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Titre: Exploration de la phase lutéale
Année: 2001
Auteurs: - Audebert A.
Spécialité: Infertilité
Theme: Phase lutéale

EXPLORATION DE LA PHASE LUTEALE

Alain Audebert

IGF1-35, rue Turenne-33000 Bordeaux

INTRODUCTION

Le corps jaune ovarien est la structure dominante au cours de la phase lutéale, ou phase post-ovulatoire, du cycle menstruel. Sa durée de vie dépend du devenir de l’ovocyte, libéré lors de l’ovulation :
-si l’ovocyte est non fertilisé, et donc si aucune grossesse n’est initiée, sa durée de vie est limitée à environ deux semaines, c’est-à-dire la durée de la phase lutéale du cycle menstruel ;
-si une fécondation a lieu et si elle est suivie d’une implantation, la durée du corps est prolongée jusqu’au moment où le placenta prend le relais pour assurer le maintien et la poursuite de la grossesse.

Le corps est une glande endocrine qui produit donc des hormones, notamment mais pas uniquement de la progestérone, contrôlant les évènements cycliques, au sein de l’axe hypothalmo-hypophyso-ovarien, et participant à la différenciation de certains éléments du tractus génital, nécessaires pour l’établissement d’une gestation intra-utérine.

L’exploration de la phase lutéale, et donc celle du corps jaune, peut être réalisée soit directement en dosant ses sécrétions, soit indirectement en mesurant ses effets au niveau de certains tissus cibles essentiels, préférentiellement ceux qui sont facilement accessibles. Au cours de cette dernière décennie, les moyens d’investigation se sont diversifiés et ils ont d’ailleurs contribué à une meilleure connaissance de la fonction et de la régulation du corps jaune.

De nombreuses investigations ont été proposées (Tableau I.) ; dans cette brève revue, seuls les examens réalisables en pratique courante, permettant d’évaluer sa valeur fonctionnelle et de définir ainsi ses anomalies, seront analysés ; nous n’aborderons pas, non plus, les investigations pratiquées pour identifier une étiologie éventuelle expliquant son dysfonctionnement.

Tableau I. Méthodes proposées pour l’évaluation du corps jaune.

1-Courbe de température :
-durée et amplitude du plateau thermique

2-Dosage de la progestérone
-dans le plasma (unique ou multiple)
-dans les urines (pregnanediol)
-dans la salive

3-Biopsie endométriale
-analyse histologique descriptive ou morphométrique
-dosage des récepteurs à l’estradiol et la progestérone
-évaluation immuno-histochimique de marqueurs de la réceptivité endométriale…..

4-Echographie utérine
-épaisseur de l’endomètre
-échogénicité de l’endomètre
-indices vélocimétriques en Doppler
-étude des contractions utérines

RAPPEL SUR LA PHYSIOLOGIE DU CORPS JAUNE

Nous n’aborderons, d’ailleurs brièvement, que quelques aspects.

1-La transformation du follicule ovulatoire en corps jaune :

Le corps jaune résulte de la transformation du follicule rompu, qui a libéré son ovocyte, avec un plissement de la paroi folliculaire (1).
Deux évènements apparaissent essentiels :
-au moment du pic de LH, il y a un envahissement vasculaire des cellules de la granulosa lutéinisées par des capillaires provenant de la thèque interne (rôle des facteurs angiogèniques);
-l’acquisition par les cellules de la granulosa d’une capacité de stéroïdogénèse.
la LH joue un rôle primordial dans ce remodelage du follicule.

2-La production des stéroïdes par le corps jaune :

Au plan des stéroïdes sexuels, la dominance progestative l’emporte sur l’imprégnation estrogènique.

La LH est l’hormone principale régulant la production de progestérone par le corps jaune ; elle agit par la voie de l’AMP cyclique. D’autres peptides gonadiques sont aussi impliqués dans la régulation endocrine, paracrine et autocrine du corps jaune, en dehors des facteurs de croissance eux-mêmes. En phase lutéale, l’inhibine A augmente alors qu’au contraire, l’inhibine B baisse, après son pic ovulatoire. Le rôle de l’activine n’est pas clairement établi.

Durant cette phase, les concentrations plasmatiques d’estradiol sont comprises entre 100 et 200 pg/ml et celles de progestérone entre 10 et 20 ng/ml.

