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2008 > Néonatologie > Nutrition  Telecharger le PDF

Bonne ou mauvaise utilisation des hydrolysats de protéines en néonatalogie : résultats d’une enquête nationale

A. Lapillonne , E. Kermorvant-Duchemin et A. Genot

Introduction

Les premières préparations pour alimentation infantile à base d’hydrolysats de protéines sont apparus il y a plus de 50 ans. Elles ont une composition réglementée (1) et se caractérisent par une hydrolyse enzymatique poussée des protéines dont la source est habituellement le lait de vache (caséine-lactosérum) et, pour une préparation, le collagène de porc et un isolat de soja. L'hydrolyse des protéines permet d'obtenir des petits peptides d'un poids moléculaires compris entre 1 500 et 5 000 daltons ainsi que des acides aminés libres, ce qui confère à ces préparations infantiles des propriétés anallergéniques. Pour la plupart, elles renferment 50 % des lipides totaux sous forme de TCM ; elles sont enrichis en huile végétale afin d'assurer un apport correct en acides gras essentiels mais ne contiennent pas d’acides gras polyinsaturés à longue chaîne tels que l’acide docosahexaénoïque et l’acide arachidonique.

Il n'y a ni saccharose ni lactose et le sucrage est constitué par des dextrines-maltose et des polymères de glucose. Ces préparations sont généralement conseillées lors d'allergie aux protéines de lait de vache (PLV), dans les syndromes de malabsorption-maldigestion intestinale (mucoviscidose, cholestases chroniques etc), les diarrhées graves et/ou prolongées, ou lors de résections intestinales (2, 3). Les indications des hydrolysats extensifs de protéines ont été précisées dans un communiqué de la Direction Générale de la Santé (DGS) et de la Direction de la Sécurité Sociale (DSS) en date du 23 décembre 2004 (4).

L’utilisation des hydrolysats de protéines dans les services de néonatologie est habituelle sans que l’on connaisse avec certitude la fréquence d’utilisation et les indications de ces préparations. Le questionnement sur l’utilité de ce type de préparations dans les services de néonatologie a été posé au cours des Journées Nationales de Néonatologie de 2006 (5).

Pour ces raisons, le Groupe d’Etude en Néonatologie d’Ile-de-France (GEN-IF) a proposé de réaliser une enquête nationale afin d’évaluer les pratiques concernant l’utilisation des hydrolysats de protéines dans les services de réanimation et médecine néonatale en France. L’objectif de cette enquête était d’évaluer la fréquence d’utilisation et les indications des hydrolysats de protéines dans les services de réanimation pédiatrique et/ou néonatale et les services de néonatologie français.

Matériels et méthodes

L’enquête de pratique a eu recours à un questionnaire à réponses fermées afin de limiter la variabilité des réponses et diminuer le nombre de réponses incomplètes. Le questionnaire a été élaboré puis validé en interne par les médecins des services de néonatologie de l’hôpital Saint-Vincent de Paul, Paris et de la Clinique Médico-Chirurgicale de Parly 2, Le Chesnay. Afin de limiter le taux de non-réponses, le questionnaire a été construit de manière à être rempli en moins de 15 minutes sans avoir recours à des données difficilement disponibles.

La liste des services de réanimation pédiatrique et néonatale et des services de néonatologie de niveau IIA et IIB de France métropolitaine et des DOM-TOM a été établi à partir du croisement des listes de la Fédération Nationale des Pédiatres Néonatologistes, du Groupe Francophone de Réanimation et d’Urgences Pédiatriques, des DRASS de France toutes contactées individuellement, du Ministère de la Santé et de l’annuaire POLITIâ. Le questionnaire, accompagné d’une lettre explicative et d’une enveloppe-réponse, a été envoyé par courrier le 24 décembre 2006 à tous les chefs de service et un rappel a été adressé le 15 février 2007. Tous les questionnaires reçus avant le 20 avril 2007 ont été inclus.

Pour l’ensemble du questionnaire, le terme « hydrolysat de protéines » était réservé aux formes extensivement hydrolysées (Alfaréâ, Allernovaâ, Galliagene Progressâ, Peptijuniorâ, Pregestimilâ, Pregomineâ, Nutramigenâ) prescrites dans les services de néonatologie. Les prescriptions en maternité et/ou consultation étaient donc exclues de l’enquête.

Pour estimer la fréquence d’utilisation des hydrolysats de protéines dans les services de néonatologie français, il a été demandé à la personne ayant rempli le questionnaire de dénombrer, parmi l’ensemble des enfants hospitalisés, le nombre d’enfants recevant un hydrolysat de protéines le jour de réponse au questionnaire et de préciser, pour chacune des prescriptions, l’indication principale.

Statistiques :

Les données ont été analysées à l’aide du logiciel Minitab 13.3 (Minitab Inc., State College, PA, USA).Seules les réponses données par les services de néonatologie utilisant un hdrolysat de protéines ont été incluses dans l’analyse statistique. Les comparaisons entre les résultats concernant les services de réanimation et les services de néonatologie ont été réalisées à l'aide du test Chi-2. Une probabilité de 0,05 a été retenue comme statistiquement significative.

