EXPLORATION DE LA PHASE LUTEALE
Alain Audebert
IGF1-35,
rue Turenne-33000 Bordeaux
INTRODUCTION
Le corps jaune ovarien
est la structure dominante au cours de la phase lutéale, ou phase post-ovulatoire,
du cycle menstruel. Sa durée de vie dépend du devenir de l’ovocyte, libéré lors
de l’ovulation :
-si l’ovocyte est non fertilisé, et donc si aucune grossesse n’est initiée,
sa durée de vie est limitée à environ deux semaines, c’est-à-dire la durée de
la phase lutéale du cycle menstruel ;
-si une fécondation a lieu et si elle est suivie d’une implantation, la durée
du corps est prolongée jusqu’au moment où le placenta prend le relais pour assurer
le maintien et la poursuite de la grossesse.
Le corps est une glande
endocrine qui produit donc des hormones, notamment mais pas uniquement de la
progestérone, contrôlant les évènements cycliques, au sein de l’axe hypothalmo-hypophyso-ovarien,
et participant à la différenciation de certains éléments du tractus génital,
nécessaires pour l’établissement d’une gestation intra-utérine.
L’exploration de la
phase lutéale, et donc celle du corps jaune, peut être réalisée soit directement
en dosant ses sécrétions, soit indirectement en mesurant ses effets au niveau
de certains tissus cibles essentiels, préférentiellement ceux qui sont facilement
accessibles. Au cours de cette dernière décennie, les moyens d’investigation
se sont diversifiés et ils ont d’ailleurs contribué à une meilleure connaissance
de la fonction et de la régulation du corps jaune.
De nombreuses investigations
ont été proposées (Tableau I.) ; dans cette brève revue, seuls les examens
réalisables en pratique courante, permettant d’évaluer sa valeur fonctionnelle
et de définir ainsi ses anomalies, seront analysés ; nous n’aborderons
pas, non plus, les investigations pratiquées pour identifier une étiologie éventuelle
expliquant son dysfonctionnement.
Tableau I.
Méthodes proposées pour l’évaluation du corps jaune.
1-Courbe
de température :
-durée et amplitude du plateau
thermique
2-Dosage
de la progestérone
-dans le plasma (unique ou multiple)
-dans les urines (pregnanediol)
-dans la salive
3-Biopsie
endométriale
-analyse histologique descriptive
ou morphométrique
-dosage des récepteurs à l’estradiol et la progestérone
-évaluation immuno-histochimique de marqueurs de la réceptivité endométriale…..
4-Echographie
utérine
-épaisseur de l’endomètre
-échogénicité de l’endomètre
-indices vélocimétriques en Doppler
-étude des contractions utérines
RAPPEL SUR
LA PHYSIOLOGIE DU CORPS JAUNE
Nous n’aborderons, d’ailleurs
brièvement, que quelques aspects.
1-La transformation
du follicule ovulatoire en corps jaune :
Le corps jaune résulte
de la transformation du follicule rompu, qui a libéré son ovocyte, avec un plissement
de la paroi folliculaire (1).
Deux évènements apparaissent essentiels :
-au moment du pic de LH, il y a un envahissement vasculaire des cellules
de la granulosa lutéinisées par des capillaires provenant de la thèque
interne (rôle des facteurs angiogèniques);
-l’acquisition par les cellules de la granulosa d’une capacité de stéroïdogénèse.
la LH joue un rôle primordial dans ce remodelage du follicule.
2-La production
des stéroïdes par le corps jaune :
Au plan des stéroïdes
sexuels, la dominance progestative l’emporte sur l’imprégnation estrogènique.
La LH est l’hormone
principale régulant la production de progestérone par le corps jaune ;
elle agit par la voie de l’AMP cyclique. D’autres peptides gonadiques sont aussi
impliqués dans la régulation endocrine, paracrine et autocrine du corps jaune,
en dehors des facteurs de croissance eux-mêmes. En phase lutéale, l’inhibine
A augmente alors qu’au contraire, l’inhibine B baisse, après son pic ovulatoire.
