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2009 > Gynécologie > Vaccination HPV  Telecharger le PDF

Modélisation de l'impact vaccinal HPV sur les données françaises des études EDITH

D Riethmuller

Introduction

La responsabilité des HPV dans la survenue des cancers du col utérin est désormais affirmée de façon universelle. En France, malgré le dépistage, le cancer du col reste fréquent, avec une incidence moyenne à 7,1 pour 100 000 femmes (environ 3 000 cas/an) et un taux de mortalité estimé à 1,9 pour 100 000 femmes (environ 1 000 décès/an). Seuls trois programmes de dépistage ont été organisés en France couvrant 5% du territoire. Dans le reste du pays, le dépistage est opportuniste et seule 55% de la population bénéficierait actuellement d’une procédure de dépistage conforme aux recommandations de l’ANAES avec un frottis triennal entre 25 et 65 ans.

Deux vaccins HPV prophylactiques sont disponibles

l’un quadrivalent dirigé contre les HPV 6, 11, 16 et 18 (Gardasil®),

’autre bivalent dirigé contre les HPV 16 et 18 (Cervarix ®). Ces 2 vaccins ont obtenu leur AMM européenne.

Le Haut Conseil de la Santé Publique (HCSP) recommande aujourd’hui en France la vaccination de routine des jeunes filles de 14 ans avec un rattrapage possible chez les 15 à 23 ans qui n’auraient pas eu de rapports sexuels ou au plus tard, dans l’année suivant le début de leur vie sexuelle [1, 2]. Ces vaccins ne ciblant que les génotypes les plus fréquent à l’échelon mondial, il était nécessaire de décrire la distribution génotypique des HPV retrouvés dans les différents types de lésions afin d’évaluer l’impact potentiel de la prévention primaire en France.

C’est ainsi qu’un large programme de génotypage a été initié en France (EDiTH=Etude de la Distribution des Types d’HPV). À ce jour, 4 études multicentriques utilisant une méthodologie similaire et centralisée ont été conduites sur la distribution des génotypes d’HPV dans les cancers du col (EDiTH I) [3], les CIN2/3 (EDiTH II) [4], les frottis de bas grade (EDiTH III) [5] et les condylomes acuminés externes (EDiTH IV) [6].

Basée sur les résultats de ces études, une analyse par un modèle de Markov a été conduite afin d’estimer l’impact attendu de la vaccination quadrivalente par Gardasil® sur la survenue des lésions génitales de la femme associées aux HPV en France suite à la vaccination des jeunes filles de 14 ans.

Matériel et méthodes

Les études EDiTH ont impliqué une quinzaine de centres investigateurs (répartis sur l’ensemble du territoire) pour la collecte des échantillons de cancers (CIC), CIN2/3 et LSIL ainsi que les gynécologues pour la collecte des condylome acuminé externe (CAE) et ont porté chacune sur un total de 400 à 500 échantillons. Les méthodes d’extraction de l’ADN et de génotypage ont été décrites dans la littérature [4-6].

Modélisation de l’impact du vaccin

Utilisant le modèle d’analyse coût-efficacité adapté à la France [7], nous avons calculé les nombres de sujets nécessaires à vacciner pour éviter 1 cas de cancer, de CIN, et de CAE. Notre analyse repose sur un modèle de Markov basé sur un modèle développé aux Etats-Unis pour estimer l’impact économique d’une vaccination HPV [8, 9]. Les paramètres concernant l’histoire naturelle de la maladie tels que le taux de progression, le taux de régression spontanée ont été utilisés [9], le modèle ayant été ensuite adapté à la situation française [7].

En comparant le nombre de cas attendu par une stratégie de dépistage seul avec le nombre de cas attendu par une stratégie combinant dépistage et vaccination, l’analyse a permis de calculer le nombre de cas pouvant être évités par la vaccination. Le modèle est basé sur une vaccination des jeunes filles de 14 ans sans tenir compte du rattrapage des jeunes filles et jeunes femmes âgées de 15 à 23 ans [2].

Hypothèses utilisées dans le modèle

L’analyse a été basée sur la prévalence des HPV 6/11/16/18 rapportée dans les études EDiTH, en distinguant les mono- des co-infections. Leur prévalence dans les mono-infections permet d’estimer l’impact minimal de la vaccination quadrivalente. Leur prévalence globale (mono/co-infections) a permis d’estimer l’impact maximal attendu. Ainsi, les prévalences des mono-infections et les prévalences globales des HPV 6/11/16/18 ont été respectivement de 71% et 82% dans les cancers invasifs [3], 45% et 64% dans les CIN2/3 [4], 14% et 34% dans les frottis en phase liquide LSIL [5], et 52% et 83% dans les CAE chez les femmes [6].

