SPERMOGRAMME ET TESTS DE FECONDANCE : INTERET ET LIMITES
S. HAMAMAH ET C. BARTHELEMY
INTRODUCTION
La réalisation d'un spermogramme, est un des premiers examens de l'exploration de la
fertilité du couple. Le spermogramme est informatif lorsque interprété dans le plus
large contexte de l'histoire du patient et de son dossier clinique. Une analyse du sperme
ne peut pas être définie simplement comme normale ou anormale [1]. Il est important pour
le clinicien, s'il est bien fait, de connaître les signes cytologiques révélateurs
d'une dysfonction testiculaire pour tenter une évaluation approximative de la fertilité
masculine.
Le sperme doit de préférence être recueilli au laboratoire, par masturbation, dans
un récipient approprié à usage unique et à col large en polystyrène ; le délai
d'abstinence sexuelle de 3 à 5 jours est conseillé. Ce délai influence le volume et la
numération. Pour éviter une contamination accidentelle du sperme, il est important de
demander au patient avant le recueil du sperme de procéder dans l'ordre à : (i) une
miction, nécessaire pour éliminer les bactéries commensales de l'urètre antérieur, et
(ii) un lavage des mains et du gland avec un savon bactéricide et antifongique, suivi
d'un rinçage au soluté physiologique stérile.
Toute anomalie de recueil doit conduire à interroger le patient afin de vérifier s'il
y a une perte d'une partie du prélèvement ou si l'éjaculation est incomplète. Chez
certains patients dont l'éjaculation est partiellement ou totalement rétrograde, il faut
après la masturbation étudier la miction en contrôlant le pH des urines.
Avant la réalisation du spermogramme, le prélèvement est placé à 37°C dans un
bain- marie ou à la température du laboratoire pendant 30 mn (variable selon le
laboratoire) jusqu'à la liquéfaction du liquide séminal.
SPERMOGRAMME ET SPERMOCYTOGRAMME
L'analyse du sperme est commencée 30 à 60 mn après l'éjaculation. Après
homogénisation du prélèvement, un échantillon de 0,2 ml est prélevé pour établir un
spermogramme et un spermocytogramme.
PARAMETRES MESUR&EACUTES DANS LE SPERMOGRAMME
1. Le volume : il doit être mesuré de façon précise avec une pipette calibrée ; il
est normalement compris entre 2 et 6 ml. Un volume trop faible peut évoquer une
éjaculation incomplète.
2. Le pH : il est mesuré à l'aide d'un papier indicateur de pH sur lequel on dépose
une goutte de sperme ; il est compris entre 7,2-7,8.
3. Le pourcentage de formes mobiles : il est apprécié à l'examen direct sur une
goutte de sperme de 10 à 20 µl entre lame et lamelle (22 x 22 mm) à 37°C au faible
grossissement, puis au fort grossissement sur 5 à 10 champs choisis au hasard. Le
pourcentage de forme mobile est évalué en routine de façon subjective ; celui-ci peut
être influencé par : (i) la température et le temps d'observation, (ii) l'épaisseur de
la goutte de sperme, et (iii) la subjectivité de l'observateur.
Actuellement, une évaluation objective du pourcentage de forme mobile et du type du
mouvement peut être réalisée à l'aide de la microvidéographie automatisée assistée
par ordinateur. Le principe de ce système consiste à placer les spermatozoïdes dans
chambre ou microcells de 10 à 20 microns d'épaisseur et éclairés en contraste de
phase. L'image des têtes de spermatozoïdes est filmée par une caméra, digitalisée et
peut être enregistrée sur un magnétoscope. Les systèmes qui existent actuellement sont
: Cell Soft, HTM de Hamilton, Cell Tract et Speed Sperme. Les paramètres spermatiques qui
sont évalués : pourcentage de spermatozoïdes mobiles, pourcentage de mobilité
progressive, vitesse curvilinéaire (VCL), vitesse linéaire (VSL), amplitude du
déplacement latéral de la tête (ALH), la linéarité exprimée soit en pourcentage soit
en index et le pourcentage de spermatozoïdes dits hyperactivés. Mais l'usage de ces
machines dans l'analyse objective de la mobilité nécessite une maîtrise optimale des
conditions de mesure, sinon on risque d'obtenir des résultats qui ne sont pas forcément
le reflet réel d'un éjaculat donné.
