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1997 > Infertilité > Infertilités masculines  Telecharger le PDF

Place des inséminations intra-utérines et de la FIV classique dans le traitement des infertilités masculines

J. Mayenga , M. Plachot , J. Mandelbaum et J. Bélaisch-Allart

L'insémination intra-utérine (IIU) a été proposée depuis plusieurs décennies dans la prise en charge des infertilités masculines avec des résultats décevants qui ont jeté le discrédit sur la méthode. C'est paradoxalement depuis le développement des techniques de procréation médicalement assistée (PMA) que les IIU connaissent un regain d'intérêt, grâce à l'usage de la stimulation de l'ovulation et de la préparation du sperme inspirées de la fécondation in vitro (FIV). Depuis l'arrivée des techniques de microinjection (ICSI), la FIV classique semble démodée en matière d'infertilité masculine. Le but de cet article est de démontrer qu'en cas d'hypofertilité masculine, l'association : stimulation de l'ovulation et insémination intra-utérine (IIU) représente une première étape indispensable et fructueuse avant le recours à la FIV, et qu'en cas d'infertilité masculine sévère, il est parfois légitime de tenter une FIV classique en première intention avant l'ICSI.

Place de l'insemination intra-uterine en cas d'hypofertilite masculine

Classiquement, les résultats des IIU en cas d'infertilité masculine sont médiocres comme le démontre l'analyse réalisée par Dorangeon et Quéreux qui rapportent un taux de grossesse moyen dans la littérature de 8,3 % par cycle [7]. Dans les publications les plus anciennes, IIU et simple dépose cervicale de sperme sont parfois confondues. Les publications plus récentes ne sont cependant pas exemptes de critiques car la stimulation de l'ovulation est inconstante, l'intervalle entre le stimulus déclenchant de l'ovulation et l'insémination est inconnu ou très variable et, enfin, les indications de l'IIU sont souvent imprécises, les résultats des stérilités inexpliquées cervicales ou masculines étant trop souvent rapportés ensemble.

Les IIU, quelle qu'en soit l'indication, infertilité inexpliquée ou hypofertilité masculine, connaissent un regain d'intérêt depuis l'amélioration des taux de succès liés à une approche nouvelle des IIU inspirée de la fécondation in vitro [1].

La fécondation in vitro a en effet permis de définir les bases physiologiques des IIU

On sait que l'ovocyte humain en métaphase II maintient sa fécondabilité in vitro pendant au moins 16 heures après son recueil [9]. Il y aurait donc possibilité de fécondation si des spermatozoïdes fécondants sont présents dans la trompe entre 0 et 16 heures après la rupture folliculaire, soit entre 37 et 56 heures après le stimulus ovulatoire puisque l'on sait que la rupture folliculaire survient entre 37 et 40 heures après le début de la décharge de LH ou l'injection d'hCG [19]. Il faut pratiquer les IIU au moment le plus opportun par rapport à l'émission de l'ovocyte. La détection de l'horaire exact de l'ovulation est donc fondamental, ce qui ne peut etre réalisé que par un monitorage soigneux de l'ovulation avec dosages hormonaux rapides d'estradiol et de LH, échographie et administration d'hCG. La courbe thermique n'est pas une technique fiable pour déterminer le moment de l'ovulation.

Le Nadir, classiquement reconnu comme correspondant au jour de la décharge de LH, n'est qu'un moyen approximatif de déterminer le jour de l'ovulation non seulement parce qu'il n'est pas toujours très aisé à identifier sur les courbes de température, mais surtout parce qu'il n'y a pas de correspondance stricte entre ce dernier point bas et le jour de la décharge de LH, comme l'ont mis en évidence plusieurs études [5, 15]. De même le score cervical, la taille du ou des follicules à l'échographie ou le dosage isolé de l'estradiol ne sont pas étroitement corrélés avec le moment de la rupture folliculaire.

Seule la décharge pré-ovulatoire de LH est un bon marqueur chronologique de l'ovulation, mais sauf à réaliser plusieurs prélèvements sanguins quotidiens il n'est pas possible de prédire le moment de l'ovulation avec une acuité de quelques heures. En pratique, il est donc plus simple de provoquer l'ovulation par l'injection d'hCG.

