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Prise en charge de l'insuffisance ovarienne de l'adolescente : Diagnostic étiologique et modalités du traitement substitutif.

I. Flechtner

 Prise en charge de l'insuffisance ovarienne de l'adolescente : Diagnostic étiologique et modalités du traitement substitutif.

Isabelle Flechtner, Elisabeth Thibaud

Avant l'accès à cet article, nous vous proposons un QCM de pré test le QCM de post-test se trouve en fin d'article

QCM PRE TEST :

1) Quel diagnostic posez vous pour une fille de 11 ans, S2, avec antécédent de greffe de moelle osseuse et qui a des taux de FSH dosés à 10UI/l et 30UI/m?

-       Ovaires normaux

-       Réserve ovarienne diminuée mais fonction ovarienne possiblement normale

-       IOP probable

-       IOP complète

 

2) Quel stratégie de traitement mettez vous en place pour une fille de 12 ans avec une insuffisance ovarienne partielle, âge osseux 11 ans 6/12 et taille 138cm ?

-       Vous attendez qu’elle est atteint 13 ans pour la traiter

-       Traitement par œstrogène seul à faibles doses

-       Traitement par Climaston 2/10mg

-       Traitement par pilule oestro-progestative

Introduction

L’insuffisance ovarienne prématurée (IOP) est définie par une défaillance ovarienne périphérique survenant avant l’âge de 40 ans. Son prévalence globale en France est d’environ 1%, variable avec l’âge : 1/10 000 à 20 ans, 1/1000 à 30 ans et supérieure à 1% à 40 ans. Plus précisément, l’IOP se définit par une interruption ou une absence de règles pendant au moins 6 mois (sous forme d’aménorrhée primaire ou secondaire) associé à une élévation de la FSH >40mU/ml (dosé à au moins 2 reprises à 1 mois d’intervalle), une hypooestrogénie et une infertilité chez une femme de moins de 40 ans. Les modalités de révélation sont donc variables, impubérisme complet, présence de caractères sexuels secondaires mais aménorrhée primaire ou aménorrhée secondaire. Les adolescentes concernées sont souvent prises en charge tardivement, même en cas de pathologie identifiée avant l’âge de la puberté, ce qui peut avoir non seulement des conséquences psychologiques mais aussi physiologiques, en particulier sur la minéralisation osseuse.

Il est donc indispensable de surveiller le bon déroulement de la puberté chez toutes les adolescentes et d’adresser en endocrinologie dès l’âge de 10 ans les enfants à risque d’IOP afin de mettre en place la surveillance et éventuellement un traitement substitutif à un âge adéquat. Une des missions du Centre de Référence des Maladies Gynécologiques Médico-Chirurgicales Rares est ainsi de promouvoir une prise en charge adéquate et personnalisée des patientes à risque d’IOP dans le cadre de pathologies chroniques ou de séquelles de traitement, tant à l’adolescence pour la mise en route de la substitution hormonale qu’à l’âge adulte en favorisant une bonne transition des médecins pédiatriques aux médecins d’adultes.

Etiologies.

Dans l’ensemble des séries étudiées, environ 90% des cas d’IOP restent « idiopathiques ». Cependant, plusieurs études récentes ont permis d’identifier dans des petits nombres de patientes des mutations génétiques rares.

Causes Iatrogènes

La cause d’IOP la plus facilement identifiable chez l’adolescente est iatrogène, séquelle de traitements anti-cancéreux, chimiothérapie ou radiothérapie (rarement d’ovariectomie bilatérale). Aucune thérapeutique (et en particulier les analogues de la LHRH) n’ont clairement prouvé leur efficacité pour la protection des ovaires. Actuellement, une cryopréservation ovarienne unilatérale peut-être proposée en cas de traitement particulièrement délétère (agents alkylants, irradiation corporelle totale), tout en sachant qu’il est difficile actuellement d’évaluer les chances d’obtention de grossesse à partir de ces ovaires prépubères. Une transposition ovarienne peut-être indiquée dans certains cas de radiothérapie localisée (maladie de Hodgkin).

Anomalies du chromosome X.

