Les XXIXe JTA
> Présentation
> Programme
> Comité scientifique
> Intervenants
> Contacter les JTA

En pratique
> S'inscrire
> Renseignements
> Vol et Hébergement
> Programme social
> Conference AMP Jean Cohen

Les archives
> Andrologie
> Biologie
> Gynécologie
> Infertilité
> Médecine foetale
> Néonatologie
> Nutrition
> Obstétrique
> Pédiatrie
> Périnatalité
> Périnéologie
> Phlébologie
> Psychosomatique

> Authors' race

Rechercher

2011 > Infertilité > Préservation de la fertilité féminine  Telecharger le PDF

Indications et prise en charge de la préservation de la fertilité féminine

J. Bélaisch-Allart et S. Bringer-Deutch

SUMMARY

Improvement in treating cancer have unabled many younger persons with cancer to survive. However , treatment of these cancers is often  highly detrimental to reproductive function. Preservation of fertility in female is more complicated than in male. Conservative  fertility -sparing   treatments may be possible for certain women .Embryo  cryopreservation is  the only established method of fertility preservation ,if the cancer treatment may be delayed. However, the recent progress observed with oocyte cryopreservation (in particular the oocyte vitrification) may change  our practices in the future  if vitrification  become  allowed in France.

Although the law of Bioethics of 2004 authorizes the ovarian cryopreservation today, its modalities of use stay at present at the stage of the research. But in spite of the low number of published births today  in the world, the ovarian tissue cryopreservation is a promising technique. It remains the last possible alternative to protect fertility of  prepubertal girls.

QCM pré-test:

En cas de cancer du sein de  la femme jeune   (<35 ans )
  1. Toute grossesse sera ultérieurement déconseillée donc inutile de préserver la fertilité
  2. Les chances de grosesse spontanée après traitement sont réelles
  3. Il faut toujours doser l’AMH avant traitement
  4. On peut  proposer  une ou 2 cure de chimiothérapie  puis une FIV
La vitrification  ovocytaire
  1. Est une technique lente de congélation
  2. Donne de meilleurs  résultats que la congélation classique
  3. Est autorisée depuis 2010 en France
  4. N’est possible que sur l’ovocyte immature

Mots clefs : préservation de la fertilité, cancers gynécologiques, assistance médicale à  la procreation, cryoconservation ovarienne.

INTRODUCTION

Le pronostic de survie après traitement d’un cancer s’est considérablement amélioré ces dernières années, que ce soit chez l’enfant, l’adolescent ou l’adulte. Cette amélioration liée à des protocoles de traitement plus performants s’accompagne néanmoins d’effets secondaires à long terme dont l’altération de la fertilité. La problématique et les différentes alternatives de préservation de la fertilité doivent être abordées dès le début de la prise en charge oncologique avant tout traitement anticancéreux potentiellement stérilisant et il est indispensable d’adresser chaque patient(e) en âge de procréer à un centre référent qui évaluera au mieux les différentes possibilités de préservation de la fertilité masculine et féminine après discussion collégiale.

Impact des traitements stérilisants sur la fertilité féminine

 Les agents antimitotiques tels que la chimiothérapie ou radiothérapie peuvent être à l’origine d’une toxicité gonadique importante associée à des mutations génétiques au niveau des cellules germinales. La toxicité tardive de l’irradiation pelvienne sur le tractus génital féminin peut entrainer des dysfonctions potentiellement  irréversibles, associant  troubles endocriniens et dysfonction gonadique à l’origine d’une infertilité Le degré d’altération de la fonction ovarienne après radiothérapie dépend de 3 facteurs : la dose reçue par les ovaires (dépendante de la dose totale délivrée et du champ d’irradiation),  l’âge des patientes au moment de l’irradiation et la combinaison éventuelle à une chimiothérapie ( 1 ).

 Le risque d’infertilité, due à la gonadotoxicité des chimiothérapies, est une des séquelles majeures à long terme chez les enfants, les adolescents et les adultes jeunes. Les cytotoxiques semblent induire des lésions cellulaires létales responsables de la mort par apoptose des ovocytes mais sont sans effet délétère connu sur l’utérus. L’altération de la fonction ovarienne après chimiothérapie est difficile à prévoir, elle varie selon l’âge de la patiente au moment de la chimiothérapie, le schéma thérapeutique, les doses administrées, la durée du traitement et la tolérance individuelle . Les femmes plus âgées au moment du traitement ont un risque plus élevé de développer une insuffisance ovarienne prématurée (IOP), les adolescentes et jeunes femmes étant plus  résistantes grâce à un stock folliculaire plus important à l’initiation du traitement .