A partir de ces bases physiologiques, il est possible de définir une nouvelle approche, " type PMA ", des IIU. Cette approche consiste à stimuler l'ovulation par clomifène-hMG, clomifène-FSH, FSH ou hMG seules, à surveiller le recrutement folliculaire par dosages plasmatiques répétés d'estradiol et de LH et par échographie, à déclencher l'ovulation par injection d'hCG lorsque 2 à 3 follicules matures ont été obtenus, à préparer le sperme comme pour une FIV,à réaliser l'IIU 35 37 heures après l'hCG et à soutenir la phase lutéale par administration de progestérone micronisée (1).

Résultats de l'association stimulation de l'ovulation-IIU en cas d'hypofertilité masculine (Centre de PMA de Sèvres, 1993-1995)

Nous avons repris sur 3 ans les IIU réalisées pour infertilité masculine isolée (définie selon les critères suivants : < 20.106, < 40 % de formes mobiles, < 30 % de formes normales) ou associée à des facteurs féminins (dysovulation, ou trompe unique perméable). La stimulation de l'ovulation a systématiquement été réalisée par l'association de citrate de clomifène 100 mg par jour du 2e au 6e jours du cycle et hMG 75 ou 150 unités les 6e, 8e et 10e jours du cycle. A partir du 10e jour l'échographie folliculaire et le dosage d'estradiol et de LH permettaient de moduler la dose d'hMG. l'hCG a été administrée dès qu'un taux de 300 à 400 pg/ml et par follicule de plus de 18 mm était atteint. Si plus de 3 follicules matures s'étaient développés l'IIU était annulée dans les 2 premiers essais des patientes de moins de 38 ans, de même si le taux d'estradiol dépassait 1 500 pg/ml.

A partir de la 3e IIU une certaine hyperstimulation était tolérée, et d'emblée chez les patientes de plus de 38 ans. Le sperme a été préparé soit par migration sur gradient de Percoll soit par lavage centrifugation. Dans les hypofertilités masculines pures, le taux global de grossesses cliniques (hCG supérieur à 1 000 et/ou sac vu à l'échographie) est de 16,5 % par IIU et 22,7 % par couple. Les résultats sont très différents selon la concentration de spermatozoïdes obtenue après préparation.

Le tableau I montre qu'en dessous de 500 000 spermatozoïdes mobiles par préparation, le taux de grossesse est nul. A partir de 500 000 spermatozoïdes les taux globaux de grossesses cliniques sont de 16,5 % par IIU et 22,7 % par couple. Dans les infertilités associées, masculine et féminine (tableau II), les taux globaux de grossesses cliniques sont de 15,5 % par IIU et 24,6 % par couple.

Le taux de grossesse est également nul lorsque après préparation du sperme la concentration est inférieure à 500 000 spermatozoïdes. Lorsque les stimulations de l'ovulation-IIU ont été réalisées pour infertilité inexpliquée (tableau III), le taux de grossesse est encore nul pour les 3 patientes pour lesquelles la préparation n'a pas permis d'obtenir 500 000 spermatozoïdes. Les taux globaux de grossesse dans cette indication sont respectivement de 14,6 % par IIU et 22,9 % par couple.

De ces données, nous avons déduit qu'en cas d'hypofertilité masculine, un test de migration-survie du sperme doit précéder toute tentative d'IIU. Si après préparation du sperme la concentration obtenue est inférieure à 500 000 il est préférable de passer directement à la FIV voire à l'ICSI. Après échec de 4 IIU il nous semble préférable de recourir à la FIV afin de s'assurer du pouvoir fécondant du sperme.

Stimulation de l'ovulation et rapports programmés ou stimulation IIU ?

Parmi les études récemment publiées (avec stimulation et déclenchement de l'ovulation et intervalle correct hCG-IIU), rares sont celles qui en cas hypofertilité masculine relative ne concluent pas à la supériorité de l'IIU. Buvat et al n'observent pas de supériorité des IIU mais la moitié de leur population présente une oligoasthénotératospermie sévère qui aurait dû les faire inclure d'emblée dans un programme de FIV [2]. A l'inverse, la majorité des études récentes concluent à la supériorité de l'IIU sur les rapports programmés, qu'elles portent sur les stérilités inexpliquées [4] ou sur les stérilités masculines [3, 11, 17].

Deux études récentes [10, 20] n'ont pas conclu à la supériorité de l'IIU sur les rapports programmés mais elles ne portent que sur des infertilités inexpliquées. L'étude de Melis et al ne conclut pas à la supériorité de lÕIIU sur les rapports programmes mais leur définition de l'hypofertilité masculine laisse perplexe : 10 à 20.106 spermatozoïdes/ml, 30 à 50 % de mobilité et 30 à 50 % de formes normales [12] ! A l'inverse l'étude de Nan et al où l'infertilité masculine est définie de façon plus classique (< 20.106 spermatozoïdes/ml, mobilité < 40 %, formes normales < 40 %) montre la supériorité de l'IIU sur les rapports programmés (10,3 % versus 4,1) [13].