Le rôle de l’activine n’est pas clairement établi.
Durant cette phase,
les concentrations plasmatiques d’estradiol sont comprises entre 100 et 200
pg/ml et celles de progestérone entre 10 et 20 ng/ml.
Deux rôles majeurs sont
assurés par ces deux stéroïdes :
-la transformation adéquate de l’endomètre en vue d’une éventuelle implantation,
grâce à un bon équilibre estro/progestatif ;
-le contrôle de la folliculogènèse ; l’élévation de la progestérone empêche
tout rétrocontrôle positif de l’estradiol ; l’estradiol et l’inhibine,
durant cette phase lutéale moyenne, suppriment la sécrétion de FSH, inhibant
ainsi le déclenchement de la folliculogénèse.
3-La durée
de vie fonctionnelle du corps jaune :
Le corps jaune est un
organe temporaire. Durant un cycle non fertile, sa durée d’existence est de
14 à 16 jours. Il se transforme alors en une cicatrice avasculaire.
En l’absence de conception,
la régression du corps jaune est essentielle pour l’initiation d’un nouveau
cycle car ses produits de sécrétion (estrogène, progestérone et inhibine) ont,
comme nous venons de le voir, un effet suppressif sur les sécrétions de FSH
et LH inhibant ainsi l’initiation du développement folliculaire.
Le mécanisme de cette
lutéolyse n’est pas parfaitement élucidé ; mais, parmi les mécanismes en
cause, la baisse de LH et la diminution progressive de ses récepteurs, au sein
du corps jaune vieillissant, jouent un rôle clé. Il est aussi observé une augmentation
de FSH et donc du rapport FSH/LH, élément déterminant pour le recrutement d’une
nouvelle cohorte folliculaire et l’initiation d’un nouvelle phase folliculaire.
Il a aussi été suggéré que les estrogènes et les prostaglandines interviennent
dans le mécanisme de la lutéolyse ; de même de nombreux autres facteurs,
intervenant dans le processus plus général de l’apoptose, sont actuellement
évalués (rôle du système immun local, des radicaux libres oxygénés…) (2).
4-Commentaire :
Si de nombreux agents
sont sécrétés par le corps et pourraient faire l’objet de dosages, la progestérone
apparaît bien comme le marqueur essentiel de la fonction lutéale.
LES TROIS EXPLORATIONS « CLASSIQUES »
En pratique, deux examens
indirects (courbe thermique et biopsie de l’endomètre) et le dosage de la progestérone
elle-même représentent les investigations traditionnelles pour confirmer la
réalité de l’ovulation et évaluer le fonctionnement du corps jaune.
I-La courbe thermique
Bien souvent en pratique,
la qualité du corps jaune est d’abord évaluée par la courbe de température.
La progestérone et certains
de ses métabolites (3 alpha-ol-20-one pregnane) entraînent une faible élévation
de la température basale (décalage de 0,5 °) ; cette action thermogènique
s’effectue au niveau du centre de contrôle de la température hypothalamique ;
normalement, une montée nette de la température est observée quand le taux de
progestérone atteint au moins 3 ng/ml ; mais la réponse est variable selon
les femmes, et une exposition préalable aux estrogènes, en quantité suffisante,
est nécessaire.
Pour une phase lutéale
normale, la durée de l’élévation de la température est d’environ 14 à 16 jours ;
on considère dès lors qu’elle est anormale quand elle est inférieure à 11 jours ;
l’amplitude de ce plateau lutéal doit aussi être prise en considération dans
l’interprétation.
Bien que la fiabilité
de cette méthode soit très relative, on considère néanmoins qu’une élévation
thermique durant moins de 11 jours est indicative d’une déficience du corps
jaune (3).