Les dysgénésies gonadiques sont une des causes les plus fréquentes, en particulier le syndrome de Turner. Il est donc indispensable de rechercher à l’examen clinique des éléments dysmorphiques évocateurs et de faire un caryotype standard de façon systématique. Plus rarement.

Dans les anomalies du chromosome X, on retrouve aussi les prémutations du syndrome de l’X fragile : de transmission autosomique dominante, cette pathologie correspond à une augmentation du nombre de triplet CGG de l’exon 1 du gène FMR1 entre 60 et 200 triplets (on parle de mutation à partir de 200 triplets). En cas de prémutation, une IOP peut apparaître chez les femmes porteuses (en cas d’inactivation du chromosome X sain) qui sont de plus à risque d’avoir un garçon atteint de retard mental (une prémutation pouvant se transmettre sous forme d’une mutation par augmentation du nombre de triplets). La fréquence de la prémutation chez les femmes avec IOP sporadique est d’environ 5% tandis qu’elle est nettement plus élevée en cas d’IOP familiale, autour de 13% (la prévalence dans la population générale est de 1/590). Ceci justifie donc la recherche systématique à l’interrogatoire d’un antécédent familial de retard mental chez un homme et la recherche de la prémutation chez la femme concernée par l’IOP.

Anomalies autosomiques.

Dans un contexte syndromique, les mutations de FOXL2, de transmission autosomique dominante, sont responsables d’un blépharophimosis avec ptosis et épicanthus inversus associé à une IOP dans le type II.

Des mutations du récepteur de la FSH, de transmission autosomique récessive, peuvent être aussi en cause par anomalie de recrutement des follicules primordiaux. Le phénotype varie entre l’impubérisme et l’aménorrhée secondaire en fonction de la mutation responsable. Les mutations de FSHβ sont particulières car alors la FSH est nulle et la LH élevée.

Des mutations de SF1 sont parfois reponsables d’IOP (phénotype variable), parfois associé à une insuffisance surrénalienne.

D’autres mutations très rares ont été rapportées dans la littérature : syndrome de Perrault (IOP associée à une surdité congéntiale et à une petite taille), gène de l’aromatase, gène de la 17α hydroxylase, de la 17-20 desmolase, gène STAR, gène de l’inhibine alpha. Par analogie aux modèles animaux, des mutations très rares d’autres gènes tels que BMP15 et GDF9 (famille des TGFβ).

D’autres mutations autosomiques récessives sont responsables d’insuffisance ovarienne dans le cadre de pathologies plus larges : l’ataxie-télangiectasie (gène ATM) y associe une dégénérescence cérébelleuse, des troubles oculomoteurs, une immunodéficience et une prédisposition aux cancers du fait d’anomalie de la réparation des cassures chromosomiques. L’anémie de Fanconi peut aussi donner une induffisance ovarienne, indépendamment des traitements nécessaires pour la greffe de moelle actuellement proposée.

Les IOP sont aussi présentes dans le cadre de maladies métaboliques, déjà identifiées dans l’enfance. La galactosémie est une maladie rare de transmission autosomique récessive (1/30000 naissances environ) due en général à une mutation de GALT (Galactose-1-phosphate uridyltransférase) responsable d’une anomalie de dégradation du galactose. La galactosémie se révèle en période néonatale par une insuffisance hépatocellulaire éventuellement associée à des troubles neurologiques. Le traitement consiste en un régime pauvre en galactose. L’évolution clinique associe un retard psychomoteur de sévérité variable, une atteinte neurologique (épilepsie, troubles auditifs…), une cataracte fréquente et une IOP de sévérité variable avec de taux de FSH souvent fluctuant. Ainsi, il peut y avoir alternance de périodes d’aménorrhées et de périodes de cycles réguliers. Le mécanisme de l’IOP n’ait actuellement pas élucidé, d’autant plus qu’il n’y a vraisemblablement pas d’insuffisance testiculaire chez l’homme atteint. Une soixantaine de grossesses spontanées ou après stimulation sont décrites dans la littérature.

