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2008 > Gynécologie > cancers gynécologiques  Telecharger le PDF

Prise en charge des patientes ayant une mutation BRCA

C Uzan et S Delaloge

Prise en charge des patientes ayant une mutation BRCA

 

Avant l'accés à cet article, nous vous proposons des QCM de préévaluation. La post évaluation est en fin d'article

Introduction

 

Environ 5 à 10% des cancers du sein et 10% des cancers de l’ovaire sont incriminables à une prédisposition génétique. Parmi ceux-ci, 40% sont liés à des mutations des gènes BRCA1 et BRCA2. Bien que la demande de recherche de mutation par les patientes soit croissante, ce test doit continuer à être cibler et il faut connaître les conditions requises pour adresser une patiente en consultation oncogénétique.

Lorsque une mutation est diagnostiquée, le clinicien doit pouvoir clairement expliquer à la patiente quels sont les risques de cancer associé et quels sont les implications pour sa descendance et sa famille proche.

Le suivi des patientes chez qui une mutation a été retrouvée doit être strict, et utiliser les moyens diagnostiques radiologiques les plus sensibles.

 

Principes généraux de la prédisposition au cancer du sein

On distingue la prédisposition génétique qui est monogénique, autosomique dominant avec une forte pénétrance (4-5% des cancers du sein), de la susceptibilité génétique qui est multigénique et de faible pénétrance (15% des cancers du sein). Lorsqu’il y a prédisposition génétique, tout apparenté au premier degré a 50% de risque d’être porteur. Le gène BRCA1 est impliqué dans 2,5% des cancers du sein, BRCA2 dans 2%, p53 dans moins de 0,5% et d’autres gènes comme CHK2, ATM ou PTEN sont rarement impliqués. Cependant, dans un certain nombre de familles à prédisposition, aucun de ces gènes n’est retrouvé muté et il existe probablement d’autres gènes responsables à identifier. Bien que suspecté, un probable gène BRCA3 n’a pu encore être clairement localisé. L’identification de ces autres gènes responsables est délicate du fait d’une moindre pénétrance et prévalence que BRCA, et qu’ils sont probablement impliqués dans des modèles multigéniques .

BRCA1 et 2 sont des gènes suppresseurs de tumeur, leur inactivation est source d’« erreurs » génétiques qui en s’accumulant provoquent une instabilité génétique. Ils codent pour de volumineuses protéines essentiellement localisées dans le noyau et qui sont impliquées dans la réparation de l’ADN, dans la régulation de la transcription génique et dans le contrôle du cycle cellulaire.

La prévalence de mutation germinale de BRCA1 ou 2 dans la population générale est de 0,1-0,2% mais ce taux est beaucoup plus élevé dans certains groupes ethniques (2,5% dans la population juive Ashkenaze).

Les études épidémiologiques initiales basées sur l’étude de familles avec au moins 4 cancers du sein ou de l’ovaire retrouvaient un risque cumulé de cancer du sein de plus de 87% à l’âge de 70 ans en cas de mutation BRCA1. Ce risque était comparable pour BRCA2 avec un taux plus bas pour les plus jeunes âges (28% de risque cumulé de cancer du sein pour BRCA2 contre 50% pour BRCA1 à 50 ans) (1). Les risques de cancers de l’ovaire étaient estimés à 40% en cas de mutation BRCA1 et 20% pour BRCA2. Toutefois les taux de cancers du sein sont plus bas lorsqu’on part de cas de patientes mutées non sélectionnées sur leur histoire familiale. Une méta-analyse de 2003 regroupant 22 études de cas de patientes mutées non sélectionnés par l’histoire familiale retrouvait un risque cumulé de cancer du sein et de l’ovaire de 65 et 39% à 70 ans (45 et 11% pour BRCA2) (2). BRCA1 augmente tout particulièrement le risque de cancer du sein de la femme jeune et le risque de développer un cancer du sein controlatéral est de 40% dans les 10 ans suivant le diagnostic initial.

Caractéristiques des cancers chez les patientes porteuses d’une mutation BRCA

Les cancers du sein BRCA1 sont le plus souvent des carcinomes canalaires infiltrants de haut grade , non hormono-sensibles (80-85% de RH-) et HER2 négatifs (3). L’âge médian de survenue est de 42-45 ans. Dans 10% des cas, il s’agit de cancers médullaires.

