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2006 > Néonatologie > Nutrition  Telecharger le PDF

Qu’attendre de l’enrichissement en facteurs biologiques, en facteurs nutritifs ainsi que des modifications du taux de protides ?

A. Lapillonne

L’allaitement maternel exclusif, universellement reconnu comme l’alimentation optimale des six premiers mois, est loin d’être toujours pratiqué et, en dépit des efforts les mieux intentionnés pour le promouvoir et le soutenir, sa prévalence au-delà de l’âge de 4 mois est souvent bien inférieure à 60%. En France, il est estimé que cette prévalence est inférieure à 10-15%. Ainsi en raison du choix maternel ou de l’échec des politiques de promotion de l’allaitement maternel, les préparations pour nourrissons à base de lait de vache, du lait d’autres mammifères ou de protéines végétales continuent à avoir une place excessive dans l’alimentation du nourrisson (Uauy and Castillo-Duran, 2002).

Des recommandations sur la composition des préparations pour nourrissons et l’alimentation de l’enfance ont été développées au cours des années passées, essentiellement sur la base de considérations sur la croissance staturo-pondérale des enfants. Ce n’est que très récemment que les efforts de conception de ces préparations ont pris en compte d’autres objectifs comme le développement psychomoteur et intellectuel, la prévention des gastroentérites et certains aspects du développement immunitaire. Malgré tout, de nombreuses lacunes persistent sur la manière de définir de nouvelles voies afin d’améliorer d’autres domaines d’intérêt. Nous sommes, en effet, de plus en plus concernés par des questions comme la quantité optimale et le type de graisse nécessaire pour le développement nerveux, la prévention des allergies et la réduction du risque des maladies chroniques de l’adulte (Uauy and Castillo-Duran, 2002).

Estimation des besoins

Les adultes ont besoin de nutriments afin de remplacer les pertes obligatoires. L’enfant a également besoin de ces apports couvrant les pertes obligatoires mais a besoin d’apports supplémentaires afin de couvrir les besoins liés à la croissance. Si l’on prend l’exemple des besoins en protéines et en acides aminés, la proportion des apports qui sont utilisés pour la croissance représente de 52 à 64 % des besoins protéiques (Fomon, 1991 ; Dewey et al, 1996). La vélocité de croissance diminuant avec l’âge postnatal, les quantités de protéines nécessaires pour la croissance diminuent pour atteindre vers l’âge de 9-12 mois, 18 % des besoins protéiques. Ces changements rapides au cours de la première année de vie expliquent pourquoi il est difficile de définir des apports recommandés chez les nourrissons.

Plusieurs méthodes sont utilisées pour estimer les besoins en protéines. L’estimation par la méthode factorielle, méthode qui a comme principe l’estimation séparée des besoins pour la maintenance et pour la croissance, montre que les besoins par kilogramme de poids diminuent rapidement avec l’âge postnatal de 1.98 g/kg/j entre la naissance et 1 mois à 1.18 g/kg/j entre 5 et 6 mois (Fomon, 1991) (Figure 1).

L’estimation des besoins en protéines et en acides aminés des nourrissons de moins de 6 mois peut être calculée à partir des apports et de la composition du lait maternel. Les recommandations basées sur ces données supposent implicitement que le lait de femme est non seulement suffisant mais qu’il est optimum pour les nourrissons de cette tranche d’âge. L’estimation des besoins en protéines en se basant sur les apports théoriques du lait maternel montre que les besoins du nourrisson diminuent de 2.09 g/kg/j entre la naissance et 1 mois à 0.95 g/kg/j entre 5 et 6 mois (Fomon, 1991) (Figure 2).

Quelque soit la méthode utilisée un certain nombre d’assomptions, qui ne sont pas toutes vérifiables, ont été utilisées pour estimer les besoins en protéines. De plus, si l’on accepte l’idée que la composition du lait de femme est optimale, l’évaluation de l’adéquation de l’allaitement artificiel pendant les 6 premiers mois de la vie devrait reposer sur la comparaison des réponses métaboliques et fonctionnelles des nourrissons alimentés au biberon avec celles des nourrissons exclusivement au sein.

II - Approches expérimentales

Dans les expérimentations réalisées afin de définir les besoins en protéines d’un groupe d’individus, les apports diététiques sont manipulés et une réponse biologique d’intérêt est étudiée. Parmi ces réponses d’intérêt, les bilans azotés, les taux plasmatiques en acides aminés et/ou les réponses des concentrations en urée et en créatinine à des apports en acides aminés compatibles avec une croissance normale ont principalement été utilisés. Dans le cas de l’enfant en croissance les balances métaboliques ne peuvent pas servir, à elles seules, à déterminer les besoins de l’enfant. La croissance est donc probablement un des paramètres les plus importants à suivre pour démontrer une bonne adéquation sur le long terme entre les apports et les besoins. Pour établir des recommandations minimales, il est nécessaire qu’un groupe d’enfants reçoive des apports protéiques à un niveau inférieur à celui qui est habituellement recommandé mais cette approche nécessite une étude réalisée avec précaution car il ne serait pas éthique de donner des apports insuffisants à des nourrissons sains.

