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2011 > Obstétrique > Anemies foetales  Telecharger le PDF

Intérêt du Doppler dans la surveillance et la prise en charge d’une anémie fœtale. Transfusion in utero : indications et résultats

B. Carbonne , V. Castaigne , E. Cynober , A. Nguyen , R Levy , A. Cortey , A. Mailloux , M. Larsen et Y Brossard

 

Résumé

L’anémie fœtale est une pathologie rare mais dont les conséquences peuvent être particulièrement graves, à type d’anasarque fœtale, de lésions neurologiques fœtales hypoxiques et au pire de mort fœtale ou néonatale. Les étiologies les plus fréquentes restent les allo-immunisations, en particulier anti-RhD, suivies des incompatibilités Kell et petit c. Viennent ensuite les infections virales materno-fœtales par le parvovirus B19 et le cytomégalovirus. Enfin, beaucoup plus rares, les hémorragies fœto-maternelles chroniques, certaines hémoglobinopathies fœtales telles que l’alpha-thalassémie homozygote.

La découverte d’une anémie fœtale sévère peut conduire à une transfusion fœtale intra-vasculaire en cas de terme précoce et/ou d’anasarque, à une extraction fœtale lorsque l’âge gestationnel est avancé, compatible avec une prématurité modérée, et à une éventuelle transfusion fœtale intra-péritonéale à des âges gestationnels très précoces.

Les transfusions fœtales intra-vasculaires ont transformé le pronostic de l’anémie fœtale et sont considérées aujourd’hui comme un geste relativement sûr. Le risque de complication létale liée au geste est estimé à près de 3%, ce qui reste important dans les cas d’anémie fœtale de survenue très précoce, nécessitant de répéter le geste transfusionnel jusqu’à 5 ou 6 fois au cours d’une même grossesse.

Le pronostic dépend également en grande partie de la précocité du diagnostic d’anémie et de son traitement. Le risque de décès et de complications neurologiques fœtales est plus élevé lorsque le diagnostic est fait au stade d’anasarque qu’en cas d’anémie isolée.

        Introduction

L’anémie fœtale est une pathologie rare mais dont les conséquences peuvent être particulièrement graves, à type d’anasarque fœtale, de lésions neurologiques fœtales hypoxiques et au pire de mort fœtale ou néonatale. Les étiologies de l’anémie fœtale sont multiples mais les plus fréquentes restent les allo-immunisations, au premier rang desquelles l’immunisation anti-RhD, suivie des autres incompatibilités à risque fœtal (Kell et petit c notamment). Viennent ensuite les infections virales materno-fœtales telles que l’infection par le parvovirus B19 et le cytomégalovirus. Enfin, beaucoup plus rares, les hémorragies fœto-maternelles chroniques, certaines hémoglobinopathies fœtales telles que l’alpha-thalassémie homozygote. Enfin, les anémies fœtales observées dans le syndrome transfuseur-transfusé des grossesses gémellaires monochoriales qui feront l’objet d’un autre chapitre de cet ouvrage.

La découverte d’une anémie fœtale peut conduire à plusieurs attitudes thérapeutiques en fonction de l’étiologie, de l’évolution et de l’âge gestationnel : transfusion fœtale intra-vasculaire en cas de terme précoce et/ou d’anasarque, extraction fœtale lorsque l’âge gestationnel est avancé, compatible avec une prématurité modérée, et éventuelle transfusion fœtale intra-péritonéale à des âges gestationnels très précoces.

La transfusion fœtale intra-vasculaire a complètement transformé le pronostic de cette pathologie, permettant d’éviter de nombreux décès in utero ainsi que les conséquences de la grande prématurité. Le risque de complications fœtales létales liées à la réalisation du geste transfusionnel invasif reste cependant non-négligeable, en particulier dans les anémies fœtales de survenue très précoce, nécessitant de répéter le geste transfusionnel jusqu’à 5 ou 6 fois au cours d’une même grossesse.

Dans les rares situations qui le permettent, telles que l’allo-immunisation anti-RhD, la prévention doit être privilégiée.

Les causes d’anémie fœtale

Les allo-immunisations érythrocytaires

L’allo-immunisation anti-RhD est devenue une pathologie rare depuis la généralisation de la prévention par immunoglobulines anti-D au cours des années 70. Elle reste pourtant de très loin la première cause d’anémie fœtale, concernant environ une femme enceinte RhD négatif sur 100. On estime qu’une forme sévère de maladie hémolytique chez le fœtus ou le nouveau-né risque de se produire chez 10% de ces patientes, soit probablement moins d’une centaine de cas par an en France (Branger et Winer 2006 ; CNGOF 2006).

Les autres immunisations pouvant être fréquemment à l’origine d’une anémie fœtale sont, par ordre de fréquence décroissante, l’immunisation anti-K1 (Kell) et l’immunisation anti-c. Des allo-immunisations anti-C et anti-E sont très fréquemment associées à l’immunisation anti-D mais dans ce cas, c’est toujours la sévérité de cette dernière qui fait le pronostic de l’affection. Enfin, de très nombreuses autres immunisations peuvent provoquer des anémies fœtales mais de manière beaucoup plus rare (M, Duffy, Kidd…).