4. La vitalité (pourcentage de spermatozoïdes vivants) : elle est évaluée à l'aide
d'un colorant vital comme l'éosine-nigrosine ; une goutte de sperme est ajoutée à 2
gouttes d'éosine à 1 % et après 30 secondes, on ajoute 3 gouttes de nigrosine à 10 %
(dans le sérum physiologique). Un frottis est réalisé, on compte 100 spermatozoïdes
sur différents champs du frottis et on évalue le pourcentage de ceux qui sont morts
" roses " ou vivants " blancs ".
5. La numération : elle est appréciée par comptage des spermatozoïdes dans un
hémocytomètre (cellules de Thomas ou autre), après immobilisation des spermatozoïdes
dans une solution de Ringer formolée à 1 %. Aussi, le comptage peut être évalué sur
la cellule de Makler sans dilution et après immobilisation à 60°C pendant 5 minutes.
6. L'analyse morphologique des spermatozoïdes " spermocytogramme " est
effectuée sur un frottis après fixation et coloration de Schorr ou de Papanicolaou. Une
classification à entrées multiples est nécessaire pour tenir compte de l'existence de
plusieurs anomalies sur le même spermatozoïde (David et al, 1975). La classification
française de David répartit les anomalies en 13 groupes différents dont 7 anomalies de
la tête, 2 anomalies de la pièce intermédiaire et 4 anomalies flagellaires.
Quelle attitude pratique doit adopter le praticien devant des troubles du nombre, de la
mobilité, de la forme des spermatozoïdes constatés lors de la réalisation du
spermogramme et quels sont les examens complémentaires à demander ?
1. ANOMALIES DU NOMBRE DES SPERMATOZOIDES
a. L'azoospermie
L'azoospermie se définit comme l'absence de spermatozoïde lors de la réalisation
d'au moins trois spermogrammes pratiqués dans des conditions optimales : ce diagnostic ne
peut être affirmé que si on examine avec attention le culot de centrifugation avant et
après coloration pour infirmer la présence de spermatozoïdes. Il faut être très
prudent dans le diagnostic définitif de l'azoospermie car un phénomène infectieux
sévère peut entraîner une azoospermie réversible. Il faudra aussi éliminer les
anomalies de l'éjaculation, les anéjaculations ou les éjaculations incomplètes ou tout
simplement des éjaculations rétrogrades. Un petit volume de sperme doit à ce moment là
alerter le clinicien et une recherche de spermatozoïdes dans les urines être
systématiquement entreprise.
La recherche de l'origine excrétoire ou sécrétoire de cette azoospermie s'appuie sur
plusieurs paramètres mais ne peut être envisagée qu'après un examen clinique soigneux
: si ni l'interrogatoire, ni l'examen clinique ne fournissent d'indice étiologique et si
le spermogramme ne montre pas de cellules de la lignée spermatique, l'azoospermie sera
plus volontiers en faveur d'une cause obstructive.
Les dosages plasmatiques de FSH peuvent nous éclairer : le taux de FSH est le plus
souvent augmenté en cas d'azoospermie sécrétoire et semble normal lorsque la lignée
germinale est conservée. Mais les azoospermies normogonadotrophiques nous posent de
réels problèmes étiologiques car il existe des azoospermies sécrétoires à FSH
normale [2].
Les dosages des marqueurs séminaux dans l'éjaculat nous permettront dans certains cas
d'affirmer l'origine d'une azoospermie. Ceux-ci sont normaux dans les azoospermies
sécrétoires et pourront être perturbés en cas d'obstruction du tractus génital.
Plusieurs marqueurs sont utilisés : la L-carnitine et l'a glucosidase (épididyme), le
fructose (vésicules séminales), le citrate, le zinc ou les phosphatases acides
(prostate). Une obstruction épididymaire va se caractériser par un taux de carnitine
abaissé dans le liquide séminal. Mais le taux de carnitine dépend du niveau de
l'obstruction car si l'obstruction est haut placée, il sera normal. Les marqueurs de
vésicules séminales et de la prostate permettent de localiser l'occlusion sur le tractus
génital et d'établir ainsi une cartographie fonctionnelle du tractus mâle [3].