II-La biopsie
endométriale
C’est, dans beaucoup
de pays, la méthode la plus fréquemment utilisée.
Classiquement, la normalité
du fonctionnement du corps jaune est affirmée par l’analyse histologique d’une
biopsie pratiquée en milieu de la phase lutéale (22 ou 23 émes jour du cycle),
au cours de deux cycles différents, montrant une maturation endométriale conforme
aux critères de Noyes, c’est-à-dire avec moins de deux jours de décalage. A
l’inverse tout retard ou asynchronisme laisse suspecter une insuffisance lutéale.
Ainsi définie, cette exploration
paraît assez bien standardisée ; pourtant il peut exister des variations
significatives selon, au moins, 3 variables :
- le moment du prélèvement
(par rapport aux règles précédentes ou aux règles suivantes, ou monitoré par
la détermination du pic de la LH) ;
- le mode de prélèvement ;
- l’anatomopathologiste.
En interprétant
40 biopsies endométriales soit en fonction de la date des règles suivantes soit
d’après la détermination du pic de la LH, il existe une différence de 35 % des
endomètres considérés comme hors phase selon la référence choisie (4).
Une étude comparative a retrouvé une différence significative des taux d’endomètres
hors phase entre la curette de Nowak et la pipelle de Cornier (5).
Quand les mêmes 62 biopsies sont examinées par différents observateurs, dans
22 % des cas le diagnostic est différent (6).
En fait le
principal reproche que l’on peut faire à cette méthode est que le critère de
normalité retenu est basé davantage sur une opinion clinique que sur une évaluation
statistique contrôlée ; en y ajoutant les biais précédemment rappelés,
on comprend dès lors, pourquoi il est retrouvé des taux d’incidence d’anomalies
de la phase lutéale très variables dans diverses populations de femmes infertiles
(de 3,5 à 38,9 %) et pourquoi cet examen a une faible valeur prédictive en termes
de conception ; en effet les taux d’anomalies sont les mêmes que les femmes
soient fertiles ou non, selon plusieurs études classiques.
C’est pourquoi
des raffinements ont été proposés : meilleur timing basé sur la détermination
du pic de la LH, analyses morphométriques quantitatives et semi quantitatives…..
Il faut donc
reconnaître et accepter les limites de la biopsie endométriale pour établir
le diagnostic d’une insuffisance lutéale. Elle garde cependant toute sa valeur
dans d’autres situations cliniques.
III-Le dosage
de la progestérone
La progestérone est
le produit de sécrétion du corps jaune principal le plus caractéristique ;
dans ces conditions il apparaît logique d’utiliser son dosage ou celui de ses
métabolites pour évaluer sa fonction.
Si le dosage du prégnandiol
urinaire ou celui de la progestérone dans la salive ont été utilisés, le dosage
de la progestérone dans le plasma représente aujourd’hui la seule méthode employée
en pratique courante (7).
De nombreuses études
ont déterminé la valeur normale de la progestérone en milieu de phase lutéale,
à partir des valeurs observées dans des cycles conceptionnels avec un intervalle
de confiance de 95 %.
Cependant en raison du caractère pulsatile de la sécrétion de progestérone induisant
des fluctuations notables, certains ont recommandé plusieurs dosages poolés
ou non taux de progestérone intégrés).
Une étude réalisant des dosages quotidiens pendant 5 jours a montré que le taux
devait atteindre au moins 5 ng/ml durant les 5 jours pour que la fonction du
corps jaune soit considérée comme normale (8). D’autres auteurs ont fourni des
chiffres supérieurs dans d’autres études, surtout si un dosage unique est utilisé,
par exemple 10 ng/ml.
Il est intéressant à
noter que sur une telle base diagnostique on connaît mal la prévalence de l’Insuffisance
lutéale, de même, l’impact d’une sécrétion basse sur la fertilité est encore
incertain.
