroissement fréquent du poids corporel et plus
spécifiquement d'une distribution androÔde du tissu adipeux. Additionnellement, la perte de la fonction ovarienne est
associée au développement d'un profil lipidique plus athérogène avec accroissement des
triglycérides, du LDL-cholestérol et de ses sous-fractions denses, et réduction des taux de
HDL-cholestérol, de sa fraction HDL2, et avec un accroissement probable de la
lipoprotéine (a). Des études nombreuses montrent de manière indubitable que
l'oestrogénothérapie contrecarre effectivement ces différentes altérations et
entraîne l'évolution vers un profil lipidique nettement moins athérogène. De plus, elle diminue les produits d'oxydation du LDL et l'accrochage des macrophages
à l'endothélium vasculaire, contribuant ainsi puissamment à l'effet antiathérogène. Les
études relatives à l'effet des oestrogènes sur le risque de coronaropathie permettent d'estimer que
l'amélioration du profil lipidique intervient pour 25 à 50% de la réduction du risque vasculaire, le reste de l'effet protecteur s'expliquant par le biais d'autres actions des
oestrogènes (10). L'essai thérapeutique prospectif randomisé PEPI a récemment
démontré que l'addition de progestérone micronisée ou de 17-OH progestérone
(acétate de médroxyprogestérone) n'exerce qu'un effet antagoniste mineur et probablement sans signification clinique sur le profil lipidique
optimisé par l'administration d'oestrogènes oraux.
2. Effets sur le métabolisme glucidique
L'excès pondéral, l'obésité androÔde, les changements diététiques, le manque d'exercice physique, plus
fréquents avec l'avancement en âge, concourent à ce que la femme ménopausée
présente plus fréquemment une mauvaise tolérance au glucose voire un diabète de type II (presque 20% entre 55 et 65 ans). De plus, la
déficience oestrogénique peut jouer un rÙle dans la décroissance de la sécrétion insulinique
pancréatique et l'altération de sa clairance métabolique -changements réversibles vers une meilleure
sécrétion et sensibilité à l'insuline par le traitement oestrogénique substitutif. Cependant, les progestatifs
androgéniques peuvent, plus que la progestérone et ses dérivés, contrecarrer ces effets
oestrogéniques et promouvoir l'insulinorésistance et un hyperinsulinisme chronique dont on
connaît l'impact négatif sur le plan cardiovasculaire (10). Sur cette base assez indirecte, il est vrai, les progestatifs
dérivés de la progestérone paraissent plus indiqués pour le THS.
3. Effets sur la coagulation et la fibrinolyse
La ménopause s'accompagne d'un accroissement de facteurs prothrombotiques tels que le facteur VII, du
fibrinogène et du facteur antifibrinolytique PAI-1, mais il n'y a pas d'évidence de
génération ou dégradation accrue de la fibrine à la ménopause (revue dans 10). Alors que
l'éthinyloestradiol augmente l'activité procoagulante de manière plus ou moins
dose-dépendante, les oestrogènes naturels aux doses substitutives ont des effets procoagulants moindres que
l'éthinyloestradiol lorsqu'ils sont administrés per os et qui semblent pratiquement nuls par voie transdermique. Il semble y avoir une diminution du
fibrinogène, un accroissement discret du plasminogène et une activité fibrinolytique
légèrement accrue sous THS. L'effet des progestatifs (léger effet sur le taux du facteur VII ?) semble ultra-discret. Ainsi,
l'équilibre global coagulation-fibrinolyse est plutÙt favorable, ce qui cadre bien avec l'observation d'une diminution des
phénomènes thrombotiques sur le versant artériel. On note cependant un accroissement probable des accidents sur le versant veineux, qui requiert une
démonstration plus probante de sa plausibilité biologique.