L'agénésie vésiculo-déférentielle et/ou l'obstruction des canaux éjaculateurs se
caractérisent par un volume spermatique réduit, un pH acide et par une chute du taux de
carnitine, de fructose et un taux élevé des phosphatases acides, montre la participation
prédominante de la prostate. Cette situation est en dehors de tout recours chirurgical
alors que lors d'une obstruction épididymaire, une anastomose épididymo-déférentielle
peut être tentée.
b. L'oligozoospermie
L'oligozoospermie se définit par une diminution du nombre de spermatozoïdes dans
l'éjaculat (< 50.106/ éjaculat). C'est le cas le plus fréquent de l'infertilité
masculine et c'est un problème difficile à résoudre. Les oligozoospermies inférieures
à 1 million peuvent être rattachées aux azoospermies et explorées de la même façon
que celles-ci.
L'oligozoospermie est rarement isolée et souvent associée avec une asthéno
(anomalie de la mobilité) et/ou une tératozoospermie (formes anormales). Cette
oligozoospermie peut avoir plusieurs étiologies : (i) origine testiculaire sécrétoire
ou excrétoire (obstruction unilatérale sur le tractus), (ii) un problème d'éjaculation
(incomplète ou rétrograde), (iii) La présence de bactéries, d'infection ou
d'inflammation du tractus accompagnée ou non de leucospermie, et (iv) la présence
d'auto-anticorps dans le plasma séminal ou sur la membrane plasmique des spermatozoïdes.
Cette oligozoospermie n'est pas un obstacle majeur à l'expression du pouvoir
fécondant du sperme, il a été montré qu'au-delà de 5 millions de spermatozoïdes par
ml la concentration n'intervenait plus sur le délai d'obtention de la grossesse [4]. En
cas d'oligoasthénozoospermie, l'appréciation de la fécondance du sperme est évaluée
en fonction du taux de fécondation.
2. TROUBLES DE LA MOBILIT&EACUTE : ASTH&EACUTENOZOOSPERMIES
L'asthénozoospermie se caractérise par une chute de la mobilité des spermatozoïdes.
Une mobilité est considérée comme normale au-delà de 40 %. Elle est primaire si la
chute de mobilité intervient dès la première heure ou secondaire si c'est 4 heures
après l'émission du sperme. Comme pour l'oligozoospermie, le diagnostic étiologique est
difficile. Il faut prendre soin d'évaluer le pourcentage de nécrozoospermie de façon à
éliminer une absence de mobilité due à une absence de vitalité des spermatozoïdes.
Il existe des cas faciles c'est l'asthénozoospermie totale : absence totale de
mobilité de tous les spermatozoïdes [5].
Dans les cas d'asthénozoospermies plus ou moins importantes, on peut évoquer
plusieurs étiologies : (i) un phénomène infectieux et/ou une absence de fructose, (ii)
l'auto-immunisation par anticorps, (iii) une dyskynésie flagellaire c'est-à-dire une
anomalie des structures flagellaires de l'axonéme ou des structures péri-axonémales
mise en évidence par l'étude ultrastructurale du flagelle du spermatozoïde, et (iv) une
anomalie de plasma séminal, notamment une hyperviscosité due à des troubles de la
liquéfaction.
3. ANOMALIES MORPHOLOGIQUES DES SPERMATOZOIDES : TERATOZOOSPERMIES
Dans les années 50 les études des pionniers de la spermiologie comme Mac Leod ont
montré l'importance de la morphologie dans l'évaluation de l'infertilité. Les
spermatozoïdes humains présentent un fort pourcentage d'anomalies morphologiques ce qui
les différencient de toutes les autres espèces. Un sperme est considéré comme
" normal " s'il possède 30 % de spermatozoïdes de morphologie
normale.