Deux rôles majeurs sont assurés par ces deux stéroïdes :
-la transformation adéquate de l’endomètre en vue d’une éventuelle implantation, grâce à un bon équilibre estro/progestatif ;
-le contrôle de la folliculogènèse ; l’élévation de la progestérone empêche tout rétrocontrôle positif de l’estradiol ; l’estradiol et l’inhibine, durant cette phase lutéale moyenne, suppriment la sécrétion de FSH, inhibant ainsi le déclenchement de la folliculogénèse.

3-La durée de vie fonctionnelle du corps jaune :

Le corps jaune est un organe temporaire. Durant un cycle non fertile, sa durée d’existence est de 14 à 16 jours. Il se transforme alors en une cicatrice avasculaire.

En l’absence de conception, la régression du corps jaune est essentielle pour l’initiation d’un nouveau cycle car ses produits de sécrétion (estrogène, progestérone et inhibine) ont, comme nous venons de le voir, un effet suppressif sur les sécrétions de FSH et LH inhibant ainsi l’initiation du développement folliculaire.

Le mécanisme de cette lutéolyse n’est pas parfaitement élucidé ; mais, parmi les mécanismes en cause, la baisse de LH et la diminution progressive de ses récepteurs, au sein du corps jaune vieillissant, jouent un rôle clé. Il est aussi observé une augmentation de FSH et donc du rapport FSH/LH, élément déterminant pour le recrutement d’une nouvelle cohorte folliculaire et l’initiation d’un nouvelle phase folliculaire. Il a aussi été suggéré que les estrogènes et les prostaglandines interviennent dans le mécanisme de la lutéolyse ; de même de nombreux autres facteurs, intervenant dans le processus plus général de l’apoptose, sont actuellement évalués (rôle du système immun local, des radicaux libres oxygénés…) (2).

4-Commentaire :

Si de nombreux agents sont sécrétés par le corps et pourraient faire l’objet de dosages, la progestérone apparaît bien comme le marqueur essentiel de la fonction lutéale.


LES TROIS EXPLORATIONS « CLASSIQUES »

En pratique, deux examens indirects (courbe thermique et biopsie de l’endomètre) et le dosage de la progestérone elle-même représentent les investigations traditionnelles pour confirmer la réalité de l’ovulation et évaluer le fonctionnement du corps jaune.

I-La courbe thermique

Bien souvent en pratique, la qualité du corps jaune est d’abord évaluée par la courbe de température.

La progestérone et certains de ses métabolites (3 alpha-ol-20-one pregnane) entraînent une faible élévation de la température basale (décalage de 0,5 °) ; cette action thermogènique s’effectue au niveau du centre de contrôle de la température hypothalamique ; normalement, une montée nette de la température est observée quand le taux de progestérone atteint au moins 3 ng/ml ; mais la réponse est variable selon les femmes, et une exposition préalable aux estrogènes, en quantité suffisante, est nécessaire.

Pour une phase lutéale normale, la durée de l’élévation de la température est d’environ 14 à 16 jours ; on considère dès lors qu’elle est anormale quand elle est inférieure à 11 jours ; l’amplitude de ce plateau lutéal doit aussi être prise en considération dans l’interprétation.

Bien que la fiabilité de cette méthode soit très relative, on considère néanmoins qu’une élévation thermique durant moins de 11 jours est indicative d’une déficience du corps jaune (3).

II-La biopsie endométriale

C’est, dans beaucoup de pays, la méthode la plus fréquemment utilisée.

Classiquement, la normalité du fonctionnement du corps jaune est affirmée par l’analyse histologique d’une biopsie pratiquée en milieu de la phase lutéale (22 ou 23 émes jour du cycle), au cours de deux cycles différents, montrant une maturation endométriale conforme aux critères de Noyes, c’est-à-dire avec moins de deux jours de décalage. A l’inverse tout retard ou asynchronisme laisse suspecter une insuffisance lutéale.

Ainsi définie, cette exploration paraît assez bien standardisée ; pourtant il peut exister des variations significatives selon, au moins, 3 variables :

  • le moment du prélèvement (par rapport aux règles précédentes ou aux règles suivantes, ou monitoré par la détermination du pic de la LH) ;
  • le mode de prélèvement ;
  • l’anatomopathologiste.