Dans tous les cas, le mécanisme est similaire : A l’occasion du passage d’hématies fœtales dans la circulation maternelle au cours de la grossesse ou du post-partum, le système immunitaire maternel est exposé à l’antigène érythrocytaire fœtal « étranger ». La réaction immunologique conduit à la production d’anticorps dirigés contre cet antigène, généralement en quantité insuffisante pour provoquer un risque fœtal pendant la grossesse en cours. Lors d’un nouveau contact avec l’antigène, généralement au cours des grossesses suivantes, la réactivation de l’immunisation peut aboutir à une production massive d’anticorps. Le passage des anticorps à travers la barrière placentaire peut alors être suffisamment important pour provoquer la lyse massive des hématies fœtales dès la vie intra-utérine.

La prise en charge des grossesses avec allo-immunisation érythrocytaire connue a pour but de détecter précocement l’apparition d’une anémie fœtale, afin d’intervenir avant la constitution d’une anasarque. Du fait de la rareté de la maladie, les modalités de surveillance des femmes immunisées sont souvent mal connues des professionnels aujourd’hui, conduisant parfois à des retards de prise en charge. Alors que cette pathologie est accessible à un diagnostic précoce et à un traitement in utero efficace, la découverte de l’anémie fœtale au stade d’anasarque, ou même de mort fœtale, ou encore d’anémie et d’ictère grave à la naissance reste beaucoup trop fréquente.

A contrario, la surveillance doit permettre d’éviter des gestes invasifs inutiles, dans les situations qui ne présentent pas de risque immédiat pour le fœtus. Il est donc primordial de privilégier le recours à des méthodes de surveillance non invasives telles que le Doppler cérébral avec mesure du pic systolique de vélocité de l’artère cérébrale moyenne (PSV-ACM) [Mari et al. 2000].

Les anémies fœtales d’origine infectieuse

L’infection par le parvovirus B19

L’infection materno-fœtale par le parvovirus B19 survient de manière saisonnière. Après un contage, le plus souvent inaperçu auprès d’un enfant atteint, le virus peut être transmis au fœtus par voie transplacentaire. L’infection fœtale provoque une atteinte centrale de l’érythropoïèse fœtale et donc une anémie qui peut être profonde, responsable d’une anasarque. L’évolution spontanée se fait vers la guérison et la reprise de l’érythropoïèse lorsque la sévérité de l’anémie n’a pas été responsable d’une mort fœtale in utero.

En l’absence de dépistage sérologique, la plupart des anémies fœtales liées à cette infection sont découvertes de manière fortuite à l’occasion d’une échographie systématique devant la constatation d’une anasarque fœto-placentaire. De manière beaucoup plus exceptionnelle, l’infection parvovirale est évoquée devant un syndrome fébrile maternel éventuellement accompagné d’une éruption maculaire généralisée, ou devant une notion de contage.

Le pronostic  fœtal est généralement considéré comme favorable après disparition de l’anasarque, qu’elle soit spontanée ou après transfusion in utero [Dembinski et al. 1992]. Néanmoins, des cas d’anomalie de développement neurologique des enfants atteints d’infection parvovirale au cours de la grossesse [Nagel et al. 2007], incite actuellement à réaliser une IRM cérébrale fœtale vers 32 SA.

L’infection par le CMV

La démarche est très proche de celle décrite ci-dessus, lors de la découverte d’une anasarque fœtale pouvant être d’origine virale. Cependant, le pronostic fœtal lors de la découverte d’une anasarque liée à une infection par le CMV est beaucoup moins favorable qu’avec le parvovirus B19. En effet, l’existence d’une anémie est très souvent associée à une fœtopathie à CMV dont le pronostic est beaucoup plus lié à l’atteinte cérébrale fœtale par le CMV qu’à l’existence ou la sévérité de l’anémie.

Les anémies par hémorragie fœto-maternelle chronique

Cette situation est beaucoup plus exceptionnelle que celles précédemment décrites puisque 8 cas seulement ont été publiés d’anémie fœtale par HFM traitées par des transfusions fœtales in utero itératives.

L’HFM peut être favorisée par un traumatisme, un geste invasif fœtal ou encore une pathologie placentaire telle qu’un choriocarcinome. Cependant, l’HFM survient le plus souvent sans facteur de risque identifiable au moment du diagnostic.

Le diagnostic peut être évoqué devant une diminution des mouvements fœtaux perçus par la patiente ou encore devant une anasarque fœtale de découverte fortuite à l’occasion d’une échographie systématique.

Le diagnostic repose sur la positivité du test de Kleihauer qui permet d’identifier la présence d’hématies fœtales dans la circulation maternelle. Le résultat est exprimé en nombre d’hématies fœtales pour 10 000 hématies maternelles. Le volume de sang fœtal en ml peut être estimé très approximativement comme le nombre d’hématies fœtales pour 10 000 hématies maternelles divisé par 2. Par exemple, un test de Kleihauer à 120 hématies fœtales pour 10 000 hématies maternelles correspond à une hémorragie de 60 ml de sang fœtal et donc à une hémorragie massive.

