SYNDROME
DE TURNER ET PROCRÉATION
Dr Hélène
Letur-Könirsch
Hôpital
Necker - CECOS - 149, rue de Sèvres - 75743 Paris Cedex 15
Institut Mutualiste Montsouris - Centre de Fertilité - 42, boulevard Jourdan
- 75014 Paris
INTRODUCTION
Le syndrome
de Turner s'inscrit dans le cadre des troubles de la différenciation gonadique
et se définit comme une dysgénésie gonadosomatique conséquence d'une monosomie
totale ou partielle ou d'une anomalie de structure d'un des deux chromosomes
X dans tout ou partie variable des cellules constitutives de l'organisme.
Décrit initialement par Otto Ullrich en 1930 et par Henry Turner en 1938, son
incidence est relativement élevée touchant environ 1/2000 à 1/2500 naissances
féminines. La fréquence de ce syndrome est cependant ici sous estimée car il
semble que la monosomie 45 X soit létale avec une élimination spontanée du produit
de conception dès les dix premières semaines de gestation et qu'un certain degré
de mosaïcisme soit nécessaire au maintien de la vie.
Comme il a été décrit dans les chapitres antérieurs, le diagnostic est évoqué
devant l'association d'un certain nombre de signes cliniques et hormonologiques
et confirmé par l'examen caryotypique. Le phénotype Turnérien et en particulier
la dysgénésie gonadique serait la conséquence d'une haploinsuffisance de gènes
spécifiques dits "gènes antiTurner" situés sur l'X, avec des homologues
fonctionnels sur le chromosome Y, et requis en double dose pour un développement
normal chez la fille. Ainsi, pour l'ovaire, tous les intermédiaires peuvent
se voir de la bandelette fibreuse à l'ovaire macroscopiquement normal. Sur le
plan symptomatologique, la majorité des jeunes femmes présenteront un impubérisme,
mais certaines développeront des caractères pubertaires plus ou moins complets
jusqu'aux cycles ovulatoires, et ce sur une période plus ou moins longue, fonction
de l'importance de la réserve folliculaire.
Nous envisagerons ici les possibilités de procréation spontanée et par assistance
médicale chez ces femmes, progrès de prise en charge qui a complètement transformé
l'avenir procréatif des jeunes turnériennes nécessitant une information précoce
et adaptée des familles par leur entourage médical.
PROCRÉATION
ET SYNDROME DE TURNER
A. Procréation
spontanée.
Deux
à cinq pour cent des femmes atteintes de syndrome de Turner et ayant une puberté
spontanée présenteront une fertilité spontanée. Il s'agit majoritairement de
syndrome de Turner mosaïque, en particulier avec délétion Xp, mais des grossesses
surviennent également chez des femmes non mosaïques 45X. Pour ces dernières
cependant, le risque de mosaïque méconnue ne peut être éliminé.
Quelques grossesses ont aussi été rapportées chez des jeunes turnériennes ayant
l'antécédent d'aménorrhée primaire qui sous traitement hormonal substitutif
estrogéno-progestéronique ont eu une ovulation inespérée.
Le nombre total de celles-ci est néanmoins modeste. Kawagoe en 1993 relate 167
grossesses chez 75 femmes dont 62 mosaïques et 13 monosomiques (1). En l'an
2000, la littérature dénombre 84 femmes, dont 25 monosomiques, ayant eu 187
grossesses. La 25ème femme monosomique X ayant accouché serait la première connue
à avoir donné naissance à trois enfants bien portants (2).
En effet, ces grossesses sont connues pour être à risque. En 1988, Battin rapporte
32% d'avortements spontanés et répétés, 10% de morts nés et 20% d'anomalies
congénitales ou chromosomiques en particulier trisomie 21 et anomalies de l'X
réalisant des transmissions du syndrome de Turner de mère à fille (3).