Cette étude morphologique a été codifiée et quantifiée et la plupart des
laboratoires utilisent la classification de David [6] qui tient compte des
polymalformations des spermatozoïdes. L'avènement des procréations médicalement
assistées met en évidence l'importance du pourcentage de formes normales dans
l'éjaculat, une étude récente a démontré que le 10e percentile d'hommes féconds se
situait à 32 % de formes normales [4]. Il semble exister une certaine constance du profil
tératozoospermique chez le même individu pouvant laisser supposer l'existence d'un
rapport entre certaines perturbations morphologiques et certaines étiologies.
L'établissement du profil tératozoospermique d'un patient nécessite la réalisation de
3 ou 4 spermocytogrammes à trois mois d'intervalle. Il est évident que l'association de
nombreuses anomalies va aggraver le handicap fonctionnel du spermatozo de et dans certains
cas, seule la microscopie électronique permettra d'établir le diagnostic.
Si l'interprétation de la tératozoospermie, telle que la microcéphalie totale ou la
présence de flagelles courts pose moins de problèmes, en revanche il n'en est pas de
même lorsqu'il s'agit d'anomalies de la tête le plus souvent irrégulière. Il existe
des relations significatives entre la fréquence des anomalies de gamètes et les
anomalies de certains tests fonctionnels : la mobilité, le test de pénétration dans la
glaire, le test de fixation sur la zone pellucide de l'ovocyte. Le taux de clivage en
fécondation in vitro est nettement plus faible en cas de tératozoospermie sévère. La
mobilité et la tératozoospermie sont des facteurs déterminants dans l'expression du
pouvoir fécondant du sperme [7].
4. L'INFECTION : LEUCOSPERMIE ET/OU BACTERIOSPERMIE
La leucospermie peut être révélatrice soit d'une infection infra-clinique
potentiellement à traiter, soit des séquelles de celle-ci. Une leucospermie ne peut
être prise en compte que si une coloration différencielle à la péroxydase a été
effectuée (coloration de Heintz).
A partir de quelle concentration peut-on parler de leucospermie ? Selon les auteurs la
concentration seuil peut varier de 103 à 106. Il semble toutefois qu'une valeur
supérieure à 105 soit considérée comme pathologique [8]. Les leucocytes ont surtout
une valeur indicative. Leur présence doit faire soupçonner une infection mais aussi un
processus inflammatoire (lithiase prostatique, séquelle d'infection, abstinence trop
longue).
Il faut envisager alors une spermoculture et un ECBU du premier jet d'urine à la
recherche de germes. Selon les auteurs, le seuil de positivité est diffèrent [9].
Certaines infections sont plus ou moins latentes et ne sont découvertes qu'au
spermogramme. L'infection est patente lorsque l'on trouve 103 germes par ml et certaine
lorsque c'est > 105.
Les infections sont-elles réellement responsables de stérilité ? Il semble que les
hommes infertiles possèdent un pourcentage plus élevé de leucocytes dans le sperme. Il
a été prouvé que la présence de leucocytes dans le sperme était délétère à la
fois pour le mouvement des gamètes et la pénétration des ovocytes. Il a aussi été
décrit quelques variations du spermogramme : volume augmenté, pH > 8, numération
basse, des flagelles enroulés ainsi que des modifications des paramètres biochimiques du
sperme. A l'heure actuelle aucune de ces anomalies n'a pu être reconnue comme vraiment
pathognomonique du phénomène inflammatoire mais toute infection diagnostiquée au
spermogramme doit être traitée et il faudra effectuer un spermogramme de contrôle
après traitement.
5. L'AUTOIMMUNISATION ANTI-SPERMATOZO DE
Les spermatozoïdes peuvent provoquer, dans certaines circonstances, la production
d'anticorps. Cette auto-immunisation peut être déclenchée par des processus
traumatiques ou infectieux des organes génitaux ayant entraîné une réabsorption
massive de cet antigène habituellement isolé de la circulation générale. Mais souvent,
dans plus de 50 % des cas, il n'y a pas d'antécédent pathologique ni d'anomalie
génitale et seule l'agglutination spontanée des spermatozoïdes dans l'éjaculat évoque
cette auto-immunisation.
