Les XXIXe JTA
> Présentation
> Programme
> Comité scientifique
> Intervenants
> Contacter les JTA

En pratique
> S'inscrire
> Renseignements
> Vol et Hébergement
> Programme social
> Conference AMP Jean Cohen

Les archives
> Andrologie
> Biologie
> Gynécologie
> Infertilité
> Médecine foetale
> Néonatologie
> Nutrition
> Obstétrique
> Pédiatrie
> Périnatalité
> Périnéologie
> Phlébologie
> Psychosomatique

> Authors' race

Rechercher

2008 > Infertilité > Médecine de la reproduction  Telecharger le PDF

Embryon et cancers : que faut-il comprendre ?

T Anahory , D Dechaud , B Hedon , L Reyftmann, , F Pellestor et S. Hamamah

Embryon et cancers : que faut-il comprendre ?

Résumé

Ces derniers mois, plusieurs articles dans la presse française ont mis en cause non seulement la notion de 'l'exceptionalité' sur la recherche sur l'embryon obtenu lors d'une FIV mais également le dépistage via le DPI les prédispositions génétiques aux cancers. La nouvelle loi Bioéthique du 6 août 2004 dont la révision est pour 2009, prévoit que lorsqu’un couple ayant eu recours à une AMP n’a plus de projet parental, les embryons peuvent avec le consentement écrit du couple, non seulement faire l’objet d’un don à un autre couple ou d’une destruction comme le prévoyait les lois de 1994 mais aussi d’une recherche.

Ces recherches doivent d’une part, être susceptibles de permettre des progrès thérapeutiques majeurs, et d’autre part ne pas pouvoir être poursuivies par une méthode alternative d’efficacité comparable en l’état des connaissances scientifiques. Ces recherches ne peuvent être effectuées que sur des embryons conçus in vitro dans le cadre d’une AMP et sans projet parental.

La 'conception' in vitro d’embryons humain à des fins de recherche est donc formellement interdite (C. pén., art. 511-18). Ces recherches supposent qu’un protocole ait été autorisé par l’Agence de la biomédecine après avis en Conseil d’orientation. La décision d’autorisation est prise en fonction de la pertinence scientifique du projet de recherche, de ses conditions de mise en œuvre au regard des principes éthiques et de son intérêt pour la santé publique. Il est également précisé, que les embryons ayant fait l’objet d’une recherche ne pourront pas être transférés à des fins de gestation.

Ces prises de positions publiées ces derniers semaines par des personnalités respectables ne doivent surtout pas nous faire oublier l’enjeu central du DPI et des cellules souches embryonnaires humaines pour l’homme du XXIème siècle. Cette nouvelle médecine a pour ambition d'aider des couples dans leur choix légitime pour avoir un enfant indemne pour la maladie recherchée.

Toucher à l'embryon est ce une transgression ?

1 - Article 16.4 du code civil français : il prohibe toute « atteinte à l’intégrité de l’espèce humaine

2 - Article L 2141.8 du Code de la santé publique : il prohibe clairement toute expérimentation sur l’embryon et interdit également la conception in vitro d’embryons à des fins d’études, de recherche ou d’expérimentation. Il permet que soient menées, à titre exceptionnel, des études sur les embryons à la condition que celles-ci aient une finalité médicale et qu’elles ne portent pas atteinte à l’embryon, sous réserve du consentement écrit des géniteurs.

3 - La Convention d’Oviedo de 1997 : Cette Convention pourrait être contraignante si la France la ratifiait

Article 18 : « Lorsque la recherche sur les embryons in vitro est admise par la loi, celle-ci assure une protection adéquate de l’embryon. » Il appartient à chaque pays d’autoriser ou non la recherche sur les embryons.

4 - La Charte des droits fondamentaux de 2000 : Elle interdit différents types de pratiques pouvant avoir un lien avec la recherche sur l’embryon, à savoir « les pratiques eugéniques, notamment celles qui ont pour but la sélection des personnes » et le « clonage reproductif des êtres humains ».