Dans le cas des protéines, l’objectif est plutôt actuellement de démontrer par une approche expérimentale que le niveau de protéines choisi, inférieur au niveau précédemment utilisé, conduit à l’équivalence de résultats avec le niveau d’apports habituel. Dans ce cas, il n’est pas nécessaire de déterminer un niveau d’apports minimum. Une comparaison est donc faite entre deux niveaux de protéines similaires ou deux types de protéines donnés à des niveaux équivalents. Une des limitations de cette approche repose sur le choix des objectifs et l’exactitude avec laquelle ils peuvent être mesurés.

Les balances métaboliques

Les balances métaboliques représentent une méthode indispensable pour établir les apports protéiques nécessaires. Ces balances sont très performantes pour comparer différentes sources en protéines ou différents niveaux de protéines. Toutefois, elles ne permettent qu’une évaluation à court terme et sont inadaptées pour déterminer les apports nécessaires pour assurer une croissance optimale pour le long terme.

Par exemple, dans une étude comparant une formule pour nourrisson contenant 2.24g de protéines pour 100 kcal avec une formule contenant 1.83 g/100 kcal, il a pu être montré que la rétention protéique était similaire dans les deux groupes, ceci bien sur due à une diminution de l’excrétion urinaire azotée chez les enfants ayant reçu la formule contenant le moins de protéines (Ziegler, 2002) (Figure 3).

Etude de la croissance

Quand la croissance est utilisée comme marqueur biologique, l’hypothèse implicite est que tous les besoins nécessaires à la croissance ont été couverts. Il est aussi évident que cette approche ne tient pas compte de la couverture de besoins pour d’autres fonctions spécifiques telles que le développement intellectuel et psychomoteur, le status immunitaire optimal etc… Toutefois, la croissance est largement acceptée comme un des meilleurs marqueurs de l’adéquation des apports protéiques. Dans des études déjà anciennes, il a pu être montré que la qualité des apports protéiques était également importante pour la croissance (Fomon et al, 1986) et que la croissance était, dans ces cas là, un meilleur marqueur que les balances métaboliques.

Dans une étude réalisée par Fomon et al (1995) la comparaison d’une formule donnée entre J 8 et J112 et apportant 1.7 g/100 kcal de protéines vs. 2.1 g/100 kcal a montré que la croissance était altérée. En effet, la croissance pondérale, mais non staturale, du groupe recevant la formule à 1.7 g/100 kcal de protéines était supérieure à celle du groupe recevant la formule à 2.1 g/100 kcal. Il est apparu dans cette étude qu’un ratio protéines/énergie légèrement insuffisant pouvait être responsable d’une augmentation des apports énergétiques totaux, les enfants ayant reçus la formule la plus pauvre en protéines ayant automatiquement augmenté leurs apports énergétiques.

Ces observations sont importantes en particulier quand il s’agit d’améliorer la croissance en taille insuffisante des nourrissons qui ont souffert de malnutrition ou nés avec un faible poids de naissance. Dans deux études réalisées après la sortie du service de néonatologie, un ratio protéines/énergie un peu faible est également associé à une augmentation des apports énergétiques ce qui modifie la qualité de la croissance (Brunton et al, 1998 ; Carver et al, 2001).

Un autre aspect d’actualité est la possible association entre les apports protéiques dans les formules de lait infantiles données pendant les premiers mois de vie et la corpulence au cours des premières années de vie. Dans ce cas, la croissance à long terme, au-delà de la période pendant laquelle la formule pour nourrisson est donnée et utilisée comme indicateur de l’adéquation des apports protéiques.

Références :

Brunton JA, Saigal S, Atkinson SA. Growth and body composition in infants with bronchopulmonary dysplasia up to 3 months corrected age: a randomised trial of a high energy nutrient-enriched formula fed after hospital discharge. J Pediatr 1998; 133: 340-5.

Carver JD, Wu PY, Hall RT, Ziegler EE, Sosa R, Jacobs J et al. Grwth of preterm infants fed nutrient enriched or term formula after hospital discharge. Pediatrics 2001; 107:683-9.

Dewey KG, Beaton G, Fjeld C et al. Protein requirements of infants and children. Eur J Clin Nutr 1996; 50:S119-50.

Fomon SJ, Ziegler EE, Nelson SE, Edwards BE. Requirement for sulfur-containing amino acids in infancy. J Nutr 1986; 116:1405-22.

Fomon SJ. Requirements and recommended intakes of protein during infancy. Pediatr Res 1991; 30:391-5

Fomon SJ, Ziegler EE, Nelson SE, Frantz JA. What is safe protein-energy ratio for infant formulas ? Am J Clin Nutr 1995; 62:358-63

Uauy R and Castillo-Duran C. L’alimentation dans l’enfance – les lacunes de nos connaissances dans la conception d’un régime optimal pour les deux premières années de vie. In Nutrition dans l’enfance. Annales Nestlé, 2002 ; Vol 60 : 36-50.

Ziegler EE. Protein requirements in infancy. In Infant Formula : closer to the reference. NCR Räihä and FF Rubaltelli. Nestlé Nutrition Workshop Series, Pediatric Program, 2002, vol 47: 97-107.

Service de néonatologie et nutrition, Hôpital Saint Vincent de Paul, 75014 Paris