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2006 > Néonatologie > Réanimation néonatale  Telecharger le PDF

Gestion des risques menaçant le nouveau-né en salle de naissance

F. Gold

Qu’est-ce que la gestion des risques en salle de naissance

Sous le terme général de gestion des risques, on désigne à l’heure actuelle l’approche pragmatique et efficace d’identification des principaux dysfonctionnements relatifs à un secteur d’activité donné en vue de les corriger et de prévenir l’apparition des incidents et accidents [1]. Une politique de gestion des risques comporte 2 étapes principales : 1) Appréciation des dangers, c’est-à-dire identification et stratification des dangers en terme de probabilité de survenue et d’importance relative ; 2) Gestion des risques proprement dite : définition des stratégies opérationnelles pour réduire les dangers, identification des ressources (finances, ressources humaines) permettant la mise en place de ces stratégies, mise en place de ces stratégies, évaluation de leurs résultats.

L’identification des risques encourus en salle de naissance montre qu’ils concernent le nouveau-né, le réanimateur, les autres professionnels de santé impliqués, les parents, et l’établissement de santé (tableau I). Pour ce qui concerne plus précisément le bébé lui-même, les dangers principaux sont les suivants : décès, réanimation efficace mais au prix d’un préjudice physique (+/- en relation avec la réanimation), atteintes organiques sévères provoquant des troubles métaboliques et justifiant un séjour en réanimation néonatale, atteintes permanentes sous forme d’un handicap physique ou intellectuel.

Les risques encourus par le nouveau-né en salle de naissance relèvent de différents domaines : l’environnement, le matériel, le personnel, et la logistique. Les risques relatifs à l’environnement concernent : le lieu de l’accouchement (hôpital avec maternité de type variable, maison de naissance, domicile, etc) ; le local de réanimation néonatale (facilité d’accès à partir du lieu de naissance, température du local, etc). Les risques relatifs au matériel répondent aux deux problématiques principales suivantes : l’équipement remplit-il son rôle ? peut-il être utilisé efficacement par le personnel ? Les principes de base de la gestion des risques relatifs au matériel sont les suivants : accessibilité, fonctionnalité, fiabilité, standardisation selon les départements d’activité, fonctionnement de secours (en cas de panne). Les risques relatifs au personnel sont de 2 ordres : quantitatifs (planning de service, adaptation à la charge de travail, etc) ; qualitatifs, qui se posent en termes de formation et de compétence : connaissances de base pour tous les acteurs, spécification claire des compétences attendues pour chaque type de personnel, réactualisation des pratiques, évaluation des besoins individuels éventuels des membres de l’équipe, formation initiale et continue, aptitude à travailler en équipe. Les risques relatifs à la logistique concernent principalement : la communication entre les différents acteurs ; la documentation (documents écrits) relative à l’activité.

Gestion des risques concernant la prise en charge du nouveau-né proprement dite

Aux U.S.A., la première tentative de standardisation des manœuvres de réanimation néonatale a consisté à réunir une conférence nationale sur le sujet en 1966 ; qui a débouché en 1974 sur la première publication d’un programme détaillé de formation (Neonatal Resuscitation Program = NRP) par l’American Heart Association, ; programme qui a évolué ultérieurement à plusieurs reprises, la plus récente et quatrième édition datant de 2000 [2,3]. A ce jour, ce programme a directement concerné plus de 1,5 million de professionnels de santé aux U.S.A. ; il a été diffusé dans plus de 80 pays.

En France, le premier protocole de réanimation du nouveau-né en salle de naissance a été proposé par Gilbert HUAULT et collaborateurs en 1969. La première adaptation du NRP dans sa version formalisée initiale de 1987 a été mise en œuvre en 1990 dans la région Centre [4], puis a fait l’objet d’une évaluation en 1992 [5]. D’autres actions locales, régionales et nationales se sont ensuite déroulées, mais il n’y a toujours pas à ce jour de recommandations nationales relatives à la prise en charge du nouveau-né en salle de naissance.

Depuis le début des années 70, la réanimation du nouveau-né en salle de naissance est devenue à la fois plus simple et plus efficace, au fur et à mesure que le progrès des connaissances dans la biologie de l’adaptation à la vie extra-utérine a permis de la concentrer sur le phénomène prioritaire que constitue l’aération alvéolaire pulmonaire initiale [6].