Nous avons considéré une efficacité vaccinale de 100% sur la survenue des lésions associées aux génotypes 6, 11, 16 et 18 [9] ainsi qu’une protection à vie du vaccin. Les nombres de sujets nécessaires à vacciner ont été calculés en considérant une couverture vaccinale des jeunes filles de14 ans de 100%, et le calcul du nombre de cas évités en considérant une couverture vaccinale de 80% sur une cohorte de 370 000 filles de 14 ans.

Résultats

Nombre de cas évités par la vaccination

En comparant les stratégies « dépistage seul » versus « dépistage plus vaccination », le modèle de Markov basé sur la prévalence des HPV 6/11/16/18 observée dans les études EDiTH a permis d’estimer le nombre de cas évités par la vaccination quadrivalente. Ainsi, concernant les CIC en considérant les prévalences globales des HPV 6/11/16/18, le nombre de cas résiduels estimé est de 3464 contre 969 ; ce qui représente par la vaccination de 80% des 370 000 jeunes filles de 14 ans, 2 495 cas évités par la vaccination seule (Tableau 2). De même, 17 985 cas de CIN2/3, 8 004 cas de CIN1 et 22 531 cas de CAE chez les femmes pourraient être évités par la vaccination. En considérant les prévalences des HPV 6/11/16/18 dans les mono-infections seulement, les nombres de cas évités par la vaccination devient respectivement 2 093 pour les cancers invasifs, 12 184 pour les CIN2/3, 3 794 pour les CIN1 et 14 253 pour les CAE.

Nombre de jeunes filles à vacciner

L’analyse par ce modèle a également permis d’estimer le nombre de sujets nécessaires à vacciner pour éviter un cas de chacunes lésions étudiées (Tableau 2). En considérant respectivement les prévalences des HPV 6/11/16/18 observées dans les mono/co-infections et dans les mono-infections seules, il faut entre 130 et 150 sujets vaccinés pour éviter un cas de cancer invasif. Seuls 17 à 25 sujets vaccinés sont nécessaires pour éviter un CIN2/3 et 13 à 20 pour éviter un CAE. Si l’on considère l’ensemble des lésions, il faut 6 à 9 sujets vaccinés pour éviter une lésion viro-induite.

Discussion

Grâce à l'utilisation des données de prévalence des génotypes d'HPV des études EDiTH, l’impact potentiel d’une vaccination contre les HPV 6/11/16/18 en France a pu être estimé par l'utilisation du modèle de Markov. Afin de ne pas surestimer l’impact, il était important de pouvoir distinguer les mono-infections à HPV des infections multiples. La prise en compte des mono-infections seules permet donc d’estimer l’impact vaccinal minimal attendu, la prise en compte de tous les cas (mono ou co-infectés) permettant d’estimer l’impact maximal. Les études EDiTH indiquent qu’en France, avec une couverture vaccinale de 80% des jeunes filles de 14 ans et une efficacité du vaccin de 100%, un vaccin tétravalent pourrait prévenir entre 71% et 82%[VR1] des cancers invasifs, entre 45% et 64% des CIN2/3, entre 14[VR2] % et 34% des frottis LGSIL, et entre 52% et 83% des CAE.

Le calcul du nombre de sujets nécessaires à vacciner est une mesure efficace pour estimer le bénéfice potentiel de la vaccination HPV car il tient compte simultanément de l’efficacité du vaccin et de l’incidence de la maladie [10]. Notre étude indique qu’entre 130 et 150 adolescentes doivent être vaccinées pour éviter un cas de cancer invasif. Alors que moins de 20 jeunes filles doivent être vaccinées pour éviter un cas de CIN2/3 ou un épisode de CAE. Les données de ce modèle soulignent ainsi l’intérêt d’une stratégie vaccinale couplée à la stratégie actuelle de dépistage qui permettrait d’éviter en France entre 2 000 et 2 500 cas de cancers invasifs annuellement, entre 12 000 et 18 000 cas de CIN2/3 et entre 14 000 et 22 500 cas de CAE. Même si les résultats sont à considérer avec précaution, ceux-ci suggèrent qu’une vaccination quadrivalente conduirait à une baisse significative de l’incidence des lésions HPV induites chez la femme.

