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2008 > Pédiatrie > Allergie alimentaire  Telecharger le PDF

Diagnostic et prise en charge de l’allergie aux proteines de lait de vache

J. Duhamel , A Bessiere , G De Schrevel et D Nimal-Cuvillon

Introduction

L’allergie aux protéines de lait de vache (APLV) met en jeu un phénomène immunologique vis-à-vis d’une ou plusieurs protéines : β lactoglobuline, caséine, α lactalbumine.

Chez le nourrisson de moins de deux ans, l’allergie aux protéines de lait de vache est l’allergie alimentaire la plus fréquente. Elle touche 2,5% à 3% des nourrissons (1). Chez l’enfant, le lait est le quatrième agent responsable (12,6 %) d’allergie alimentaire après l’œuf, l’arachide et le poisson (2). Le diagnostic d’allergie alimentaire repose sur plusieurs démarches : l’interrogatoire, l’examen clinique, les tests cutanés, le bilan biologique et les tests de provocation. La prise en charge repose essentiellement sur les hydrolysats poussés de protéines.

Modes de diagnostic

La prédisposition allergique et l’atopie sont deux notions différentes : la prédisposition est le fait d’avoir au moins un parent au premier degré avec une maladie atopique (asthme allergique, dermatite atopique, rhinite chronique allergique ...) et l’atopie est la tendance à produire des IgE en réponse à une faible dose d’allergène, par l’intermédiaire d’une réponse TH2. L’allergie est la manifestation clinique d’une sensibilisation.

La première étape du diagnostic consiste en un interrogatoire minutieux : terrain personnel et familial, allaitement, sevrage, diversification, type de symptômes…

Après l’étape anamnéstique et clinique qui est primordiale, il faut réaliser des tests cutanés : prick-tests pour l’allergie immédiate et patch test pour l’allergie retardée. L’équipe de Saint-Vincent-de-Paul a mis au point un patch test prêt l ‘emploi : le « Diallertest®» particulièrement utile dans les formes digestives et cutanées non-IgE médiées (3). Le principe de ce test est le contact du lait à la peau pendant 48 heures avec une lecture à 72 heures. La sensibilité augmente avec l’âge : avant 6 mois, 50% des enfants avec une APLV à manifestations digestives ont un test positif contre 82% après un an. Si les tests cutanés sont négatifs, il est recommandé de rechercher des IgE spécifiques dans le sang.

L’ingestion de protéines de lait entraîne trois types de réactions :

- une réaction allergique immédiate IgE médiée dans 60% des cas : les symptômes sont variés et apparaissent dans les deux heures suivant la prise de lait. Ils sont cutanés, digestifs et respiratoires et la forme la plus grave est le choc anaphylactique. Les preuves immunologiques sont présentes le plus souvent (prick-tests cutanés positifs et présence d’IgE spécifiques)

- une hypersensibilité allergique retardée non IgE médiée, de type cellulaire, dans 40% des cas avec des symptômes essentiellement digestifs mais aussi parfois cutanés et respiratoires. Les patchs tests sont positifs.

- L’intolérance ou hypersensibilité non allergique : les symptômes sont les mêmes mais sans preuves immunologiques

Diagnostic de l’allergie IgE médiée

Ce diagnostic peut être facile lors d’une réaction allergique immédiate dans les deux heures suivant l’ingestion. Le prick test ou les IgE spécifiques sont positifs et il est inutile voire dangereux de réaliser un test de provocation orale (TPO). L’alimentation se fait alors avec un hydrolysat de protéines et des conseils pour la diversification afin éviter les erreurs et les carences alimentaires, surtout en calcium. L’évolution se fait majoritairement vers la guérison, mais un taux d’IgE spécifiques élevé (>à 15 KUI /L) est de mauvais pronostic (4). Il n’est pas utile d’attendre que le taux des IgE spécifiques soit normal pour tenter le TPO car une tolérance peut être acquise avec le temps.