5 - Les avis du Groupe européen d’éthique (GEE) :

Avis du 23 novembre 1998 : « l’embryon humain…mérite la protection de la loi. Alors même qu’il existe un continuum de la vie humaine, cette protection doit être renforcée au fur et à mesure du développement de l’embryon et du fœtus ».

« Le groupe estime conforme à l’éthique… de ne pas exclure, a priori, des financements communautaires, les recherches sur l’embryon humain » en raison des divergences étatiques sur le sujet.

Avis du 14 novembre 2000 : « Il appartient à chaque Etat membre d’interdire ou d’autoriser les recherches sur l’embryon. Le respect de la dignité humaine implique que l’on réglemente les recherches et que l’on prévoit des garanties contre les risques d’expérimentation arbitraire et d’instrumentalisation de l’être humain. »

6 - La nouvelle loi Bioéthique du 6 août 2004 réalise une avancée considérable en ce qu’elle autorise, aux nouveaux articles L. 2151-1 à L. 2153-2 du CSP, les recherches sur l’embryon. Est ainsi créé un titre V dans le livre 1er de la 2ème partie du CSP intitulé « Recherche sur l’embryon et les cellules embryonnaires ».

Il prévoit que lorsqu’un couple ayant eu recours à une AMP n’a plus de projet parental, les embryons peuvent avec le consentement écrit du couple, non seulement faire l’objet d’un don à un autre couple ou d’une destruction comme le prévoyait les lois de 1994 mais aussi d’une recherche.

L’admission des recherches sur l’embryon est toutefois strictement encadrée par la l’article L. 2151-3 du CSP. Ces recherches sont en effet envisagées de manière exceptionnelle, l’alinéa 1er du texte posant le principe de l’interdiction des recherches sur l’embryon. En outre, ce texte présente un caractère expérimental en ce sens que son application devrait être limitée à une durée de 5 ans.

Cette période transitoire a été justifiée par l’idée que durant celle-ci, il sera possible de vérifier si l’utilisation de cellules souches adultes rend inutile le recours à l’embryon. En réalité, il s’agit d’une première mise en forme rassurante de la transgression qui ne saurait faire illusion.

Ces recherches doivent être autorisées et présenter un double caractère : elles doivent d’une part, être susceptibles de permettre des progrès thérapeutiques majeurs, et d’autre part ne pas pouvoir être poursuivies par une méthode alternative d’efficacité comparable en l’état des connaissances scientifiques.

Ces recherches ne peuvent être effectuées que sur des embryons « orphelins », conçus in vitro dans le cadre d’une AMP et sans projet parental. La « conception in vitro d’embryons (…) humain à des fins de recherche » est donc formellement interdite (C. pén., art. 511-18). On notera que la loi semble avoir omis de prohiber la conception d’embryon, y compris par clonage, à des fins d’études ne lui portant pas atteinte.

Elles sont soumises au consentement du couple formulé par écrit, qui doit être confirmé à l’issue d’un délai de réflexion de 3 mois et qui est révocable à tout moment, sans motif. Enfin, elles supposent qu’un protocole ait été autorisé par l’Agence de la biomédecine (ABM) après avis en Conseil d’orientation. La décision d’autorisation est prise en fonction de la pertinence scientifique du projet de recherche, de ses conditions de mise en œuvre au regard des principes éthiques et de son intérêt pour la santé publique. Est également précisé, que les embryons ayant fait l’objet d’une recherche ne pourront pas être transférés à des fins de gestation.

L’études de l’embryon humain (à la différence de la recherche qui voue l’embryon à la destruction, « l’étude » ne porte pas atteinte à l’intégrité de l’embryon). Elles sont permises à titre exceptionnel. Le consentement du couple doit être confirmé après un délai de réflexion de 3 mois. Les études ne doivent pas porter atteinte à l’embryon. Pour les autres conditions, le législateur opère un renvoi aux dispositions aux alinéas 4,5,6 et 7 qui intéressent les recherches sur l’embryon et les cellules embryonnaires.