Résultats

Taux de réponses et représentativité :

Le questionnaire a été adressé à 296 services de réanimation et service de médecine néonatale. Le nombre de service de réanimation pédiatrique et/ou néonatale prenant en charge les nouveau-nés était de 66, le nombre de service de néonatologie de niveau II inventoriés était de 230.

Cent soixante quatorze (58,8%) réponses ont été obtenues avec un taux de réponses similaires (p=0.364) entre les services de réanimation (n=42/66; 64%) et les services de néonatologie de niveau II (n=132/230 ; 57%).

Les services totalisent 2 905 lits dont 441 lits de réanimation, 724 lits de soins intensifs, 1463 lits de néonatologie, et 277 lits mère-enfant. Vingt-quatre unités n’ont pas communiqué leur nombre d’admission annuel. Les 150 unités ayant précisé leur nombre d’admissions annuelles ont déclarées 61 578 admissions par an, dont 28 029 (45%) prématurés d’âge gestationnel < 37 semaines d’aménorrhée (SA), et 2 294 (3.7%) prématurés d’âge gestationnel £ 28 SA.

Au total, sur les 174 services ayant répondu, 158 utilisent un hydrolysat de protéine (90%). Les analyses statistiques ci-dessous ont été réalisées sur les réponses données par ces 158 services uniquement.

Fréquence d’utilisation un jour donné :

Deux cent vingt et un des 1 969 enfants hospitalisés dans les services de néonatologie le jour de réponse au questionnaire recevaient un hydrolysat de protéines. La fréquence globale d’utilisation estimée est de 11,2%. Il existait une différence significative d’utilisation entre les types de service (p<0,0001) puisque 8,5% (89/1045) des enfants des services de réanimation, 15,8% (91/577) des enfants des services de niveau IIb et 10,4% (36/347) des enfants des services de niveau IIa recevaient un hydrolysat de protéines.

Indications des hydrolysats de protéines :

Les indications de l’utilisation de l’hydrolysat de protéines sont rapportées dans le tableau I. Les indications étaient différentes entre les différents types de services. En particulier l’utilisation d’un hydrolysat de protéines était plus fréquent pour la prévention des troubles digestifs des enfants de faible poids de naissance dans les services de niveau IIb (42/91 = 46,2% des indications) que dans les services de niveau III (33/89 = 37% des indications) ou IIa (9/36 = 25% des indications). A l’inverse, les hydrolysats de protéines dans la réalimentation des entérocolites ulcéronécrosantes représentaient une proportion plus importantes des prescriptions d’hydrolysats dans les services de réanimation (15 :89 = 17%) que dans les services de niveau IIb (9/91 = 9,9%) ou IIa (0/36 = 0%).

Discussion :

Notre étude dresse, pour la première fois, un état des lieux de l’utilisation des hydrolysats de protéines dans les services de réanimation et de néonatologie français. Cette étude est particulièrement représentative pour les services de réanimation pédiatrique et/ou néonatale car le taux de réponse est de 64%. Il est difficile de déterminer parfaitement la représentativité de cette étude pour les services de néonatologie de niveau II car il n’y existe pas de registre national précis des services de néonatologie.

Nous avons pu dresser une liste probablement exhaustive à partir du croisement de plusieurs listes de sociétés savantes mais surtout en contactant individuellement toutes les DRASS de France sans avoir la certitude toutefois que les services identifiés était réellement ouverts pendant la période de l’enquête.

Nous avons pu dénombrer au total 230 services de néonatologie, mais il n’a pas été possible de distinguer les services de néonatologie de niveau IIA et IIB. Malgré ces écueils, la représentativité concernant l’ensemble des services de néonatologie de niveau II est bonne puisqu’elle est de 57%.

La fréquence estimée de l’utilisation des hydrolysats de protéines est de 11,2% des enfants hospitalisés en néonatologie. Il est notable que les services de néonatologie de niveaux IIb utilisent significativement plus fréquemment les hydrolysats de protéines que les services de niveaux IIa ou les réanimations. Cette observation peut s’expliquer par des indications différentes entre les niveaux de soins. Par exemple, la prévention des troubles digestifs de l’enfant de faible poids naissance représente une proportion plus importante de prescriptions d’hydrolysats de protéines dans les services de niveau IIb que dans les autres services. Cette observation peut témoigner d’un certain désir de précaution vis à vis des enfants de faible poids de naissance dans ces unités.

Les indications des hydrolysats extensifs de protéines ont été précisées dans un communiqué de la Direction Générale de la Santé (DGS) et de la Direction de la Sécurité Sociale (DSS) en date du 23 décembre 2004 (4).