L’hypothèse selon laquelle le vaccin engendrerait une protection à vie, peut être discutée et pourrait induire une surestimation du nombre de cas évités par la vaccination. Cependant, les données actuellement disponibles semblent en faveur d’une protection à long terme sans injection de rappel.

Des données récentes indiquent que la vaccination HPV permet une protection croisée contre d’autres génotypes d'HPV non contenus dans le vaccin. Cependant, cette efficacité supplémentaire n'a pas été considérée dans cette analyse. Une autre source potentielle de sous-estimation de l’impact vaccinal est la non prise en compte dans le modèle de la vaccination de rattrapage des 15-23 ans tel qu'il est recommandé en France par les autorités de santé.

Certaines limites de notre étude sont à souligner : le modèle utilisé est de type statique et ne permet pas d'estimer les résultats à long terme. De plus, le modèle ne prend pas en compte les effets indirects de la vaccination notamment en terme d’immunité de groupe.

Notre analyse s'est restreinte aux lésions génitales de la femme. Cependant, la vaccination quadrivalente peut également induire une baisse significative d'autres cancers (ou de lésions), également associés aux HPV qu'ils soient génitaux ou non, tels que les cancers anaux, les cancers (ou lésions pré-invasives) de la vulve et du vagin, ou encore les cancers de l’oropharynx. L’étude économique conduite par Bergeron et Coll. [16] ainsi que le calcul à partir des données EDiTH du nombre de sujets nécessaires à vacciner pour éviter un cas de lésion cervicale et de condylome, indiquent que par rapport à la politique de dépistage habituelle par frottis cervico-utérin, la stratégie dépistage associé à la vaccination quadrivalente est coût-efficace en France.

Notre étude de simulation montre qu’en suivant les recommandations de la Haute Autorité de Santé et si une couverture vaccinale de 80% peut être atteinte, une vaccination en France des jeunes filles de 14 ans par le vaccin quadrivalent, engendrera une baisse significative du nombre de lésions génitales associées aux HPV. L’avancée des connaissances concernant les protections croisées ainsi que la durée de l’immunité conférée par le vaccin permettra de mieux mesurer son efficacité.

 

Bibliographie

1. Haut conseil de la santé publique. Avis sur la modification éventuelle des recommandations vaccinales des jeunes femmes par le vaccin anti-papillomavirus Gardasil®. HCSP. Paris, 2008.

www.hcsp.fr/hcspi/docspdf/avisrapports/hcspa20080201_Gardasil.pdf (consulté le 14/08/2008).

2. Haut conseil de la santé publique. Avis relatif à la vaccination contre les papillomavirus humains 16 et 18 par un vaccin bivalent. HCSP. Paris, 2007.

www.hcsp.fr/hcspi/docspdf/avisrapports/hcspa20071214_Papillomavirus.pdf (consulté le 14/08/2008).

3. Pretet JL, Jacquard AC, Carcopino X, Charlot JF, Bouhour D, Kantelip B, et al. Human papillomavirus (HPV) genotype distribution in invasive cervical cancers in France: EDITH study. Int J Cancer 2008;122: 428-32.

4. Pretet JL, Jacquard AC, Carcopino X, Monnier-Benoit S, Averous G, Soubeyrand B, et al. Human papillomavirus genotype distribution in high grade cervical lesions (CIN 2/3) in France: EDITH study. Int J Cancer 2008;122: 424-7.

5. Pretet JL, Jacquard AC, Saunier M, Clavel C, Dachez R, Gondry J, et al. Human papillomavirus genotype distribution in low-grade squamous intraepithelial lesions in France and comparison with CIN2/3 and invasive cervical cancer: the EDiTH III study. Gynecol Oncol 2008;110: 179-84.

6. Aubin F, Pretet JL, Jacquard AC, Saunier M, Carcopino X, Jaroud F, et al. Human papillomavirus genotype distribution in external acuminata condylomata: a Large French National Study (EDiTH IV). Clin Infect Dis 2008;47: 610-5.

7. Bergeron C, Largeron N, McAllister R, Mathevet P, Remy V. Cost-effectiveness analysis of the introduction of a quadrivalent human papillomavirus vaccine in France. Int J Technol Assess Health Care 2008;24: 10-9.

8. Kulasingam SL, Myers ER. Potential health and economic impact of adding a human papillomavirus vaccine to screening programs. Jama 2003;290: 781-9.

9. Myers ER, McCrory DC, Nanda K, Bastian L, Matchar DB. Mathematical model for the natural history of human papillomavirus infection and cervical carcinogenesis. Am J Epidemiol 2000;151: 1158-71.