De même, le CDG syndrome implique en général une insuffisance ovarienne par anomalie sur la voie de glycosylation des protéines. Il s’y associe fréquemment un retard psychomoteur assez marquée, ainsi que des hormones thyroïdiennes et un taux de cortisol bas.

Etiologies auto-immunes.

La question d’une origine auto-immune à l’IOP se pose dans le cas d’une IOP isolée. Il est alors nécessaire de rechercher la présence non seulement d’anticorps anti-ovariens mais aussi d’anticorps anti-surrénales et anti-thyroïdien afin de rechercher un terrain favorisant. Certaines études ont en effet montré une association entre la présence d’anticorps anti-surrénaliens et un aspect d’ovarite auto-immune en histologie. Cette origine auto-immune est d’autant plus évoquée qu’il y a un contexte d’une autre pathologie endocrinienne telle qu’une maladie de Basedow, une maladie d’Addison ou un diabète de type 1.

Une IOP auto-immune peut aussi se retrouver dans un contexte de myasthénie, de lupus, de polyarthrite rhumatoïde, la maladie de Crohn.

Le syndrome APECED (auto-immune polyendocrine candidiasis ectodermal dystrophy) est une maladie de transmission autosomique récessive (par mutation du gène AIRE) qui associe une défaillance endocrinienne multiple progressive, en particulier une hypoparathyroïdie, une insuffisance surrénalienne périphérique et une candidose chronique cutanéo-muqueuse. Une hypothyroïdie, un diabète de type 1 et une IOP auto-immune sont souvent associées. Le traitement est substitutif, aucun traitement immunosuppresseur ayant prouvé son efficacité dans ce contexte.

Démarche diagnostique.

L’âge normal de l’apparition du développement mammaire chez une jeune fille est compris entre 9 et 13 ans, avec un délai moyen de 2 ans ½ entre le début de ce développement mammaire et les premières règles. Il faut donc savoir évoquer systématiquement une possible IOP en cas d’impubérisme après 13 ans ou d’absence de règles plus de 3 ans après le début du développement des seins. Cependant, pour les patientes à risque connu d’IOP, il faut savoir effectuer une évaluation de la fonction ovarienne dès l’âge normal de puberté afin de ne pas retarder la mise en route du traitement hormonal substitutif si celui-ci s’avère nécessaire. De même, si l’interrogatoire ou l’examen clinique évoque une des situations précitées, le bilan sanguin peut-être effectué avant l’âge de 13 ans.

Examen clinique

L’interrogatoire est un temps très important dans l’évaluation de l’évolutivité de la puberté car il permet, par les antécédents médicaux personnels et familiaux (10 à 15% de formes héréditaires), d’évoquer ou d’éliminer aisément certains diagnostics. Il faut rechercher la présence dans la familles d’hommes avec retard mental (X fragile). Il permet de distinguer une aménorrhée primaire d’une aménorrhée secondaire et de rechercher des signes de carence oestrogénique (sueurs nocturnes, bouffées de chaleur). Chez l’adolescente, il est indispensable d’évaluer les apports calciques et la supplémentation en vitamine D, le risque de déminéralisation osseuse du à l’IOP pouvant être aggravé par la carence d’apports assez fréquente à cet âge.

La courbe de croissance est nécessaire car elle peut orienter le diagnostic (et en particulier évoquer un syndrome de Turner).

L’examen clinique permet de faire la différence entre un impubérisme, une puberté débutée et non évolutive ou une aménorrhée primaire. Il permet de rechercher des éléments étiologiques tels qu’une dysmorphie évocatrice de Turner ou d’un blépharophimosis, une ataxie, une surdité, une hypertension artérielle (blocs enzymatiques surrénaliens), une candidose, un vitiligo, des signes de dysthyroïdie.

Bilan sanguin.

Les dosages de FSH, LH et œstradiol sont impératifs et doivent être répétés à 2 reprises à au moins 1 mois d’intervalle, selon la définition de l’IOP. Il faut savoir répéter le dosage étant donner les fluctuations possibles. La valeur seuil retenue de FSH pour confirmer le diagnostic d’IOP dans le cadre d’une aménorrhée est de 40mUI/ml. Cependant, un taux supérieur à 20mUI/ml chez une enfant ou une adolescente est anormal. La LH est souvent élevée aussi mais de façon moindre. Le taux d’œstradiol est variable mais en général bas (<50pg/ml) voire <10pg/ml dans les IOP complètes.

