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2006 > Obstétrique > Ambiguités sexuelles  Telecharger le PDF

Diagnostic prénatal d'une ambiguïté sexuelle

V. Cayol

Introduction

La suspicion diagnostique d’ambiguïté sexuelle est toujours un drame pour les parents, et met immédiatement en jeu l’identification de l’enfant, la sexualité du futur adulte et la reproduction. Un tel diagnostic impose une prudence verbale avant d’avoir exploré l’anomalie, précisé l’étiologie et évalué le pronostic.

Rappel embryologique

L’organogenèse de l’appareil urogénital suit un processus complexe impliquant des mécanismes génétiques, des mécanismes de différenciation cellulaire et tissulaire, ainsi que des mécanismes enzymatiques. Les différentes séquences du développement des organes sont régulées par de multiples signaux hormonaux qui doivent intervenir à des périodes génétiquement déterminées

Au début de l’embryogenèse, les gonades sont indifférenciées chez les foetus des deux sexes. Le tubercule génital apparaît vers la 3ème semaine Chez le fœtus masculin, le gène SRY (sex determining region of Y) porté par le chromosome Y permet la différenciation testiculaire de la gonade primitive vers la 7ème semaine de gestation. D’autres gènes sont également impliqués dans la différenciation normale de l’appareil reproducteur masculin, dont principalement les facteurs de transcription, gènes homeobox (Hox), les gènes FGF (fibroblast growth factor) et le gène Shh (Sonic hedgehog). L’absence du gène SRY aboutit au développement des OGE de type féminin.

Ainsi déterminé, le testicule foetal secrète deux hormones :

-Les cellules de Leydig

se différencient ensuite à partir du stroma secrètent la testostérone nécessaire au développement des canaux de Wolff dès 7 SA. La testostérone est transformée par la 5α-réductase en dihydrotestostérone, plus active au niveau des cellules cibles. Cette production d’androgènes stimule en retour la différenciation et la multiplication des cellules de Leydig,

-Les cellules de Sertoli

secrètent l’hormone anti mullérienne (AMH) ou MIS (Müllerian Inhibiting Substance), responsable de la régression des canaux de Muller.

En présence de deux chromosomes X et en l’absence de chromosome Y, sous l’action de plusieurs gènes dont le gène DAX , les gonades se différentient en ovaire.

La formation des OGE se fait à partir des replis urogénitaux, et des bourrelets labioscrotaux. Sous l’effet de la testostérone transformé par la 5 alpha reductase en dihydrotestostérone,, le tubercule génital s’allonge entre la 8ème et la 14ème semaine, pour former le pénis entraînant avec lui les plis urétraux qui forment les berges de la gouttière urétrale. Le scrotum se développe à partir des bourrelets génitaux.

En l’absence dedihydro testostérone, et de MIS, le tubercule génital devient le clitoris, les replis urogénitaux forment les petites lèvres et les bourrelets génitaux forment les grandes lèvres. Les canaux mulleriens ne régressent pas et se développent en tractus génital féminin : utérus, trompe et partie supérieure du vagin. Leur extrémité caudale entre en contact avec le sinus urogénital qui se différencie en tiers inférieur du vagin. Le mésonephros régresse passivement en l’absence de testostérone.

Les testicules commencent leur descente dans le canal inguinal pendant le 6ème mois de la vie foetale pour se trouver en position scrotale peu de temps avant la naissance.

L’ambiguïté sexuelle définie en anténatal correspond à un aspect mal différencié des OGE. Le diagnostic est évident lorsque l’aspect du bourgeon génital est intermédiaire entre un clitoris et un pénis, et lorsque les bourrelets génitaux ont un aspect intermédiaire entre des grandes lèvres et des bourses, réalisant un aspect de scrotum bifide. Le diagnostic est plus complexe lorsqu’on a un aspect d’hypertrophie clitoridienne isolée, ou devant une cryptorchidie, un hypospadias, ou l’association des deux.

Diagnostic echographique

Au premier trimestre

Le bourgeon génital est indifférencié durant le premier trimestre. Grâce aux échographe de haute résolution, la détermination du sexe est souvent possible lors de l’échographie de premier trimestre, à partir de 12 semaines d’aménorrhée et repose sur l’observation attentive du bourgeon génital. Son orientation verticale ou vers le pole céphalique de l’embryon évoque un sexe masculin ; son orientation vers le pole caudal, figurée par deux lignes parallèle est en faveur d’un sexe féminin.