Les autres causes rares

Les autres causes, plus rarement rencontrées sont les anémies fœtales par hémoglobinopathie à type d’alpha-thalassémie homozygote et les exceptionnelles pathologies de la membrane érythrocytaire qui donnent beaucoup plus habituellement des ictères néonatals sévères. A part, les anémies fœtales dans le syndrome transfuseur-transfusé, en particulier après mort fœtale d’un des jumeaux qui font l’objet d’un autre chapitre spécifique.

Diagnostic de l’anémie fœtale

Le diagnostic de l’anémie fœtale, quelle qu’en soit la cause, a été révolutionné par la mesure du PSV-ACM [Mari et al. 2000]. Néanmoins, le recours à cette mesure Doppler n’est pas systématique au cours de toute grossesse et nous présenterons donc ici les circonstances qui doivent conduire à sa réalisation. La plus courante est celle de la surveillance prospective d’une allo-immunisation érythrocytaire connue comme à risque d’anémie fœtale. Beaucoup moins courante, la découverte fortuite d’une anasarque fœtale doit conduire d’emblée à une mesure de PSV-ACM. Enfin, une diminution des mouvements fœtaux, un traumatisme abdominal ou encore une notion de contage viral, peuvent conduire, de manière plus exceptionnelle, à la découverte d’une anémie fœtale.

Mesure du pic systolique de vélocité de l’artère cérébrale moyenne (PSV-ACM)

Le diagnostic de l’anémie fœtale repose aujourd’hui en premier lieu sur la mesure du PSV-ACM et toute situation à risque d’anémie fœtale devrait conduire à la réalisation de cet examen.

Après avoir testé différents sites de mesure Doppler, Mari et al. ont montré dès 1990 des variations de pulsatilité dans différentes artères fœtales, dont l’artère cérébrale moyenne, après transfusion intra-vasculaire [Mari 1990 ; Mari 1995]. En 2000, une grande étude multicentrique, [Mari et al. 2000], a rapporté une sensibilité du PSV-ACM de 100% pour la détection des anémies modérées et sévères, faisant de ce test non invasif l’examen de référence dans une population sélectionnée. L’augmentation de vitesse, liée principalement à la diminution de la viscosité sanguine, est très bien corrélée au taux d’hémoglobine fœtale.

Sous réserve de conditions techniques optimales (axe du faisceau Doppler dans l’axe de l’artère cérébrale, absence de correction d’angle, absence de pression sur la tête fœtale, mesure au tiers proximal-tiers moyen de l’artère, mesure en dehors de mouvements fœtaux (figure 1), cette technique permet de limiter le recours aux gestes invasifs (ponction de sang fœtal en particulier) et de retarder le moment de la première transfusion in utero lorsqu’elle est nécessaire.

A partir de près de 500 mesures réalisées au CNRHP (Centre National de Référence en Hémobiologie Périnatale) dans le cadre du suivi de 46 femmes enceintes ayant une allo-immunisation érythrocytaire, nous avons retrouvé une corrélation hautement significative entre le taux d’hémoglobine fœtale et la valeur de PSV-ACM (R² 0,6545 ; p<0,0001 ; figure 2), ainsi qu’une valeur prédictive négative de 97,8% [Carbonne et al. 2008(1)]. La courbe ROC montre que la performance de la mesure de PSV-ACM est très bonne avec une aire sous la courbe 0.851 [IC 95%, 0.742-0.927 ; p<0.0001] pour la prédiction d’une anémie inférieure à 0,5 MoM.

 

Autres paramètres de surveillance dans un contexte d’allo-immunisation connue

Les autres méthodes de surveillance utilisées ont toutes des limites. Soit elles sont mal corrélées au risque réel d’anémie fœtale (titrage et dosage pondéral des anticorps), soit elles sont très peu sensibles et ne donnent l’alerte qu’à des stades tardifs, alors qu’il existe déjà une anémie sévère (échographie, rythme cardiaque fœtal), soit elles nécessitent un geste invasif (amniocentèse pour indice optique du liquide amniotique à 450nm, ponction de sang fœtal). Outre le risque de perte fœtale, les prélèvements invasifs peuvent également provoquer un passage d’hématies fœtales dans la circulation maternelle et, ainsi, favoriser une réactivation de l’allo-immunisation.

Il est donc primordial de privilégier le recours à des méthodes de surveillance non invasives, ce que permet la mesure du PSV-ACM. De plus, la surveillance pourra de nos jours être limitée aux cas pour lesquels le Rhésus fœtal D aura été confirmé par le génotypage non-invasif sur sang maternel [Rouillac et al. 2004, Carbonne et al. 2008(2)].

La surveillance d’un fœtus à risque est basée sur la synthèse de paramètres biologiques, échographiques et vélocimétriques. Au-delà de la valeur intrinsèque de chacun de ces paramètres, l’analyse dynamique de leur évolution au cours de la grossesse est indispensable.

