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2008 > Gynécologie > Cancer du col utérin  Telecharger le PDF

Ganglion sentinelle et carcinome intra-canalaire ?

P. Kadhel

Introduction

Le carcinome intracanalaire (CIC) ou canalaire in-situ (CCIS) est la prolifération de cellulaire maligne dont le point de départ se situe, le plus souvent, dans l’unité terminale ductulo-lobulaire mais qui peut provenir de n’importe quel point de l’arbre galactophorique.

Le CCIS peut se présenter sous la forme d'un placard induré ou d'un nodule mais, le plus souvent, il est infraclinique et découvert sous la forme d'un foyer de microcalcifications sur la mammographie. Le développement du dépistage par mammographie a abouti à une augmentation de la fréquence de détection de ce type de lésions parmi les cancers.

Aux Etats-Unis, cette augmentation est de plus de 500 % au cours des années 70 à 90 (Ernster et al. 1996). Une tendance à l'augmentation est aussi notée dans bon nombre de pays d'europe (Li et al 2005). Toujours au Etats-Unis, dans les années 90, l'incidence a augmenté de 110 % pour atteindre une incidence de près de 37 pour 100 000 femmes année au début des années 2000 contre un peu moins de 5 pour 100 000 au début des années 80. Cette augmentation étant surtout marquée chez les femmes de plus de 50 ans (Li et al. 2005).

Le diagnostic histologique de ces lésions est réalisé sur la pièce d'exérèse chirurgicale ou, au mieux, par biopsie percutanée radioguidée (SOR 2004). Implicitement, cette prolifération reste limitée à l’intérieur des canaux galactophoriques par la membrane basale. Les difficultés diagnostiques histologiques sont liées au diagnostic différentiel avec les hyperplasies atypiques, la détermination du grade histopronostique de la lésion et surtout de la détermination de la présence ou de l'absence des lésions de micro-infiltrations. Ces lésions de CCIS sont fréquemment décrites à partir de leur profil architectural. Cette description aboutit à une classification en 5 groupes (Leonard et al. 2004)

- Comedo

- Cribliforme

- Papillaire

- Solide

- Micropapillaire

Cependant une telle classification architecturale ne prend pas en compte des éléments pronostiques représentés par le grade nucléaire, la présence de nécrose et le degré de différentiation (Léonard et al. 2004). Ces derniers éléments ont donné lieu à de nombreuses classifications. On retiendra celle de Van Nuys qui fait référence depuis la conférence de consensus de Philadelphie en 1997 (Leonard et al. 2004).

Index de Van Nuys

 

1

2

3

Score Histologique

1

2

3

Score de taille tumorale

£ 10 mm

11 à 40 mm

> 40 mm

Score de marges saines

> 10 mm

1 à 9 mm

< 1 mm

trois groupes de patientes sont ainsi définis avec pour chacun d'eux un risque de récidive différent et une proposition thérapeutique adaptée :

- Score à 3 : pour lesquels on propose une tumorectomie simple

- Score de 4 à 7 : une reprise du lit tumoral peut être nécessaire avec irradiation sur le sein en cas de traitement conservateur

- score supérieur à 7 : pour lesquels une mammectomie avec éventuelle reconstruction immédiate est proposée

Si en théorie le caractère in-situ exclut la possibilité de métastase, la réalité est tout autre du fait de la possibilité de microinvasions. Celles-ci se définissent comme la présence d'une effraction de la membrane basale inférieure ou égale à 1mm. On parle alors de carcinome intracanalaire microinvasif (CICM) ou canalaire in-situ microinvasif (CCISM). Cette définition de "American Joint Committee on Cancer" a été retenue en 2003 et correspond au stade T1mic de la classification (Leonard et al. 2004). D'autres définitions ont été proposées par le passé, et entretiennent une certaine confusion dans les données de la littérature.

En retenant la séquence: proliférations bénignes; l’hyperplasie atypique; le CCIS et le cancer infiltrant; on peut considérer le CCIS comme le stade de développement le plus précoce du cancer du sein. Cependant cette relation n'est ni exclusive ni transitive. En effet, tous les cancers invasifs ne sont pas précédés par un CIC et à l’inverse, un CIC peut rester en l’état pendant de nombreuses années. Le jeune âge, le volume lésionnel important, une masse palpable, un nodule mammmographique, une maladie de Paget, un écoulement mammaire, le haut grade histologique, le type comédocarcinome, l'inflammation périductale sont des facteurs qui augmentent le risque de microinvasion (van Deurzen et al. 2007).

Le passage au stade micro invasif apparaît donc comme le départ de la situation métastatique et explique le risque d'atteinte ganglionnaire. Cette atteinte est estimée, dans la littérature à 1 % en cas de CCIS contre 5 à 10% en cas CCISM, lorsque la précédente définition du CCISM retenue actuellement est respectée (Le Bouëdec et al. 2005, leonard et al. 2004, de Mascarel et al. 2002; Ellis et al. 1999; Silver et Tavassoli 1998). Les facteurs de risque de l'atteinte axillaire sont en premier lieu la taille de la lésion à rapprocher du nombre de canaux atteints (Leonard el al. 2004). L'ASCO a proposé une limite à 5 cm pour le plus grand axe tumoral pour indiquer un curage axillaire pour les CCIS (Lyman et al. 2005). En second lieu le type histologique comedo et enfin la présence de nécrose (Leonard et al. 2004). Ces éléments sont de nature à guider l'indication d'exploration axillaire.

