Méningites purulentes de l’enfant (hors période néonatale) .Jean Christophe Rozé IntroductionEn 2010 Les méningites purulentes de l’enfant sont principalement dues au pneumocoque et à moindre fréquence au méningocoque. Les méningites à Haemophilus sont devenues très rares. En France, les méningites purulentes constituent une des deux premières causes de mortalité par infection bacterienne communautaire chez l’enfant avec les méningococcémies [1]. La mortalité est particulièrement élevée pour les méningites survenant dans le premier mois (14,3 %) et pour les méningites à pneumocoque (11,7 %). En cas de survie, le taux de séquelles peut atteindre jusqu’à 50 % dans certaines séries [2]. Dans une série rétrospective sur 6 ans, nous avons observés 23 décès liés à une infection grave. Nous avons repris ces dossiers. Ces dossiers anonymisés ont été revus par des experts hors région. Dans ¾ cas, la prise en charge et/ou le traitement initial ont été considérés comme sub-optimaux [3]. D’où l’importance de connaître les complications de ces méningites et d’en déduire une conduite à tenir pour en limiter au mieux la mortalité et la morbidité. Une conférence de consensus s’est tenue en Novembre 2008 [4] a permis de faire le point sur le traitement de cette pathologie particulièrement grave qu’est la méningite purulente. Nous en reprenons ici les grandes lignes. Les principales complications [5] sont à court terme essentiellement neurologiques avec en premier lieu un risque d’engagement cérébral du à l’œdème cérébral ou à une hydroceplalie. L’engagement peut être asymétrique en cas de lésions focales unilatérales. L’hydrocéphalie est la conséquence d’une obstruction au niveau de la base du liquide céphalorachidien. Des infarctus cérébraux sont possibles liés à une occlusion inflammatoire des vaisseaux cérébraux. Les convulsions sont fréquentes liées à l’atteinte inflammatoire corticale. Le pronostic est lié au délai entre le début de la méningite et la mise en route d’un traitement efficace. A long terme, le pronostic est essentiellement neurosensoriel ; cognitif en cas d’atteinte cérébrale sévère sur un cerveau en développement et sensoriel avant tout risque de surdité. Aussi la conférence de consensus [4] insiste sur plusieurs points : 1. Reconnaître précocement les situations qui conduisent à évoquer le diagnostic Reconnaître précocement les situations qui conduisent à évoquer le diagnosticde méningite est essentiel pour diminuer le délai entre les premiers symptômes et le traitement d’une méningite bactérienne. La stratégie diagnostique doit privilégier en pré-hospitalier la sémiologie la plus sensible, et à l’hôpital la sémiologie la plus spécifique. Chez l’enfant, à tous les âges, les premiers signes cliniques d’infection à méningocoque – modification du teint, extrémités froides, douleur des jambes, rash cutané aspécifique, dans un contexte fébrile – nécessitent une attention parentale et médicale pour demander en urgence une évaluation hospitalière. Le jury recommandait que des messages de sensibilisation aux signes précoces du sepsis chez l’enfant soient largement diffusés auprès des médecins et des familles. 2. Réaliser une ponction lombaireRéaliser une ponction lombaire et prélever 40 gouttes de LCR, seul examen permettant d’affirmer le diagnostic et de mettre en évidence l’agent infectieux. Néanmoins le risque d’engagement peut amener à différer ce geste. Cependant la conférence note que la réalisation d’une imagerie cérébrale, en général une tomodensitométrie (TDM), avant la ponction lombaire en cas de suspicion de méningite est une pratique trop fréquente en France. La problématique autour de cette stratégie peut se résumer de la façon suivante : (1) la ponction lombaire est indispensable au diagnostic de méningite ; (2) le pronostic d’une méningite bactérienne dépend de la rapidité de la mise en route du traitement antibiotique ;(3) la culture du LCR se négative très rapidement après le début de l’antibiothérapie. La séquence – antibiothérapie probabiliste puis TDM puis ponction lombaire – peut aboutir à la négativation de la culture du LCR du fait du délai supplémentaire dû à la réalisation du scanner ; (4) le risque théorique d’une ponction lombaire est l’engagement cérébral ;(5) les mécanismes susceptibles de provoquer un engagement sont les déséquilibres de pression liés à un obstacle à l’écoulement du LCR et les lésions cérébrales responsables d’un effet de masse. L’hypertension intracrânienne, fréquente dans les méningites graves, n’est pas en elle-même une contre-indication à la ponction lombaire. Les seules indications à la réalisation d’une imagerie cérébrale avant ponction lombaire chez un patient suspect de méningite bactérienne sont (grade C) :– les signes de localisation neurologiques ;– les troubles de vigilance mesurés par un score de Glasgow inférieur ou égal à 11 ; – les crises épileptiques récentes ou en cours, focales ou généralisées après l’âge de cinq ans, seulement si hémicorporelles avant cet âge. L’engagement survient la plupart du temps chez des patients ayant une TDM normale. (6) Les signes d’engagement (mydriase unilatérale, hoquet, trouble ventilatoire, mouvements d’enroulement, instabilité hémodynamique) constituent une contre-indication à la ponction lombaire tant qu’ils sont présents, qu’une TDM ait été réalisée ou non. Si la TDM montre un effet de masse ou des signes d’engagement, la ponction lombaire est également contre-indiquée. 