Enfin, le niveau
de progestérone n’indique pas cependant si l’endomètre a répondu correctement
ou non et si une anomalie existe à son niveau ; d’ailleurs, des discordances
ont été observées en cycles spontanés ou induits.
Retenir
en pratique :
1-Chaque méthode a des limites
et des insuffisances.
2-La courbe de température
et un dosage unique de progestérone permettent à distinguer un cycle ovulatoire
d’un cycle non ovulatoire.
3-Quand le diagnostic
d’insuffisance du corps jaune est suspecté, la courbe de température doit être
utilisée comme guide pour réaliser plusieurs dosages de la progestérone et pour
choisir le moment de la biopsie endométriale.
4-La recherche d’une
cause possible, expliquant une déficience du corps jaune, nécessite des investigations
hormonales complémentaires.
LES EXPLORATIONS
ECHOGRAPHIQUES
Les progrès de l’imagerie
ont permis de réduire l’invasivité de l’évaluation de la réponse endométriale ;
elle permet aussi de mesurer la vascularisation utérine et ovarienne.
Plus récemment, l’enregistrement des contractions utérines dépendantes de la
sécrétion de la progestérone a été standardisée.
I-L’échographie
vaginale
Elle permet d’évaluer
l’épaisseur de l’endomètre et son échogénicité.
a-L’épaisseur endométriale :
L’endomètre atteint
son épaisseur maximale dès la période péri ovulatoire ; elle est alors
de 12,4 mm ; elle ne change plus jusqu’aux jours précédents les règles
où elle diminue légèrement. Ces mesures sont cependant très variables d’une
patiente et d’un cycle à l’autre. Diverses études classiques ont permis d’établir
ces données, assez bien concordantes d’une étude à l’autre.
Une série compare, chez
46 femmes, lors d’un cycle spontané les données de l’échographie et celles de
la biopsie réalisées successivement, 5 jours avant les règles (9). Chez
les femmes ayant une maturation endométriale normale, l’épaisseur moyenne de
l’endomètre est de 13,1 mm (+/- 0,4), et dans tous les cas elle est supérieure
à 11 mm ; pour le groupe des femmes, ayant histologiquement une insuffisance
lutéale, l’épaisseur est de 7,7 mm (+/- 0,3) et donc significativement inférieure
(p<0,005), et aucun endomètre ne dépasse 9 mm.
Dans le modèle du don
d’ovocyte, il a été observé une bonne corrélation entre une épaisseur endométriale
d’au moins 10 mm en fin de phase folliculaire et les conceptions observées (10).
b-Les caractéristiques échogèniques :
Elles reflètent les
modifications au niveau des glandes endométriales.
Lors de la phase lutéale, les glandes deviennent tortueuses et se remplissent
de glycogène et de mucine : l’échogénicité est ainsi accrue, par rapport
au myomètre voisin.
Cette hyperéchogénicité
évolue de façon centripète à partir de la couche basale pour gagner tout l’endomètre
vers le 21 ème jour du cycle (11).
L’évaluation de l’échogénicité
est subjective. Pour éviter cet écueil, un module informatisé d’assistance à
l’analyse d’image a été utilisé (12).
II-L’échographie doppler
Lors de la phase lutéale,
on assiste à une diminution de l’index de pulsatilité (IP) des artères utérines
et ovariennes.
Dans une étude portant sur 94 patientes ovulant spontanément a bien montré cette
diminution de l’IP (13) ; on retrouve aussi une modification de tous les
autres indices vélocimétriques : baisse de l’indice de résistance, augmentation
du pic de vitesse systolique…
Des études portant sur des effectifs plus restreints indiquent que la baisse
de l’IP est plus marquée du côté où a eu lieu l’ovulation.
Au plan hémodynamique, cela traduit une augmentation du flux artériel systolique
et diastolique dans ces vaisseaux.