Intérêt de la stimulation de l'ovulation par rapport à l'IIU en cycle spontané

L'intérêt de la stimulation de l'ovulation par rapport aux IIU en cycles spontanés est démontré par plusieurs études [3, 11, 17]. Testart [18] montre cependant que la stimulation de l'ovulation n'augmente significativement le taux de grossesse que si l'IIU a lieu 24 à 48 heures après le stimulus déclenchant l'ovulation : hCG ou pic endogène de LH. Si cet intervalle n'est pas respecté, la stimulation de l'ovulation n'offre aucun bénéfice.

Risques de l'association stimulation de l'ovulation + IIU

Une stimulation de l'ovulation adaptée à chaque patiente sans analogues du GnRH, un monitorage soigneux de l'ovulation, l'absence de déclenchement de l'ovulation si le recrutement folliculaire est excessif, permettent de réduire les risques d'hyperstimulation de l'ovulation et de grossesse multiple.

Le taux d'hyperstimulation sévère est nul si ces conditions sont respectées [1, 3, 6, 16]. Ces précautions permettent le plus souvent d'éviter les grossesses triples, mais le taux moyen de grossesses gémellaires dans la littérature est de l'ordre de 16 % (tableau IV). Notre propre taux de grossesses multiples était de 12 % en 1994.

Nombre de cycles d'IIU à tenter

Le tableau V montre que l'on peut avec succès tenter 5 à 6 cycles d'IIU. Dans l'expérience du centre de PMA de Sèvres nous hyperstimulons les patientes à la 4e tentative ce qui explique probablement la remontée des taux de succès à la 4e tentative. De plus les 5e et 6e IIU ne sont tentées que s'il y a eu un début de grossesse dans les 4 premiers essais. Plosker et al [14] ont d'ailleurs démontré que la grande majorité des grossesses surviennent dans les 3 premiers cycles d'IIU.

En conclusion, l'IIU est une technique efficace si, et seulement si, elle est correctement effectuée.

La rigueur doit être la même qu'en PMA dans la sélection des patientes (pas d'IIU sans s'être préalablement assuré de la perméabilité tubaire) dans la stimulation et le monitorage de l'ovulation, dans la préparation du sperme, dans l'intervalle stimulus déclenchant de l'ovulation-IIU. Il faut également savoir s'arrêter et passer à la FIV après 4 à 6 cycles d'échecs. Si toutes ces conditions ne sont pas remplies, l'IIU est, comme le proclament ses détracteurs, une technique lourde, coûteuse et inefficace ; si ces conditions sont remplies, les IIU représentent en 1996 la première étape dans la stratégie thérapeutique des couples présentant une infertilité à trompes saines, y compris en cas hypofertilité masculine.

Place de la FIV classique en cas d'infertilite masculine

Les données FIVNAT [8] montrent une augmentation progressive de la part des infertilités masculines dans les indications de FIV en France : de 14 % en 1990 à 18,5 % en 1994. Les excellents résultats de l'ICSI et la limitation à 4 du nombre de tentatives de FIV remboursées par la Sécurité Sociale pourraient inciter à recourir directement à l'ICSI pour toutes les infertilités masculines. Or, il reste encore une place à la FIV classique dans cette indication. En effet, au centre de PMA de Sèvres, 49 ponctions pour stérilité masculine pure et 86 pour stérilité masculine associée (trompes altérées, endométriose, PCO, dysovulation, ...) ont été réalisées en vue d'une FIV classique entre septembre 1995 et juillet 1996. Ces 2 groupes de patients diffèrent quand au niveau de l'atteinte spermatique : en cas d'hypofertilité masculine relative pure, les patients entrent en FIV soit d'emblée si il y a moins de 10 millions de spermatozoïdes par ml, soit après échec de plusieurs cycles d'IIU. Lorsqu'il existe un facteur tubaire associé, l'inclusion en FIV est plus rapide et le sperme souvent moins altéré (il répond toutefois aux critères OMS de l'OATS : < 20 millions de spermatozoïdes / ml, < 40 % mobiles, < 40 % de formes normales).