Or, le 4ème al. vise les embryons qui ne font plus l’objet d’un projet parental et le 7ème interdit le transfert des embryons in utero après recherche. Incohérence dans la rédaction du texte, regrettable. Comment concilier d’une part l’idée que l’étude ne doit pas porter atteinte à l’embryon et d’autre part que celui-ci ne doit plus être inscrit dans un projet parental ni être implanté après étude ?

Le législateur a donc pris le parti de déroger au principe d’interdiction des recherches sur l’embryon humain. Il s’agit là d’une nouvelle transgression du principe de la protection de la vie humaine dès le commencement de la vie humaine. Dès lors que la finalité de l’expérimentation n’est l’intérêt de l’embryon, ni la protection d’un droit fondamental d’un tiers identifié et dont la défense serait incompatible avec celle d’un embryon, il ne s’agit finalement que de concilier la protection de l’embryon avec un intérêt collectif. Or, la mise en œuvre du principe de la dignité de l’embryon induit l’impossibilité qu’il puisse céder le pas devant des intérêts collectifs.

La loi de 2004 est certes qualifiée de bioéthique, mais après examen, l'éthique de la vie dont s'est inspiré le législateur y est bien moins manifeste qu'en 1994, à moins qu'il ne s'agisse d'une « éthique de la transgression ».

Quoi qu'il en soit, il apparaît clairement que la question, face à cette loi, n'est plus de savoir si elle avalise une régression de la protection de l'être humain mais de rechercher comment et au bénéfice de quoi s'organise cette régression, et ce qu'il reste à l'Homme comme protection.

Parmi les dispositions de loi, celles qui semble consacrer cette régression :

- L’introduction d’une notion selon laquelle « la dignité de l’embryon humain serait fonction du projet parental dont il est porteur » ; la dignité de l’embryon in vitro et donc la possibilité de l’introduire dans un protocole de recherche serait donc fonction du projet parental dont il est porteur. », La France s’est prononcée de facto pour la réification de l’embryon humain in vitro. En effet, le principe fondateur suivant lequel "La loi garantit le respect de l’être humain dès le commencement de sa vie" (article 16 du code civil) peut-il, sans s'effondrer, supporter de dérogation ?

DPI et prédisposions génétiques aux cancers

Comme nous l’avons vu, les lois relatives à la bioéthique de 1994, 2004 encadrent les indications du DPI ainsi que les conditions de mise en œuvre. C'est ainsi, 3 centres en France (Montpellier, Paris et Strasbourg) sont autorisés à pratiquer le DPI pour des maladies génétiques d'une particulier gravité, incurable au moment du diagnostique. Il est de la responsabilité des praticiens des CPDPN dans le cadre du DPI d'attester la gravité et l'incurabilité de la pathologie recherchée. Le DPI consiste à étudier le contenu génétique d’embryons humains.

Il est le résultat de la pratique de la fécondation in vitro avec micro-injection et du développement des techniques de cytogénétique moléculaire et de biologie moléculaire. Il permet une analyse génétique sur une ou deux cellules prélevées sur un embryon et ne transférer in utero que du ou des embryons sains pour la maladie recherchée ou porteurs sains. Cette approche concerne les couples ayant un risque connu de transmettre une maladie grave et incurable.

Les couples concernés par le DPI ont une histoire difficile avec de nombreuses interruptions médicales de grossesse suite à l’analyse de trophoblaste ou amniocentèse dans le cadre du diagnostic anténatal et ou un ou plusieurs enfants gravement atteints ou décédés. D’où l’intérêt de DPI qui permet non seulement d’éviter une interruption médicale de grossesse, mais également d’avoir un enfant indemne de l’affection. Le DPI ne concerne que les couples ayant une probabilité élevée d'avoir un enfant atteint d'une maladie génétique dont les caractéristiques moléculaires ou chromosomiques ont été identifiées.

La prise en charge d’un couple en vue d’un DPI se plie aux règles habituelles des couples infertiles mais, est soumise à quelques contraintes d’ordre technique.

