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2011 > Infertilité > Coculture embryonnaire  Telecharger le PDF

Coculture Embryonnaire en Aide Médicale à la Procréation

M. Benkhalifa , P. Cohen-Bacrie , A. Junca , M. Dumont , S Belloc , M Cohen-Bacrie , A. Dalleac et Y. Menezo

Introduction

Le développement embryonnaire préimplantatoire  est biphasique. Les premières divisions se réalisent  à partir des réserves maternelles, stockées durant  la croissance ovocytaire. Cette première phase est  nécessairement plus fragile. Ainsi, toute anomalie  du stockage impliquant la division cellulaire  et/ ou la protection contre des agressions extérieures (ROS notamment) ou les régulations (réparation  de l’ADN : « DNA repair ») peuvent amener soit à un arrêt de développement, soit au déclenchement de l’apoptose.

Dans un deuxième temps, entre les stades 4 et 8 cellules, les transcriptions embryonnaires démarrent, l’embryon devient plus autonome et est alors capable de gérer plus efficacement les variations d’environnement. Le cycle de l’activation génomique est le plus long, il dure 24 heures, pour la plupart des mammifères, et c’est là que les arrêts de développement sont les plus fréquents. Cependant, cette vision est quand même un peu schématique, dans le mesure où des transcrits maternels importants perdurent aussi jusqu’au stade blastocyste où ils s’expriment.

La Coculture

Elle peut être définie comme la culture simultanée  de cellules somatiques avec l’embryon. Les premiers essais datent des débuts des années 1980 et ont été  liés à l’essor fantastique du transfert embryonnaire bovin, quand a été possible la FIV bovine. La possibilité que la production des facteurs trophiques embryonnaires ne soit pas sous dépendance hormonale a été montrée d’abord chez la souris et les bovins par l’utilisation de cellules d’animaux pré pubères, puis de cellules désynchronisées.

Il est à remarquer que les systèmes de cocultures  avec des cellules endométriales humaines ne plaident pas plus en faveur de l’hormonodépendance  de la culture jusqu’au stade blastocyste,  tout en ayant le désavantage de l’accessibilité et de la quantité de matériel cellulaire disponible. Il faut également prendre en considération le fait que les fibroblastes seuls sont de bien médiocres effecteurs du développement embryonnaire.

De fait, cette efficacité trophique semble bien liée aux épithéliums transporteurs. C’est pourquoi les cellules Vero, cellules pérennisées, faciles à cultiver et très contrôlées, ont eu un succès important du fait de leur facilité d’utilisation. De fait, la majorité des informations quant aux régulations de la formation du blastocyste (effet paternels et maternels, sélection cytogénétique ; la congélation  et la biopsie des blastocystes) ont été obtenues avec les cellules Vero. Cependant, il faut également noter que des techniques de cocultures autologues ont été mises au point à partir soit de biopsies d’endomètres, soit de cellules du cumulus.

Cependant, le problème des cellules non pérennisées réside dans un possible vieillissement qui peut altérer les capacités trophiques et dans le fait que ces cellules supportent assez mal le « repiquage ».

Différences coculture /milieux simples

Il est assez communément admis que la coculture aboutit à de meilleurs résultats que les milieux dits «simplifiés», qu’ils soient séquentiels ou non. L’éclosion et la synthèse d’hCG sont notamment plus précoces. Dans notre expérience, la différence en faveur de la coculture a été très importante, surtout concernant la viabilité des blastocystes congelés. Il est plus que certain que les facteurs de croissance sont responsables de cette différence. Ils conjuguent effets trophiques et antiapoptotiques (GMCSF, IGF1).

De fait, ces facteurs de croissance agissent dans un ensemble harmonieux : certains sont inhibiteurs d’autres activateurs. Ceci est spécialement vrai pour la régulation, dans le jeune blastocyste, du ratio masse cellulaire interne/trophoblaste. Comme certaines cytokines (IL-6 mais surtout le LIF), ils améliorent la formation de blastocystes  et l’éclosion. Le PAF semble également efficace.

À l’heure actuelle, seul le GMCSF semble devoir avoir une application commerciale. Il faut noter que la plupart de ces facteurs de croissance souvent étudiés individuellement sont présents simultanément dans les systèmes de coculture : ceci est spécialement vrai pour le LIF et l’IL-6. Il faut noter que GP130, récepteur d’IL-6 et du LIF et le récepteur bêta du LIF sont présents sous forme de RNA, dans l’ovocyte et le jeune embryon. Le LIF intervient via la voie JAKs/STAT et freine l’apoptose. Ainsi, le même effecteur peut, de plus, utiliser deux récepteurs différents.

D’une façon globale, la coculture donne de meilleurs résultats que tout facteur de croissance ajouté individuellement. C’est bien l’objet du débat quant à l’addition d’un facteur de croissance spécifique dans les milieux de culture.

