Avant l'accès à cet article, nous vous proposons un QCM de pré test le QCM de post-test se trouve en fin d'article QCM pré-test QCM 1 : THM et cancer du sein : 1 seule réponse est fausse A/ Les risques de cancer du sein liés au THM ont été évalué à 6 cas pour 1000 femmes traitées pendant 10 ans B/ Les risques sont plus liés aux progestatifs qu'aux estrogènes C/ L'association estradiol 17ß et progestérone micronisée n'est pas associée à une augmentation du risque de cancer du sein dans l'étude épidémiologique de l'éducation nationale. D/ La rétrogestérone n'augmente pas de façon significative dans l'étude E3N le risque de cancer du sein. E/ L'absence d'intervalle libre entre début du THM et début de ménopause réduit le risque de cancer du sein Introduction Le risque de cancer du sein varie en fonction de l’âge de la femme[1], passant de 270 cas pour 100000 femmes entre 50 et 54 ans, à 340 entre 55 et 59 ans, à plus de 400 entre 60 et 70 ans (figure 1) . Fig 1 : Incidence et mortalité des cancers du sein selon INVS (2008) Certains travaux ont évoqué l’augmentation de l’incidence des cancers chez les femmes recevant un traitement hormonal de la ménopause (THM), en particulier avec les hormones non bio-identiques, ce risque variant en fonction de la durée d’utilisation de ce (THM) [2]. Plus récemment, Allemend et Seradour (3) ont évoque un possible lien entre la diminution de l’incidence du cancer du sein et la baisse d’utilisation du THM [3]. L’actualité sur le THM a par ailleurs focalisé l’attention sur l’intérêt de débuter précocément le THM en début de ménopause pour protéger du risque d’athérosclérose, avec comme espoir de diminuer le risque cardio-vasculaire, cérébro-vasculaire et de la maldie d’Alzheimer. La question se pose donc de savoir si le début précoce du THM en début de ménopause ne peut pas augmenter le risque mammaire. Cette donnée intégrant le « gap time » vient d’être publié par Prentice [4]. Le « gap time » est défini comme la période entre la ménopause et l’initiation du THM. L’étude de Prentice, dérivée de la WHI, associe une étude clinique à une étude observationnelle. Son objectif a été de préciser si la fenêtre d’intervention thérapeutique (F.IN.T ou gap-time des anglo-saxons) modifiait le risque de cancer du sein. THM, cancer du sein et fenêtre d’intervention thérapeutique Prentice [4]a réalisé une étude combinée, clinique et observationnelle, concernant des femmes de 50 à 79 ans. L’étude clinique portait sur 16608 femmes traitées par l’association de 0,625 mg d’œstrogène conjugué équin et de 2,5 mg d’acétate de médroxyprogestérone. L’étude d’observation comportait 32084 femmes non hystérectomisées dont 25328 ne recevaient pas de traitement et 6756 recevaient le THM décrit ci-dessus. La durée moyenne de suivi était de 5.5 ans dans les deux cas. Le but de l’étude était de préciser l’incidence du « gap time » sur le risque de cancer du sein. En effet, la WHI (2002) a mis en évidence une augmentation du risque du cancer du sein chez les femmes qui étaient sous THM combiné avant l’ inclusion dans l’étude (Hazard Ratio (HR)=1,85 (1,18-2,90)) mais pas chez les femmes sans THM avant inclusion. En revanche, des études d’observation portant sur des femmes issues de la même population montraient un risque de cancer du sein presque doublé en cas de traitement combiné qu’il y ait ou non un THM antérieur. Les participantes de l’essai clinique sans traitement antérieur étant considérablement plus âgées que celles de l’étude d’observation lors de la première utilisation du traitement, le « gap time » est apparu comme un facteur explicatif potentiel. L’analyse de la distribution du « gap time » dans les deux études montre que les femmes de l’étude clinique sans traitement antérieur ont tendance à avoir un « gap time » plus long ; en effet, 40% d’entre elles ont un « gap time » supérieur à 15 ans alors que la plupart des femmes dans les autres groupes ont des « gap times » inférieurs à 5 ans. Si on s’intéresse au Hazard Ratio estimé de cancer du sein, on constate que, dans l’étude clinique, celui-ci est de 1,77 (CI : 1,07-2,93) en cas de « gap time » inférieur à 5 ans sans traitement antérieur et de 2,06 (1,30-3,27) en cas de traitement antérieur, alors que le risque de cancer du sein n’est pas significativement augmenté dans ces deux groupes en cas de « gap time » supérieur à 5 ans. De plus, les HR estimés dépendent significativement (p=0,02) du « gap time » après contrôle du statut de traitement antérieur alors qu’ils ne dépendent pas significativement du statut de traitement antérieur après contrôle du « gap time » (p=0,53). Une étude détaillée des éssais combinées concernant les femmes ayant débuté le traitement à la ménopause (gap time=0) met en évidence un doublement du risque de cancer du sein dès deux ans de traitement, que ces femmes aient eu ou non un traitement avant l’inclusion dans les études (HR= 2,56 (1,54-4,24) et HR =2,01 (1,41-2,86) respectivement). En cas de mise en route plus tardive du traitement (gap time=5 ans), le risque est diminué de façon significative puisque le HR passe à 0,81 (0,71-0,91) lorsqu’on combine les résultats des deux études. Une analyse complémentaire, excluant les femmes exposées à un traitement antérieur, a été réalisée pour préciser les rôles respectifs du « gap time » et de la durée de traitement (figure 2). Si on analyse la partie supérieure de la figure 2 : il est clair qu’un « gap time » inférieur à 5 ans augmente le risque de cancer du sein, même si cela n’est significatif que pour des durées de traitement supérieures à cinq ans (HR=2.38). Alors qu’un « gap time » compris entre 5 et 15 ans correspond à un HR de 1.61 au-delà de 5 ans d’utilisation. Il est difficile d’interpréter les résultats concernant les « gap times » de plus de 15 ans en raison du faible nombre de cas. La partie basse de la figure 2 présente les estimations des HR avec un arrêt des suivis six mois après un éventuel changement de statut de traitement. Les données issues de l’étude d’observation sont inchangées car, dans cette étude, l’âge moyen des femmes était de 63 ans et les initiations de traitement en cours d’étude ont été rares. On note alors une réelle augmentation du risque en cas de « gap time » de moins de cinq ans pour des durées de traitement inférieures à cinq ans (HR=1.85) et on confirme l’augmentation du risque après cinq ans de traitement (HR=2.75). Pour un « gap time » compris entre 5 et 15 ans, l’augmentation du HR est plus nette que dans l’analyse précédente avec un HR de 1.61 pour 2 à 5 ans de traitement et de 2 au-delà de 5 ans de traitement. Les femmes qui débutent leur traitement dans les cinq ans suivant la ménopause ont donc un HR élevé (p<0.001) et qui augmente avec la durée d’utilisation (p<0.001). Le HR pour 5 ans d’utilisation du traitement est de 1.64 (1-2.68) et il passe à 2.19 (1.56-3.08) pour dix ans de traitement. Figure 2 Influence de la durée de la fenêtre thérapeutique sur le risque de cancer du sein. (Les chiffres entre parenthèses correspondent au nombre de cas de cancers du sein dans les études clinique/d’observation) Analyse des résultats et discussion Ces résultats semblent expliquer les résultats de l’étude clinique qui montraient un HR faible parmi les femmes sans traitement antérieur, puisque ces femmes avaient un « gap time » bien plus long. Si l’on se base sur ces analyses, on prévoit un risque attribuable de 39% pour une utilisation de 5 ans du traitement et de 54% pour 10 ans de traitement avec un « gap time » de moins de 5 ans. L’auteur explique qu’après une carence oestrogénique, correspondant au « gap time », les cellules mammaires épithéliales sont moins sensibles