La performance de la fécondation in vitro avec ICSI est primordiale à double titre: (i) elle permettra la naissance d’un enfant sain dans une famille le plus souvent déjà blessée par une parentalité douloureuse; et (ii) elle s’adresse à des couples fertiles qui ont déjà obtenus des grossesses spontanément. Ces couples sont transposés dans un univers qui leur est inconnu et qu’ils n’imaginaient pas aussi complexe et incertain. Le screening des patients doit être sérié afin d’éviter de les entraîner dans des procédures compliquées qui n’aboutiraient pas de façon prévisible. Il est à signaler que le nombre d'embryons non atteints est de 75% dans les maladies récessives, 50% dans les maladies dominantes ce qui est de la plupart des prédispositions aux cancers.

Depuis une vingtaine d'année, de gènes ont été mis en évidence pour être impliqués dans une cinquantaine de prédisposition génétiques aux cancers. Certaine de prédisposition confèrent un risque important de développer un cancer grave dans l'enfance ou en âge adulte (ex: cancer du sein, risque de sarcome, tumeur cérébrale..) et d'autres un risque modérée mais non négligeable comme le risque de mélanome. Il s'agit donc de prédispositions de mode de transmission mendélien conduisant à un risque de cancer qui constituent une maladie génétique.

La majorité des prédispositions connues obéissent à un mode de transmission dominant: l'un des deux parents est porteur et a été atteint d'un cancer ou ayant un risque élevé de l'être et le risque de transmettre la prédisposition est de 50% à chacun des enfants. L'identification préalable de la mutation responsable chez un membre atteint dans la famille est indispensable pour la faisabilité d'un DPI. Il peut y avoir une néomutation survenue chez un enfant atteint alors que aucun parent n'est porteur.

Il existe une grande diversité des prédispositions génétiques (gravité et incurabilité) aux cancers transmises selon un mode mendélien. Dans certains cas, la variabilité des risques est liée à des facteurs non génétiques et/ou des facteurs génétiques non idenfiés : des prédispositions aux cancers du sein et de l'ovaire liées aux mutations des gènes BRCA1 ou BRCA2.

Aux Etats-unis d'Amérique, certaine maladie prédisposant aux cancers ont déjà bénéficié d'un DPI: Faconie, neurofibromatose de type 1, tubéreuse de Bourneville. Il est en de même pour les prédispositions aux cancers de l'enfant ou du jeune adulte: rétinoblastome, von Hippel Lindau (VHL), neurofibromatose de type 2, polypose adénomateuse familiale (PAF). Pour les cancers du sein et de l'ovaire et mutations BRCA1/2, aucun DPI n'a été relaté dans la presse scientifique. Cependant, On estime une douzaine de DPI ont été réalises pour les prédispositions aux cancers d el'adultes (BRCA1/2, syndrome de Lynch). Le New York Times du 3 Septembre 2006 rapporte la naissance d'un enfant via le DPI pour une prédisposition ai cancer du côlon.

En France, en 2007, 2 enfants sont nés indemnes de maladies de VHL, 3 de PAF et 1 de sclérose tubéreuse de Bourneville. 22 cycles de DPI ont été réalisées en France entre 2000-2006.

Conclusions

L'Homme depuis recherche son équilibre, entre obéissance et révolte, soumission à Dieu et concurrence. Le débat bioéthique se pose aujourd'hui dans les mêmes termes, dans son prolongement même : l'Homme doit-il user de sa liberté pour goûter une fois de plus à la connaissance ? Est-il capable de distinguer, dans cette soif de connaissances, celles qui ne sont désirées que pour elles-mêmes, et celles qui sont recherchées pour le bien de l’homme ?

Est-il capable d'admettre que d'un mal ne peut procéder un bien ?

La Science, par ses développements récents, a fait passer l'Homme du statut de finalité à celui d'objet de connaissance, et de moyen de pouvoir. Les expériences récentes de totalitarismes scientifiques en témoignent, elles sont d'ailleurs le facteur déclencheur de la réflexion bioéthique contemporaine.

 

 

 

 

 

Département de Médecine et biologie de la Reproduction INSERM U847, Hôpital Arnaud de Villeneuve, 34295 Montpellier