Les cancers du sein BRCA2 sont le plus souvent des carcinomes canalaires infiltrants de grade intermédiaire ou élevé, RH+ et HER2 négatifs (3).

Les cancers de l’ovaire BRCA1 sont le plus souvent des carcinomes séreux papillaires, de mêmes que les cancers primitifs de la trompe ou du péritoine.

La consultation d’oncogénétique

Les indications de consultation d’oncogénétique sont les suivantes :

- 3 cancers du sein et/ou de l’ovaire au 1 ou 2ième degré dans la même branche parentale

- 2 cancers du sein et/ou de l’ovaire au 1ier degré (ou 2ième degré si branche paternelle) avec un cas à moins de 40 ans ou cancer du sein bilatéral

- 2 cancers de l’ovaire au 1ier degré (ou 2ième degré si branche paternelle)

- cancer du sein ET cancer de l’ovaire chez une même patiente, cancer du sein chez l’homme, cancer du sein avant 35 ans

La recherche doit être réalisée chez la patiente atteinte, vivante et la plus susceptible d’être atteinte d’un cancer non sporadique.

L’encadrement légal de cette recherche est très strict, elle ne peut être réalisée que dans 20 laboratoires en France après une consultation d’oncogénétique et la signature d’un consentement. Elle est faite sur une prise de sang et consiste en un séquençage complet des gènes BRCA1 et 2, ainsi qu’en une recherche de réarrangements complexes.

Le rendu des résultats doit être obligatoirement fait par un généticien oralement et par écrit. Si le prélèvement est positif, un second prélèvement de vérification doit être réalisé et son résultat est donné lors d’une nouvelle consultation après un délai de réflexion. Ce résultat est donné à la patiente chez qui le prélèvement a été réalisé et on doit l’encourager à en parler au reste de la famille. Une prise en charge psychologique doit être proposée. On peut tester les apparentés non atteints qui le souhaitent après une consultation d’information. Deux prélèvements à distance sont réalisés avec un délai de réflexion de 4 à 8 semaines et une proposition de suivi psychologique.

Pronostic des cancers BRCA

Les données de la littérature concernant le pronostic des cancers du sein BRCA1 sont conflictuelles, pour certains la survie est diminuée chez les patientes BRCA1 par rapport aux cas sporadiques, pour d’autres le pronostic est le même. Dans une revue de la littérature parue en 2007, Liebens et al (4) reprenaient 20 études concernant les traitements conservateurs de cancer du sein : en cas de mutation BRCA, le taux de récidive locale était augmenté dans 5 études sur 17, la survie était diminuée dans 4 études sur 14 et le taux de récidive controlatérale était augmenté dans 14 études sur 16. Il semble donc, qu’à caractéristiques égales de cancer du sein, le pronostic soit le même (en sachant que les cancers RH-, HER2- ou triple négatifs sont de toute façon plus agressifs), sauf pour les récidives contro-latérales qui sont plus fréquentes en cas de mutation BRCA. Il semble qu’il s’agisse de cancers le plus souvent très chimio-sensibles. En phase métastatique, les métastases cérébrales sont plus fréquentes (65% des cas).

Le pronostic dépend de la précocité de la prise en charge, ce qui justifie des mesures de dépistage renforcées.

Dépistage des patientes BRCA

Le tableau 1 résume la surveillance qui est actuellement proposé aux patientes BRCA à l’Institut Gustave Roussy.

Tableau 1

Mesures

Fréquence

Âge de début

Examen clinique

2-3 fois / an

25 ans

Mammographie

1 / an

30 ans (ou 5 ans avant l’âge au diagnostic le plus précoce)

Echographie mammaire

1-2 / an

25-30 ans (ou 5 ans avant l’âge au diagnostic le plus précoce)

IRM mammaire (en cours d’évaluation)

1/ an

30 ans

Examen clinique pelvien

1 / an

35 ans

Echographie pelvienne endovaginale avec doppler

2 /an

35 ans

CA125

1-2 /an

35 ans ?

 

La mammographie a ses limites dans le cadre du dépistage des cancers du sein BRCA. En effet, il a été observé 60% de cancer d’intervalle (entre deux mammographies) chez les patientes BRCA. De plus, 40% de ces cancers surviennent avant 40 ans chez des patientes qui ont donc des seins denses difficilement analysables par mammographie.