10. Brisson M, Van de Velde N, De Wals P, Boily MC. Estimating the number needed to vaccinate to prevent diseases and death related to human papillomavirus infection. Cmaj 2007;177: 464-8.

 

Tableau 1 : Prévalence globale du HPV et prévalences spécifiques des génotypes 6, 11, 16, et 18 dans les cancers invasifs du col de l’utérus (CIC) [12], les CIN2/3 [13], les lésions de bas grade (LSIL) [14] et les condylomes acuminés externes (CAE) [15]

 

 

CIC

(n=516)

CIN2/3

(n=493)

LSIL

(n=397)

CAE

(n=256)

Prévalence HPV globale (%)

97,1

98,2

98,2

98,8

HPV 6

Seul

Seul ou associé

 

0,2

1,2

 

0

2,8

 

2,8

6,5

 

36 ,9

65,4

HPV 11

Seul

Seul ou associé

 

0,2

0,2

 

0,2

1,4

 

0

2,3

 

7,0

11,2

HPV 16

Seul

Seul ou associé

 

53,3

72,9

 

40,4

62,3

 

7,8

21,4

 

2,8

12,6

HPV 18

Seul

Seul ou associé

 

7,6

18,8

 

0,6

4,3

 

2,0

7,6

 

0

3,7

HPV 6/11

Seulsa

Seuls ou associésb

 

ND

 

ND

 

2,8

8,3

 

44,4

76,2

HPV 16/18

Seulsc

Seuls ou associésb

 

70,9

82,0

 

44,6

64,0

 

10,1

28,0

 

3,3

15,4

HPV 6/11/16/18

Seulsd

Seuls ou associésb

 

NDe

 

NDe

 

14,4

33,5

 

52,3

82,7

ND, non disponible

a HPV 6 ou HPV 11 ou co-infection 6/11

b Associés ou non à un autre type d’HPV

c HPV 16 ou HPV 18 ou co-infection 16/18

d HPV 6 ou HPV 11 ou HPV 16 ou HPV 18 ou co-infection 6 et/ou11 et/ou 16 et/ou 18

e La prévalence des génotypes 6/11 dans les CIC et les CIN2/3 (EDiTH I et II) n’est pas connue précisément mais est estimée inférieure à 1%. La prévalence des génotypes 6/11/16/18 dans les CIC et les CIN2/3 a donc été considérée similaire à celle des HPV 16/18.

Tableau 2 : Analyse de modélisation donnant le nombre nécessaire de sujets à vacciner pour éviter un cas ainsi que le nombre de cas évités par la vaccination (CIC, cancer invasif du col de l’utérus ; CIN, néoplasie cervicale intraépithéliale ; CAE, condylome acuminé externe)

 

 

 

Nombre de cas estimés

 

 

Nombre de sujets nécessaires

à vacciner pour éviter 1 cas

Dépistage seul

Dépistage + vaccination

Nombre de cas évités par la vaccinationa (b)

CIC

130a – 150b

3 464

969

2 495 (2 093)

CIN2/3

17 – 25

33 528

15 543

17 985 (12 184)

CIN1

37 – 75

29 742

21 737

8 004 (3 794)

 

 

 

 

 

CIN1/2/3 + CIC

11 – 17

 

 

 

 

 

 

 

 

CAE

13 – 20

34 868

12 337

22 531 (14 253)

 

 

 

 

 

CIN1/2/3 + CIC + CAE

6 – 9

 

 

 

Hypothèses utilisées dans le modèle : Efficacité vaccinale de 100%, durée de protection à vie, vaccination d'une cohorte de 370 000 filles de 14 ans, taux de couverture vaccinale de 100% pour le calcul des nombres de sujets nécessaires à vacciner et de 80% pour le calcul du nombre de cas évités par la vaccination

a nombres estimés en considérant la prévalence globale (mono- et co-infections) des HPV 6/11/16/18

b nombres estimés en considérant la prévalence des HPV 6/11/16/18 dans les mono-infections seulement

 

[VR1]Tous les chiffres suivant représentent la diminution des cas si l'on considère un taux de couverture de 100%.

Il faudrait donc soit modifier le taux de couverture cité, soit modifier les % de réduction (cf fichier excel ci-joint)

[VR2]% de 16.6% finalement utilisé dans le modèle => à discuter

 

D. Riethmuller, J-L. Prétet, F. Denis, F. Aubin, P. Pradat, C. Clavel, R. Dachez, J. Gondry, X. Carcopino, C. Mougin.