En 2005, après 30 années de progrès indiscutables et de standardisation progressive des manœuvres, 4 risques principaux menacent encore potentiellement le nouveau-né pris en charge en salle de naissance [7] : l’incompétence éventuelle des opérateurs, les erreurs à l’intubation, la prise en charge inadaptée de l’inhalation méconiale, les conditions de la stabilisation post-réanimation.

L’incompétence éventuelle des opérateurs

Une réanimation en salle de naissance est nécessaire chez 5 à 10 % des nouveau-nés selon le recrutement du lieu de naissance considéré ; c’est le chiffre moyen de 6 % des naissances qui peut être retenu à ce sujet. La nécessité de prise en charge immédiate de l’enfant peut souvent être anticipée en raison de l’existence de facteurs de risque pour le nouveau-né, anténatals ou périnatals [6] ; mais elle existe également dans 1 à 3 % des accouchements à bas risque [7]. La gestion de ce risque combine donc : stratégie préventive (connaissance des facteurs de risque pour le nouveau-né, appel préalable à la naissance d’un opérateur compétent) et stratégie de réaction (présence indispensable d’un opérateur disposant d’une compétence suffisante à chaque accouchement).

L’acquisition et surtout le maintien d’une compétence théorique et surtout pratique est donc un point clé de la gestion du risque pour le nouveau-né en salle de naissance [8] . Elle peut recourir à différents moyens : formation initiale selon un programme standardisé tel que le NRP ou une de ses adaptations, formation permanente sous forme intermittente (journées, séminaires de formation) ou plus ou moins permanente (recours à l’outil vidéo) [9]. Un certain nombre d’auteurs considèrent de plus que la limitation du nombre des intervenants responsables en premier de la réanimation du nouveau-né en salle de naissance, quelque soit leur qualification première (pédiatre, sage-femme, puéricultrice, anesthésiste, etc), est un élément important de la non- dilution des connaissances et du maintien d’une bonne pratique clinique [7] .

Les erreurs à l’intubation

L’intubation trachéale n’est en aucune manière la manœuvre principale de la réanimation du nouveau-né en salle de naissance ; dans la mesure notamment où, dans de très nombreuses situations, la ventilation en pression positive avec masque et ballon ou insufflateur pneumatique manuel (type Néopuff) permet une assistance respiratoire efficace du nouveau-né. Elle est toutefois indiquée dans quelques cas, pouvant alors faire l’objet d’insuffisance ou d’erreur : échec d’intubation, utilisation d’une sonde intra-trachéale de taille inadaptée à l’enfant, mauvais positionnement de l’extrémité inférieure de la sonde pouvant s’avérer délétère pour le nouveau-né [6] .

La prise en charge inadaptée de l’inhalation méconiale

Un liquide amniotique teinté ou méconial est observé dans 13 % des accouchements en moyenne (8 à 20 % selon les séries). Cette constatation se complique d’une inhalation méconiale, définie comme la présence documentée de méconium au-dessous du plan des cordes vocales, dans 1 à 3 % des naissances. Dans un certain nombre de cas, cette inhalation méconiale provoque une pneumopathie aiguë (par obstruction, inflammation et/ou destruction du surfactant pulmonaire) et/ou une hypertension artérielle pulmonaire responsable(s) d’une hypoxémie qui peut aller jusqu’au stade ultime d’hypoxémie réfractaire ; c’est habituellement à ce tableau compliqué qu’on réserve la dénomination de syndrome d’inhalation méconiale.

Avant 1975, ce syndrome était fatal dans 25% des cas, et était responsable de 2 % de la totalité des morts périnatales. C’est en 1973-74 qu’une aspiration intra-trachéale de routine a été recommandée immédiatement à la naissance pour tenter de prévenir cette évolution dramatique. En 1976 a été de plus souligné le bénéficie ajouté de l’aspiration obstétricale des voies aériennes supérieures, dite aspiration à la vulve, pratiquée avant le dégagement des épaules de l’enfant. Depuis lors, les indications respectives de ces 2 manœuvres de prévention ont été réévaluées, avec des résultats variables [10-11]. Il en résulte actuellement plusieurs protocoles, basés : pour certains, sur la consistance du liquide amniotique [12] ; pour d’autres, sur le caractère vigoureux ou déprimé du nouveau-né [13, 14].