van Deurzen et al., en 2007, dans une revue de la littérature sur la technique du GS pratiqué en cas de CCIS retrouvait 4 % (91 cas) d'atteinte ganglionnaire, sur un total de 21 études qui regroupaient 2196 patientes (Van Deurzen et al.). Ces 21 études s'échelonnaient entre 2000 et 2006 et le pourcentage d'atteinte axillaire variait de 0 à 18 %. Sur les 91 cas d'atteintes axillaires, 21 ont eu un curage complémentaire et pour toutes les études où l'information était disponible (19 sur 21), le ou les ganglions sentinelles étaient les seuls qui présentaient un envahissement métastatique. De même, avec des recules variables, aucune lésion métastatique était mise en évidence (Van Deurzen et al.). A cette revue on peut ajouter la série de Le Bouëdec et al. qui retrouvait 4 cas soit 10 % d'envahissement sur une série de 40 explorations axillaires par ganglion sentinelle sur des lésions de CCISM. Ces 4 patientes ont bénéficié d'un curage et dans un seul cas un ganglion métastatique supplémentaire a été retrouvé (Le Bouëdec et al. 2006).

Si un tel tableau semble plaider en faveur de la pratique du ganglion sentinelle en cas de CCIS, il ne faut pas oublier que cette technique présente un certain nombre de point négatif. Dans une large étude multicentrique Wilke et al. rapportait :

- Une lymphorrhée dans 7,4 % des cas

- Un hématome dans 1,4 % des cas

- des infections locales dans 1 % des cas

Et à 6 mois:

- des paresthésies axillaires dans 8,6 % des cas

- une diminution de la mobilité du membre inférieur dans 3,8 % des cas

- un lymphœdème (modéré et limité) du bras dans 6,9 % des cas

Des réactions anaphylactiques étaient décrites dans 0,1 % des cas (Wilke et al. 2006).

En second lieu, la procédure histologique du ganglion sentinelle aboutit à une analyse extensive conventionnelle et immunohistochimique du ou des ganglions repérés. Une telle exploration augmente de façon importante la détection des atteintes axillaire en cas de CCIS. Ceci est particulièrement vrai pour les micrométastases dont la signification pronostique est débattue dans la situation de CCIS dans la mesure où on ne retrouve pas d'évolution significativement plus péjorative en cas d'identification de métastases par l'immunohistochimie seule (van Deurzen et al 2006, Le Bouëdec et al. 2007).

Ce point est d'autant plus problématique, qu'il a été évoquée mais non confirmée, la possibilité de faux positifs liés à la présence de cellules déplacées par la biopsie du site tumoral (van Deurzen et al 2006). Sur ce sujet de l'analyse histologique extensive du GS, on ne manquera pas de noter l'augmentation du travail anatomopathologique avec cette technique. Et par la même le coût financier de l'exploration axillaire par le GS en particulier avec l'utilisation du marquage radioisotopique (van Deurzen et al 2006). Cet aspect du problème n'est pas négligeable dans cette situation où, en définitif, l'exploration a plus de 80 % de chance d'être négative.

En troisième lieu, l'un des points critiques de la technique du GS correspond au pourcentage de faux négatifs. Le seuil acceptable communément retenu est 5 %. Dans une revue de la littérature sur la technique du GS, Takei et al. retrouvaient un pourcentage de récidives axillaires dans 0,1 à 3,6 % des 17 études (dont les effectifs étaient supérieurs à 100) qui rapportait ces évènements après exploration pour une tumeur infiltrante. La majorité des résultats (14 sur 17) étaient entre 0,1 et 1 % (Takei et al. 2007).

Si au plan individuel cette situation apparaît comme plus que regrettable, au plan statistique elle reste somme toute marginale. En prenant une estimation maximaliste de 20 % d'atteinte axillaire en cas de diagnostic de CCIS ou CCISM (Leonard et al. 2004) et de 3,6 de faux négatifs avec la technique du GS (Takei et al. 2007) ont fait le calcul de 0,72 % de situations théoriques de faux négatifs en cas de GS pour le CCIS tout venant. Cette proportion est au moins 2 fois moindre en cas de CCISM strictement défini, au moins 10 fois moindre en cas de CCIS sans micro invasion et encore moins si on envisage un taux de faux négatifs compris entre 0,1 et 1(cf supra).

Enfin, l'une des situations ou l'utilisation du ganglion sentinelle reste discutée à cause de son risque d'augmenter la proportion de défaut de détection et de faux négatif, est représentée par la biopsie chirurgicale préalable, or cette situation est fréquente en cas de CCIS (van Deurzen et al 2006).

En conclusion,

par ces différents aspects une proposition de GS systématique en cas de CCIS peut paraître excessive. Malgré le principe d'utilisation qui apparaît, somme toute, comme très séduisant, la technique du GS mérite que l'on définisse au mieux son utilisation en cas de CCIS. La conduite rationnelle qui est proposée actuellement est de réserver l'exploration axillaire par GS pour les situations ou les risques d'atteinte axillaire sont les plus élevées (van Deurzen et al 2006, Le Boeëdec et al; 2007), à savoir :

- pour les hauts grades histologiques

- pour les types comédocarcinomes

- Les lésions étendues (supérieurs à 4 ou 5 cm)

- pour une masse palpable ou un nodule mammographique

- si une indication de mastectomie est retenue

- et bien sûr, si une micro invasion est mise en évidence.

- A défaut de donnée complémentaire, cette approche sélective apparaît comme un compromis acceptable dans cette situation de CCIS.

 

Bibliographie

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http://www.fnclcc.fr/sor/SORSpecialistes/CancersAdulte/Sein/Sein-in-situ/APC_SEI_Sein-in-situ_int/html/pdf/APC_SEI_Sein-in-situ_plq.pdf.

 

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