3. La mise en route de l’antibiothérapieLa mise en route de l’antibiothérapie au cours des méningites bactériennes est une urgence absolue, le pronostic immédiat et à moyen terme dépendant de sa précocité. L’antibiothérapie doit être instaurée au plus tard dans les trois heures, idéalement dans l’heure qui suit l’arrivée à l’hôpital, quel que soit le temps déjà écoulé depuis le début présumé de la méningite (grade B). Certains patients doivent avoir une antibiothérapie avant la ponction lombaire : (1)purpura fulminans ; (2) prise en charge hospitalière ne pouvant pas être réalisée dans les 90 minutes ; (3) contre-indication à la réalisation de la ponction lombaire pour l’une des raisons suivantes :" anomalie connue de l’hémostase, traitement anticoagulant effi cace, suspicion clinique d’un trouble majeur de l’hémostase (saignement actif)," risque élevé d’engagement cérébral, instabilité hémodynamique. 4. Les modalités de la corticothérapie en tant que thérapeutique adjuvante. L’injection de dexaméthasone est recommandée, immédiatement avant ou de façon concomitante à la première injectiond’antibiotique en cas de : diagnostic microbiologique initial chez l’adulte de méningite à pneumocoque (grade A) ou à méningocoque (grade B), ou, chez l’enfant ou le nourrisson, de méningite à pneumocoque ou à Haemophilus infl uenzae (grade A) ; • diagnostic présumé de méningite bactérienne sans certitude microbiologique mais décision de traitement probabiliste par antibiotique chez l’adulte ou le nourrisson de trois à 12 mois. Il s’agit des cas où : " l’indication d’une imagerie cérébrale retarde la réalisation de la ponction lombaire, " le liquide céphalorachidien est trouble et a fortiori purulent lors de la ponction lombaire, " l’examen direct est négatif mais les données fournies par les autres examens biologiques du LCR et du sang permettent de retenir le diagnostic de méningite bactérienne.La dose initiale chez l’adulte est de 10 mg et chez l’enfant de 0,15 mg/kg ; cette dose est répétée toutes les six heures pendant quatre jours. 5. Hospitalisation en réanimation. Les critères d’admission en réanimation sont : un purpura extensif ; un score de Glasgow inférieur ou égal à 8 ; des signes neurologiques focaux ; des signes de souffrance du tronc cérébral; un état de mal convulsif; une instabilité hémodynamique. Même en l’absence de ces critères, le jury propose une concertation avec une équipe de réanimation pour décider de l’orientation de tous les patients. Si la décision est prise de ne pas hospitaliser le patient en réanimation, l’admission devra se faire dans une unité dotée des moyens humains qui permettent une surveillance de la conscience et de l’hémodynamique rapprochée (toutes les heures) pendant au moins les 24 premières heures. 6. Traitement des convulsions. Le traitement d’une crise convulsive – et la prévention des récidives – est justifi é et fait appel aux antiépileptiques conventionnels. Le bénéfi ce des anticonvulsivants en prévention primaire n’est pas démontré et ce traitement ne peut être recommandé. 7. Traitement de l’hypertension intracrânienne (HIC).Une HIC symptomatique est fréquente et associée à un risque élevé d’évolution défavorable. Le traitement comprend la correction d’une pression artérielle basse (remplissage vasculaire, drogues inotropes) et la réduction de la pression intracrânienne. Les moyens classiquement préconisés dans les formes sévères sont : surélévation de la tête à 20–30°, sédation,ventilation mécanique. Le mannitol en bolus unique peut être proposé en situation immédiatement menaçante. 8. Lutte contre les désordres hydroélectrolytiques, la fièvre. Les recommandations sont• des apports hydrosodés conventionnels et une surveillance quotidienne de la natrémie et de la diurèse pour dépister et traiter une antidiurèse inappropriée; l’abaissement de la température dans les méningites avec hypertension intracrânienne sévère et lorsque la fièvre est mal tolérée sans chercher à tout prix à normaliser la température. Références [1] D. Floret et le Groupe de pathologie infectieuse pédiatrique, Groupe francophone de réanimation et d'urgence pédiatrique. Les décès par infection bactérienne communautaire. Enquète dans les services de réanimation pédiatrique. Arch Pédiatr 2001 : 705S-711S [2] D. Floret. Prise en charge immgdiate d’une mkningite purulente, Emergency management of bacterial meningitis Arch Pédiatr 2003: 114s~125s [3] Launay E, Le Gras-Le Guen C, Martinot A, Assathiany R,Blanchais T, Mourdi N, Aouba A, Bouvier-Colle MH, Roze JC , Chalumeau M. Suboptimal care in the initial management of children who died from severe bacterial infection: A population-based confidential inquiry. Ped Crit Care (sous presse). [4] Conférence de Consensus en Thérapeutique Anti-infectieuse. Prise en charge des méningites bactériennes aiguës communautaires (à l’exclusion du nouveau-né) 17e. Médecine et maladies infectieuses 39 (2009) 175–186 [5] van de Beek, D, de Gans J, Tunkel AR, and Fijdicks,FM. Community-Acquired Bacterial Meningitis in Adults. Engl J Med 2006;354:44-53. Jean Christophe Rozé, Réanimation Pédiatrique, Hôpital Mère Enfant, CHU de Nantes. |