La fréquence des anticorps dans les populations infertiles est de 3 à 15 % selon les
études [10], mais cette fréquence dépend en grande partie à la fois du mode de
sélection des patients et des tests utilisés ainsi que de leur spécificité. Ces
anticorps peuvent être présents à la fois dans le sang périphérique et/ou dans le
tractus génital. Ils sont dus à des immunoglobulines de classe G, M et A. Chez l'homme,
dans le plasma séminal les anticorps peuvent exister soit à l'état libre dans le plasma
séminal soit à l'état lié aux antigènes de surface de la membrane du spermatozoïde.
Les signes biologiques d'appel au niveau du spermogramme seront l'auto-agglutination
quelquefois associée à des altérations de la mobilité et de la vitalité [11, 12].
Quelques tests simples peuvent être réalisés pour permettre ces dépistages. En
clinique de routine, les tests les plus couramment utilisés pour le dosage de ceux-ci
sont les tests d'agglutination en plaque qui évaluent le taux d'anticorps présents dans
le plasma séminal ou le sérum du patient ainsi que les tests dits combinés nécessitant
soit l'apport de complément : tests d'immobilisation et de cytotoxicité, soit
d'anticorps anti-immunoglobulines humaines qui sont soit marqués par un corps fluorescent
(ou par une enzyme " Eliza " ou fixés sur des microbilles de polyacrylamide
(immunobilles) ou associés à des particules de latex recouverts d'anticorps "
Mar-test ".
Le plus souvent c'est le Mar-test qui est réalisé en premier au cours du spermogramme
en cas d'asthénospermie ou d'agglutination spontanée, cÕest le test de dépistage le
plus simple complété ensuite par le test aux immunobilles qui va permettre non seulement
de localiser mais aussi de quantifier la présence d'anticorps sur la membrane des
spermatozoïdes. Ces deux tests sont le plus utilisés en clinique grâce à leur bonne
spécificité et sensibilité [13]. Ils sont plus indicatifs pour l'utilisation de
procréations médicalement assistées ultérieures que d'autres dosages directs ou
indirects dans le plasma séminal ou dans le sérum peu corrélés à la fertilité.
La présence d'anticorps entraîne souvent une asthénozoospermie associée quelquefois
à une nécrozoospermie (anticorps cytotoxiques), mais surtout interfèrent avec le
transport transcervical ou la migration des spermatozoïdes et/ou compromettent
l'interaction avec la zone pellucide de l'ovocyte [14]. Le taux d'anticorps, leur classe
(A > G) et leur localisation sur la membrane sont autant de facteurs capables d'influer
sur le niveau et le degré de l'empêchement et ainsi agir au niveau du pronostic de la
fertilité en provoquant un allongement du temps moyen d'obtention de la grossesse.
Dans l'état actuel de nos connaissances, les anticorps peuvent être responsables de
certaines infertilités masculines. Au-delà d'un certain taux, ces anticorps ne se
retrouvent que chez les patients infertiles et il y a une corrélation inverse entre le
taux d'anticorps et la fertilité ultérieure [15].
6. ETUDE ULTRASTRUCTURALE DES SPERMATOZOIDES
Seule la microscopie électronique permet d'examiner l'ultrastructure de la cellule
spermatique, mais c'est une technique nécessitant une qualification importante et un
matériel coûteux. Il faut ajouter aussi que les difficultés d'observation ou
d'interprétation de cette ultrastructure sont dues à la très grande hétérogénéité
de structures à l'intérieur d'une même population spermatique. Pour évaluer justement
la contribution des anomalies ultrastructurales cette étude doit être quantitative.
La microscopie électronique a permis d'éclaircir de nombreux cas d'asthénozoospermie
en mettant en évidence des défauts ultrastructuraux du flagelle [16].