Les traitements n’ont pas tous la même action gonadotoxique.  Les alkylants sont les agents, de loin, les plus gonadotoxiques, sont dose et âge dépendant et ont aussi des effets délétères sur le stroma ovarien. Certains agents cytotoxiques inhibent la croissance folliculaire, d’autres plus toxiques comme les alkylants, induisent, de façon dose-dépendante, la destruction des follicules primordiaux  (1) avec 5 à 25%  d’insuffisance ovarienne observées après 30 ans. Les traitements chimiothérapiques peuvent également être  utilisés dans le cadre de pathologies non cancéreuses (lupus érythémateux disséminé, syndrome néphrotique, thalassémie) ou de pathologiques rhumatologiques inflammatoires. Lors de l’utilisation d’alkylants, l’incidence des IOP dépendra de l’âge  de la patiente et de la dose cumulative de cyclophosphamide utilisé dans ces pathologies (2).

Les techniques de préservation de la fertilité

 La loi de bioéthique du 6 aout 2004 (article L.2141-11) indique qu’ « en vue de la réalisation ultérieure d’une AMP, toute personne peut bénéficier du recueil et de la conservation de ses gamètes ou de tissu germinal, lorsqu’une prise en charge médicale est susceptible d’altérer sa fertilité ou lorsque sa fertilité risque d’être prématurément altérée ».  Une approche multidisciplinaire est  indispensable pour évaluer les conséquences d’un traitement anticancéreux  sur la fertilité des  patient(e)s atteint(e)s de cancer et leur proposer la meilleure solution pour préserver leur fertilité en tenant compte des chances de récupération spontanée à l’arrêt du traitement. Les options de préservation de la fertilité varient en fonction  de différents facteurs le diagnostic (origine du cancer, hormonodépendance, stade),l’âge de la patiente ,le type de traitements anticancéreux ,le  temps disponible avant la mise en route du traitement anticancéreux ,le fait que la patiente ait un partenaire ou non  et enfin le  risque potentiel de métastases  ovariennes(4).

Le choix dépendra également des risques d’infertilité inhérents  aux traitements  mis en balance avec les risques des  options proposées pour préserver la fertilité.

Chez l’homme la congélation des spermatozoïdes avant traitement stérilisant est entrée dans les mœurs et son efficacité est démontrée. Chez la femme, le problème est plus complexe, les ovocytes étant d’accès plus difficiles et résistant mal à la congélation décongélation. Parmi les moyens actuellement disponibles pour tenter de préserver la fertilité ultérieure des femmes traitées pour cancer gynécologiques et exposées à des traitements stérilisants, la transposition ovarienne a été longtemps la seule technique possible. La mise au repos des ovaires par analogues du GNRH n’a pas donné de résultats, seules sont validées la conservation embryonnaire, la conservation d’ovocytes matures ou de cortex ovarien (3) .

La cryopréservation de tissu germinal (ovarien ou testiculaire) est une stratégie reconnue par la loi de bioéthique 2004 mais son utilisation (greffe ovarienne par exemple) est proposée actuellement seulement dans un cadre de protocole de recherche. Les récents progrès réalisés en congélation ovocytaire ces dernières années (vitrification) pourraient nous amener à modifier nos pratiques (4).

Transposition ovarienne :

La transposition ovarienne ou ovariopexie a longtemps été la seule technique disponible pour les  femmes candidates à une irradiation pelvienne (5) . Elle consiste à transposer les ovaires dans les gouttières pariéto-coliques à distance de la zone d’irradiation et  afin de les protéger  des radiations.  Cette chirurgie n’a d’intérêt que chez les femmes de moins de 40 ans et dans les pathologies où le risque de métastases sur les ovaires transposés est faible.

Les indications les plus fréquentes concernent la maladie de Hodgkin, les cancers du col de l’utérus et vaginaux et les sarcomes pelviens. Les complications les plus redoutées sont les métastases ovariennes secondaires (non observées pour la maladie de Hodgkin),  et rarement des kystes sur ovaires transposés.