Récemment, la reconnaissance d’une dose « tolérée » permet d’élargir progressivement le régime d’un enfant allergique. Cette dose tolérée est évaluée par le TPO. Une fois cette tolérance acquise, il est nécessaire de l’entretenir par des apports réguliers de PLV (5).

Diagnostic de l’allergie non-IgE médiée

La symptomatologie est largement dominée par les manifestations digestives (6) avec 3 tableaux cliniques distincts

L’entérocolite allergique qui débute précocement après l’introduction du lait ; il s’agit de vomissements, de diarrhée sanglante, d’un reflux gastro-oesophagien et d’un état général qui s’altère rapidement. Les symptômes disparaissent aussitôt que le régime sans lait est débuté.

· L’entéropathie, plus connue sous le terme d’ « intolérance au lait ». Elle se manifeste par une diarrhée chronique avec cassure de poids et un état évoquant une malabsorption.

· La colite hémorragique est évoquée devant des rectorragies souvent isolées.

Plus rarement le diagnostic est évoqué devant l’apparition d’un eczéma précoce rebelle aux traitements corticoïdes locaux ou encore d’une symptomatologie ORL avec otites récidivantes. Il faut donc penser à l’APLV non IgE médiée si les symptômes sont résistants aux traitements classiques.

L’évolution de l’APLV non IgE médiée se fait vers la guérison, d’autant plus si le diagnostic est fait avant la diversification et il est donc important de proposer régulièrement des tests de réintroduction. Etant donné la négativité des tests cutanés, le diagnostic de certitude n’est posé que si les symptômes réapparaissent à la reprise du lait contenant des protéines de lait de vache.

Prise en charge

Les mesures préventives sont essentiellement l’éviction. Tout d’abord, il faut préconiser l’allaitement maternel. La sensibilisation lors d’un allaitement exclusif est possible par le passage d’antigènes mais seulement dans 0,5% des cas. Notons que la prévention primaire de l’APLV par l’éviction drastique des protéines chez la femme enceinte n’est pas indiquée.

Quelles que soient les manifestations de l’allergie aux protéines lactées bovines, la prise en charge consiste à supprimer les apports de protéines de lait en les remplaçant par une préparation artificielle contenant des protéines hydrolysées de caséine ou de lactosérum. Les laits de substitution sont nombreux sur le marché et partiellement remboursés. Ils sont résumés dans le tableau II. Par ailleurs, ces préparations contiennent pour la plupart des triglycérides à chaîne moyenne et pas de lactose.

Chez un enfant dont les symptômes persistent sous hydrolysat, il faut évoquer l’allergie aux hydrolysats de protéines de lait de vache. Elle peut toucher jusqu’à 10% des enfants allergiques aux protéines de lait de vache et nécessite des tests cutanés aux différents hydrolysats et un régime d’épreuve par le Néocate®, formule à base d’amino-acides. Celui-ci permet la disparition des symptômes ( tableau I) et la reprise pondérale.

Tableau I. Signes cliniques de l’allergie aux hydrolysats sur une série de trente enfants (8).

Symptômes

pourcentage

Rejets, vomissements

Diarrhée

Retard de croissance

Coliques sévères

Irritabilité, pleurs

Difficultés d’alimentation

Eczéma

Malaise

Troubles du sommeil

Bronchite chronique

Rectorragies

 

60

57

33

33

27

23

23

17

10

10

7

 

Tableau II. Caractéristiques des préparations contenant des protéines hydrolysées (7).

Hydrolysats de protéines

Nom commercial

% de protéines

de PM<à 1500kDa

Hydrolysats de protéines du lactosérum

Alfaré ®

Peptijunior®

88

85

Hydrolysats de caséine

Galliagène progress®

Nutramigen®

Prégestimil®

Nutriben APLV®

 

 

95

97

Hydrolysats de soja et collagène de porc

Prégomine®

 

 

Acides aminés de synthèse

Néocate®

 

APLV ou intolérance au lactose ?