D’autres marqueurs peuvent être utilisés : l’AMH (hormone anti-mullérienne) est un bon marqueur de la réserve ovarienne et n’est pas modifiée par les traitement substitutifs ou la période du cycle. Cependant, plusieurs grossesses spontanées ont été rapportées chez des patientes avec une AMH nulle (en particulier 2 patientes galactosémiques). Il n’est donc pas possible d’affirmer l’absence de possibilité de grossesse spontanée chez les patientes à AMH nulle.

Dans le cadre du bilan étiologique, il est nécessaire de compléter systématiquement par un bilan thyroïdien. Dans un contexte évocateur d’auto-immunité, une calcémie ainsi que la recherche de divers anticorps (anti-thyroïde, anti-surrénales, anti-ovarien voire anticorps du diabète de type 1) est indiquée.

Le caryotype standard est indispensable à la recherche d’un syndrome de Turner ou d’une autre anomalie de l’X. Suivant le contexte, des recherches génétiques plus précises telles que l’X fragile, le gène AIRE, FOXL2 sont effectuées. La recherche d’anomalies de gènes plus rarement mutés peut se discuter ensuite au cas par cas et dans le cadre de protocoles de recherche.

En vue du traitement substitutif, un bilan de coagulation peut être demandé en cas d’antécédents familiaux thrombo-emboliques ainsi qu’un bilan lipidique complet.

Echographie.

L’échographie pelvienne est systématique pour évaluer le volume ovarien et rechercher la présence de follicules. Cependant, cet examen n’est pas totalement corrélé à la réalité histologique folliculaire. L’échographie permet aussi d’évaluer l’imprégnation oestrogénique avec la mesure et l’aspect de l’utérus.

Age osseux.

Cette radiographie de la main et du poignet gauche de face est très instructive pour évaluer le potentiel de croissance résiduel et déterminer le déroulement du traitement substitutif. En effet, on propose le début du traitement à un âge normal de la puberté soit vers 11 ans d’âge osseux. A l’inverse, dans le cadre d’une aménorrhée primaire avec puberté débutée ou d’une aménorrhée secondaire, un âge osseux à 14 ans (soit fin de croissance) permet de passer plus rapidement à une substitution œstroprogestative (et non oestrogénique seule).

Densitométrie osseuse.

La densitométrie osseuses n’apporte pas d’élément étiologique mais permet d’évaluer l’impact sur la minéralisation osseuse surtout en cas d’aménorrhée secondaire. Dans le cas d’un impubérisme ou d’une aménorrhée primaire chez une jeune fille, cet examen a peu d’intérêt avant la mise en place du traitement substitutif car la minéralisation osseuse est attendue basse pour l’âge en l’absence de puberté et doit être rapportée au stade pubertaire. De plus, il est parfois difficile d’avoir des normes pédiatriques indispensables pour évaluer la normalité. Par contre, cet examen peut avoir un intérêt dans le suivi 1 ou 2 ans après la mise en place du traitement substitutif.

Prise en charge chez l’adolescente. 

Il est indispensable d’améliorer la prise en charge des adolescentes avec IOP, celle-ci étant souvent très tardive et responsable de retentissement psychologique, statural et sur la minéralisation osseuse. Ainsi, les patientes à risque d’IOP du fait de leur pathologie chronique connue doivent être adressée dès l’âge de 10 ans à un endocrinologue ou un gynécologue pédiatrique afin de faire le point sur le statut ovarien et engager un dialogue avec la jeune fille et ses parents quand au déroulement de sa puberté.

En effet, cette facette de la pathologie peut être difficilement évoquée par les pédiatres dont la préoccupation principale est le bon contrôle indispensable de la pathologie sous-jacente. L’adolescente s’interroge sur sa puberté et les parents sont souvent très inquiets de la fertilité future de leur fille. La consultation avec un médecin spécialiste de la puberté permet ainsi de formaliser ces questions avec un tiers différent du médecin référent de la pathologie chronique.