 Les taux de préservation de la fonction ovarienne avant radiothérapie varient entre16 et 90% selon les études en fonction des doses utilisées et de la chimiothérapie  associée(5) .

Traitement hormonal suppresseur :

L’intérêt d’une suppression ovarienne par analogues de la GnRH ou contraception orale pour réduire le taux de survenue des IOP chez les patientes traitées par chimiothérapie est  discuté et son efficacité souvent controversée A ce jour, aucune étude randomisée non contestée  ne valide la prescription d’agonistes avant l’administration d’une chimiothérapie (3).

Congélation embryonnaire après FIV d’urgence

La congélation embryonnaire est la solution la plus sure mais elle exige une patiente en age de procréer ,une stimulation de l’ovulation, et un partenaire. Les dernières données de l’Agence de Biomédecine (A  B M) font état d’un taux d’accouchement par transfert d’embryon décongelé de 12,8  %. La Fécondation in vitro (F IV) en urgence est une alternative raisonnable proposée avant traitement dans certains cancers de l’ovaire ou du sein.

C’est, affirmait en 2005 le  Comité d’Ethique de l’American Society for Reproductive Médecine, la seule technique  d’efficacité   établie   au même plan que la congélation  de sperme. Toutefois   elle  préserve la fertilité d’un couple et non d’une femme. La  stimulation ovarienne nécessaire pour la FIV requiert  un délai avant la mise en route de la thérapeutique cytotoxique. Cette stimulation ovarienne requise  pose aussi le problème de l’hormonosensibilité de la tumeur qui peut contre-indiquer cette méthode de préservation. Le devenir de ces embryons si le pronostic vital est menacé peut aussi faire débat.

La FIV d’urgence peut être proposée aux  jeunes femmes atteintes de cancer du sein qui désirent préserver leur fertilité tout en sachant que les chances de grossesses spontanées pour celles-ci ne sont pas nulles (6).

Congélation d’ovocytes matures :

La congélation d’ovocytes matures est une alternative à la congélation embryonnaire qui présente l’avantage de ne pas nécessiter de partenaire au moment de sa réalisation, et d’être donc compatible avec des patientes très  jeunes mais pubères. La première grossesse obtenue après congélation d’ovocytes matures a été décrite en 1986  et la première naissance dans le cadre d’une préservation de la fertilité  en 2007 chez une patiente présentant une maladie de Hodgkin  (cités dans 2 ).

Une stimulation d’ovulation est requise imposant un délai de prise en charge thérapeutique. Les ovocytes matures sont des cellules de grande taille, très différenciées qui présentent des difficultés de congélation. La congélation lente classique peut endommager les microtubules du fuseau mitotique  à l’origine d’un risque d’aneuploïdie et  favoriser la formation de cristaux susceptibles de léser la membrane ovocytaire induisant une lyse cellulaire.

On observe également  un durcissement prématuré de la zone pellucide par expulsion spontanée des granules corticaux, empêchant la pénétration du spermatozoïde et l’éclosion du blastocyste, ce qui nécessite souvent le recours à l’ICSI (7). Ceci explique probablement les taux très faibles de grossesses  après congélation lente. La vitrification est un processus physique permettant la cryoconservation sans formation de cristaux de glace, qui semble plus efficace que la congélation classique. La vitrification consiste à exposer pour de courtes durées les ovocytes à des concentrations élevées de cryoprotecteurs différents et à les refroidir ultra rapidement ce qui  évite la lyse cellulaire(7). Les taux de naissances après vitrification sont de  l’ordre de 30% par transfert contre 10% en technique de congélation classique.

A ce jour et à travers le monde, plus de 900  enfants sont nés après congélation d’ovocytes matures (532  après congélation ovocytaire lente et 392 après vitrification des ovocytes) sans qu’il ait été observé d’augmentation d’anomalies congénitales chez ces enfants (8). Le développement des techniques de vitrification  ovocytaire a amélioré considérablement les résultats  des congélations ovocytaires et cette alternative de préservation de la fertilité doit faire partie des options possibles et applicables en routine pour préserver la fertilité des femmes avant cancer. Actuellement, la technique de vitrification  n’est  pas autorisée en France alors qu’elle est largement pratiquée dans d’autres pays européens comme l’Italie ou l’Allemagne.