Ainsi, les chances de grossesses spontanées demeurent exceptionnelles ; de façon
habituelle, il existe un déficit ovarien exocrine et endocrine.
Ce dernier est pallié par une hormonothérapie substitutive estrogéno progestéronique,
et, maintenant, lorsque ces jeunes femmes souhaitent une grossesse dans le cadre
d'un projet parental, il peut leur être proposé une Fécondation In Vitro avec
Don d'Ovocytes (FIV-DO).
B. Fécondation
in vitro avec don d'ovocytes.
Nous
traiterons successivement de la technique et des modalités d'exercice du DO
en France, des résultats obtenus dans notre expérience de ce traitement palliatif
appliqué aux jeunes femmes atteintes d'un syndrome de Turner et des données
de la littérature.
a)
Technique et modalités d'exercice
Depuis la description initiale par Trounson puis la publication par Lutjen de
la première grossesse de ce type menée à terme, de nombreuses équipes ont eu
recours à cette pratique avec succès (4).
En France, les recommandations du Comité National d'Éthique en ont encadré l'exercice,
puis les Lois Bioéthique 94653 et 94654 du 29 Juillet 1994 l'ont légalisée.
Les indications en sont de deux ordres selon le caractère fonctionnel ou non
des ovaires de la receveuse potentielle et si certaines situations sont indiscutables
comme dans le cas du syndrome de Turner, d'autres, à la limite entre physiologie
et pathologie peuvent poser de réelles difficultés d'orientation et de prise
en charge.
Il s'agit fréquemment , environ 2/3 des patientes actuellement en France, de
femmes ovarioprives présentant une aménorrhée primaire ou secondaire :
- dysgénésie gonadique à caryotype normal ou non et dans ce dernier cas prédominent
les syndromes de Turner,
- agénésie gonadique,
- insuffisance ovarienne prématurée dite "idiopathique", plus rarement
iatrogène post radiothérapie et/ou chimiothérapie ou chirurgicale.
Dans moins d'1/3 des cas, les receveuses ne sont pas ovarioprives et présentent
:
- une anomalie chromosomique ou génique comportant le risque de transmission
dominante d'une affection invalidante au-dessus de toute ressource thérapeutique
et inaccessible à un diagnostic anténatal avec à l'extrême, l'impossibilité
d'avoir un enfant normal,
- des échecs répétés de stimulations bien menées pour FIV dans le cadre d'une
insuffisance ovarienne occulte,
- exceptionnellement des fragments ovariens inaccessibles dans un pelvis adhérentiel
après de multiples interventions chirurgicales.
A l'heure actuelle on évalue en France à approximativement 5OO le nombre de
nouvelles demandes par an.
Pour répondre à cette demande, la femme donneuse potentielle fera son geste
dans l'instant. En effet, alors que l'on sait conserver par congélation des
spermatozoïdes, des embryons, la maîtrise de cette technique n'est pas totalement
acquise et reproductible pour l'ovocyte mature.
La source des ovocytes pose un problème crucial. Les dons spontanés sont rares,
les dons dits occasionnels, au cours d'une intervention chirurgicale par exemple
sont exceptionnels, de même maintenant les dons de femmes en cours de FIV pour
elles-mêmes, car ce geste ampute leurs chances de succès.
Devant ces difficultés, les couples se sont orientés vers le don relationnel,
les receveuses motivant un couple donneur. La femme de ce couple pouvait naguère
faire don de ses ovocytes sur un mode non anonyme, maintenant exclusivement
sur un mode anonyme, comme expliqué ci-après.
Selon les lois Bioéthique, le couple receveur doit être "vivant" et
en "âge de procréer" et la demande de don n'est recevable que s'il
s'agit d'une "ultime indication". Les membres de ce couple doivent
apporter la preuve de leur mariage ou d'une vie commune de plus de deux ans
et signer un consentement au don rendant la filiation incontestable devant le
président d'un tribunal de Grande Instance de leur choix ou son délégué ou devant
notaire. Un consentement est également signé dans le centre de prise en charge,
puis une confirmation après réalisation des examens adéquats.