Encore une fois, c’est probablement l’équilibre entre effets activateurs et effets inhibiteurs qui permet, comme in vivo dans le tractus génital, une croissance harmonieuse. Les cellules épithéliales sécrètent aussi des anti-radicaux libres, protecteurs de l’embryon (hypotaurine, glutathion, etc.). Une des conséquences immédiatement observable est l’absence de jumeaux monozygotes en coculture, au contraire des milieux séquentiels, parfois mal conçus. De toute façon, la formation de radicaux libres est spontanée dans les milieux de culture, incubés in vitro en présence d’oxygène.

Pourquoi la culture prolongée ?

De fait, tout transfert embryonnaire avant l’activation génomique est un geste « aveugle », même si certains critères cinétiques et morphologiques ont été respectés. Comme le stade morula compacte est un stade « fragile », impliquant un remodelage cellulaire total, le transfert au stade blastocyste devient une évidence. La controverse quant à l’aspect de la sélection des meilleurs embryons a perduré. D’un point de vue cytogénétique, le nombre d’anomalies chromosomiques est réduit au stade blastocyste, ce qui peut permettre une sélection pour les porteurs de translocation. Cette sélection n’est cependant pas parfaite, pas plus d’ailleurs qu’elle ne l’est in vivo (voir trisomies).

Par ailleurs, il peut se produire des régulations chromosomiques, dans le sens d’une amélioration, entre les stades de segmentation précoces et le blastocyste. Des embryons diagnostiqués « déséquilibrés » aux stades précoces par diagnostic préimplantatoire se retrouvent « normaux » au stade blastocyste. Certaines cellules anormales peuvent ainsi être exclues et ne pas participer à la compaction. Ces observations, associées à l’efficacité toute relative du diagnostic préimplantatoire, des aneuploïdies et autres déséquilibres chromosomiques, ont amené à une contestation vigoureuse de cette technique (29). Certaines équipes, notamment australiennes, privilégient d’ailleurs le diagnostic génétique des embryons au stade blastocyste.

Les conséquences de cet aspect sélectif de la culture prolongée amènent à choisir le stade blastocyste  toutes les fois que l’on veut privilégier le transfert d’un seul embryon : utérus malformé, volonté délibérée de la patiente de ne pas avoir de jumeaux, etc. En présence d’échecs répétés de transfert aux stades précoces, il est important de déterminer les capacités réelles de développement des embryons conçus. Seule la culture prolongée pourra apporter un élément de réponse.

Par ailleurs, il faut ajouter que l’analyse de la qualité des blastocystes sur les critères morphologiques est aisée. Le taux d’implantation par embryon se situe à 20-25 % pour un embryon 6-8 cellules à 3 jours et est doublé par un transfert au stade blastocyste à j5. Une baisse du taux d’implantation est généralement observée quand les blastocystes apparaissent plus tardivement et sont transférés à j6. Quand ils sont obtenus à j7, il faut passer par la congélation car les transferts de blastocystes frais ne donnent pas de grossesse, alors que les blastocystes décongelés, transférés dans des utérus plus jeunes d’un point de vue hormonal, aboutissent à des naissances, confirmant ainsi l’importance du respect de la fenêtre embryonnaire dans l’efficacité de l’implantation chez la femme.

Conclusion

Très critiqué à ses débuts, le transfert au stade blastocyste  devient une option assez prometteuse essentiellement dans les échecs d’implantation à répétition et l’option de transfert d’un seul embryon. Indépendamment de l’apport des blastocystes pour l’étude des cellules souches, la culture prolongée a permis une réduction, par une meilleure sélection, du nombre d’embryons transférés. Une meilleure connaissance des phénomènes de maturation, activation de l’ovocyte, régulation du développement embryonnaire précoce et de ses blocages, pathologies du sperme, passe par la formation ou non du blastocyste in vitro.

Pour autant, il est nécessaire de rester vigilant, notamment dans l’utilisation des systèmes de culture et leur modification. Il faut encore noter que la coculture est toujours abondamment utilisée pour cultiver les embryons de fort intérêt technologique (clonage, etc.). L’addition de facteur(s) de croissance doit nécessairement être abordée et discutée, car elle correspond à la situation in vivo, où nombreux sont présents. Mais c’est l’équilibre de leurs interactions qui pose encore question. Cet aspect ne peut être abordé que dans le cadre d’études in vitro sur l’embryon humain.

Benkhalifa Moncef, Paul Cohen Bacrie, Anne Marie Junca, Martine Dumont, Stéphanie Belloc, Martine Cohen Bacrie, Alain dalleac, Yves Menezo

Département de Biologie et Génétique de la Reproduction. Laboratoire Eylau. 55-57 Rue Saint Didier. 75116 Paris