Cryopréservation de tissu ovarien

La cryoconservation ovarienne est la dernière alternative possible pour tenter de préserver la fertilité de ces patientes à haut risque d’insuffisance ovarienne précoce et de stérilité (9) . Le prélèvement de tissu ovarien est actuellement proposé aux patientes par quelques équipes en France (une centaine  de prélèvements par an, d’après le registre national du GRECOT) et dans le monde. La stratégie vise à conserver les follicules primordiaux au sein du cortex ovarien, cette technique n'est applicable qu'en dehors d'un cancer ovarien pour lequel la résection de l'organe entier, hile compris, est requise. Elle a l’avantage de ne nécessiter ni stimulation de l’ovulation, ni conjoint et d’être possible à tout âge de la vie.

Cette technique   préserve des centaines de petits follicules, sans retarder la prise en charge thérapeutique et restaure  la fonction gonadique endocrine  apres réimplantation du tissus ovarien. Inconvénient, elle est réservée aux femmes jeunes (moins de 30 ou 35 ans) elle nécessite une cœlioscopie et il faut ensuite faire maturer ces ovocytes (qui sont recueillis immatures…) soit in vivo c’est le principe de l’autogreffe de cortex ovarien soit in vitro par culture de follicules ovariens qui n’est actuellement efficace que chez les rongeurs. Le tissu ovarien peut être replacé soit en position pelvienne  (greffes dites orthotopiques) sur l’ovaire restant ou sur le péritoine, soit greffé à distance de sa position d'origine (tissu sous-cutané de l'avant-bras ou de l'abdomen, greffes dites hétérotopiques).

Le risque est la réintroduction de la pathologie. Parmi les indications de la conservation ovarienne  définies par Donnez ( figurent  certains cancers gynécologiques  à des stades précoces cancer du col, cancer du vagin, de la vulve, cancers de l'ovaire au stade Ia ,tumeurs borderline de l'ovaire . Seules les greffes orthotopiques ont à ce jour permis l’obtention de grossesses soit spontanées soit en FI V  .Il faut  noter  que dans  les 11 naissances rapportées à ce jour (sur une quarantaine de greffes) aucune ne concernait une femme traitée pour cancer gynécologique.

Il faut bien cerner la profondeur de l’insuffisance ovarienne éventuelle attendue  pour proposer une technique adaptée au risque et ne pas être plus délétère avec les techniques de préservation de fertilité qu’avec le traitement, et mettre en balance les chances de grossesse spontanée et les options de préservations de la fertilité (9)

Il faut  pour cette technique tenir compte du  risque potentiel de réintroduction de cellules malignes dans l’organisme, en particulier dans le cas des leucémies aigues.  Dans le cas de pathologie cancéreuse avec possibilité de présence de cellules néoplasiques dans les fragments de tissu ovarien, 2 alternatives suite au prélèvement de tissu ovarien font l’objet actuellement de  recherche : la maturation folliculaire in vitro (MIV)et la xenogreffe de fragments de cortex ovarien chez un animal receveur.

-       La MIV obtenu après prélèvement de tissu ovarien n’est actuellement que de l’ordre expérimental et a fait la preuve de son efficacité seulement chez la souris avec l’obtention de naissances. Cette stratégie, bien que pertinente, pose le problème de l’application au modèle humain dont la folliculogénèse est bien plus longue que chez la souris (90 jours chez la femme versus 14 jours chez la souris).

-       La xénogreffe chez un animal receveur, placée dans des régions favorables à la néovascularisation, a été décrite également chez la souris mais elle pose actuellement des problèmes éthiques qui placent cette technique seulement au stade expérimental.

La cryoconservation ovarienne est actuellement la seule technique permettant une conservation de longue durée du tissu ovarien prélevé chirurgicalement. Cette stratégie, autorisée depuis la loi de bioéthique du 06 aout 2004, est aujourd’hui considérée comme une « technique de soin » mais les modalités de son utilisation ultérieure restent actuellement du domaine  de la recherche.

Les indications doivent faire l’objet d’une collaboration étroite entre les équipes d’oncologie et de biologie de la reproduction  pour guider au mieux les patientes dans leurs choix en tenant compte des chances de grossesse spontanée.