Lorsque le retard pubertaire révèle l’IOP, le, diagnostic et donc la prise en charge sont souvent plus tardifs. L’absence de développement mammaire est source d’inquiétude et de mal-être qui peut conduire à un certain isolement. Le recours à un médecin spécialisé en milieu pédiatrique est souvent propice à l’expression de nombreux questionnements.

Une prise en charge psychologique est souvent utile et doit être proposé.

Traitement substitutif.

Traitement oestrogénique initial.

L’œstrogène de référence est l’œstradiol 17β qui peut être administré par voie orale ou cutanée. Par voie orale, il subit une dégradation digestive et hépatique nécessitant l’administration de doses plus élevées que par voie percutanée. Cette dernière est la seule autorisée en cas de facteurs de risque thrombo-emboliques. En dehors de ce cas précis, les 2 modes d’administration sont équivalents en terme d’efficacité et l’un ou l’autre doit être choisi en accord avec la patiente afin d’optimiser la compliance thérapeutique. Du fait de variation individuelles de biodisponibilité, il peut être nécessaire d’adapter les doses habituellement recommandées.

Le but du traitement substitutif est de reproduire au mieux l’évolution physiologique afin de préserver les 3 évènements pubertaires importants œstrogèno-dépendants : le pic de croissance, le pic de masse osseuse et le développement mammaire. Ces évènements se déroulent sur une période de 3 ans en moyenne, avec des taux d’œstrogènes circulants faibles à modérés. Ainsi, le traitement substitutif doit reproduire ce schéma par une augmentation très progressive des doses d’œstrogènes et doit débuter à un âge normal de puberté (âge osseux à 11 ans).

Le schéma habituel dans le cas d’un impubérisme consiste donc en de l’œstradiol 17β à une dose quotidienne d’environ 0,2mg per os ou 5µg en transdermique (patch) ou 0,15mg en gel. En pratique pour obtenir ces faibles posologies, on propose de prendre le traitement per os ¼ de comprimé un jour sur 2 ou des quarts de patch. La petite dose est maintenue tant qu’on souhaite un développement des seins sans accélération de la maturation osseuse, soit pendant environ 2 ans quand le problème statural est au premier plan. Les œstrogènes sont ensuite augmentés progressivement (0,4mg per os la 3ème année et 1mg per os la 4ème année) pour arriver au traitement substitutif adulte en 3 à 5 ans. Ce schéma est à adapter en fonction de l’évolution spontanée antérieure de la puberté et de l’âge osseux.

Un traitement oestrogénique bien suivi permet donc de maintenir le pronostic de taille finale et d’acquérir une minéralisation osseuse normale, sous réserve de l’absence d’autres facteurs déminéralisants tels que la radiothérapie, la corticothérapie…

Traitement substitutif oestro-progestatif

 Le traitement progestatif peut être introduit lorsque la dose d’œstrogène est supérieure à 0,5mg/j per os (ou 10µg en patch ou 0,5mg pour le gel). Le traitement oestro-progestatif à dose substitutive est mis en place à la fin de la croissance. La dose d’oestradiol recommandée est de 2mg par jour per os (50µg en patch et 1,5mg en gel) associé à un progestatif non nor-stéroïdien 10 à 14 jours par cycle. Il existe certains formes per os combinant ces traitements et facilitant ainsi la compliance. Ce traitement permet d’achever la puberté avec l’apparition des menstruations et les modifications vulvovaginales normales. Celui-ci peut être ajusté sur la sensibilité mammaire, les dimensions de l’utérus, l’épaisseur de l’endomètre et la densité minérale osseuse.

Traitements associés.

Une supplémentation systématique en vitamine D 2 fois par an doit être mise en place pour tous les adolescents et en particulier dans ce cadre d’hypooestrogénie. Une supplémentation calcique peut être indiquée en cas d’apports alimentaires calciques insuffisants.

Un traitement par hormone de croissance est proposé pour les patientes avec un syndrome de Turner si l’âge osseux est inférieur à 13 ans.

Préservation ovarienne.