Les études destinées
à corréler ces paramètres vélocimétriques aux taux de progestérone et aux données
histologiques de l’endomètre apportent des résultats contradictoires ;,
mais, le diagnostic d’insuffisance lutéale est basé sur les données de l’endomètre
avec toutes les variations possibles d’interprétation que nous avons rappelées
précédemment…Une série portant sur 61 femmes trouve une bonne corrélation entre
les indices de résistance utérine et ovarienne tant avec l’histologie de l’endomètre
qu’avec le taux de progestérone (14) ;l’auteur conclut que cet examen est
utile pour détecter une insuffisance lutéale. A l’inverse, dans une autre série
de 159 femmes, la valeur prédictive de l’échographie doppler n’est que de 64
% (15).
Une autre approche est
l’analyse de la vascularisation du corps jaune.
Une diminution relative de la vascularisation du corps jaune, avec diminution
des vélocités moyennes diastosliques et du pic systolique, est observée en cas
d’IL (16) ; une forte corrélation est observée entre ces modifications
et le taux de progestérone plasmatique.
En fait, il n’est pas
possible d’affirmer que la progestérone soit directement responsable des modifications
vélocimétriques observées au niveau des artères utérines et ovariennes ;
il est aussi possible d’imaginer qu’une autre sécrétion du corps jaune soit
impliquée : bien sûr en premier lieu, il peut s’agir de facteurs angiogèniques
(VEGF), mais aussi de la leptine de la relaxine….
Au total, il est difficile
de conclure aujourd’hui sur la validité diagnostique de l’échographie doppler
pour établir un diagnostic de dysfonctionnement du corps jaune ; par contre,
pour l’évaluation de la réceptivité endométriale cet examen garde toute sa valeur.
III-Les contractions
utérines
Les phénomènes contractiles
au niveau sub-endométrial et myométrial ont été analysés.
Les contractions culminent au moment de la période péri ovulatoire. Elles diminuent
fortement en période lutéale pour devenir rares (17). Durant cette phase, aucune
contraction dirigée du fond utérin vers le col n’est observée, alors que celle
issue du col et se dirigeant vers le fond utérin persiste (18).
Ces constatations laissent
supposer que l’estradiol a un effet stimulateur en phase folliculaire et, qu’au
contraire, l’association estradiol/progestérone a un effet inhibiteur au cours
de la phase lutéale sur l’utérus non gravide (19).
Si cette méthode demande
à être davantage validée pour pouvoir jouer un rôle dans le diagnostic d’une
insuffisance lutéale, elle alourdit l’examen échographique et n’est pas encore
entrée dans la pratique courante.
Par contre elle pourrait
avoir un intérêt plus grand, plus facile à démontrer dans le cadre du transfert
d’embryon, et avoir ainsi une valeur prédictive (20) et justifier l’administration
de progestérone avant le transfert embryonnaire (19).
Tableau II. Valeurs seuils, habituellement retenues, pour
les explorations courantes
Exploration |
Valeurs seuils de normalité |
Courbe thermique
|
plateau stable de 12 jours au moins
avec une bonne amplitude (0,5°)
|
Biopsie endométriale
|
moins de 2 jours de décalage
selon critères de Noyes
|
Progestérone plasmatique
|
10 ng/ml
|
Epaisseur endométriale
|
12 mm
|
Echogénicité endométriale
|
Hyperéchogène
|
COMMENTAIRES
Les méthodes d’exploration
du corps jaune se sont diversifiées ; une meilleure connaissance de la
physiologie de cette glande et de ses multiples sécrétions laisse entrevoir
l’utilisation d’autres marqueurs de la fonction lutéale.
Cependant en pratique,
en dehors de la FIV, l’évaluation du fonctionnement du corps jaune repose, aujourd’hui
encore, sur les trois examens classiques rappelés précédemment ; de même,
le diagnostic de l’IL est essentiellement basé sur leurs résultats.