4. Effets cardiaques et vasculaires directs
Un effet direct des oestrogènes sur le coeur et l'entièreté de l'arbre vasculaire est d'autant plus plausible que des
récepteurs oestrogéniques sont présents à tous ces niveaux et probablement beaucoup plus chez la femme que chez l'homme. Les
études échocardiographiques révèlent que l'administration aiguÎ ou chronique d'oestradiol chez la femme
ménopausée accroît le débit cardiaque et le pic de vélocité de flux contemporainement
à une diminution de la résistance vasculaire périphérique et de la pression
artérielle systolo-diastolique (3,10). La fonction vasomotrice des coronaires est
profondément améliorée par l'administration aiguÎ de doses physiologiques d'oestradiol chez la femme
ménopausée présentant une sténose coronaire symptomatique ou non : le contrÙle coronarographique
digitalisé et l' ECG permettent d'observer une normalisation de la réponse des coronaires
à l'acétylcholine (vasodilatation, et non constriction) et un accroissement significatif du temps d'exercice avant apparition d'une
ischémie (décalage du segment ST). Ceci peut rendre compte de l'action préventive primaire et secondaire des
oestrogènes chez la femme ménopausée présentant une ischémie ou un infarctus myocardique. En ce qui concerne la circulation
périphérique, diverses techniques dont l'échographie Doppler permettent de mettre en
évidence une diminution de flux et un tonus vasomoteur accru chez la femme ménopausée non
traitée. L'injection d'oestrogènes naturels ou leur prise chronique permet
d'améliorer le flux (p.ex. diminution de l'index de pulsatilité, reflet d'une diminution de
résistance vasculaire) au niveau de la circulation vulvovaginale, au niveau des
artères utérines, des carotides, des artères cérébrales, de l'avant bras, etc.... L'administration de
progestérone ou de progestatifs peut réverser (ou non) une partie -toujours fractionnelle- de l'effet favorable des
oestrogènes sans l'annihiler : ces études demandent cependant à être développées. Le mode d'action vasculaire des
oestrogènes semble reposer sur plusieurs facteurs : · accélération du catabolisme des LDL dans les plaques
athéromateuses, diminution des produits oxydés du LDL, diminution de l'adhérence des macrophages
à l'endothélium, diminution du turnover endothélial = diminution de la génération et accroissement de la dissolution des
athéromes ·
accroissement endothélium-dépendant de la production locale de NO (monoxyde d'azote ou EDRF, endothelium derived relaxing factor) par stimulation de la
NO-synthétase : relaxation musculaire et vasodilatation, diminution de l'aggrégabilité et de
l'adhésivité plaquettaires, inhibition de la prolifération musculaire lisse = effet vasodilatateur et antithrombotique
·
action antagoniste du calcium endothélium-indépendant, tant sur le plan myocardique
qu'artériel = effet vasodilatateur et antiathérogène ·
un effet antiendothéline-1 (facteur constricteur endothélial) et un accroissement du rapport prostacycline/thromboxane sous l'effet des
oestrogènes ainsi qu'un effet antagoniste partiel de l'action de l'enzyme de conversion de l'angiotensine est fortement
suspecté mais attend une démonstration plus précise.
Sur la base de vastes études épidémiologiques on peut montrer de
manière convaincante que les oestrogènes naturels oraux administrés à titre substitutif chez la femme
ménopausée entraînent une protection cardiovasculaire significative à la fois primaire et secondaire vis
à vis de l'infarctus du myocarde en réduisant la fréquence d'environ 50%, mais
protègent de manière nettement moins évidente vis-à-vis des accidents vasculaires. L'accroissement du risque thromboembolique veineux sous THS n'est que
très marginal. L'administration de progestatifs dérivés ou non de la progestérone ne semble pas influencer
négativement la cardioprotection due aux oestrogènes. L'équation risque bénéfice sous
oestrogènes ou oestroprogestatifs à la postménopause est donc favorable et montre une chute significative de la
mortalité annuelle, le bénéfice le plus évident étant obtenu chez la femme à
risque coronaire avéré. Les éléments étayant la plausibilité biologique de l'action favorable des
oestrogènes ne cessent de s'accumuler.
La démonstration définitive de l'effet oestrogénique cardiovasculo-protecteur demandera cependant des essais
thérapeutiques randomisés et comparatifs qui débutent à peine actuellement.
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TABLEAUX
TABLEAU 1
ETUDES RECENTES DE THROMBOEMBOLIE VEINEUSE (TEV) SOUS THS
TABLEAU 2
Profil de risque cardiovasculaire présent chez 1994 femmes
ménoPAusées (55 ans) dans l'étude prospective NHANES
[Adapté de Wolf et al (5) ]
TABLEAU 3
CORONAROPATHIE ET UTILISATION ACTUELLE ET ANCIENNE DE L'HORMONOTHERAPIE
SUBSTITUTIVE
TABLEAU 4
MODIFICATION DE LA MORTALITE ANNUELLE INDUITE A LA MENOPAUSE
PAR UN TRAITEMENT OESTROPROGESTATIF PRIS PENDANT 10 ANS
MENOPAUSE ET RISQUE CARDIOVASCULAIRE : PREVENTION PRIMAIRE ET SECONDAIRE - RAPPORT BENEFICE-RISQUE
U. GASPARD
A. QCM de Préévaluation
I. Le traitement hormonal substitutif (THS) exerce chez la femme
ménopausée un effet protecteur très probable vis à vis :
1. du risque de thromboembolie veineuse
2. du risque de décompensation cardiaque congestive
3. du risque de maladie coronaire
II. Dans le rapport bénéfice-risque sous THS oestro-progestatif
1. il existe une diminution de la survie annuelle globale du fait de
l'augmentation des cancers du sein et de l'endomètre
2. il existe un gain en survie annuelle par effet protecteur vasculaire
3. il n'existe pas d'amélioration ou de détérioration de la survie
annuelle
Réponse aux questions : I-3; II-2
B. QCM de Postévaluation
III. Sous THS, les études épidémiologiques indiquent que la protection vasculaire est relativement plus
marquée chez :
1. les femmes ménopausées n'ayant pas de risque coronaire au
départ
2. les femmes ménopausées ayant un ou plusieurs facteurs de risque
ou une coronaropathie antérieure
3. les femmes ménopausées ayant présenté un ou plusieurs accidents
thrombophlébitiques profonds auparavant
IV. Le THS à la ménopause exerce un effet de prévention cardiovasculaire du fait de :
1. une action favorable sur le métabolisme des lipides, uniquement
2. une action favorable sur les lipides et les facteurs de coagulation
3. une action favorable sur les lipides et une action directe sur la paroi
vasculaire, y compris l'endothélium
Réponses aux questions : III-2; IV-3
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