La donneuse fait partie d'un couple ayant déjà procréé et effectue son don de
façon volontaire, gratuite et anonyme, à savoir que donneuse et receveuse ne
peuvent en aucune manière connaître leurs identités respectives. Après information,
un consentement écrit auprès du centre est requis pour elle-même et son conjoint.
Les conditions de sécurité sanitaire visant à éviter la transmission d'affections
bactériennes et virales listées par décret, doivent être remplies.
Le don d'ovocytes s'effectue dans des organismes autorisées sous la responsabilité
de médecins agréés pour la ponction et le traitement d'ovocytes issus de don.
Le fonctionnement en lui-même s'effectue de la manière suivante :
- pour le couple receveur, les consultations médicales préalables au don permettent
de vérifier l'indication, d'expliquer la méthode et la modalité d'exercice,
de faire le bilan médico-psychologique du couple.
Ainsi seront réalisés l'entretien psychologique, les examens cliniques avec
relevé des caractères physiques et de groupe rhésus, les examens complémentaires
(sérologies pour le couple, appréciation de la qualité endométriale avec ou
sans traitement estrogéno-progestronique de substitution pour la receveuse,
bilan spermatique et enquête génétique pour son conjoint).
- La donneuse âgée de moins de 38 ans voire de 35 ans pour certaines équipes
reçoit également les informations concernant l'esprit et le procédé du don.
Si sa motivation perdure elle bénéficiera d'un examen clinique avec relevé de
ses caractères physiques et de groupe rhésus, et devra effectuer des examens
complémentaires (sérologies : HIV 1 et 2, marqueurs des hépatites B et C, TPHA/VDRL,
CMV (IgM-IgG), enquête génétique et caryotype, appréciation de sa fonction ovulatoire).
Enfin un entretien psychologique pour elle et son conjoint est réalisé.
- Les dossiers complets des couples receveurs et donneurs sont vus en réunions
multidisciplinaires régulières pour appréciation de tous les paramètres d'acceptation.
- Lorsqu'une donneuse a été acceptée et après consultation anesthésique, elle
subit une stimulation ovarienne selon les protocoles habituels de fécondation
in vitro. Elle sera alors appariée à la femme d'un (ou de deux) autre(s) couple(s)
que celui qui l'a motivé selon les caractères physiques, de groupe sanguin rhésus,
et sa sérologie CMV, en évitant le cumul de facteurs de risque génétique.
Après déclenchement de l'ovulation la ponction ovocytaire s'effectue par voie
vaginale sous le contrôle échographique et sous anesthésie générale, locale
ou analgésie simple. Les ovocytes recueillis sont ensuite mis en présence des
spermatozoïdes du conjoint de la (ou des) receveuse(s) choisie(s).
Depuis le décret n° 96 992 du 12/11/96, les embryons obtenus sont systématiquement
congelés et ne pourront être replacés qu'après vérification de la non modification
des sérologies de la donneuse six mois après son prélèvement.
Le traitement de substitution des femmes ovarioprives pour transfert après congélation-décongélation
embryonnaire comporte dans notre programme de l'estradiol valérate per os, soit
à doses croissantes mimant un cycle physiologique, soit plus fréquemment à doses
fixes de l'ordre de 6 mg par jour associé à de la progestérone naturelle micronisée
à doses fixes 300 mg/j par voie vaginale à partir du 15è jour du cycle initié
si l'endomètre et la vascularisation utérine sont adéquats. Le transfert embryonnaire
est effectué 2 ou 3 jours après l'introduction de la progestérone naturelle.
Chez les femmes non ovarioprives, le transfert embryonnaire peut être effectué
en cycle spontané, en cycle stimulé par HMG ou FSHr, ou plus généralement en
cycle maîtrisé par GnRHa et opothérapie substitutive selon les mêmes modalités
que pour les femmes ovarioprives.