Au deuxieme trimestre

L’examen des OGE est systématique au cours de l’échographie de 22 SA, que l’information soit donnée ou non aux parents. Chez le foetus masculin le scrotum apparaît comme deux formations échogènes denses et de petite taille ; le pénis est également visualisé : sa longueur moyenne est de 8.6mm. Les testicules ne sont pas encore identifiables.

Le sexe féminin est déterminé par la visualisation en coupe tangentielle de trois traits parallèles hyperechogènes correspondant aux grandes lèvres à l’extérieur et aux petites lèvres accolées au centre.

Certaines anomalies sont difficiles à repérer au deuxième trimestre, comme l’hypospadias ou un micropénis. Il est parfois possible de visualiser le sphincter anal et de mesurer la distance ano-vulvaire.

L’analyse échographique des organes génitaux internes est difficile ; l’association à d’autre malformations (appareil urinaire, anomalies des extrémités…) ou à un RCIU permettra d’orienter le diagnostic.

Fréquemment l’anomalie des OGE est suspectée devant une discordance entre le caryotype et le phénotype annoncé au cours de l’échographie du deuxième trimestre.

Au troisieme trimestre

L’examen des OGE est à nouveau systématique et peut aboutir à un diagnostic d’anomalie, difficile à affirmer à 22 SA. Chez le garçon, les testicules sont le plus souvent en place dans le scrotum (97%). La longueur du pénis est de 17mm en moyenne; sa mesure s’effectue à partir du scrotum et sur toute la portion visible. Le canal urétral est visible, de même que son abouchement à l’extrémité du pénis. En doppler couleur le jet urinaire peut être visualisé.

Chacun des éléments décrits peut être anormal :

Un développement anormal du bourgeon génital peut aboutir à une hypertrophie clitoridienne, un micropénis, ou un hypospadias dont le diagnostic est évoqué devant une coudure de la verge. L’orientation du jet urinaire permet de préciser le niveau d’abouchement de l’urètre et le type d’hypospadias. L’hypertrophie clitoridienne est défini par une saillie clitoridienne de plus de 5 mm au dessus du plan des grandes lèvres.

Un anomalie des bourrelet génitaux peut donner un scrotum bifide, une hypertrophie des grandes lèvres ou aspect fusionné des grandes lèvres. Des formes intermédiaires sont possibles. L’aspect échographique d’un scrotum bifide associé à un hypospadias postérieur ressemble à une hypertrophie clitoridienne avec fusion partielle des bourrelets génitaux. La présence de testicules exclut la virilisation d’un foetus féminin.

Le diagnostic de cloaque est exceptionnel et difficile. Il ne concerne que les fœtus féminins et correspond à l’absence de cloisonnement entre les systèmes digestif, urinaire et génital. Le diagnostic de persistance d’un cloaque peut être posé devant une image pelvienne liquidienne retrovésicale.

La suspicion échographique d’anomalie des organes génitaux externes doit être expliquée aux parents avec précaution. Durant le temps de explorations, il semble préférable d’employer des termes indifférenciés, tels que « bourgeon génital », « bourrelets génitaux », « gonades » , plutôt que de tenter de préciser d’emblée le type d’anomalie suspectée.

Bilan etiologique

La découverte d’une anomalie des OGE doit conduire à réaliser un bilan étiologique et à établir un pronostic, afin d’informer les parents sur le phénotype de leur enfant. La prise en charge multidisciplinaire doit inclure des obstétriciens, des pédiatres, des généticiens, des endocrinologues mais aussi des psychiatres.

Echographie

En cas de suspicion d’anomalie des OGE, la description échographique doit être minutieuse et aussi précise que possible. L’examen du fœtus à 22 SA permet de rechercher d’autres anomalies morphologiques ou de croissance. Le caractère « isolé » ou associé à d’autres malformations oriente le diagnostic et conditionne le pronostic.

Caryotype

Le caryotype foetal est le premier examen à pratiquer.

De nombreuses anomalies chromosomiques sont à l’origine d’ambiguïté sexuelle en particulier lorsque le déséquilibre met en cause des régions impliquées dans la détermination sexuelle.

Les anomalies de nombre de gonosomes, en particulier les mosaïques 45XO/46XY aboutissent le plus souvent à un caryotype masculin.

Dans les anomalies de structure du chromosome Y, le nombre de copies présentes du locus SRY détermine le phénotype : masculin avec ou sans infertilité, féminin avec dysgénésie gonadique, ou ambigu.

La délétion du locus SRY est responsable d’une dysgénésie gonadique pure avec un phénotype de Turner. Certaines anomalies de structure du chromosome X sont responsables d’ambiguïté sexuelle chez le garçon.