La concentration d’anticorps

Elle peut être évaluée par le titrage grâce au test de Coombs ou par le dosage pondéral. Le dosage pondéral des anticorps est plus précis que le seul titrage dans l’évaluation du risque d’anémie, mais il n’est possible que pour les anticorps dirigés contre les antigènes du groupe Rhésus (D, C, c, E). Il n’existe pas de dosage fiable des anticorps anti-Kell. Ni le dosage, ni le titrage ne sont corrélés de manière stricte avec l’existence d’une anémie. Néanmoins, en deçà d’un taux de 250 Unités CHP/ml (1mcg/ml) d’anti-D, le risque d’anémie fœtale est pratiquement nul. Il faut être particulièrement attentif à l’évolution de ce taux au cours de la grossesse, car une réactivation brutale peut survenir à l’occasion d’un passage occulte d’hématies fœtales dans la circulation maternelle. Du fait de la rapidité d’installation d’une anémie fœtale en cas de réactivation massive, une surveillance du dosage et/ou titrage maternel d’anti-D toutes les deux semaines est recommandé, même en cas d’allo-immunisation minime.

Les signes échographiques

Ils sont basés sur les manifestations débutantes d’anasarque fœtale : épanchement péricardique, péritonéal ou pleural, œdème sous-cutané, excès de liquide amniotique, épaississement du placenta (figure 3). L’existence d’une anasarque franche est le signe d’une anémie déjà profonde et évoluant depuis un certain temps. C’est clairement un signe de gravité de l’anémie, exposant à un risque de mortalité périnatale plus élevé. A contrario, des anémies sévères peuvent être rencontrées en l’absence complète d’anasarque. Les techniques actuelles permettent d’identifier de manière fiable l’anémie, bien avant la constitution d’une anasarque.

 

 

L’amniocentèse pour mesure de l’indice optique à 450 nm

Cette mesure, rapportée au diagramme de Liley [1961], n’est plus utilisée aujourd’hui. La bilirubinamnie ne donne qu’un reflet indirect du degré d’hémolyse et non de l’anémie du fœtus. Elle est encore moins fiable dans les immunisations anti-Kell dans lesquelles il existe également une atteinte centrale, non hémolytique. Enfin, la réalisation de ce geste invasif peut également être une source de réactivation franche de l’allo-immunisation.

3.2.1.4     L’enregistrement du RCF

Dans les situations à haut risque, les anomalies caractéristiques du RCF, comme le tracé sinusoïdal (figure 4), sont tardives. Le RCF ne fait pas partie des examens de dépistage de l’anémie car des tracés parfaitement normaux peuvent se rencontrer en cas d’anémie profonde. De même, la diminution franche ou la disparition des mouvements fœtaux ne surviennent qu’à des stades très sévères de l’anémie fœtale.

Synthèse de la surveillance des allo-immunisations

La surveillance fœtale en cas d’allo-immunisation maternelle peut être résumée selon le schéma représenté en figure 5. Néanmoins, de nombreux cas particuliers peuvent se rencontrer et cette proposition de prise en charge reste très générale. Pour toute situation spécifique et/ou à haut risque d’anémie fœtale, le CPDPN (Centre Pluridisciplinaire de Diagnostic Prénatal) de la région doit être contacté, soit pour prendre en charge la patiente directement, soit pour orienter vers la structure régionale ayant l’expérience de cette pathologie rare. Dans tous les cas, le CNRHP, dont l’une des missions est le conseil en matière de prise en charge des allo-immunisations, peut être contacté pour un avis concernant la conduite à tenir et pour connaître les structures régionales référentes (Circulaire DHOS/DGS/N° 156 du 29 mars 2004 relative au Centre National de Référence en Hémobiologie Périnatale).

Découverte fortuite d’une anasarque fœtale

La découverte à l’échographie d’une anasarque fœtale fait évoquer une multitude de diagnostics : allo-immunisation, infection materno-fœtale virale, hémorragie fœto-maternelle, anomalie chromosomique, cardiopathie fœtale, malformation fœtale, maladie métabolique fœtale…

On note que pour une part importante des étiologies mentionnées ci-dessus, l’anasarque est liée à l’existence d’une anémie fœtale. Un des intérêts du PSV-ACM est que sa valeur diagnostique de l’anémie est indépendante de la cause de l’anémie car son élévation est essentiellement liée à la diminution de viscosité sanguine.

Un des premiers réflexes, devant la constatation d’une anasarque isolée échographiquement, est de réaliser une mesure de PSV-ACM. En cas d’élévation, la recherche diagnostique s’orientera de manière privilégiée vers les causes habituelles d’anémie fœtale : recherche d’agglutinines irrégulières et typage en cas de positivité, sérologies virales (parvovirus B19 et CMV), test de Kleihauer…

Surtout, la prise en charge ne devra pas attendre les résultats de l’ensemble du bilan étiologique sanguin maternel, en particulier viral, ce qui impliquerait une attente de plusieurs jours. De même, la réalisation d’une amniocentèse à but diagnostique nécessite un délai rarement inférieur à 48h pour l’obtention des résultats et peut être considéré comme source d’un retard de prise en charge. En effet, l’existence d’une anasarque témoigne le plus souvent de la sévérité de l’anémie et donc d’un risque de mort fœtale, voire de lésions cérébrales fœtales anoxiques. Les premiers examens, notamment RAI et test de Kleihauer, peuvent être rapidement obtenus, permettant d’affirmer ou d’exclure en quelques heures une allo-immunisation ou une hémorragie fœto-maternelle.