1-Tenir compte
du contexte clinique :
L’IL est principalement
responsable de troubles du cycle menstruel, d’infertilité et de fausses couches
à répétition. Dans ces trois circonstances, si le dénominateur commun est la
production anormale de progestérone (en quantité ou dans le temps), les explorations
et les traitements ne sont pas forcément dirigés vers les mêmes objectifs.
Pour les troubles du
cycle, la supplémentation en progestérone est le traitement adapté, d’autant
plus que plusieurs tissus sont impliqués dans la symptomatologie.
Dans le contexte de
l’infertilité, il a aussi été reconnu que la plupart des IL résultaient d’une
stimulation folliculaire inadéquate ; en conséquence la prise en charge
thérapeutique devait être alors adaptée aux mécanismes physiopathologiques démontrés.
Dans le cadre de la
FIV, c’est la transformation sécrétoire adéquate de l’endomètre qui importe
pour permettre l’implantation de l’embryon et éviter les pertes embryonnaires
précoces ; parmi les données les plus récentes, on doit aussi rappeler
que la transformation pré-déciduale du stroma semble nécessiter des quantités
supérieures de progestérone à celles qui permettent la transformation sécrétoire
des glandes épithéliales. Le niveau de progestérone n’indique pas non plus si
l’endomètre a répondu correctement et si une anomalie existe à son niveau ;
d’ailleurs des discordances ont été observées en cycles spontanés ou induits.
L’exploration de l’endomètre,
reste limitée en pratique au cours d’un cycle de stimulation. Les prélèvements,
dans le but d’une étude morphologique plus ou moins sophistiquée ou du dosage
de marqueurs spécifiques de la réceptivité, ne sont bien sûr pas réalisables……
L’échographie représente
le seul outil sans effet délétère, tout au moins démontré à ce jour. Les caractéristiques
séméiologiques (épaisseur) et vasculaires de l’endomètre sécrétoire sont mieux
déterminées et relativement bien corrélées avec les résultats après transfert
embryonnaire en FIV.
La détermination du type d’activité contractile des différentes composantes
de l’utérus est susceptible d’apporter des informations utiles, à valider.
2-Tenir compte
du tissu cible à privilégier :
Comme dans d’autres
domaines, par exemple la ménopause, les préoccupations diagnostiques et thérapeutiques
actuelles sont davantage orientées vers les perturbations au niveau des tissus
cibles que sur les anomalies du milieu hormonal plasmatique.
Comme nous venons de
la rappeler, dans le contexte de l’infertilité, l’objectif diagnostic, au moins
au plan théorique, n’est plus tant la détermination des taux hormonaux que d’affirmer
que l’endomètre a des capacités adéquates de réceptivité au moment approprié
lors de la venue de l’embryon, en fonction de son stade de développement.
Il est alors possible
de privilégier l’action thérapeutique sur un tissu cible particulier
L’expérience du don d’ovocyte a montré qu’il était relativement simple, en l’absence
d’ovaire fonctionnel, d’obtenir un endomètre réceptif par simple supplémentation
hormonale (21).
Il est aussi logique
de choisir la voie d’administration la plus performante.
A cet égard, la voie vaginale est une excellente voie d’administration quand
une action au niveau de l’endomètre est recherchée ; elle a une excellente biodisponibilité,
et, par l’effet du premier passage utérin, elle permet d’obtenir d’excellents
effets endométriaux, en particulier au niveau du stroma, malgré des taux plasmatiques
relativement bas.
3-Tenir compte
du traitement en cours :
La stimulation ovarienne
a pour but de restaurer une fonction ovulatoire normale ; en même temps
elle corrige les anomalies de la fonction lutéale résultant d’une maturation
folliculaire perturbée ; en théorie, il ne devrait donc ainsi ne pas y
avoir d’anomalie lutéale après stimulation.
Pourtant, quelle que
soit la modalité thérapeutique utilisée, les taux de conceptions sont très inférieurs
aux taux d’ovulations induites. Par exemple, dans la revue classique de MacGregor
portant sur 3220 femmes traitées par clomiphène, si 5057 ont semblé ovuler,
une conception a été observée chez seulement 1032 d’entre elles (taux de grossesse
clinique de 20,7 %) (22).
