L’IVG par voie médicamenteuse est une méthode efficace alternative à l’IVG chirurgicale. Elle peut être pratiquée jusqu’à 7 semaines d’aménorrhée, dans un établissement public ou privé autorisé. La part des IVG médicamenteuses est en progression régulière : elle était de 20 % en 1998 et représente 42 % en 2004 de l’ensemble des IVG. Depuis la loi du 4 juillet 2001, l’IVG par voie médicamenteuse peut être réalisée dans le cadre de la médecine de ville, par un praticien ayant passé une convention avec un établissement de santé. Mais son application n’a pu se faire qu’après la délivrance des décrets de mai 2002 et de juillet 2004 et de la circulaire de novembre 2004, comportant les conditions de sa réalisation et de sa tarification. Au 31 décembre 2005, 518 conventions signées ont été recensées avec 130 établissements. Ce dispositif ne touche pas encore l’ensemble des établissements puisque seuls 20 % des établissements ont passé une convention. De plus, parmi les 39 établissements pratiquant plus de 1000 IVG/an, seuls 10 ont passé des conventions avec des médecins libéraux. En outre, seuls 11 établissements de santé dont 8 en Ile de France ont passé chacun plus de 10 conventions et concentrent 34,5 % de l’activité. La Corse, la Picardie ainsi que la Martinique et la Guadeloupe n’ont pas encore passé de convention. Sur l’ensemble de l’année 2005, 10 000 IVG médicamenteuses ont été réalisées. Depuis sa mise en place, l’IVG en ville a connu une progression soutenue. Au 31 octobre 2006, dans la région d’Aquitaine, 37 conventions ont été signées par 9 établissements. Dans le département de la Dordogne, aucune convention n’a encore été passée. Dans le département de la Gironde, 26 conventions ont été signées. Répartition en Aquitaine des conventions signéesRéseau Ville-HôpitalNotre centre d’orthogénie réalise en moyenne 2200 IVG/ an dont 19 % par voie médicamenteuse en 2005. Nous avons depuis la réalisation de l’IVG en ville, créé un réseau de ville et signé 20 conventions dont 17 en 2005 avec des médecins gynécologues et gynécologue obstétriciens. Nombre de conventions en 2005 et 2006Sur les 20 médecins, 7 d’entre eux travaillent dans le Centre de Planification Familiale de l’Hôpital Saint-André. 75 % des conventions signées l’ont été avec des gynécologues médicaux. Aucune convention n’a été signée avec des généralistes. En effet, aucun n’avait la formation requise. L’ensemble des médecins a reçu une formation théorique et pratique sur la réalisation des IVG par voie médicamenteuse organisée par le centre d’orthogénie. Un dossier a été remis par la suite comprenant la convention, le rappel des dispositions législatives, les modalités pratiques de l’IVG en ville, les fiches d’information pour la patiente, les ordonnances d’analgésie, les fiches de liaison et la déclaration anonyme ainsi qu’une enquête d’acceptabilité à donner aux patientes. Patientes et méthodeToutes les patientes souhaitant bénéficier d’une interruption volontaire de grossesse médicamenteuse, ne présentant pas de contre-indication et acceptant cette prise en charge se sont vues proposer cette méthode au cabinet médical. Une consultation avec la conseillère conjugale est proposée systématiquement. Critères d’inclusion Absence de contre-indication à la Mifépristone et au Misoprostol Comprenant les explications et paraissant disposée à respecter les consignes Résidant dans un logement convenable avec toilettes confortables et téléphone Résidant à moins d’une heure du centre hospitalier Ayant la possibilité d’avoir une personne de confiance durant les trois premières heures suivant la prise de Misoprostol N’ayant pas de charges familiales Critères d’exclusion Ayant un problème médical qui contre-indique la méthode médicamenteuse Résidant à plus d’une heure du centre hospitalier Fragilité psychologique Ne comprenant pas le français Ne paraissant pas capable de suivre le protocole Ayant une dysménorrhée importante et/ou des règles importantes Ne pouvant bénéficier de l’aide d’un proche à domicile L’IVG médicamenteuse a été réalisée par la prise de 3 comprimés de 200 µg par voie orale de Mifépristone (Mifégyne â) suivie 48 heures après de 2 comprimés de Misoprostol (Gymiso â) au cabinet médical lors d’une consultation. Une deuxième prise de Misoprostol à domicile était prévue en cas d’absence de saignement dans les 4 heures suivant la première prise. Lors de la prise de Mifépristone, la patiente repart avec : Une ordonnance d’antalgique avec Ibuprofène, Paracétamol et Anti-spasmodique, d’antiémétique et d’hémostatique (au choix du médecin). Une fiche d’information sur le déroulement de la méthode Une fiche avec les numéros de téléphone du médecin et les coordonnées du centre hospitalier Une contraception à débuter le lendemain de la prise du Misoprostol Lors de la prise de Misoprostol, un traitement antalgique par de l’Ibuprofène lui est prescrit systématiquement. Un rendez-vous de surveillance est donné pour 14 à 21 jours plus tard. Une injection de gammaglobuline anti-D est pratiquée en cas de Rhésus négatif. Le contrôle de l’efficacité de la méthode est