En cas de négativité, l’étiologie la plus vraisemblable est une infection virale par le parvovirus B19 ou éventuellement par le CMV. Dans ces dernières hypothèses, la quasi-certitude d’une anémie sévère en cas d’élévation du PSV-ACM au-delà de 1,5 MoM, permet de réaliser dans un même temps les prélèvements ovulaires à visée diagnostique, une ponction de sang fœtal et une transfusion in utero après confirmation de l’anémie fœtale.

A l’inverse, en cas d’anasarque isolée sans élévation du PSV-ACM, le bilan étiologique peut être réalisé sans urgence immédiate. La mise en évidence d’une sérologie positive en IgG et IgM pour le parvovirus B19 et/ou la positivité de la PCR sur le liquide amniotique, doit faire suspecter une anémie fœtale en cours de guérison spontanée, l’anasarque pouvant persister plusieurs jours à quelques semaines après normalisation du taux d’hémoglobine fœtale.

 

Notion de contage viral maternel (parvovirus B19 et CMV)

Cette situation rare peut être rencontrée chez une femme enceinte déjà mère d’un enfant ayant présenté une infection parvovirale cliniquement symptomatique et authentifiée par le médecin traitant ou encore la médecine scolaire. Dans ce cas, la réalisation d’une sérologie maternelle de parvovirus B19 peut permettre de rassurer en cas de positivité ancienne. En cas de contage, une surveillance régulière par échographie Doppler pour mesure du PSV-ACM doit être instaurée de manière hebdomadaire pendant plusieurs semaines.

Diminution  des mouvements fœtaux

La sensation de diminution des mouvements fœtaux est un motif de consultation fréquent qui doit conduire à différentes investigations : enregistrement du rythme cardiaque fœtal, échographie pour biométrie fœtale, Doppler ombilical, évaluation de la quantité de liquide amniotique et appréciation des mouvements fœtaux. La réalisation d’un test de Kleihauer à la recherche d’une hémorragie foeto-maternelle est recommandée et la réalisation d’une mesure de PSV-ACM dans ce contexte peut également être un moyen efficace de mettre en évidence une anémie fœtale d’une autre origine.

raumatisme abdominal

Un traumatisme abdominal doit également faire rechercher une hémorragie fœto-maternelle et donc faire réaliser un test de Kleihauer. La mesure du PSV-CM peut être un moyen rapide d’identifier l’anémie fœtale avant même obtention des résultats du test de Kleihauer en cas de symptomatologie évocatrice (diminution des mouvements fœtaux, rythme cardiaque fœtal pathologique, plat ou sinusoïdal…).

 

Traitement de l’anémie fœtale : les transfusions in-utero

Les premières transfusions fœtales ont été réalisées par voie intra-péritonéale avant l’avènement de l’échographie, sous repérage radiologique du fœtus avec injection de produit de contraste, dont on imagine bien le caractère aléatoire. Les premières transfusions fœtales intra-vasculaires ont suivi les progrès de l’abord sanguin fœtal : réalisées sous fœtoscopie à la fin des années 1970 [Rodeck et al. 1978], elles le seront sous guidage échographique dans les années 1980 [Daffos et al. 1983]. Cette simplification de l’abord sanguin fœtal et de la transfusion vasculaire in utero (TIU) a permis de révolutionner le pronostic des fœtus anémiques.

Transfusion fœtale intra-vasculaire

La transfusion fœtale par abord funiculaire sous guidage échographique est donc la technique de référence actuelle. Elle est techniquement faisable de manière habituelle à partir de 20 SA. A des termes plus précoces, elle devient techniquement délicate et fait parfois envisager une transfusion par voie intra-péritonéale fœtale. A l’inverse, à des termes plus avancés, la décision de provoquer la naissance peut être une alternative à la transfusion intra-vasculaire

Modalités de la TIU

La TIU est réalisée dans des conditions strictes d’asepsie chirurgicale. Lorsque l’âge gestationnel permet d’envisager une extraction fœtale, la réalisation du geste au bloc opératoire permet le recours immédiat à une césarienne en cas de complication per-opératoire du geste transfusionnel.

Les étapes préalables au geste technique sont fondamentales et font appel à la collaboration avec les équipes d’hémobiologie et de distribution des produits sanguins. Le sang devra être soigneusement sélectionné afin d’assurer la compatibilité avec le sang maternel et le sang fœtal. Il sera donc nécessairement O RhD négatif et compatible avec le phénotype sanguin maternel (Kell, Jka,…). Cette stricte compatibilité est particulièrement indispensable dans les cas où des transfusions fœtales itératives sont envisagées afin d’éviter l’apparition de nouvelles immunisations maternelles qui rendraient extrêmement compliquée la sélection d’un sang compatible pour les transfusions ultérieures.

Le sang est naturellement testé pour le VIH, les hépatites virales, le CMV. Il est de plus déleucocyté, déplasmatisé et irradié. Enfin, le culot est concentré pour obtenir un hématocrite d’environ 70% afin de limiter au minimum le volume à transfuser.