En interprétant 40 biopsies endométriales soit en fonction de la date des règles suivantes soit d’après la détermination du pic de la LH, il existe une différence de 35 % des endomètres considérés comme hors phase selon la référence choisie (4).
Une étude comparative a retrouvé une différence significative des taux d’endomètres hors phase entre la curette de Nowak et la pipelle de Cornier (5).
Quand les mêmes 62 biopsies sont examinées par différents observateurs, dans 22 % des cas le diagnostic est différent (6).

En fait le principal reproche que l’on peut faire à cette méthode est que le critère de normalité retenu est basé davantage sur une opinion clinique que sur une évaluation statistique contrôlée ; en y ajoutant les biais précédemment rappelés, on comprend dès lors, pourquoi il est retrouvé des taux d’incidence d’anomalies de la phase lutéale très variables dans diverses populations de femmes infertiles (de 3,5 à 38,9 %) et pourquoi cet examen a une faible valeur prédictive en termes de conception ; en effet les taux d’anomalies sont les mêmes que les femmes soient fertiles ou non, selon plusieurs études classiques.

C’est pourquoi des raffinements ont été proposés : meilleur timing basé sur la détermination du pic de la LH, analyses morphométriques quantitatives et semi quantitatives…..

Il faut donc reconnaître et accepter les limites de la biopsie endométriale pour établir le diagnostic d’une insuffisance lutéale. Elle garde cependant toute sa valeur dans d’autres situations cliniques.

III-Le dosage de la progestérone

La progestérone est le produit de sécrétion du corps jaune principal le plus caractéristique ; dans ces conditions il apparaît logique d’utiliser son dosage ou celui de ses métabolites pour évaluer sa fonction.

Si le dosage du prégnandiol urinaire ou celui de la progestérone dans la salive ont été utilisés, le dosage de la progestérone dans le plasma représente aujourd’hui la seule méthode employée en pratique courante (7).

De nombreuses études ont déterminé la valeur normale de la progestérone en milieu de phase lutéale, à partir des valeurs observées dans des cycles conceptionnels avec un intervalle de confiance de 95 %.
Cependant en raison du caractère pulsatile de la sécrétion de progestérone induisant des fluctuations notables, certains ont recommandé plusieurs dosages poolés ou non taux de progestérone intégrés).
Une étude réalisant des dosages quotidiens pendant 5 jours a montré que le taux devait atteindre au moins 5 ng/ml durant les 5 jours pour que la fonction du corps jaune soit considérée comme normale (8). D’autres auteurs ont fourni des chiffres supérieurs dans d’autres études, surtout si un dosage unique est utilisé, par exemple 10 ng/ml.

Il est intéressant à noter que sur une telle base diagnostique on connaît mal la prévalence de l’Insuffisance lutéale, de même, l’impact d’une sécrétion basse sur la fertilité est encore incertain.

Enfin, le niveau de progestérone n’indique pas cependant si l’endomètre a répondu correctement ou non et si une anomalie existe à son niveau ; d’ailleurs, des discordances ont été observées en cycles spontanés ou induits.

Retenir en pratique :
1-Chaque méthode a des limites et des insuffisances.

2-La courbe de température et un dosage unique de progestérone permettent à distinguer un cycle ovulatoire d’un cycle non ovulatoire.

3-Quand le diagnostic d’insuffisance du corps jaune est suspecté, la courbe de température doit être utilisée comme guide pour réaliser plusieurs dosages de la progestérone et pour choisir le moment de la biopsie endométriale.

4-La recherche d’une cause possible, expliquant une déficience du corps jaune, nécessite des investigations hormonales complémentaires.

LES EXPLORATIONS ECHOGRAPHIQUES

Les progrès de l’imagerie ont permis de réduire l’invasivité de l’évaluation de la réponse endométriale ; elle permet aussi de mesurer la vascularisation utérine et ovarienne.
Plus récemment, l’enregistrement des contractions utérines dépendantes de la sécrétion de la progestérone a été standardisée.