 Le prélèvement d’un ovaire en vue d’une cryopréservation est proposé depuis quelques années pour les filles prépubères avant la mise en route d’un traitement délétère pour le fonctionnement ovarien (chimiothérapie avec alkylants à forte dose, radiothérapie abdominale ou corporelle totale). Il semble désormais assez consensuel de proposer systématiquement ce prélèvement dans ce cadre, bien que les connaissances actuelles ne permettent pas d’affirmer la possibilité ultérieure de l’utilisation de ces ovaires prépubères. La question est plus complexe pour les pathologies chroniques à risque d’insuffisance ovarienne, étant donné que celle-ci est variable en fonction de la patiente, qu’elle peut être fluctuante et qu’il y a même des publications de grossesse spontanées chez des femmes en aménorrhée quasi-permanente.

Ainsi, la question se pose particulièrement pour les pathologies chroniques telles que la galactosémie où la cryopréservation ovarienne est recommandée dans certains pays (Danemark par exemple). La problématique est identique pour certaines femmes avec un syndrome de Turner mosaïque chez qui on constate parfois une fonction ovarienne préservée pendant quelques années. Ce questionnement fait partie de nos axes de recherche et de réflexion dans le cadre du Centre de Maladies Gynécologiques Rares, dans le cadre d’une collaboration équipes pédiatriques et adultes.

Transition.

Une bonne préparation de la transition d’un suivi par un médecin pédiatrique à un médecin d’adulte est indispensable pour éviter la perte de suivi chez ces femmes après la fin de la croissance. Certaines patientes ont en effet tendance à arrêter progressivement le traitement substitutif après la fin de la croissance, en particulier en cas de mauvaise adaptation psychologique et affective à l’IOP (en particulier pour les femmes ayant un syndrome de Turner). Une bonne collaboration pédiatres-adultes permet d’espérer diminuer la fréquence de ces jeunes patientes perdues de vue qui parfois ne consultent qu’après plusieurs années sans traitement lors d’un questionnement sur leur sexualité et  leur fertilité.

Conclusion.

L’insuffisance ovarienne de l’adolescente est une problématique complexe tant en terme de diagnostic souvent retardé qu’en terme de conséquences psychologiques face à une identité adolescente difficile à établir en l’absence de puberté. De plus la question sous-jacente de la fertilité est parfois difficile à aborder à cet âge. Il est indispensable de promouvoir une prise en charge précoce de ces patientes par des médecins spécialisés afin d’éviter le décalage en puberté et croissance de ces patientes par rapport aux jeunes filles de leur âge. Une bonne adaptation du traitement à leur âge réel permet d’améliorer la compliance de ces patientes pendant la puberté mais aussi au long cours.

Références

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10. Soriano-Guillen L, Coste J, Ecosse E, Léger J, Tauber M, Cabrol S, Nicolino M, Brauner R, the StaTur Study group, Chaussain JL, Carel JC. Adult height and pubertal growth in Turner syndrome after treatment with recombinant growth hormone. JCEM 2005; 90:5197-5204.

QCM POST TEST :

1) Quel diagnostic posez vous pour une fille de 11 ans, S2, avec antécédent de greffe de moelle osseuse et qui a des taux de FSH dosés à 10UI/l et 30UI/m?

-       Ovaires normaux

-       Réserve ovarienne diminuée mais fonction ovarienne possiblement normale

-       IOP probable

-       IOP complète

Réponse 2

 

2) Quel stratégie de traitement mettez vous en place pour une fille de 12 ans avec une insuffisance ovarienne partielle, âge osseux 11 ans 6/12 et taille 138cm ?

-       Vous attendez qu’elle est atteint 13 ans pour la traiter

-       Traitement par œstrogène seul à faibles doses

-       Traitement par Climaston 2/10mg

-       Traitement par pilule oestro-progestative

Réponse 2

 

Isabelle Flechtner, Elisabeth Thibaud

Endocrinologie et gynécologie pédiatriques,

Centre de Référence des Pathologies Gynécologiques Médico-chirurgicales Rares

Hôpital Necker-Enfants Malades, 149-161, rue de Sèvres, 75743 Paris cedex 15, France.