Le tableau VI illustre cette différence entre les 2 groupes puisque le taux de transfert embryonnaire est meilleur dans les stérilités masculines associées (89,5 % vs 73,5 %, p < 0,05). En revanche, comme on pouvait s'y attendre, les taux de grossesses cliniques par ponction et par transfert sont moins bons en cas de stérilité mixte, mettant en évidence les facteurs maternels défavorables.

Dans le choix des techniques d'AMP en cas d'hypofertilité masculine (IIU, FIV, ICSI) un paramètre est souvent négligé : la motilité, c'est-à-dire la qualité du mouvement spermatique.

La classification officielle est la suivante :

1. spermatozoïdes mobiles sur place ;

2. faible déplacement sans trajectoire définie ;

3. mobilité progressive : faible ;

4. mobilité progressive : rapide ;

5. spermatozoïdes fléchants (capacités).

Or, si la motilité ne joue aucun rôle lorsque le spermatozoïde est injecté dans l'ovocyte, elle joue un rôle majeur en FIV car la poussée du flagelle est essentielle pour le franchissement de la zone pellucide.

Sur une série de 108 patients consécutifs ayant eu une FIV (hors ICSI) entre janvier et juillet 1996, nous avons analysé les paramètres biologiques et cliniques de la FIV en fonction de la seule motilité spermatique.

Ainsi, les spermatozoïdes ayant une motilité 1-2 sont rarement fécondants (1 sperme fécond /6 et un taux de fécondation de 4 %) en FIV classique, bien que les critères d'inclusion dans un programme de FIV soient remplis : un nombre total de spermatozoïdes permettant de préparer un ou plusieurs tubes d'insémination contenant 60 000 spermatozoïdes mobiles / ml, et un test de survie positif c'est-à-dire avec plus de 15 % de spermatozoïdes encore mobiles après 17 heures d'incubation. Il est à signaler que ces 6 patients avaient au moins un des autres paramètres spermatiques altérés : nombre de spermatozoïdes, pourcentage de mobiles, morphologie. Aucune grossesse n'a été obtenue dans cette série (tableau VII).

A partir d'une motilité 2 et 2-3, le taux d'anomalies spermatiques associées diminue et passe de 36 % pour une motilité 2/2-3 à 8,6 % pour une motilité 3 et s'annule pour la motilité 4. Dans le même temps, tous les paramètres biologiques et cliniques de la FIV s'améliorent progressivement : le taux de spermes féconds (91,8 à 100 %), le taux d'embryons obtenus par ovocyte inséminé (49,1 à 68 %), le taux de grossesses cliniques par ponction (14,8 à 33,3 %) et par transfert (16,1 à 33,3 %). Environ une patiente sur 2 a des embryons congelés. Globalement, dans cette série 23 transferts d'embryons congelés ont été réalisés conduisant à 8 grossesses cliniques : 34,8 %. Si l'on tient compte des grossesses additionnelles obtenues après transfert d'embryons congelés, le taux de grossesses cliniques pour une seule ponction est de 24,6 à 33,3 % (au total 91 embryons n'ont pas encore été décongelés).

Il est donc conseillé d'inclure directement en ICSI les patients ayant une très faible motilité spermatique, et en cas de doute, proposer de faire la moitié des ovocytes en FIV et la moitié en ICSI de manière à éviter, autant que faire se peut, un échec total de fécondation.

Conclusion

En 1996, devant toute infertilité masculine, on pense immédiatement à la fécondation assistée par ICSI. Si l'hypofertilité masculine n'est que relative un test dit de migration-survie permet de sélectionner les cas où après préparation l'obtention de plus de 500 000 spermatozoïdes mobiles permet d'obtenir après IIU 22 % de grossesse par patiente (i.e. de résoudre le problème d'un couple sur 5). Si le test de survie n'autorise pas l'IIU, il est normal d'envisager de faire une tentative de FIV classique (surtout si la numération est supérieure à 5.106/ml la mobilité supérieure à 10 % et la tératospermie inférieure à 90 %) avant le recours à l'ICSI.

Les auteurs remercient tout particulièrement pour leur précieuse collaboration les techniciennes du Laboratoire FIV, Mesdames Eliane Darnis, Patricia Napol, Béatrice Kientzler et Christine Gaboriaud.

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J. Belaisch-Allart, M. Plachot, J.M. Mayenga et J. Mandelbaum* Service de Gynécologie Obstétrique et Reproduction Humaine, CHI Jean Rostand, 92311 Sèvres Cedex.