Avant le décret de 1996, la majorité des transferts embryonnaires s'effectuaient
en cycles synchronisés donneuse-receveuse, en introduisant chez la receveuse
la progestérone le lendemain soir du déclenchement de la donneuse.
b)
Dans notre expérience de janvier 1987 à décembre 1993 à l'hôpital Antoine
Béclère à Clamart (5) :
Tableau
I - INDICATIONS I (janvier 1987 - décembre 1993)
1. Ovaires
inactifs ou absents (n = 218)
- Ménopause
précoce idiopathique
|
88
|
- Ménopause
précoce iatrogène
|
56
|
.
chirurgicale
|
35
|
.
Chimiothérapique
|
5
|
.
Radiothérapique
|
5
|
.
Chimio et radiothérapique
|
11
|
- Dysgénésie
gonadique
|
74
|
.
A caryotype normal
|
36
|
.
Syndrome de Turner
|
34
---> 15,6% des femmes inscrites
|
.
Syndrome de Swyer
|
3
|
- Agénésie
gonadique
|
1
|
Tableau II - INDICATIONS II (janvier 1987 - décembre 1993)
2. Ovaires fonctionnels
(n= 66)
- Echecs de
FIV
|
52
|
.
Adhérences
|
7
|
.
Mauvaises réponses
|
45
|
- Indications
génétiques
|
14
|
Tableau III - CARYOTYPE DES FEMMES PRESENTANT CLINIQUEMENT UN SYNDROME DE
TURNER (janvier 1987 - décembre 1993)
- 45 XO :
17
|
|
-
Mosaïques : 10
|
45 XO/46 XX
: 3
|
45 XO/46 XY
: 2
|
45 XO/46 XiXq
: 2
|
45 XO/46 X,X
(X) : 1
|
45 XO/46 XY/47
XXY : 1
|
45 XO/46 Xt
(XiX) (p22 ; p22) : 1
|
-
Autres atteintes de structure : 7
|
46 XXq- :
4
|
46 Xdel X
(q23 qter) : 1
|
46 Xt (Xq)
: 2
|
Tableau IV : RESULTATS DE JANVIER 1987 A DECEMBRE 1993
PATIENTES NE PRESENTANT PAS UN SYNDROME DE TURNER
|
Transferts
avec Embryons
congelés/décongelés
|
Transferts
avec
embryons frais
|
Total
|
|
Nb.
cycles de transfert
|
66
|
143
|
209
|
|
Nb.
d'Emb. décong.
|
219
|
-
|
219
|
|
(Impl.+/Emb.
décong.)
|
(5,9%)
|
|
|
|
Nb.
d'Emb. transférés
|
116
|
373
|
489
|
|
(Impl.+/Emb.
transf.)
|
(11,2%)
|
(15,3%)
|
(14,3%)
|
|
Nb.
d'Impl. +
|
13
|
57
|
70
|
|
(Impl.
+/transf.)
|
(19,7%)
|
(39,9%)
|
(33,5%)
|
|
Nb.
grossesses évolutives
|
9
|
36
|
45
|
|
(Gross.
évol./transf.)
|
(13,6%)
|
(25,2%)
|
(21,5%)
|
NS
|
(Gross.
évol./Emb. transf.)
|
(7,8%)
|
(9,7%)
|
(9,2%)
|
S
p=0,04
|
Tableau V - RESULTATS DE JANVIER 1987 A DECEMBRE 1993
PATIENTES PRESENTANT UN SYNDROME DE TURNER
|
Transferts
avec Embryons
congelés/décongelés
|
Transferts
avec
embryons frais
|
Total
|
|
Nb.
cycles de transfert
|
7
|
25
|
32
|
|
Nb.
d'Emb. décong.
|
27
|
-
|
27
|
|
(Impl.+/Emb.
décong.)
|
(7,4%)
|
|
|
|
Nb.
d'Emb. transférés
|
7
|
56
|
63
|
|
(Impl.+/Emb.
transf.)
|
(28,6%)
|
(26,8%)
|
(27%)
|
|
Nb.
d'Impl. +
|
2
|
15
|
17
|
|
(Impl.