Maturation in vitro (MIV)

Lorsque la stimulation de l’ovulation est contre-indiquée, notamment dans les cancers hormonosensibles, le recueil d’ovocytes immatures suivi d’une MIV peut être proposé. Cette dernière option reste actuellement d’ordre théorique, non envisageable en routine en raison des faibles résultats obtenus à ce jour chez la femme. Les taux de grossesse après MIV sont nettement inferieurs à ceux obtenus après FIV classique La MIV serait  une alternative possible avant traitement gonadotoxique pour les femmes n’ayant pas de partenaire et présentant une contre-indication à la stimulation ovarienne  mais cette option reste actuellement à l’étude.

Préservation de la fertilité féminine : Au cas par cas, selon les cancers gynécologiques

Dans certains cas de cancers gynécologiques, le traitement conservateur est envisageable. Il est important de toujours mettre en balance les avantages d’un traitement conservateur pour la préservation de la fertilité et les inconvénients de celui-ci en termes de risques de récidive et d’impact de celles-ci sur la survie.

Dysplasie et cancer du col de l’utérus

Les lésions cervicales actuelles, sont souvent des états précancéreux ou des cancers micro invasifs. L’indication d’une simple conisation est limitée aux cancers in situ mais également aux « cancers in situ avec invasion stromale débutante » et pour certains au stades1A1. Apres conisation de plus de 10 mm,  les risques obstétricaux  sont actuellement documentés et il peut exister un risque d’infertilité par 3 mécanismes : disparition de la glaire cervicale, sténose cicatricielle et FCS par  incompétence cervicale (bel acade mie ).

Les critères pour décider d’un traitement conservateur  sont l’examen clinique (stade FIGO), l’IRM et la relecture des lames pour vérifier la profondeur d’invasion et l’existence d’emboles. Pour les stades avancés (> stade 1A1), le traitement conservateur envisageable est la trachelectomie élargie qui consiste à réséquer le col jusqu’à  l’isthme et les paramètres épargnant le corps de l’utérus. Les risques obstétricaux  de ces traitements sont bien documentés  et bien que des naissances soient publiées, il existe peu de données précises sur la fertilité  ultérieure(3) .

Tumeurs borderline et malignes de l’ovaire

Tumeurs borderline 

 Chez les patientes jeunes présentant un stade précoce de la maladie et désirant préserver leur fertilité, une chirurgie conservatrice peut être envisagée alors que le traitement conservateur est moins consensuel pour  les stades plus avancés. La FIV «en urgence»  avec cryopréservation d’embryons ou d’ovocytes avant la chirurgie radicale est une alternative pour les atteintes ovariennes bilatérales ou les récidives. Cette stratégie, encore  peu évaluée impose une stimulation de l’ovulation et  suppose l’existence d’un conjoint.

Malgré un nombre limité de tentatives de FIV proposées à ces patientes, le faible nombre d’ovocytes recueillis avec la tumeur en place, cette stimulation d’urgence  a donné des résultats encourageants qui  permettent de l’envisager dans certaines situations particulières. La cryopréservation ovarienne parait peu réaliste vu le risque lié à la réimplantation ultérieure  de fragments d’ovaire néoplasique. Seule, la folliculogénèse in vitro (MIV)  après autoconservation ovarienne pourrait être l’indication adaptée à cette pathologie mais celle-ci reste actuellement au stade expérimental.

D’après la littérature, environ un tiers des patientes désirant une grossesse après traitement conservateur d’une tumeur borderline ont pu être enceintes spontanément, le seul facteur pronostique significatif étant l’âge de la patiente au moment du diagnostic. Dans la méta-analyse de Swanton (citée dans  10 ), regroupant neuf études et 213 patientes ayant subi un traitement conservateur d’une tumeur borderline, le taux de grossesse observé est de 48% en cumulant les grossesses spontanées et celles obtenues par AMP  .

La demande d’AMP après cancer borderline est fréquente pour plusieurs raisons : antécédent d’infertilité (10 à 35 %), infertilité de novo post opératoire avec atteinte quantitative de la réserve ovarienne. Koskas et al. (10 )  ont recensé dans  la littérature 74 femmes ayant bénéficié d’une AMP après traitement conservateur (24 % en stade II/III), la FIV est proposée dans 81 % des cas contre 19 %  de stimulations ovariennes associées ou non à des inséminations.