aux oestrogènes, ce qui pourrait expliquer la diminution de l’HR avec l’augmentation du « gap time » ; il précise néanmoins que cette hypothèse est limitée par l’influence des hormones sur l’interprétation mammographique et la détection des cancers du sein. Les résultats de cette étude doivent-ils entraîner une modification des pratiques en matière de THM ? Les conclusions de cette étude semblent intéressantes, mais elles doivent être discutées avant d’entraîner une modification radicale de nos pratiques. Les résultats présentés par Prentice concernent des petits nombres de cas par rapport à la population initiale et surtout des cas de l’étude d’observation qui, rappelons-le, n’est pas randomisée (figure 2). D’autre part, la population américaine étudiée est différente de la population française. L’étude de Prentice, en complément de la WHI, s’intéresse toujours à une population de 63 ans en moyenne, donc à distance de la ménopause et avec une incidence de l’obésité, et donc de cancer du sein, non négligeable. Les traitements utilisés dans ces études, l’association de 0,625 mg d’œstrogène conjugué équin et de 2,5 mg d’acétate de médroxyprogestérone, ne sont pas les mêmes que ceux utilisés couramment en France. Les résultats des études E3N [2] et ESTHER [5] ont en effet nettement influencé les prescriptions en privilégiant l’association des oestrogènes par voie percutanée et de la progestérone micronisée ou de la dydrogestérone. Il semble que cette association n’augmente ni le risque de cancer du sein, ni le risque thrombogène. Ensuite, le risque de cancer du sein n’est pas le seul à prendre en compte lorsqu’on envisage la prescription d’un THM. Il faut tenir compte des autres effets potentiels du THM. En effet, la WHI [6] a souligné les effets délétères du traitement sur les maladies coronariennes et les risques de thromboses veineuses profondes, mais a confirmé son intérêt sur la prévention des fractures ostéoporotiques (RR=0.76 [0.69-0.85]) et sur la survenue des cancers du côlon (RR=0.63 [0.43-0.92]). Si l’on s’intéresse à la fenêtre d’intervention thérapeutique (F.IN.T), il semble que les oestrogènes administrés tôt après la ménopause aient un effet protecteur sur les coronaropathies, en prévenant l’athérosclérose, mais qu’ initiés à distance de la ménopause, ils aient un effet aggravant en entraînant un décollement des plaques instables et un effet procoagulant, surtout chez les femmes présentant des facteurs de risque cardiovasculaires [7]. Mais ces données sont basées sur des études de faible puissance [8] ou sur des données plus radiographiques que cliniques [9]. Dans tous les cas, les effets du THM, protecteurs et délétères, disparaissent dans les années qui suivent son arrêt [5]. Doit-on alors initier un THM dès la ménopause pour diminuer le risque cardiovasculaire au risque d’augmenter celui de cancer du sein ? Ou doit-on respecter une période de carence oestrogénique pour ne pas augmenter le risque de cancer mammaire au risque d’entraîner des complications cardiovasculaires ? Les résultats des études doivent être analysés et adaptés à chaque cas. Il paraît bon de rappeler que le THM est avant tout le traitement des troubles climatériques qui touchent les femmes immédiatement après la ménopause. Sa prescription doit être réfléchie pour chaque femme, après un interrogatoire s’intéressant aux facteurs de risques personnels et familiaux de pathologies cardiovasculaires, de cancer du sein, d’ostéoporose ainsi qu’aux symptômes de chaque patiente. La Société de Médecine de la Reproduction (SMR) [10] rappelle que le THM est de loin le traitement le plus efficace contre les troubles climatériques, qu’il a également un effet bénéfique sur la prévention de l’ostéopénie et de l’ostéoporose post-ménopausique en diminuant le risque fracturaire, mais qu’il ne doit pas être