Plusieurs études ont évalué l’IRM dans cette indication : sa sensibilité varie de 77 à 91% contre 33 à 49% pour la mammographie +/- échographie, sa spécificité de 81 à 97,2% (5). L’association mammographie, échographie et IRM permet d’obtenir une sensibilité de près de 100%.

Ce dépistage est lourd, notamment psychologiquement (examens complexes tous les 6 mois, fréquence des faux positifs en IRM).

Prévention des cancers du sein BRCA

La prévention peut être chirurgicale (mastectomie prophylactique, ovariectomie prophylactique) ou médicale (essai thérapeutique).

Mastectomies prophylactiques

Deux techniques sont possibles : mastectomies sous-cutanées (conservation étui cutané) ou totales (exérèse cutanée et aréole). La diminution du risque de cancer du sein après mastectomie bilatérale va de 90 à 100% selon les études (6-7) avec des suivis de 8 à 13 ans. Dans une étude prospective multicentrique regroupant 483 patientes mutées BRCA 1 ou 2, Rebbeck et al retrouvaient 1,9% de cancers du sein dans le groupe ayant eu une mastectomie prophylactique contre 48,7% dans le groupe avec surveillance sans mastectomie prophylactique, avec 6,4 ans de suivi moyen (8). Le taux de cancer est un peu plus élevé dans les cas de mastectomies sous cutanées avec conservation de l’aréole par rapport aux mastectomies totales. Les techniques de mastectomies économes de peau (skin-sparing mastectomy) avec reconstruction immédiate sont un bon compromis pour une bonne prévention et un résultat esthétique satisfaisant.

La mastectomie prophylactique a donc une efficacité démontrée (niveau de preuve B) pour des situations où le dépistage est pour l’instant insuffisant et permet notamment de prévenir les risque de cancer du sein controlatéral après un premier cancer. Toutefois, il n’y a pas de bénéfice démontré en terme de survie, il s’agit d’une intervention lourde notamment psychologiquement pour une protection imparfaite. De plus, il est possible que grâce à l’IRM les performances du dépistage s’améliorent.

Il faut évoquer ce type de chirurgie avec les patientes, une fois la mutation confirmée et après avis multidisciplinaire, en cas de situation de risque minimal (éliminer diabète, tabagisme, etc). Il est nécessaire qu’une information répétée, exhaustive et claire soit délivrée par un généticien et un chirurgien, associée à un soutien psychologique. Cette décision appartient à la patiente qui doit être « motivée » pour ce type de prise en charge.

Annexectomies prophylactiques

Bien que le risque de cancer de l’ovaire chez les patientes BRCA soit plus faible que celui de cancer du sein, l’absence de technique efficace de dépistage précoce et le très mauvais pronostic de ces cancers justifie cette chirurgie. L’annexectomie prophylactique est réalisée par cœlioscopie (les trompes doivent être elles aussi retirées du fait du risque de cancer tubaire associé), elle s’accompagne d’une cytologie péritonéale et de biopsies péritonéales. Le risque de cancers pelviens n’est pas nul malgré cette chirurgie (des tumeurs peuvent survenir du péritoine restant). Toutefois l’annexectomie prophylactique diminue non seulement le risque de cancer pelvien mais aussi celui de cancer du sein. Dans une étude rétrospective de 2004, Eisen et al retrouvaient une diminution du risque de cancer du sein de 56% chez les patientes BRCA1 et 46% chez les patientes BRCA2, cette diminution était encore plus marquée si cette chirurgie était réalisée avant 40 ans (9). Du fait de la faible morbidité chirurgicale de l’annexectomie prophylactique et son efficacité démontrée, cette chirurgie est recommandée (l’âge recommandé est à partir de 35-40 ans mais doit être discuté avec chaque patiente en la prévenant des effets secondaires).

Essai de chimioprévention

Plusieurs essais de chimioprévention basés sur un blocage hormonal ont été réalisés. Le tamoxifène a été étudié en prévention chez des patientes à « haut risque » (histoire familiale, antécédents personnels) avec une diminution du risque de cancer du sein hormono-dépendants dans certains essais mais pas dans d’autres. Il est à noter que les cancers BRCA1 sont le plus souvent RH- alors que les cancers BRCA2 , RH+. Toutefois Narod et al (10) retrouvaient une diminution du risque de cancer du sein de 55% chez les patientes BRCA sous tamoxifène (étude cas contrôle), l’effet protecteur était augmenté en cas de durée prolongée de traitement de plus de 4 ans par tamoxifène.