Le taux de grossesse cumulé obtenu par AMP est estimé à 59,5 % avec un taux de récidive global de 10,8 %. Dans une étude multicentrique française, 27 patientes ont bénéficié d’une fécondation in vitro et trois d’une stimulation ovarienne simple  (citée dans 10). Treize grossesses ont été obtenues (43,3 %) et quatre récidives ont été enregistrées (13,3 %). Ces données plutôt rassurantes quant au risque de la stimulation ovarienne posent toutefois la question d’un biais de sélection possible réservant  l’AMP aux cas de meilleur pronostic.

Tumeurs malignes

Le pic d’incidence des formes épithéliales qui sont les plus fréquentes est de 60 ans,  la question du traitement conservateur se pose donc plus rarement. Pour les tumeurs non épithéliales un traitement conservateur est possible pour les stades 1 et 2 et les chimiothérapies utilisées permettent de préserver la fonction ovarienne. Les publications sont rares et concernent des cases reports :

Cancer de l’utérus

Le cancer de l’endomètre survient le plus souvent après la ménopause, mais 20 % des cas surviennent chez des femmes de moins de 40 ans. Le traitement conservateur est possible chez ces femmes, mais une grossesse doit être obtenue rapidement suivie d’une prise en charge radicale.  Deux  études récentes font état d’excellents résultats de la FIV  sur de petites séries. Jadoul et Donnez ont  rapporté en 2003, le cas de 5 femmes ayant recours à la FIV, dont 4 enceintes dès la première tentative (cité dans 3).

Une équipe israélienne a rapporté les résultats de 8 femmes ayant  eu recours à  31 cycles de FIV après cancer de l’endomètre traité par curetage et progestatifs, soit d’emblée soit après échec d’autres traitements ( cité dans 3 ). L’épaisseur de l’endomètre le jour de l’hCG a été comparée à celles des femmes en cours de  F I V pendant la même période. Il y a significativement plus d’endomètre inférieur à 8 mm dans le groupe cancer, le taux de fécondation n’est pas abaissé.

Le taux de grossesse par cycle est de 28 % et par transfert de 29%, malheureusement les auteurs ne donnent pas leur taux global de grossesse aucune comparaison n’est donc possible, 4 femmes sur les 8 ont accouché d’enfants en bonne santé. Les auteurs concluent donc que le pronostic de la   FIV dans ces cancers est bon et qu’il y a tout intérêt à y recourir rapidement  avant un traitement définitif.

Apres hystérectomie

Apres ablation de l’utérus à l’âge adulte (cancer de l’endomètre ou du col), si les ovaires ont été conservés on peut proposer le recours à la gestation pour autrui (GPA) dans les pays où celle-ci  est autorisée. .En Grande Bretagne, une étude de 2003 avait montré que les antécédents de cancer étaient la cause la plus fréquente de GPA, de même en Israël plusieurs cas de GPA réussie ont été publiés après  transposition ovarienne.

Cancer du sein

Dix pourcent des cancers du sein surviennent chez des femmes de moins de 40 ans. Compte tenu de l’amélioration du pronostic de ces tumeurs, de l’absence de contre-indication absolue de grossesse suite à un cancer de bon pronostic,  la préservation de la fertilité doit toujours  être envisagée avant traitement cytotoxique en équipe multidisciplinaire. Il ne semble pas y avoir d’effet péjoratif d’une grossesse après cancer du sein ni pour la survie ni pour le taux de récidive voire même un effet protecteur pour certains auteurs, néanmoins la prudence s’impose car les effectifs sont faibles et les études rétrospectives .

Après la chirurgie et avant le début de la chimiothérapie, l’AMP d’urgence peut être proposée avec congélation embryonnaire ou  ovocytaire, si l’on dispose du délai nécessaire avant l’initiation de la chimiothérapie (6). Des stimulations  de l’ovulation par antioestrogène ou inhibiteur de l’aromatase pour limiter les risques liés à l’hyperoestrogénie   ont été proposées  , mais  cette indication pour ces drogues n’est pas reconnue ( dite hors AMM) en France.

Le recueil  d’ovocytes immatures reste une possibilité théorique. La cryoconservation ovarienne reste une technique discutée pour la préservation  de la fertilité dans  cette indication vu le risque potentiel majoré d’insuffisance ovarienne (6 )

 A défaut de conservation, la prise en charge de l’infertilité après cancer du sein reste controversée. En effet, certains cancérologues redoutent l’effet néfaste des taux élevés d’œstrogènes induit par les stimulations classiques. Les cycles naturels restent donc une alternative tant en inséminations intra utérines qu’en fécondation in vitro, bien que les résultats soient  inférieurs  à ceux obtenus avec stimulation... L’évaluation de la réserve ovarienne par la mesure de l’AMH avant et après chimiothérapie est un facteur prédictif de la récupération de la fonction ovarienne.