I-L’échographie vaginale

Elle permet d’évaluer l’épaisseur de l’endomètre et son échogénicité.

a-L’épaisseur endométriale :

L’endomètre atteint son épaisseur maximale dès la période péri ovulatoire ; elle est alors de 12,4 mm ; elle ne change plus jusqu’aux jours précédents les règles où elle diminue légèrement. Ces mesures sont cependant très variables d’une patiente et d’un cycle à l’autre. Diverses études classiques ont permis d’établir ces données, assez bien concordantes d’une étude à l’autre.

Une série compare, chez 46 femmes, lors d’un cycle spontané les données de l’échographie et celles de la biopsie réalisées successivement, 5 jours avant les règles (9). Chez les femmes ayant une maturation endométriale normale, l’épaisseur moyenne de l’endomètre est de 13,1 mm (+/- 0,4), et dans tous les cas elle est supérieure à 11 mm  ; pour le groupe des femmes, ayant histologiquement une insuffisance lutéale, l’épaisseur est de 7,7 mm (+/- 0,3) et donc significativement inférieure (p<0,005), et aucun endomètre ne dépasse 9 mm.

Dans le modèle du don d’ovocyte, il a été observé une bonne corrélation entre une épaisseur endométriale d’au moins 10 mm en fin de phase folliculaire et les conceptions observées (10).

b-Les caractéristiques échogèniques :

Elles reflètent les modifications au niveau des glandes endométriales.
Lors de la phase lutéale, les glandes deviennent tortueuses et se remplissent de glycogène et de mucine : l’échogénicité est ainsi accrue, par rapport au myomètre voisin.

Cette hyperéchogénicité évolue de façon centripète à partir de la couche basale pour gagner tout l’endomètre vers le 21 ème jour du cycle (11).

L’évaluation de l’échogénicité est subjective. Pour éviter cet écueil, un module informatisé d’assistance à l’analyse d’image a été utilisé (12).

II-L’échographie doppler

Lors de la phase lutéale, on assiste à une diminution de l’index de pulsatilité (IP) des artères utérines et ovariennes.
Dans une étude portant sur 94 patientes ovulant spontanément a bien montré cette diminution de l’IP (13) ; on retrouve aussi une modification de tous les autres indices vélocimétriques : baisse de l’indice de résistance, augmentation du pic de vitesse systolique…
Des études portant sur des effectifs plus restreints indiquent que la baisse de l’IP est plus marquée du côté où a eu lieu l’ovulation.
Au plan hémodynamique, cela traduit une augmentation du flux artériel systolique et diastolique dans ces vaisseaux.

Les études destinées à corréler ces paramètres vélocimétriques aux taux de progestérone et aux données histologiques de l’endomètre apportent des résultats contradictoires ;, mais, le diagnostic d’insuffisance lutéale est basé sur les données de l’endomètre avec toutes les variations possibles d’interprétation que nous avons rappelées précédemment…Une série portant sur 61 femmes trouve une bonne corrélation entre les indices de résistance utérine et ovarienne tant avec l’histologie de l’endomètre qu’avec le taux de progestérone (14) ;l’auteur conclut que cet examen est utile pour détecter une insuffisance lutéale. A l’inverse, dans une autre série de 159 femmes, la valeur prédictive de l’échographie doppler n’est que de 64 % (15).

Une autre approche est l’analyse de la vascularisation du corps jaune.
Une diminution relative de la vascularisation du corps jaune, avec diminution des vélocités moyennes diastosliques et du pic systolique, est observée en cas d’IL (16) ; une forte corrélation est observée entre ces modifications et le taux de progestérone plasmatique.

En fait, il n’est pas possible d’affirmer que la progestérone soit directement responsable des modifications vélocimétriques observées au niveau des artères utérines et ovariennes ; il est aussi possible d’imaginer qu’une autre sécrétion du corps jaune soit impliquée : bien sûr en premier lieu, il peut s’agir de facteurs angiogèniques (VEGF), mais aussi de la leptine de la relaxine….

Au total, il est difficile de conclure aujourd’hui sur la validité diagnostique de l’échographie doppler pour établir un diagnostic de dysfonctionnement du corps jaune ; par contre, pour l’évaluation de la réceptivité endométriale cet examen garde toute sa valeur.

III-Les contractions utérines

Les phénomènes contractiles au niveau sub-endométrial et myométrial ont été analysés.
Les contractions culminent au moment de la période péri ovulatoire. Elles diminuent fortement en période lutéale pour devenir rares (17). Durant cette phase, aucune contraction dirigée du fond utérin vers le col n’est observée, alors que celle issue du col et se dirigeant vers le fond utérin persiste (18).