Le premier temps consiste en une ponction de sang fœtal et l’obtention du taux d’hémoglobine fœtale par un analyseur extemporané type HemocueÒ. L’anémie ayant été confirmée, le geste de transfusion peut démarrer immédiatement.

Les quantités de sang à transfuser sont estimées à l’aide d’abaques ou de formules faisant intervenir l’âge gestationnel, le poids fœtal estimé, le taux d’hémoglobine initial, le taux d’hémoglobine recherché et l’hématocrite du sang contenu dans la poche du culot globulaire.

En pratique, le taux d’hémoglobine fœtale est contrôlé de manière répétée au cours de la TIU à l’aide d’un Hemocue® afin d’éviter une surcharge sanguine fœtale.

Transfusion ou exsanguino-transfusion in utero ?

Le recours à l’exsanguino-transfusion in utero (ETIU) peut paraître logique par analogie avec les gestes postnatals d’exsanguino-transfusion dans les incompatibilités sévères avec anémie profonde et/ou ictère sévère. Les avantages théoriques de l’ETIU par rapport à la TIU sont : 1) d’éviter une surchage volémique liée à des volumes importants de transfusion en cas d’anémie profonde ; 2) d’épurer le sang fœtal des globules rouges RhD-positif persistants dont l’hémolyse va se poursuivre après une transfusion simple et qui pourrait aboutir à une récidive plus précoce de l’anémie fœtale.

Nous avons évalué ces deux techniques en comparant deux périodes : l’une avant 2003 où des TIU simples étaient réalisées et l’autre après 2003 où nous avons réalisé systématiquement des ETIU (figure 6). D’autres modifications dans le suivi des patientes sont intervenues à la même période, dont le recours systématique au PSV-ACM dans les indications d’intervention, ce qui explique que les deux populations ne sont pas identiques. Néanmoins, l’un des bénéfices escomptés de l’ETIU par rapport à la TIU simple, l’allongement des délais entre deux TIU par une baisse moins rapide de l’hémoglobine fœtale, n’est absolument pas retrouvé. En effet, la chute d’hémoglobine fœtale entre la première et la deuxième TIU est de l (figure 6)

Comparaison de l’évolution des taux d’hémoglobine fœtale entre la première et la deuxième transfusion fœtale selon la technique utilisée : transfusion simple (TIU) ou exsanguino-transfusion in utero (ETIU).

 

 

TIU

N = 27

ETIU

N = 20

p

Hb initiale (g/dl)

6,8 +/- 1,9

5,4 +/- 2,3

< 0,05

Hb après TIU (g/dl)

14,3 +/- 1,2

13,2 +/- 1,8

NS

Délai entre les TIU

2,1 sem.

1,6 sem.

< 0,05

Delta Hb entre les TIU (g/dl)

 6,5 +/- 2,5

4,8 +/- 2,0

< 0,05

Chute d’Hb par semaine

3,2 +/- 1,3 g/dl

3,1 +/- 1,2 g/dl

NS

TIU : transfusion in utero ; ETIU : exsanguino-transfusion in-utero ; Hb : hémoglobine

 

En revanche, le recours à l’ETIU s’accompagne d’un allongement très sensible de la durée d’intervention dont on sait qu’il est associé à un risque accru de complications fœtales liées au geste. Dans une étude ancienne évaluant les risques liés aux transfusions in utero, Radunovic et al. [1992] avaient montré qu’une élévation trop importante de l’hématocrite post-transfusionnelle, d’un facteur supérieur à 4 par rapport au taux initial, était associé à un risque élevé de mort fœtale in utero.  Ainsi, c’est surtout l’augmentation trop importante de la viscosité sanguine, plus que l’augmentation de la volémie fœtale qui serait en cause dans le risque de survenue de complications.

Au total, du fait de sa simplicité et de sa rapidité, surtout en cas de conditions d’abord vasculaire fœtal difficiles, la TIU simple est la technique de référence, d’autant que les bénéfices attendus de l’ETIU ne semblent pas se confirmer.

Logistique de la transfusion in utero

Certains points d'organisation sont importants à considérer lors du suivi d’une femme sévèrement allo-immunisée: l’éventualité d’une anémie fœtale et du recours à une transfusion in utero doit toujours être prévue à l’avance. Une consultation initiale dans un centre spécialisé (habituellement CPDPN), avant tout signe d’anémie fœtale, doit être organisée afin que la patiente soit déjà connue de l’équipe (et vice-versa) en cas d’anémie. La visite permet de s’assurer que l’ensemble des examens éventuellement nécessaires en cas de transfusion sont bien réunis (carte de groupe, phénotype sanguin maternel étendu, RAI, sérologies virales maternelles, consultation d’anesthésie...). Après cette prise de contact, le suivi peut parfaitement être réalisé à distance par un échographiste habitué à ce type d’examen échographique.