+/transf.)
|
(28,6%)
|
(60%)
|
(53,1%)
|
|
Nb.
grossesses évolutives
|
2
|
9
|
11
|
|
(Gross.
évol./transf.)
|
(28,6%)
|
(36%)
|
(34,4%)
|
NS
|
(Gross.
évol./Emb. transf.)
|
(28,6%)
|
(16,1%)
|
(17,5%)
|
S
|
76,8% des patientes sont ovarioprives présentant une aménorrhée primaire ou
secondaire. Les femmes ayant un syndrome de Turner représentent 15,6% de celles-ci.
23,2% des receveuses ne sont pas ovarioprives (tableaux I et II).
Sur les 250 patientes d'âge moyen 33 ans et 7 mois (21-47 ans) sans syndrome
de Turner, on relève 50 défections, 65 receveuses en cours de prise en charge
et 135 femmes ayant bénéficié d'au moins un transfert embryonnaire.
Sur les 34 femmes turnériennes d'âge moyen 29 ans et 5 mois (24-38 ans) quatre
n'ont pas poursuivi leur démarche, 8 sont en cours de prise en charge et 22
ont bénéficié d'au moins un transfert embryonnaire. Toutes ces jeunes femmes
ont une taille définitive < à 1,50 m, une féminisation obtenue par opothérapie
substitutive, une association de signes dysmorphiques variables. Systématiquement
était recherchée une anomalie cardiaque pour une prise en charge obstétricale
adaptée.
L'étude caryotypique révèle la répartition suivante :
- 45 XO (n = 17)
- mosaïques (n = 10)
- anomalies de structure d'un chromosome x (n = 7) (tableau III).
L'analyse des résultats montre 209 transferts réalisés chez les femmes ne présentant
pas de syndrome de Turner (1er groupe) et 32 chez les femmes atteintes de ce
syndrome (2nd groupe).
Le taux de grossesses évolutives par transfert est comparable dans les deux
groupes de population (respectivement 21,5% dans le premier versus 34,4% dans
le second).
A l'encontre, le taux de grossesses évolutives par embryon transféré est significativement
plus élevé dans le second groupe (9,2% versus 17,5% S p = 0,04) (tableaux IV
et V).
Le Groupe d'Étude pour le Don d'Ovocytes (GEDO) recense sur les années 1998
et 1999 en France 40 femmes ayant un syndrome de Turner et demandant une prise
en charge FIV-DO, soit 6% des nouvelles inscriptions confirmées. Sur les 32
formules chromosomiques connues, on distingue : 18 monosomies 45 X, 10 mosaïques
45 X, 46 XX, 4 délétions Xq.
Le nombre insuffisant de donneuses présentées durant la même période par rapport
aux nouvelles demandes (63,3% de donneuses pour l'ensemble des couples receveurs)
d'une part, et la politique de congélation embryonnaire systématique pour quarantaine
sanitaire d'autre part, concourent à l'allongement du délai d'attente moyen
des couples receveurs, délai actuel d'environ 2 à 3 ans. Aussi, ne disposons
nous pas encore aujourd'hui de statistiques sur les taux d'implantation et de
grossesse pour ces jeunes femmes. Trois d'entre elles ont bénéficié à ce jour
d'une attribution ovocytaire avec des embryons encore en quarantaine.
c)
Les données de la littérature.