Ces constatations laissent supposer que l’estradiol a un effet stimulateur en phase folliculaire et, qu’au contraire, l’association estradiol/progestérone a un effet inhibiteur au cours de la phase lutéale sur l’utérus non gravide (19).

Si cette méthode demande à être davantage validée pour pouvoir jouer un rôle dans le diagnostic d’une insuffisance lutéale, elle alourdit l’examen échographique et n’est pas encore entrée dans la pratique courante.

Par contre elle pourrait avoir un intérêt plus grand, plus facile à démontrer dans le cadre du transfert d’embryon, et avoir ainsi une valeur prédictive (20) et justifier l’administration de progestérone avant le transfert embryonnaire (19).

Tableau II. Valeurs seuils, habituellement retenues, pour les explorations courantes

Exploration

Valeurs seuils de normalité


Courbe thermique 


plateau stable de 12 jours au moins
avec une bonne amplitude (0,5°)


Biopsie endométriale


moins de 2 jours de décalage
selon critères de Noyes


Progestérone plasmatique


10 ng/ml


Epaisseur endométriale


12 mm


Echogénicité endométriale


Hyperéchogène

 

COMMENTAIRES

Les méthodes d’exploration du corps jaune se sont diversifiées ; une meilleure connaissance de la physiologie de cette glande et de ses multiples sécrétions laisse entrevoir l’utilisation d’autres marqueurs de la fonction lutéale.

Cependant en pratique, en dehors de la FIV, l’évaluation du fonctionnement du corps jaune repose, aujourd’hui encore, sur les trois examens classiques rappelés précédemment ; de même, le diagnostic de l’IL est essentiellement basé sur leurs résultats.

1-Tenir compte du contexte clinique :

L’IL est principalement responsable de troubles du cycle menstruel, d’infertilité et de fausses couches à répétition. Dans ces trois circonstances, si le dénominateur commun est la production anormale de progestérone (en quantité ou dans le temps), les explorations et les traitements ne sont pas forcément dirigés vers les mêmes objectifs.

Pour les troubles du cycle, la supplémentation en progestérone est le traitement adapté, d’autant plus que plusieurs tissus sont impliqués dans la symptomatologie.

Dans le contexte de l’infertilité, il a aussi été reconnu que la plupart des IL résultaient d’une stimulation folliculaire inadéquate ; en conséquence la prise en charge thérapeutique devait être alors adaptée aux mécanismes physiopathologiques démontrés.

Dans le cadre de la FIV, c’est la transformation sécrétoire adéquate de l’endomètre qui importe pour permettre l’implantation de l’embryon et éviter les pertes embryonnaires précoces ; parmi les données les plus récentes, on doit aussi rappeler que la transformation pré-déciduale du stroma semble nécessiter des quantités supérieures de progestérone à celles qui permettent la transformation sécrétoire des glandes épithéliales. Le niveau de progestérone n’indique pas non plus si l’endomètre a répondu correctement et si une anomalie existe à son niveau ; d’ailleurs des discordances ont été observées en cycles spontanés ou induits.

L’exploration de l’endomètre, reste limitée en pratique au cours d’un cycle de stimulation. Les prélèvements, dans le but d’une étude morphologique plus ou moins sophistiquée ou du dosage de marqueurs spécifiques de la réceptivité, ne sont bien sûr pas réalisables……

L’échographie représente le seul outil sans effet délétère, tout au moins démontré à ce jour. Les caractéristiques séméiologiques (épaisseur) et vasculaires de l’endomètre sécrétoire sont mieux déterminées et relativement bien corrélées avec les résultats après transfert embryonnaire en FIV.
La détermination du type d’activité contractile des différentes composantes de l’utérus est susceptible d’apporter des informations utiles, à valider.

2-Tenir compte du tissu cible à privilégier :

Comme dans d’autres domaines, par exemple la ménopause, les préoccupations diagnostiques et thérapeutiques actuelles sont davantage orientées vers les perturbations au niveau des tissus cibles que sur les anomalies du milieu hormonal plasmatique.