La surveillance du PSV-ACM doit se faire idéalement en première partie de semaine, ce qui laisse tout le temps d’organiser une TIU en période ouvrable si nécessaire. En effet, le week-end est la période la plus difficile pour se fournir en produits sanguins. La préparation du culot globulaire demande également du temps (sélection, concentration, irradiation de la poche sanguine...). Enfin, la réalisation d’une transfusion in utero nécessite idéalement la disponibilité d’une équipe complète et entrainée à ce type d’intervention (médecin préleveur pour la ponction de sang fœtal, médecin hémobiologiste réalisant la transfusion, anesthésiste sur place, infirmière formée au geste...). Toutes ces compétences sont difficiles à réunir dans un contexte d’urgence et leur absence risque d’exposer à une prise en charge dégradée.

Risques liés à la TIU

Malgré les progrès liés aux techniques d’abord du cordon et à la qualité de l’imagerie échographique, la transfusion in utero reste un geste invasif non dénué de risques. Une des difficultés est de distinguer les complications liées à l’acte transfusionnel de celles liées à la gravité de la pathologie sous-jacente. Ainsi, pour un même taux d’hémoglobine fœtale, l’existence d’une anasarque est associée à un bien moins bon pronostic qu’une anémie isolée, dépistée précocement sur la seule élévation du PSV-ACM dans le cadre du suivi longitudinal d’une allo-immunisation par exemple.

Dans les séries importantes de transfusions in utero, le taux de pertes fœtales peut être estimée à environ 3% par procédure [Van Kamp et al. 2005]. Dans notre expérience, le taux de pertes fœtales liées au geste de TIU était très similaire, de 2,8% par procédure [Carbonne 2008(1)]. Ce risque doit être rapporté au nombre de TIU nécessaires tout au long de la grossesse. Lorsque la survenue de l’anémie est très précoce, 4 à 5 transfusions peuvent être nécessaires au cours d’une seule grossesse, amenant le risque de complication fatale à près de 15%.

Les complications sévères, voire la mort fœtale, peuvent être provoquées par une thrombose, une dissection ou un hématome des vaisseaux du cordon, une hémorragie au point de ponction, une hémorragie fœto-maternelle ou encore un hématome rétro-placentaire. Plus rarement, le geste peut être responsable d’un accouchement prématuré ou d’une rupture prématurée des membranes.

Le risque de complication grave doit être systématiquement envisagé, notamment lorsque la TIU est réalisée à un âge gestationnel de viabilité fœtale. Dans l’éventualité de complications survenant au cours ou au décours de l’intervention, les mesures préventives des complications de la prématurité doivent être mises en œuvre : cure de corticoïdes, réalisation de la TIU dans un centre périnatal de type 3 avant 32 SA, et réalisation du geste au bloc opératoire afin de permettre une césarienne en urgence le cas échéant.

Age gestationnel « avancé » : TIU ou extraction fœtale ?

L’anémie fœtale est une des rares pathologies curables in utero. Contrairement à d’autres situations comme le retard de croissance intra-utérin par exemple, l’extraction fœtale n’est pas la seule attitude possible, y compris à des âges gestationnels « avancés », au delà de 32 SA. Néanmoins, passé le stade de grande prématurité, l’évaluation bénéfices/risques doit être soigneusement pesée. Klumper et al. [2000], ont comparé le pronostic des fœtus transfusés in utero uniquement avant 32 SA et ceux transfusés au delà de 32 SA uniquement.

Ils constatent que le pronostic est moins favorable pour les fœtus n’ayant pas été transfusés au-delà de 32 SA que pour ceux n’ayant été transfusé qu’après ce terme (48% de survie contre 91%). Le meilleur pronostic est observé pour les fœtus ayant été transfusés avant 32 SA et à nouveau au delà de ce terme pour lesquels la survie était de 100%. Il existe manifestement un biais lié au fait que les fœtus n’ayant été transfusés qu’avant 32 SA avaient des formes beaucoup plus sévères que les autres.

Néanmoins, cette étude montre qu’en cas d’anémie fœtale traitée avec succès avant 32 SA, la meilleure prise en charge n’est certainement pas d’envisager une extraction prématurée systématique. Dans l’expérience du CNRHP, nous réalisons des TIU de manière habituelle au delà de 32 SA et jusqu’à 34 SA, sous réserve de conditions d’abord funiculaire favorables, ce qui nous permet d’obtenir des termes de naissance moyens de 36+1j SA avec des extrêmes de 32+1j à 38+0j [Carbonne 2008(1)].

La découverte d’un fœtus en anasarque du fait d’une anémie découverte au delà de 32 SA est une forme particulière qui pourrait faire envisager une extraction fœtale, notamment lorsque l’équipe est peu habituée à cette situation et qu’un RCF plat ou sinusoïdal est constaté. La naissance d’un prématuré en anasarque, présentant un épanchement pleural et péricardique et une infiltration hydropique des tissus, représente une certitude de difficultés extrêmes de réanimation néonatale et une très haute probabilité de décès néonatal.

Dans cette situation, la réalisation d’une transfusion in utero peut permettre de voir régresser l’anasarque avant la naissance (ce qui peut prendre 2 à 3 semaines), d’éviter une naissance prématurée et d’évaluer l’absence de conséquences cérébrales fœtales de l’anémie profonde par réalisation d’une IRM cérébrale fœtale avant la naissance.