Les indications principales sont au nombre de trois :

les troubles de la digestion/absorption (entérocolites néo-natales, grêle court, mucoviscidose, cholestase…),

l’allergie aux protéines du lait de vache et

les diarrhées persistantes/récidivantes chez le nourrisson de moins de 3-4 mois.

Il est également précisé que chez le nouveau-né ou le prématuré eutrophique et en bonne santé, il n’y a pas, a priori, d’indication à utiliser un hydrolysat de protéines, sauf parfois en cas de nécessité de biberon de complément chez un enfant à risque élevé d’allergie (dont le père, la mère, un frère ou une soeur présente une allergie avérée).

Notre étude montre que dans 16,7% des cas (indications pour réalimentation après entérocolite, chirurgie digestive, antécédents d’allergie et cholestase), les indications sont conforme aux recommandations, auxquelles on peut associer les 15,7% des cas pour lesquels un hydrolysat a été utilisé dans la prise en charge de trouble digestifs. On peut donc ainsi estimer qu’un tiers environ des indications des hydrolysats de protéines sont conformes aux recommandations françaises. Enfin, il est intéressant de noter que l’indication d’un hydrolysat de protéines dans la prévention de l’allergie est très rare dans les services de néonatologie alors que ce risque n’est pas totalement absent chez le nouveau-né prématuré (6).

Au total les résultats de notre étude montrent que les services de réanimation et de néonatologie utilisent largement les hydrolysats de protéines puisque environ 10% des enfants hospitalisés reçoivent ce type de préparation mais que dans deux tiers des cas, les indications ne correspondent pas exactement aux recommandations récentes. En raison d’une formulation inadéquate pour assurer la couverture des besoins des enfants nés prématurés (7), il est nécessaire de bien poser les indications des hydrolysats dans la prise en charge nutritionnelle et digestive des enfants de faible poids de naissance.

Remerciements : Les auteurs remercient Roger Buissonnière, Laurent Dutercq et Monique Sacher pour leur aide dans la réalisation de ce travail et l’ensemble des services de néonatologie français.

Bibliographie

1) Koletzko B, Baker S, Cleghorn G, Neto UF, Gopalan S, Hernell O, Hock QS, Jirapinyo P, Lonnerdal b, Pencharz P, Pzyrembel H, Ramirez-Mayans J, Shamir R, Turck D, Yamashiro Y, Zong-Yi D. Global standard for the composition of infant formula : Recommendations of an ESPGHAN Coordinated International Expert Group. J Pediatr Gastroenterol Nutr 2005; 41: 578-9

2) Comité de nutrition de la Société française de pédiatrie. Traitement nutritionnel des diarrhées aiguës du nourrisson et du jeune enfant. Arch Pédiatr 2002 ; 9 : 610-9.

3) Comité de nutrition de la Société française de pédiatrie. Utilisation des formules à charge antigénique réduite. Arch Pédiatr 2000 ; 7 : 320-6.

4) Putet G, Turck D. Hydrolysats de protéines, Informations et recommandations. Communiqué de la Direction générale de la Santé (DGS)et de la Direction de la sécurité sociale (DSS), 23 décembre 2004. URL: http://www.sante.gouv.fr/htm/actu/31_041223b.htm

5) Hays S. Utilisation des hydrolysats de protéines en néonatologie: Traitement futile ? Progrès en Néonatologie, XXXVIèmes Journées Nationales de Néonatologie, 2006 : Volume 26 :pp 193-205

6) Foucaud F. Is there any role for protein hydrolysates to premature newborns? Acta Paediatrica, 2005;94:20-22

7) Zuppa AA, Visintini F, Cota F, Maggio L, Romagnoli C, Tortorolo G. Hydrolysed milk in preterm infants: an open problem. Acta Paediatr Suppl. 2005;94:84-6.

 

Tableau I : Indications des hydrolysats de protéines dans les réanimations et services de néonatologie français.

La fréquence d’utilisation est rapportée en pourcentage des deux cent vingt et un enfants recevant un hydrolysat de protéines le jour de réponse au questionnaire.

Indications

n ( % )

Réalimentation d’un entérocolite ulcéronécrosante ou après chirurgie digestive

34 (13,4%)

Prévention des troubles digestifs chez l’enfant de faible poids de naissance

84 (38.9%)

Antécédents familiaux d’allergie

2 (0,9%)

Traitement de troubles digestifs (évocateurs d’APLV, diarrhée, rectorragies)

34 (15,7%)

Complément de l’allaitement maternel

47 (21,8%)

Prise en charge d’une souffrance fœtale

7 (3,2%)

Autres

(cholestase = 1, protocoles de recherche = 2, hypoglycémie = 3,

malaise = 1, maladie métabolique = 1, non précisé = 5)

13 (6%)

1 Service de réanimation, néonatologie et nutrition, hôpital Saint Vincent de Paul, 84 avenues Denfert Rochereau, 75014 Paris email : alexandre.lapillonne@svp.aphp.fr
2 Service de néonatologie, Clinique Médico-Chirurgicale de Parly 2, Le Chesnay