Les conditions de la stabilisation post-réanimation

Au décours des manœuvres de réanimation du nouveau-né en salle de naissance, la stabilisation du nouveau-né dans les minutes et heures suivantes comporte un certain nombre de risques de perturbation de l’homéostasie sur lesquels l’attention est actuellement attirée :

hypoglycémie :

la combinaison hypoxie + hypoglycémie majore le risque de lésions cérébrales chez le nouveau-né ; d’où la nécessité d’un monitorage soigneux du taux de glycémie après la réanimation, en suivant les recommandations de prise en charge édictées en 2000 par Marvin CORNBLATH [6, 15].

hypocapnie :

si une hyperventilation et une hypocapnie modérées peuvent avoir des avantages en terme de diminution de la pression intracrânienne et de vasodilatation du territoire artériel pulmonaire, une hypocapnie sévère peut majorer le risque de lésions cérébrales consécutivement à une chute importante du débit sanguin cérébral : c’est la raison pour laquelle, en l’absence d’hypertension artérielle pulmonaire chez un nouveau-né hypoxique, une normocapnie ou hypercapnie modérée est actuellement recommandée [7] .

hypotension artérielle :

l’hypoxie entraîne une perte de l’autorégulation du débit sanguin cérébral, qui rend alors ce débit passivement dépendant de la pression artérielle ; une cardiomyopathie ischémique ou des pertes sanguins pernatales risquent donc, par l’intermédiaire d’une hypotension artérielle, de majorer le risque de lésions cérébrales du nouveau-né ; ce qui peut contraindre à recourir dès la salle de naissance à un remplissage vasculaire et/ou l’administration d’un traitement tonicardiaque [6].

hyperthermie :

le risque d’hypothermie néonatale est anciennement souligné ; plus récemment, on a également mis en exergue les risques encourus par un nouveau-né hyperthermique et/ou fébrile, notamment dans la situation particulière du nouveau-né d’une femme ayant elle-même une forte élévation thermique en fin de travail ; d’où la nécessité dans ces circonstances d’une surveillance régulière de la température centrale du nouveau-né [3] .

Pour conjurer la menace représentée par ces différents risques pour le nouveau-né en salle de naissance, des recommandations peuvent être édictées telles que les 10 recommandations récemment proposées [7] qui figurent au tableau II.

Bibliographie

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HERMANSEN M.C., HERMANSEN M.G. Pittfalls in Neonatal Resuscitation Clin Perinatol 2005 ; 32 : 77-95.

BLOND M-H., GOLD F., ORIOT D., MENGET A. Réanimation du nouveau-né en salle de naissance : démarche pédagogique et évaluation. Archiv Pediatr 2004 ; 11 : 144-150.

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ORIOT D. Liquide amniotique méconial : pour l’aspiration systématique In : 35 journées de la Société Française de Médecine Périnatale (Tours, 26-28.10.05) Paris, Arnette, 2005 : 185-193.

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GOUYON J-B., RYBAKOWSKI C. Liquide amniotique méconial : contre l’aspiration systématique In : 35 journées de la Société Française de Médecine Périnatale (Tours, 26-28.10.05) Paris, Arnette, 2005 : 195-206.

Tableau I : identification des risques encourus en salle de naissance [1]

Bébé

Réanimateur

Autres professionnels

Parents

Etablissement

Mort

X

A court terme : préjudice

physique

mental

métabolique

X

X

X

X

X

X

X

A long terme : préjudice

physique

mental

métabolique

X

X

X

X

X

X

X

préjudice professionnel

X

X

X

X

préjudice fiscal

X

X

X

Tableau II : 10 recommandations destinées à prévenir les erreurs de prise en charge d’un nouveau-né en salle de naissance [7]

Les 10 recommandations

Suivre les « guidelines » du NRP

Présence immédiate d’un réanimateur compétent (pas forcément pédiatre)

Formation de tout réanimateur aux techniques du NRP (obstétriciens et anesthésistes)

Maintien des compétences par mises en situation (mannequins)

Limiter les intervenants : team leader (néonatologue, hospitalier, puéricultrice, physiothérapeute, infirmière)

Taille et position Sonde Intra-trachéale (IT) adéquates

Utilisation Capnographie ou capteur colorimétrique CO2 pour confirmer situation IT

LAM et dépression respiratoire ou neurologique : aspiration minutieuse avant ventilation en Pression Positive ; intubation et aspiration IT (visualisation hypopharynx ou cordes vocales non recommandée)

Eviter hypoglycémie en période de stabilisation post-réanimation

Eviter hypotension et hypocapnie inutile en période de stabilisation post-réanimation. Hypocapnie modérée utile en traitement d’une HTAP persistante, pas en préventif