L'analyse des chances de grossesse pour les jeunes femmes turnériennes en FIV
DO révèle dans la littérature des résultats contradictoires. Certains rapportent
des taux de grossesses inférieurs dans cette indication (6), résultats attribués
à une altération de la réceptivité endométriale avec en particulier une réponse
suboptimum de l'endomètre au traitement hormonal de substitution. Pour certains,
l'incidence élevée de déficit en 21 hydroxylase chez ces jeunes femmes implique
une recherche systématique d'élévation de la progestérone, facteur de mauvais
pronostic d'implantation.
D'autres auteurs, au contraire, constatent de meilleurs résultats dans cette
indication (7), cependant que la plupart les estiment similaires comparés à
ceux de femmes présentant une insuffisance ovarienne prématurée (8,9,10). Nos
résultats nous situent dans cette même catégorie.
Selon Khastgir et al. en 1997, l'âge de la receveuse, la constitution chromosomique,
l'existence ou non d'anomalies utérine et/ou tubaire sont sans influence sur
l'issue du traitement.
Mais, d'autres facteurs sont identifiés influant sur les chances de grossesse
: la dose totale d'estradiol distribuée avant transfert embryonnaire (<50mg,
50-100mg, >100mg) influe sur le taux d'implantation (3,4, 17,5, 26,3% respectivement
p<0,05) et le taux de grossesse (10, 42,2, 61,5% respectivement p<0,05),
effet médié par l'action sur l'épaisseur endométriale.
De même le taux de fécondation est corrélé positivement aux chances de grossesse
indépendamment du nombre d'embryons transférés.
Enfin, taux d'implantation et taux de grossesse sont supérieurs lors des transferts
avec embryons "frais" par rapport à ceux effectués après congélation
décongélation embryonnaire (20,3 versus 8,2% p<0,05; 48 versus 22,2% p<0,05)
(9).
Foudila et al. en 1999 insistent sur l'importance de la supplémentation progestéronique
d'au moins 600mg par voie vaginale et de la supériorité du régime continu d'estradiol
par rapport à la délivrance croissante pour expliquer ses excellents résultats
( taux de grossesse clinique et taux d'implantation de 46% et 30% avec embryons
frais et de 28% et 19% avec embryons congelés-décongelés (10).
Le pourcentage de fausses couches spontanées est élevé de 40 à 50% selon les
publications (10). Les explications avancées sont les anomalies utérines retrouvées
(utérus hypoplasique ou bicorne) associées à une altération de la vascularisation
utérine. Khastgir cependant remarque que les fausses couches spontanées surviennent
essentiellement chez les jeunes femmes replacées avec des embryons provenant
d'une cohorte folliculaire à faible taux de fécondation.
Dans notre expérience les jeunes femmes bénéficient systématiquement d'une hystéroscopie
de bilan, pour apprécier la capacité utérine et la qualité endométriale, et
en pré-transfert l'introduction de la progestérone ne sera effectuée qu'après
adéquation endométriale et vasculaire appréciée par échographie Doppler. Le
pourcentage de FCS n'est pas différent de celui des autres indications et est
de l'ordre de 20%.
Enfin, en raison du bon taux d'implantation embryonnaire maintenant rapporté
par de nombreux auteurs dans l'indication de syndrome de Turner et du risque
potentiellement élevé de fausses couches spontanées, certains auteurs préconisent
dans ce cas une politique de transfert d'un unique embryon (10) pour éviter
le cumul de risques induit par le développement d'une grossesse multiple.
L'existence de potentielles malformations viscérales ou d'anomalies endocrino-métaboliques
impose un bilan soigneux de ces patientes avant toute prise en charge en FIV-DO.
En effet, le risque majeur est essentiellement la dissection aortique et deux
cas mortels ont été rapportés chez des patientes atteintes de syndrome de Turner
et enceintes par don d'ovocytes.
Ce bilan réduit les complications attendues au cours de la grossesse grâce à
une prise en charge adaptée. Parallèlement, les pathologies de la grossesse,
en particulier hypertension, pré-éclampsie et troubles du métabolisme glucidique,
ne seraient pas de fréquence plus élevée que chez les femmes prises en charge
en FIV-DO pour d'autres étiologies.