 Age gestationnel très précoce : transfusion intra-péritonéale

A des termes inférieurs à 20 SA, la réalisation d’une transfusion fœtale intra-vasculaire est délicate et comporte des risques accrus de complications fœtales. Certains cas isolés font état de succès de TIU à des termes très précoces. Une équipe allemande a rapporté deux cas de transfusion intra-funiculaire dès 13 SA [Kempe et al. 2007]. Le taux d’hémoglobine fœtale pré-transfusionnelle, permettant d’authentifier l’anémie fœtale, n’avait cependant pu être obtenu que dans un des deux cas. Dans aucun des deux cas l’hémoglobine fœtale post-transfusionnelle n’avait pu être obtenue pour authentifier le succès de la TIU. 

Nous avons réalisé au CNRHP 17 transfusions in utero intra-vasculaires entre 17  SA et 19 SA + 6 jours chez 13 patientes ayant des signes écho-Doppler d’anémie fœtale très précoce. Nous avons eu à déplorer une mort fœtale consécutive à un geste de TIU [Canlorbe 2009]. Le taux de pertes fœtales apparent d’environ 5% par procédure sur cette très courte série paraît peu différent des 3% observés à des termes plus avancés mais les difficultés techniques fréquemment rencontrées et la tolérance fœtale généralement médiocre au cours de la transfusion laisse présager de taux de pertes plus élevés sur de plus grands effectifs.

Une des alternatives à l’abord vasculaire dans les termes très précoces pourrait être la transfusion par voie intra-péritonéale fœtale. Plusieurs équipes ont eu recours à cette voie et ont fait état de succès à des termes de 14 à 18 SA [Gallot et al. 2003, Howe et al. 2007, Fox et al. 2008]. Malheureusement, l’abord intra-péritonéal ne permet pas de mesurer le taux d’hémoglobine fœtale, ni avant ni après la transfusion, et le succès ne peut donc être apprécié que sur des signes indirects et parfois subjectifs. Toutes les transfusions intra-péritonéales décrites ont été suivies de transfusions intra-vasculaires dès que l’âge gestationnel le permettait et il n’est pas possible d’affirmer que c’est la transfusion péritonéale et non l’évolution naturelle du cas qui a permis la survie fœtale jusqu’à la transfusion intra-vasculaire.

Pronostic à long terme de l’anémie fœtale

Le pronostic d’une allo-immunisation avec anémie fœtale profonde est généralement considéré comme bon lorsque la tolérance fœtale a été bonne lors du geste de TIU, et que l’on observe la régression des symptômes d’anasarque. Les séries prospectives de suivi des enfants nés après TIU rapportent un développement cérébral normal dans 90 à 98% des cas, ce qui signifie qu’un développement anormal peut être retrouvé chez un enfant sur 10 dans les publications les plus défavorables. Quelques rares cas de lésions cérébrales fœtales, probablement anoxiques ont été rapportés [Carbonne et al. 2008(3)].

Dans les cas que nous avons observés, il existait à chaque fois une situation d’anémie profonde avec anasarque, associé à un retard de prise en charge. Malgré un prise en charge par transfusion in utero efficace, avec régression complète des signes d’anasarque, nous avons vu apparaître une dilatation ventriculaire sévère, avec signes de porencéphalie secondaire. Pour cette raison, nous proposons actuellement un suivi neuro-échographique régulier en cas d’anémie fœtale profonde, traitée par transfusion in utero. Cette surveillance est actuellement complétée par la réalisation systématique d’une IRM cérébrale fœtale vers 32 SA (ou plus selon l’âge gestationnel au moment de la découverte de l’anémie).

Conclusion

La transfusion fœtale in utero est l’une des rares situations de médecine fœtale régulièrement efficace, permettant la survie sans séquelles d’enfants dont le pronostic spontané aurait été catastrophique. 

La gravité de la pathologie sous-jacente et le risque de complications iatrogènes restent néanmoins loin d’être négligeables et incitent à une identification et à une prise en charge les plus précoces possibles de ces situations.

 

Références

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Mots clefs: anémie foetale , Doppler, pic de vélicité systolique, transfusion

QCM

A- On peut suspecter une anémie foetale à l‘ échographie devant:
  1. Un excès de liquide amniotique
  2. Un RCIU
  3. Un oedème sous cutané
  4. Une ascite
B- En cas de découverte fortuite d’une anasarque à l’échographie, quel est le 1er examen à pratiquer?
  1. Une amniocentèse pour caryotype
  2. Une sérologie Parvovirus
  3. Une mesure du pic de vélocité systolique
  4. Une recherche des agglutinines iirégulières

 

Bruno Carbonne1-2, Vanina Castaigne2, Evelyne Cynober2, Amélie Nguyen2, Ronaldo Levy2, Anne Cortey1, Agnès Mailloux1, Marc Larsen1, Yves Brossard1

1 Centre National de Référence en Hémobiologie Périnatale - Hôpital Saint-Antoine, Assistance Publique – Hôpitaux de Paris

2 Service de Gynécologie-Obstétrique -Hôpital Saint-Antoine, Assistance Publique – Hôpitaux de Paris

Université Pierre et Marie Curie, Paris 6