Il ne faut pas confondre les deux entités qui partagent parfois une symptomatologie commune. En effet, l’intolérance au lactose est une hypersensibilité non immunologique par déficit enzymatique. Trois types sont décrits : l’intolérance congénitale rare, l’intolérance secondaire à un épisode infectieux, agressif pour la muqueuse intestinale, et enfin le plus fréquemment, une diminution de l’activité lactasique tardive qui se manifeste chez le grand enfant ou l’adulte. Le diagnostic différentiel se fait par un test de provocation en double insu (9) avec d’une part un lait sans lactose et d’autre part un substitut à base d’acides aminés sans lait mais avec lactose.

Evolution

L’évolution de l’APLV est favorable avec un taux de rémission de 50% au cours de la deuxième année, de 85% vers 3 ans et de 95% à 5 ans (2).

Les formes non-IgE médiées ont un pronostic plus favorable mais les formes IgE médiées sont souvent associées ou suivies par des symptômes respiratoires.

En pratique, le test de provocation par voie orale authentifie l’allergie et la réintroduction démontre la tolérance. Ils se font en milieu hospitalier après 6 mois au moins d’éviction des protéines lactées bovines c'est-à-dire souvent autour de l’âge de 12 mois. En cas d’échec, le test est réalisé tous les 6 mois puis tous les ans après 3 ans (10).

Conclusion

L’allergie aux protéines de lait de vache est fréquente chez le nourrisson et les formes cliniques sont nombreuses et parfois trompeuses comme celles liées au RGO… L’allergie aux protéines lactées est souvent la première manifestation d’une maladie atopique. Il convient donc d’assurer un suivi rapproché de tout enfant allergique au lait de vache en dépistant systématiquement les autres allergies alimentaires ou respiratoires. Une utilisation plus large en France de l’allaitement maternel exclusif prolongé, c’est à dire plus de 6 mois, représenterait une prévention efficace.

Bibliographie

1. DE BOISSIEU D, DUPONT C. Allergie au lait de vache IgE médiée.

Arch Pediatr 2006 ; 13 : 1283-4.

2. MOLKHOU P. Un nouveau concept : l’hypersensibilité aux protéines lactées.Abstract Pediat.2006 n°198.

3. KALACH N, SOULAINES P, DE BOISSIEU D, DUPONT C. A pilot study of the usefulness and safety of a ready to use atopy patch test (APT) (Diallertest®) versus a comparator (Finn Chamber®) during cow’s milk allergy in children.J Allergy Clin Immunol 2005 ; 116 : 1321-6.

4. SAMPSON HA. Utility of food-specific IgE concentrations in predicting symptomatic food allergy. J Allergy Clin Immunol 2001 ; 107 : 891-6.

5. DE BOISSIEU D, DUPONT C. Allergie au lait de vache : régime strict ou élargi ? Arch Pediatr 2007 ; 14 : 310-2.

6. SAMPSON HA. Food allergy : when mucosal immunity goes wrong. J Allergy Clin Immunol 2005 ; 115 : 139-41.

7. MONERET-VAUTRIN D A, HATAHET R, KANNY G. Hydrolysats de protéines : lait hypoallergéniques et formules extensivement hydrolysées. Bases immuno-allergologiques de leur utilisation dans la prévention et le traitement de l’allergie au lait.Arch pediatr 2001 ; 8 : 1348-57.

8. AMMAR F, DE BOISSIEU D, DUPONT C. Allergie aux hydrolysats de protéines : à propos de 30 cas. Arch Pediatr 1999 ; 6 : 837-43.

9. DUMOND P, MORISSET M, SERGEANT P, KANNY G. Allergie alimentaire au lait de vache ou intolérance au lactose ? J Pediatr Puer 2006 ; 19 : 256-60.

10. RANCE F, BIDAT E. Allergie alimentaire chez l’enfant.

 

 

 

 

 

 

Service de pédiatrie, CHU Clémenceau, 14000 Caen, France