La recherche d’une explication
à ces échecs de conception s’impose.
Même si un bilan d’infertilité complet n’a retrouvé aucune anomalie significative
associée, divers phénomènes peuvent en théorie expliquer l’absence de conception :
absence de libération de l’ovocyte, mauvaise qualité ovocytaire avec non-fécondation
ou embryon déficient, échec de la captation ovocytaire, milieu tubaire défavorable
et migration embryonnaire perturbée et enfin endomètre inadéquat……
Quelle que soit la part
respective de ces différentes étiologies (d’ailleurs souvent impossible à déterminer),
seules les perturbations de l’endomètre sont accessibles à une correction thérapeutique ;
il paraît donc logique en pratique courante de prendre les mesures adéquates.
Par ailleurs, certains
agents thérapeutiques, comme le citrate de clomiphène (CC), sont susceptibles,
eux-mêmes, d’induire des anomalies spécifiques ; des altérations ont été
démontrées tant au niveau des glandes que du stroma, avec un aspect histologique
identique à celui retrouvé en cas d’IL, malgré des taux physiologiques d’estradiol
et de progestérone (23).
Lors des stimulations
ovariennes en FIV, la valeur des taux hormonaux ne permet pas de présumer de
la normalité de l’endomètre, compte tenu des bouleversements souvent induits,
avec parfois des taux élevés de progestérone et d’estradiol et un rapport progestérone/estradiol
anormal.
CONCLUSION
Malgré les progrès de
nos connaissances, en particulier ceux apportés par la biologie moléculaire,
les méthodes d’exploration de la phase lutéale se limitent, aujourd’hui encore
en pratique courante, à la courbe de température, au dosage de la progestérone
plasmatique, à la biopsie de l’endomètre et à l’évaluation de l’endomètre par
échographie avec une sonde vaginale.
Chaque méthode a ses
insuffisances et ses limites qu’il est nécessaire de bien connaître.
L’exploration de la
phase lutéale doit être adaptée au contexte clinique et aux éventuels objectifs
thérapeutiques. Ainsi cas d’infertilité, la cible diagnostique et thérapeutique
privilégiée est avant tout l’endomètre.
Le concept d’insuffisance
lutéale est ainsi susceptible d’évoluer et de se diversifier ne reposant pas
uniquement sur l’insuffisance de sécrétion de la progestérone mais aussi sur
les perturbations au niveau des tissus cibles, non obligatoirement corrélées
aux taux plasmatiques de progestérone.
En thérapeutique, l’administration
de progestérone par voie vaginale illustre cette dissociation, puisque, malgré
des taux de progestérone en dessous des valeurs normales, ses effets au niveau
de l’endomètre sont optimaux .
BIBLIOGRAPHIE
1-Young J, Gougeon
A, Schaison G. Le cycle ovarien. Médecine Sciences 1999 ; 15 :183-190.
2-Stouffer RL. Corpus
luteum formationand demise. In» Reproductive Endocrinology, Surgery and
Technology » EY Adashi, JA Rock, Z Rosenwacks eds, 1 vol., 1996, Lippincott-Raven,
Philadelphia, PP251-270.
3-Downs KA.,Gibson
M. Basal body temperature graph and the luteal phase defect. Fertil Steril 1983 ;40 :466-469.
4-Smith S. Determining
the time of the urinary luteinizing hormone surge. Does it facilitate the interpretation
of endometrial biopsy results ? J Reprod Med 1992 ;37 :785-788.
5-Honore LH., Cumming
DC., Fahmy N. Significant difference in frequency of out-of-phase endometrial
biopsies depending on the use of the nowak curette or the flexible polypropylene
endometrial biopsy canula (Pipelle). Gynecol Obstet Invest 1988 ;26 :338-340.