L'asthénozoospermie a été rapportée chez des patients avec des mitochondries absentes,
des pièces intermédiaires allongées ainsi que des anomalies des structures axonémales
et péri-axonémales. Tout trouble de la mobilité sans nécrozoospermie et sans autre
étiologie peut être dû à une dyskynésie flagellaire. De nombreuses anomalies ont
déjà été décrites et répertoriées notamment au niveau du flagelle [17]. Elles sont
dues à une anomalie systématisée de l'axonème : absence de bras de dynéine, totale ou
partielle, absence de doublet central, désorganisation des doublets ou alors une anomalie
péri-axonémale trouble de l'organisation de la gaine fibreuse ou des fibres denses :
spermatozo de glissant [18].
Toutes ces anomalies ne touchent pas les spermatozoïdes à 100 % sauf dans le cas de
la maladie des cils immobiles syndrome de Kartagener [5]. Il faut donc faire ressortir
celles qui prédominent le plus et définir le profil pathologique, c'est là où se
situe la difficulté de l'interprétation de cette microscopie électronique.
L'indication de celle-ci peut être, soit à visée explicative face à des
échecs répétés de fécondation in vitro avec des spermes apparemment normaux et/ou prédictive
face à : (i) une asthénozoospermie, mobilité < 10 % ou mise en évidence d'une
anomalie des paramètres du mouvement, (ii) une tératozoospermie de la tête
systématisée : microcéphalie, macrocéphalie, anomalie acrosomique > 90 % du même
type d'anomalies, et (iii) la recherche d'une pathologie nucléaire du spermatozoïde.
Cet examen est un puissant moyen d'exploration qui peut nous apporter certaines
informations dans l'évaluation de l'infertilité d'un couple qui reste encore réservée
à certains centres spécialisés.
TESTS DE FECONDANCE DU SPERME
Auparavant, l'exploration de l'état fonctionnel des spermatozoïdes reposait surtout
sur des données spermiologiques courantes mais maintenant, on peut évaluer un certain
nombre de propriétés de la cellule spermatique telles que les caractéristiques de la
mobilité, la reconnaissance et la fixation sur la zone pellucide, la fusion des membranes
spermatique et ovocytaire et la transformation du noyau en pronucleus mâle dans le
cytoplasme ovocytaire. C'est pourquoi sur la base d'une série de tests de l'évaluation
des différentes fonctions spermatiques et non pas sur un seul, on pourrait définir
biologiquement les aptitudes fécondantes du spermatozoïde.
En pratique, on utilise depuis quelques années une série de tests permettant
d'explorer le pouvoir fécondant du sperme. Cependant, la plupart de ces tests qui
évaluent une ou plusieurs fonctions spermatiques ne sont pas forcément prédictifs et
seule la fécondation in vitro reste un moyen diagnostique fiable et répétitif
d'apprécier la capacité fécondante d'un sperme.
1. TEST POST-COITAL (TPC) OU TEST DE HUHNER
Le TPC consiste à étudier la qualité du mucus cervical prélevé après un rapport
sexuel afin d'évaluer : (i) la pénétration des spermatozoïdes dans le mucus cervical,
(ii) la survie des spermatozoïdes dans l'environnement de la glaire, et (iii) la
possibilité de problème de rapport.
Le test post-coïtal doit être pratiqué pendant la période préovulatoire avec une
abstinence de 3 jours avant le rapport étudié. Si le test est positif, il fournit un
pronostic favorable et s'il se révèle négatif ou est de mauvaise qualité
(spermatozoïdes absents ou peu nombreux, immobiles) il doit être répété et ne pas
être considéré comme un test d'infertilité mais comme un examen d'orientation.
C'est un test encore critiqué par son manque de standardisation et sa difficulté
d'interprétation.
2. TEST D'INTERACTION SPERME-MUCUS IN VITRO
Il comprend : (i) un test entre lame et lamelle utilisant une goutte de sperme et de
mucus cervical, et (ii) un test en tube (Kremer ou test croisé) où une extrémité d'un
capillaire rempli de mucus cervical est placée au contact d'un sperme liquéfié.
Lorsque le test d'interaction sperme-mucus s'avère normal, le test croise est
réalisé en parallèle avec des spermes et des mucus témoins pour déterminer la part
relative de chaque partenaire dans l'infertilité et éviter les fausses interprétations.