instauré systématiquement pour prévenir les risques osseux. Elle considère que la balance bénéfice/risque du THM est favorable pour les femmes ayant un syndrome climatérique ou un risque d’ostéoporose. Elle souligne que le surrisque de cancer du sein est faible, surtout pour des durées d’utilisation inférieures à dix ans. Au total, le risque d’augmentation de l’incidence du cancer du sein, souligné par Prentice, si l’initiation du THM débute rapidement après la ménopause, doit être mis en balance avec les bénéfices exposés ci-dessus ; de plus, l’utilisation d’hormones bioidentiques et la voie trans-cutanée pour l’estrqdiol est de nature à remettr en question ce risque mammaire. Bibliographie [1] Belot A, Grosclaude P, Bossard N, Jougla E, Benhamou E, Delafosse P, Guizard AV, Molinié F, Danzon A, Bara S, Bouvier AM, Trétarre B, Binder-Foucard F, Colonna M, Daubisse L, Hédelin G, Launoy G, Le Stang N, Maynadié M, Monnereau A, Troussard X, Faivre J, Collignon A, Janoray I, Arveux P, Buemi A, Raverdy N, Schvartz C, Bovet M, Chérié-Challine L, Estève J, Remontet L, Velten M. (2008). Cancer incidence and mortality in France over the period 1980-2005. *Rev Epidemiol Sante Publique. 2008 Jun;56(3): 159-75. Epub 2008 Jun 10. *Detailed results and comments [online] http://www.invs.sante.fr/surveillance/cancers/estimations_cancers/default.htm [Accessed 11 09 2008 ]. [2] Fournier A, Berrino F, Clavel-Chapelon F, et al. Unequal risks for breast cancer associated with different hormone replacement therapies : results from the E3N cohort study. Breast Cancer Res Treat 2008; 107:103-11 [3] Allemend H, Seradour B, Weill A, Ricordeau P. Decline in breast cancer incidence in 2005 and 2006 in France: a paradoxical trend. Bull Cancer 2008; 95: 11-15 [4]Prentice RL, Chlebowski RT, Stefanick ML, Manson JE, Pettinger M, Hendrix SL, Hubbell FA, Kooperberg C, Kuller LH, Lane DS, McTiernan A, O’Sullivan MJ, Rossouw JE, Anderson GL. Estrogen plus progestin therapy and breast cancer in recently postmenopausal women. Am J Epidemiol 2008; 167: 1207-1216 [5] Scarabin PY, Oger E, Plu-Bureau G. Estrogen and ThromboEmbolism Risk Study Group. 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Mt Médecine de la Reproduction, Gynécologie Endocrinologie 2008 ; 10(3) : 212-5 QCM post-test QCM 1 : THM et cancer du sein : 1 seule réponse est fausseA/ Les risques de cancer du sein liés au THM ont été évalué à 6 cas pour 1000 femmes traitées pendant 10 ans B/ Les risques sont plus liés aux progestatifs qu'aux estrogènes C/ L'association estradiol 17ß et progestérone micronisée n'est pas associée à une augmentation du risque de cancer du sein dans l'étude épidémiologique de l'éducation nationale. D/ La rétrogestérone n'augmente pas de façon significative dans l'étude E3N le risque de cancer du sein. E/ L'absence d'intervalle libre entre début du THM et début de ménopause réduit le risque de cancer du sein Réponse : E La méta-analyse d'oxford à donner le risque absolu de cancer du sein après intégration de 52 études concernant les THM à 2 cas supplémentaires pour 1000 femmes traitées pendant 5 ans, 6 pour 10 ans de traitement et 12 pour 1000 femmes traitées pendant15 ans. Il est très clairement établi que ce sont les progestatifs qui ont la plus grande responsabilité dans l'augmentation de ce risque (WHI ECE+MPA vs ECE seuls, MWS et de nombreuses études dont E3N). Parmi ces progestatifs, la progestérone micronisée et la rétrogestérone n'augmentent pas le risque de façon significative. Les travaux de Prentice évoque le rôle joué par la fenêtre d'intervention thérapeutique. Un délai dans l'instauration du THM après la ménopause diminue le risque de cancer du sein. Mais cela va contre les effets bénéfiques cardio-vasculaires en particulier. E. Fanara, P. Lopes, Service de gynécologie HME quai Moncousu 44000 Nantes |