Enfin, certaines anomalies des autosomes donnent des troubles de la détermination sexuelle, en particulier lorsqu’ils sont porteurs de gènes déterminant la différenciation sexuelle. Le pronostic est lié aux malformations associées et au retard mental. (Syndromes de Wolf-Hirshhorn, Willi-Prader, WAGR….)

Bilan endocrinien

Le bilan hormonal est orienté en fonction du génotype ; plusieurs stéroïdes sont dosés dans le liquide amniotique : 17 OHP, delta4androstenedione, et testostérone. Les précurseurs du cholestérol sont étudies largement, même s’il existe peu de signes échographiques en faveur d’un syndrome de Smith-Lemli-Opitz. (RCIU, microcéphalie…)

Biologie moléculaire

Etude du gène SRY et recherche de mutations et de gènes déficients.

Principales etiologies

Pseudohermaphrodisme feminin

Le caryotype est féminin ; le degré de masculinisation du fœtus est variable ;

L’hyperplasie congénitale des surrénales est la cause la plus fréquente de PHF

. Un bloc enzymatique surrénalien, transmis sur un mode autosomique récessif aboutit à un déficit de la synthèse du cortisol et des minéralocorticoides. Le rétrocontrôle négatif hypophysaire aboutit à une production excessive d’androgènes surrénaliens responsable d’une virilisation des fœtus féminins. On observe également un syndrome de perte de sel avec déshydratation dont les conséquences peuvent être vitales .

Le diagnostic est fondé sur l’accumulation dans le liquide amniotique de 17OH-P. S’il existe un cas index, le diagnostic biologique par biologie moléculaire est possible sur le trophoblaste et un traitement précoce par corticothérapie maternelle évite la virilisation du fœtus.

Plus rarement, la virilisation d’un fœtus féminin résulte d’une production maternelle excessive d’androgènes par une tumeur ovarienne ou surrénalienne, ou d’une prise (rare) de 19-nor-testostérone par la mère en début de grossesse. Le diagnostic est fait par un dosage des androgènes et des oestrogènes chez la mère.

Pseudohermaphrodisme masculin

Le caryotype est masculin ; La masculinisation est insuffisante. Les organes génitaux externes sont d’aspect féminin.

Les étiologies sont essentiellement l’insuffisance de production d’androgène par le testicule, ou l’insensibilité des tissus cibles aux androgènes. Les différentes anomalies sont dues à une anomalie enzymatique du métabolisme des androgènes ou du cholestérol :

-anomalie de la synthèse de la testostérone : déficit en 3βbéta-HSD, déficit en 17-hydroxylase, déficit en 17béta-HSD.

-anomalie du métabolisme de la testostérone : déficit en 5α alpha-réductase ; La virilisation ces enfants a lieu à la puberté.

-anomalie de la biosynthèse du cholestérol : Syndrome de Smith-Lemli-Opitz dû à un déficit en 7-déhydro-cholestérol réductase

Les anomalies d’action des androgènes peuvent être dues à une mutation du récepteur à la testostérone ; une insensibilité totale aux androgènes aboutit à un phénotype féminin (« testicule féminisant ») ; une insensibilité partielle aboutit à une hypertrophie clitoridienne ou un micropénis.

La plupart des mutations responsables des anomalies de synthèse et de métabolisme des androgènes sont connues et de transmission autosomique récessive ; l’insensibilité aux androgènes est une affection récessive liée à l’X. Le diagnostic prénatal est alors possible par biologie moléculaire.

Hermaphrodisme vrai

L’hermaphrodisme vrai est défini par la présence chez un même individu de tissu gonadique ovarien et testiculaire.

Sd polymalformatif

Plusieurs syndromes polymalformatifs (Smith-Lemli-Opitz , VACTERL, CHARGE, Wili-Prader…) intègrent des anomalies des OGE ; Le pronostic est alors celui du syndrome, souvent péjoratif.

Conclusion

La découverte d’une ambiguïté sexuelle au cours d’un examen morphologique doit conduire à réaliser bilan complet, afin d’établir un diagnostic et un pronostic le plus précis possible. La détermination du phénotype et la déclaration de sexe à l’état civil doivent quelques fois être différé de quelques jours, le temps de compléter le bilan étiologique et d’envisager un traitement réparateur. Si beaucoup de situations ont un pronostic favorable, certains cas complexes peuvent faire discuter la poursuite de la grossesse.

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Véronique Cayol, Institut de Puériculture et de Périnatalogie, 26 Boulevard Brune 75014 Paris