6-Scott RT, Snyder
RR, Stricland DM et al. The effect of interobserver variation in dating endometrial
histology on the diagnosis of luteal phase defects. Fertil Steril 1988 ;
50 : 888-892.
7-Mc Neely MJ, Soules
MR. The diagnosis of luteal deficiency : a critical review. Fertil Steril
1988 ; 50 : 1-8.
8-Landgren BM, Unden
AL, Dicfaluzy E. Hormonal profile of the cycle in 68 normally menstruating women.
Acta Endocrinol. 1980 ; 94 : 89-93.
9-Eisenberg E. Luteal
phase defect. In « Endometrium and endometriosis» , KG Osteen. ed.,
1 vol.,1997, Blackwell Science, Oxford (UK) pp.84-90.
10-ChecK JH, Askari
HA, Choe J et al. The effect of age of the recipients on pregnancy rates following
donor-oocyte replacement. J Assist Reprod Genet., 1993 ; 10 : 137-140.
11-Ardaens Y, Guérin
B, Coquel Ph. Echographie en pratique gynécologique. 1 vol., 1995, Masson, Paris.
12-Franchin R, Righini
C, Olivennes F, Taieb J, de Ziegler D, Frydman R. Computerized assessment of
endometrial echogenicity : clues to the endometrial effects of premature
progesterone elevation. Fertil Steril, 1999 ; 71 :174-181.
13-Tinkanen H, Kujansuu
E, Laippala P. The association between hormone levels and vascular resistance
in uterine and ovarian arteries in spontaneous menstrual cycle. A Dopppler ultrasound
study. Acta Obstet Gynecol Scand 1995 ; 74 :297-301.
14-Kupesic S, Kurjak
A. The assessment of normal and abnormal luteal function by transvaginal color
doppler sonography. Eur J Obstet Gynecol Reprod Biol. 1997 ; 72 :
105-112.
15-Sterzik K, Abt
M, Grab D, Schneider V, Strehler E. Predicting the histologic dating of an endometrial
biopsy specimen with the use of Doppler ultrasonography and hormone measurements
in patients undergoing spontaneous ovulatory cycles. Fertil Steril 2000 ;
73 :94-98.
16-Glock JL, Brumsted
JR. Color flow pulsed Doppler ultrasound in diagnosing luteal phase defect.
Fertil Steril 1995 ; 64 : 500-504.
17-Lyons EA, Ballard
G, Taylor PJ, Levi CS, Zheng XH, Kredenster JV. Characterization of subendometrial
myometrial contractions throughout the menstrual cycle of normal fertile women.
Fertil Steril , 1991 ; 55 : 771-774.
18-Ijland MM, van
Katwijk C, Evers JLH, Lo CR, Dunselman AJ. Hoogland HJ. Endometrial wavelike
movements during the menstrual cycle. Fertil Steril 1996 ; 65 :746-749.
19-Franchin R, Ayoubi
JM, Olivennes F , Righini C, de Ziegler D, Frydman R. Hormonal influence
on the uterine contractility during ovarian stimulation. Hum Reprod , 2000 ;
15 : 90-100.
19-Ijland MM, Volovics
L, Evers JLH, Hoogland HJ, Dunselman AJ. Relation between endometrial wavelike
activity and fecundability in spontaneous cycle. Fertil Steril 1997 ; 67 :492-496.
20-Younis JS, Simon
A, Laufer N Endometrial preparation : lessons from oocyte donation. Fertil
Steril 1996 ; 66 : 873-884.
21-MacGregor AH,
Johnson JE, Bundle CA. Further clinical experience with clomiphene citrate.
Fertil Steril 1968 ; 19 : 616-622.
22-Birkenfeld A,
Navot D, Levij IS et al. Advance secretory changes in the proliferative human
endometrial épithelium following clomiphene citrate treatment Fertil Steril
1986 ; 45 :462-468.
|