En cas d’insuffisance ovarienne avérée, le recours au don d’ovocyte peut  être envisagé avec des chances de grossesse équivalentes aux patientes sans antécédents de cancer. Une préparation de l’endomètre par un traitement hormonal à doses quasi physiologiques  parait plus acceptable qu’une hyperstimulation ovarienne du point de vue oncologique .

  La préservation de la fertilité des femmes   avant   traitement de cancers pose encore de nombreuses questions sur son efficacité, sur son innocuité et doit être envisagée au cas pas cas par une équipe multidisciplinaire .Un traitement  conservateur chaque fois que possible  et la cryoconservation embryonnaire avant traitement du cancer   restent  à ce jour les préventions les plus efficaces de l’infertilité en cas de cancer gynécologique, toutefois  les avancées de la science et  les changements de  législation  pourraient changer radicalement cette conclusion dès les prochaines années.

BIBLIOGRAPHIE 

1  Meirow, D. and D. Nugent The effects of radiotherapy and chemotherapy on female reproduction. Hum Reprod Update 2001; 7:  535-43.

2  Bringer-Deutsch S,  Belaisch-Allart J,  Delvigne A Préservation de la fertilité en cas de traitements stérilisants  J Gyn Obs Biol Reprod  2010   ;  sous presse

3 Belaisch-Allart, J., Bringer Deutch S. : Traitement de l'infertilité après traitement d'un cancer gynécologique et indication de la congélation du tissu ovarien. Bulletin de l'Académie de Médecine 2010 ;sous presse

4  Rienzi L. et al., Embryo development of fresh 'versus' vitrified metaphase II oocytes after ICSI: a prospective randomized sibling-oocyte study. Hum Reprod  2009;25 : 66-73.

5 Morice, P., et al., Laparoscopic ovarian transposition for pelvic malignancies: indications and functional outcomes. Fertil Steril  1998; 70:. 956-60.

 6 de Ziegler D et al., Cancer and fecundity issues mandate a multidisciplinary approach. Fertil Steril 2009; 93: . 691-6.

 7 Chevalier, N., Dewailly  D , and P. Fenichel  Oncofertility: a new focus in women health-care.  Ann Endocrinol  2009. 70 Suppl 1: p. S33-41.

 8  Noyes, N., E. Porcu, and A. Borini, Over 900 oocyte cryopreservation babies born with no apparent increase in congenital anomalies. Reprod Biomed Online 2009. 18 : 769-76.

 9 Poirot C,Vacher- Lavenu  MC,Helardot  P,Guibert  J,Brugieres L,Jouannet P Human ovarian tissue cryopreservation :indications  and feasibility .Hum Reprod,2002,17,1447-52

 10 Koskas  M,Madelenat  P ,Yazbeck  C  Tumeur border line de l’ovaire :comment preserver la fertilité ? Gynécol Obstet Fertil ,2009, 37 , 942–950

QCM

En cas de cancer du sein d e  la femme jeune   (<35 ans )
  1. Toute grossesse sera ultérieurement déconseillée donc inutile de préserver la fertilité
  2. Les chances de grosesse spontanée après traitement sont réelles
  3. Il faut toujours doser l’AMH avant traitement
  4. On peut  proposer  une ou 2 cure de chimiothérapie  puis une FIV

Réponses   2  et 3 

Les chances de grossesse spontanée ne sont pas nulle, la grossesse n’est plus déconseillée pares cancer du sein  et si on doit faire un e fiv d’urgence c’est avant toute chimiothérapie Il y a toujours interet à connaitre la réserve ovarienne avant  donc a doser l’ AM.

La vitrification  ovocytaire
  1. Est une technique lente de congélation
  2. Donne de meilleurs  résultats que la congélation classique
  3. Est autorisée depuis 2010 en France
  4. N’est possible que sur l’ovocyte immature
Réponse  2 les resultats italiens le prouvent

 

Joëlle BELAISCH-ALLART  et Sophie BRINGER-DEUTCH

Service de Gynécologie Obstétrique et Médecine de la Reproduction

Centre Hospitalier des 4 Villes, SEVRES