Des essais avec le raloxifène, des anti-aromatases ou des analogues de la LH-RH sont en cours.

En conclusion, lorsque la mutation BRCA a été documentée, il faut informer la patiente de façon répétée sur les risques encourus, les modalités de dépistage, les possibilités de prévention chirurgicale, et mettre en place une prise en charge multidisciplinaire comprenant entre autre un soutien psychologique. Il faut encourager la patiente à en parler à sa famille pour permettre le dépistage des apparentés et une surveillance précoce, tout en ne négligeant pas le poids que peuvent représenter ces examens répétés sur la psychologie des patientes.

Bibliographie

1- Ford D, Easton DF, Stratton M, et al. Genetic heterogeneity and penetrance analysis of the BRCA1 and BRCA2 genes in breast cancer families. The Breast Cancer Linkage Consortium. Am J Hum Genet 1998; 62: 676-89

2- Antoniou A, Pharoah PD, Narod S, et al. Average risks of breast and ovarian cancer associated with BRCA1 or BRCA2 mutations detected in case series unselected for family history: a combined analysis of 22 studies. Am J Hum Genet 2003; 72: 1117-30

3- Lakhani SR, Van De Vijver MJ, Jacquemier J, et al. The pathology of familial breast cancer: predictive value of immunohistochemical markers estrogen receptor, progesterone receptor, HER2 and p53 in patients with mutations in BRCA1 and BRCA2. J Clin Oncol 2002; 20: 2310-8

4- Liebens FP, Carly B, Pastijn A, Rozenberg S. Eur J Cancer 2007 Jan;43(2):238-57

5- Leach MO, Boggis CR, MARIBS study group et al. Screening with magnetic resonance imaging and mammography of a UK population at high familial risk of breast cancer: a prospective multicentre cohort study (MARIBS). Lancet. 2005 May 21-27;365(9473):1769-78

6- Meijers-Heijboer H, Van Geel B, Van putten WL, et al. Breast cancer after prophylactic bilateral mastectomy in women with BRCA1 or BRCA2 mutation. N Eng J Med 2001; 345: 159-64

7- Hartmann LC, Sellers TA, Schaid DJ, et al. Efficacy of bilateral prophylactic mastectomy in BRCA1 and BRCA2 gene mutation carriers. J Natl Cancer Inst 2001; 93: 1633-7

8- Rebbeck TR, Friebel T, Lynch HAT, et al. Bilateral prophylactic mastectomy reduces breast cancer risk in BRCA1 and BRCA2 mutation carriers: the PROSE Study Group. J Clin Oncol 2004; 22: 1055-62

9- Eisen A, Lubinski J, Klijn J, Moller P, Lynch HT, Offit K, Weber B, Rebbeck T et al Breast cancer risk following bilateral oophorectomy in BRCA1 and BRCA2 mutation carriers: an international case-control study. JCO 2005 Oct 20;23(30):7491-6

10- Narod SA, Brunet JS, Ghadirian P, et al. Tamoxifen and risk of controlateral breast cancer in BRCA1 and BRCA2 mutation carriers: a case-control study. Hereditary Breast Cancer Clinical Study Group. Lancet 2000; 356: 1876-81

 

QCM :

1- Mme X est atteinte d’un cancer de l’ovaire, elle vous signale que sa mère et sa grand mère paternelle ont eu des cancers du sein à 50 ans. Y a t il indication à une consultation d’oncogénétique, selon les critères classiquement admis ?

a. Oui

b. Non

2- Une surveillance systématique par mammographie +/- échographie une fois par an et examen clinique deux à trois fois par an permet de dépister :

a. 30 à 50% des cancers du sein

b. 50 à 60%

c. 60 à 70%

d. 100%

3- Une prédisposition génétique est incriminée dans

a. 1 à 2% des cancers du sein et 10% des cancers de l’ovaire

b. 5-10% des cancers du sein et 10% des cancers de l’ovaire

c. 20% des cancers du sein et 2% des cancers de l’ovaire

d. 20% des cancers du sein et 20% des cancers de l’ovaire

4- Les cancers du sein BRCA1 sont le plus souvent (choix multiple) :

a. RH+

b. RH-

c. HER2-

d. HER2+++

e. SBR3

 

Institut Gustave Roussy