Comme nous venons de la rappeler, dans le contexte de l’infertilité, l’objectif diagnostic, au moins au plan théorique, n’est plus tant la détermination des taux hormonaux que d’affirmer que l’endomètre a des capacités adéquates de réceptivité au moment approprié lors de la venue de l’embryon, en fonction de son stade de développement.

Il est alors possible de privilégier l’action thérapeutique sur un tissu cible particulier
L’expérience du don d’ovocyte a montré qu’il était relativement simple, en l’absence d’ovaire fonctionnel, d’obtenir un endomètre réceptif par simple supplémentation hormonale (21).

Il est aussi logique de choisir la voie d’administration la plus performante.
A cet égard, la voie vaginale est une excellente voie d’administration quand une action au niveau de l’endomètre est recherchée ; elle a une excellente biodisponibilité, et, par l’effet du premier passage utérin, elle permet d’obtenir d’excellents effets endométriaux, en particulier au niveau du stroma, malgré des taux plasmatiques relativement bas.

3-Tenir compte du traitement en cours :

La stimulation ovarienne a pour but de restaurer une fonction ovulatoire normale ; en même temps elle corrige les anomalies de la fonction lutéale résultant d’une maturation folliculaire perturbée ; en théorie, il ne devrait donc ainsi ne pas y avoir d’anomalie lutéale après stimulation.

Pourtant, quelle que soit la modalité thérapeutique utilisée, les taux de conceptions sont très inférieurs aux taux d’ovulations induites. Par exemple, dans la revue classique de MacGregor portant sur 3220 femmes traitées par clomiphène, si 5057 ont semblé ovuler, une conception a été observée chez seulement 1032 d’entre elles (taux de grossesse clinique de 20,7 %) (22).

La recherche d’une explication à ces échecs de conception s’impose.
Même si un bilan d’infertilité complet n’a retrouvé aucune anomalie significative associée, divers phénomènes peuvent en théorie expliquer l’absence de conception :
absence de libération de l’ovocyte, mauvaise qualité ovocytaire avec non-fécondation ou embryon déficient, échec de la captation ovocytaire, milieu tubaire défavorable et migration embryonnaire perturbée et enfin endomètre inadéquat……

Quelle que soit la part respective de ces différentes étiologies (d’ailleurs souvent impossible à déterminer), seules les perturbations de l’endomètre sont accessibles à une correction thérapeutique ; il paraît donc logique en pratique courante de prendre les mesures adéquates.

Par ailleurs, certains agents thérapeutiques, comme le citrate de clomiphène (CC), sont susceptibles, eux-mêmes, d’induire des anomalies spécifiques ; des altérations ont été démontrées tant au niveau des glandes que du stroma, avec un aspect histologique identique à celui retrouvé en cas d’IL, malgré des taux physiologiques d’estradiol et de progestérone (23).

Lors des stimulations ovariennes en FIV, la valeur des taux hormonaux ne permet pas de présumer de la normalité de l’endomètre, compte tenu des bouleversements souvent induits, avec parfois des taux élevés de progestérone et d’estradiol et un rapport progestérone/estradiol anormal.

CONCLUSION

Malgré les progrès de nos connaissances, en particulier ceux apportés par la biologie moléculaire, les méthodes d’exploration de la phase lutéale se limitent, aujourd’hui encore en pratique courante, à la courbe de température, au dosage de la progestérone plasmatique, à la biopsie de l’endomètre et à l’évaluation de l’endomètre par échographie avec une sonde vaginale.

Chaque méthode a ses insuffisances et ses limites qu’il est nécessaire de bien connaître.

L’exploration de la phase lutéale doit être adaptée au contexte clinique et aux éventuels objectifs thérapeutiques. Ainsi cas d’infertilité, la cible diagnostique et thérapeutique privilégiée est avant tout l’endomètre.

Le concept d’insuffisance lutéale est ainsi susceptible d’évoluer et de se diversifier ne reposant pas uniquement sur l’insuffisance de sécrétion de la progestérone mais aussi sur les perturbations au niveau des tissus cibles, non obligatoirement corrélées aux taux plasmatiques de progestérone.

En thérapeutique, l’administration de progestérone par voie vaginale illustre cette dissociation, puisque, malgré des taux de progestérone en dessous des valeurs normales, ses effets au niveau de l’endomètre sont optimaux .

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