De plus, ce test permet d'évaluer à la fois le passage des spermatozoïdes et le
nombre de mobiles à travers l'interface sperme-mucus et leur migration dans la colonne de
mucus (Kremer, 1982).
La réalisation de ces tests nécessite : (i) une analyse conventionnelle du sperme
utilisé pour le test, (ii) une glaire cervicale préovulatoire d'un score d'Insler >
à 10/15, (iii) un PH ³ 7, et (iii) une abstinence de 3 jours.
Si un tel test conduit à un déficit fonctionnel des spermatozoïdes, une recherche
d'anticorps antispermatozoïdes dans le sperme et/ou dans le mucus cervical sera
recommandée. Car la présence des anticorps influence non seulement la pénétration dans
le mucus mais également, la survie et la migration des spermatozoïdes dans le mucus
cervical [11, 19].
3. TEST DE CAPACITATION
Afin que les spermatozo des soient capables de féconder l'ovocyte, ils doivent, après
éjaculation, subir un processus de " maturation finale " dans le
tractus féminin, dénommé " capacitation ".
Malgré de nombreuses études sur la capacitation, la nature précise de celle-ci n'a
pas été complètement élucidée. Cependant, on sait que la capacitation peut être
définie comme le relargage de protéines de revêtement et/ou la transformation des
lipides membranaires aboutissant à : (i) une transformation des caractéristiques du
mouvement des spermatozoïdes, en une forme de mouvement caractérisé par une forte
amplitude, qu'on appelle " hyperactivation ", (ii) la fixation et la
pénétration de la zone pellucide de l'ovocyte, et (iii) la réalisation de la "
réaction acrosomique ".
4. TEST DE LA RECONNAISSANCE, DE L'ATTACHEMENT ET DE LA FIXATION SUR
LA ZONE PELLUCIDE
Lors de la première étape de la fécondation, la reconnaissance et la fixation de
spermatozoïdes sur la zone pellucide sont indispensables pour la réalisation de la suite
du processus de fécondation.
Comme la fixation de spermatozoïdes sur la zone pellucide est un processus "
spécifique " non réversible, il est donc nécessaire pour la réalisation de ce
test, de disposer de zones pellucides humaines. Celles-ci peuvent être récupérées à
partir des ovocytes immatures provenant d'ovaires au cours d'une intervention ou après un
échec de FIV. Un " hemi zona assay " a été utilisé pour comparer
la capacité de fixation d'une population étudiée à une population témoin.
Un faible taux de fixation des spermatozoïdes sur la zone pellucide pourrait évoquer
la présence d'anticorps à la surface de la membrane plasmique du spermatozo de. Aussi,
il semble exister une corrélation entre le nombre de spermatozoïdes fixés sur la zone
pellucide et les succès de FIV [20].
5.TEST DE LA R&EACUTEACTION ACROSOMIQUE
La réaction acrosomique est la fusion des membranes plasmique et acrosomique externe,
et la libération concomitante du contenu de l'acrosome résultant de la formation de
vésicules entourant la tête du spermatozo de. Cette réaction se caractérise par un
influx de Ca++ et un efflux de protons à travers la membrane plasmique périacrosomique.
Plusieurs méthodes directes et indirectes sont utilisées pour visualiser à la fois
la présence et l'absence de l'acrosome, et la réaction acrosomique. La réaction
acrosomique peut être mise en évidence aussi bien en microscopie électronique qu'en
microscopie à contraste de phase à l'aide de colorants cytologiques (colorants de
Talbot, lectines marquées et anticorps monoclonaux : [21, 22]).
Il est important de préciser que la valeur de ces tests est relative et mérite
d'être interprétée avec prudence dans la mesure où ces tests ont souvent lieu dans des
conditions extra physiologiques. D'autre part, il est important de distinguer une
réaction acrosomique " proprement dite " d'une réaction
" dégénérative " au cours du vieillissement et de la mort du
spermatozoïde ou à la suite d'un mauvais traitement.
6. HAMSTER TEST
Après avoir traversé la zone pellucide, le spermatozoïde se trouve au contact de la
membrane plasmique de l'ovocyte avec laquelle il doit se lier et fusionner. Cette fusion
implique à la fois le segment équatorial et la lame post-acrosomique de la tête
spermatique.