Le pourcentage d'accouchement par césarienne est assez élevé et peut atteindre
50%. Celle-ci est préconisée surtout en raison d'un petit pelvis avec disproportion
foeto pelvienne. Les autres indications de césarienne sont superposables à celles
rencontrées pour toute grossesse.
Dans la moitié des cas, le travail et l'accouchement s'effectuent dans des conditions
strictement normales, avec un terme moyen de 38 semaines d'aménorrhée et un
poids moyen de naissance des enfants de 2852 grammes (10).
CONCLUSION
Chez les jeunes femmes atteintes de syndrome de Turner, s'il a pu être rapporté
de rares cas de grossesses spontanées, associées à un fort pourcentage de fausses
couches et d'anomalies congénitales ou chromosomiques, il existe habituellement
un déficit ovarien. La carence hormonale est palliée par une thérapeutique substitutive
et les chances de grossesse par FIV-DO sont pour le moins identiques à celles
des femmes bénéficiant de la même prise en charge pour d'autres indications.
Certains auteurs envisagent dans l'avenir la possibilité de conservation de
tissu ovarien dans l'enfance s'il persiste des structures folliculaires en vue
de maturation in vitro puis FIV en intraconjugal. Cette orientation, cependant
doit être envisagée avec prudence en raison des risques identifiés lors des
grossesses spontanées.
Bibliographie
1- Kawagoe
N., Kaneko N., Hiroi M. : The pregnancy outcome of Turner syndrome : case report
and review of the literature. In : I. Hibi and K. Takano Eds. Basic and clinical
approach to Turner syndrome. Amsterdam. Elsevier, 1993 ; 101-5.
2- Schwack
M., Schindler A.E. : Turner' syndrome (monosomy) and pregnancy. Zentralbl Gynekol
2000, 122 (2) : 103-5.
3- Battin
J. : Fertilité dans le syndrome de Turner et risque pour la descendance. Bull.
Acad. Nat. Méd. 1988 ; 172 : 723-9.
4- LETUR-KÖNIRSCH
H., RAOUL-DUVAL A., BERTRAND-SERVAIS M., OLIVENNES F., FANCHIN R., HAZOUT A.,
FLIS-TREVES M., SELVA J., FRYDMAN R. : Pratique du don d'ovocytes : l'expérience
de l'hôpital Antoine Béclère. Médecine/Sciences, 1995, 11 : 591-600.
5- LETUR-KÖNIRSCH
H., De BOUARD V., BORGHI E., SELVA J., FRYDMAN R. :Fécondation in vitro et Syndrome
de Turner. Gynécologie 1993, 1 : 191-4.
6- YARON
Y., OCHSHORN Y., AMIT A., YOVEL I., KOGOSOWSKI A., LESSING J.B. : Patients with
Turner's syndrome may have an inherent endometrial abnormality affecting receptivity
in oocyte donation. Fertil. Steril., 1996, 65, 1249-1252.
7- ABDALLA
H.I., BABER R., KIRKLAND A., LEONARD T., POWER M., STUDD J.W. : A report of
100 cycles of oocyte donation; factors affecting the outcome. Hum. Reprod.,1990,
5, 1018-1022.
8- PRESS
F., SHAPIRO H.M., COWELL C.A., OLIVER G.D. : Outcome of ovum donation in Turner's
syndrome patients. Fertil. Steril., 1995, 64, 995-998.
9- KHASTGIR
G., ABDALLA H., THOMAS A., KORCA L., LATARCHE L., STUDD J. : Oocyte donation
in Turner's syndrome : an analysis of the factors affecting the outcome. Hum.
Reprod., 1997, 12, 279-285.
10- FOUDILA
T., SÖDERSTRÖM-ANTTILA V., HOVATTA O. : Turner's syndrome and pregnancies after
oocyte donation. Hum. Reprod., 1999, 14, 532-535.
|