Ce n'est qu'en 1976 que Yanagimachi et al ont proposé le hamster test en montrant que
les spermatozoïdes humains capacités pouvaient se lier, pénétrer des ovocytes
dépellucidés de hamster et décondenser les noyaux pour former des pronucleis mâles.
Si les travaux concernant ce test sont nombreux, en revanche, ils sont très
controversés du fait d'une part de la spécificité et de la signification physiologique
de ce test, et d'autre part, de la diversité des procédés techniques selon les
équipes.
En pratique, le hamster test permet d'évaluer : (i) le nombre de spermatozoïdes
fixés sur la membrane de l'ovocyte traduisant la fonction fusiogénique du
spermatozoïde, (ii) le pourcentage d'ovocytes ayant au moins une tête spermatique
décondensée, (iii) le nombre moyen de têtes décondensées par ovocyte.
La qualité de la réalisation du hamster test doit reposer à la fois sur la
répétabilité de ce test ainsi que sur les résultats obtenus avec un sperme témoin
afin d'éviter les faux négatifs et positifs. De plus, les résultats de ce test peuvent
varier en fonction de la méthode utilisée pour provoquer la capacitation de
spermatozoïdes.
7. TEST DE QUALITÉ DU MATÉRIEL NUCLÉAIRE
Au cours de l'éjaculation, la stabilité de la chromatine (qui est le reflet de la
maturation nucléaire) est assurée par le plasma séminal et surtout la sécrétion
prostatique riche en Zinc protégeant le noyau du spermatozoïde d'une décondensation
prématurée. Celle-ci peut être appréciée par un examen direct à l'aide d'un colorant
fluorescent, l'acridine orange (AO), qui provoque une fluorescence verte lorsque l'ADN est
bicaténaire, jaune-orangé quand l'ADN est monocaténaire.
La stabilité de la chromatine " test de décondensation " est
évaluée in vitro par des méthodes cytochimiques et biochimiques. De plus, l'aptitude du
noyau à subir les transformations intra-ovocytaires pour former le pronucleus mâle est
aussi étudiée par les ovocytes dépellucidés de hamster. Ces techniques permettent de
mettre en évidence des modifications du contenu nucléaire en rapport avec l'expression
du pouvoir fécondant des spermatozoïdes humains.
La fécondation in vitro à titre diagnostique reste le seul moyen " sûr "
pour évaluer la capacité fécondante du sperme. En cas d'échecs, l'injection
intracytoplasmique d'un spermatozoïde dans l'ovocyte (ICSI) devrait être proposée.
CONCLUSION
Le spermogramme reste, à l'heure actuelle, la pierre angulaire de l'évaluation de
l'infertilité masculine. Les examens spermiologiques de base (spermogramme,
spermocytogramme, et tests de pénétration dans la glaire cervicale) doivent être
envisagés en premier lieu dans un pronostic d'hypofertilité masculine. Certes, la valeur
de ces examens est absolue en cas d'azoospermie, mais elle est " relative " en
cas d'oligoasthénotératozoospermie. Les spermogrammes anormaux ne donnent qu'une
appréciation relative de l'hypofertilité. Les valeurs seuils des variables spermatiques
pour discriminer les fertiles des infertiles ont été largement critiquées à l'heure
actuelle. La limite des anomalies permettant de parler de sperme infécond est impossible
à établir, d'autant plus qu'une excellente fertilité féminine peut compenser un
trouble spermiologique et que le facteur temps est non négligeable. Les bonnes
réalisations et interprétation spermiologiques permettent d'orienter vers d'autres tests
d'évaluation de la fécondance du sperme, mais actuellement aucun examen, à lui seul, ne
permet de prédire la fécondance éventuelle de ces spermes et il serait illogique
d'utiliser systématiquement l'ensemble des tests de fécondance sans examens
spermiologiques de base.
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S. HAMAMAH ET C. BARTHELEMY* Unité de Biologie de la Reproduction, Département
de Gynéco-Obs. CHU Bretonneau, 37044 Tours Cedex.
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