réalisé par l’examen clinique et des examens complémentaires au choix du médecin (dosage de b hCG plasmatique quantitatif ou/et échographie pelvienne). Selon la valeur du taux résiduel de b hCG ou du résultat de l’échographie, un protocole de prise en charge a été mis en place par le réseau. Le taux résiduel de b hCG est inférieur à 20 % du taux à la prise de Mifépristone: la méthode a réussi et aucun contrôle supplémentaire n’est nécessaire si l’examen clinique est normal. Le taux résiduel b hCG est supérieur au taux initial : une échographie est réalisée pour confirmer la grossesse évolutive. L’attitude recommandée est une aspiration chirurgicale. Le taux résiduel b hCG est supérieur à 20 % du taux initial : une échographie est réalisée pour guider la conduite à tenir. L’échographie montre une grossesse arrêtée non expulsée : 2 attitudes sont possibles et seront guidées par la symptomatologie clinique et le choix de la patiente : aspiration chirurgicale ou administration de 2 doses de 400 µg de Misoprostol per os à 3 heures d’intervalle. Une surveillance est réalisée systématiquement 7 jours après. En cas d’échec du traitement médical, une aspiration chirurgicale est faite. L’échographie montre des images de rétention trophoblastique supérieur à 15 mm ou un endomètre épais supérieur à 15 mm : 2 attitudes sont possibles et seront guidées par la symptomatologie clinique et le choix de la patiente : aspiration chirurgicale ou administration de 600 µg de Misoprostol per os . Une surveillance est réalisée systématiquement après les règles. L’échographie montre des images de rétention trophoblastique inférieur à 15 mm ou un endomètre épais inférieur à 15 mm : une attitude attentiste est proposée et un contrôle échographique est réalisé après les règles. RésultatsNos premiers résultats d’enquête concernent la réalisation de 641 IVG en ville de mai 2005 à Octobre 2006. Sur la même durée, le centre a fait 568 IVG médicamenteuse. L’ensemble des médecins à ce jour a réalisé des IVG en ville. 52 % de l’activité des IVG en ville ont été réalisées par 2 médecins. La proportion des médecins qui pratiquent une à deux IVG par mois est stable depuis mai 2005 (20 %). Et 60 % des médecins réalisent moins d’une IVG par mois. La durée de consultation moyenne lors de la prise des médicaments est de 15 minutes. La confirmation du terme de la grossesse a été faite par une échographie transvaginale dans 97,3 % des cas. Le terme échographique de 7 semaines d’aménorrhée a été défini par l’ensemble du réseau à une longueur cranio caudale de 10 mm. Le dosage de l’hCG plasmatique quantitatif a été réalisé dans 75,5 % des cas. Le terme moyen de la réalisation de l’IVG médicamenteuse a été de 6 Semaines d’aménorrhée + 2 jours. L’âge moyen des femmes est de 28 ans. Les femmes de 18 à 35 ans ont réalisé 80 % des IVG. Ce sont les femmes de 21 à 25 ans qui y ont le plus souvent recours. La proportion des mineures reste faible : 2,2 %. Les patientes réalisant une IVG médicamenteuse en ville sont sensiblement plus âgées que celles qui choisissent une hospitalisation. Une contraception précédent l’acte de l’IVG est absente dans 69,4 % des cas. 21 % des femmes avaient une contraception hormonale. Dans 2,6 % des cas, il y a eu un échec de la contraception d’urgence. Contraception avant l’IVG médicamenteuse 66,2 % des femmes réalisent l’IVG pour la première fois. Dans 26,2 % des cas, elles ont eu une IVG et dans 2,3 % des cas, elles ont eu trois ou plus IVG.55 % des femmes qui viennent pour une IVG, n’ont aucun enfant et 26 % ont eu deux enfants ou plus Après la prise de la Mifépristone, des douleurs ont été présentes dans 38 % des cas, 10 heures après en moyenne, calmées par le traitement antalgique. Les femmes ont eu des saignements dans 57 % des cas dans les 25 heures. La prise du Misoprostol a été faite en moyenne à 45 heures après la prise de Mifépristone. Les douleurs sont apparues en moyenne dans les 100 minutes chez 82 % des patientes. Les saignements ont commencé dans les 2 heures. Dans 89 % des cas une tierce personne était présente pendant l’IVG, dont 53 % le conjoint. Dans 31 % des cas, une deuxième prise de Misoprostol a été nécessaire en raison de l’absence de saignement dans les 4 heures ou en cas de vomissements dans les 30 minutes. Lors de l’IVG en ville, 18 % des patientes ont appelé leur médecin et 2 % des femmes sont revenues voir leur gynécologue. Seules 2 femme sur 641 sont venues dans le service hospitalier pour la prise de Misoprostol et la surveillance. Suite à l’IVG, la durée des douleurs a été en moyenne de 3 jours ; celle du saignement : de 10 jours. Une contraception est prescrite le lendemain de la prise du Misoprostol. Dans 80 % des cas, les femmes ont choisi une contraception hormonale et 9,4 % des femmes ont eu la pose d’un stérilet le cycle suivant. La consultation de contrôle a été réalisée dans 89 % des cas. Des relances téléphoniques ont été faites en l’absence de nouvelles des patientes. 9,8 % des femmes ont été perdues de vue. Cette consultation a été faite en moyenne à 17 jours. Le contrôle de l’efficacité de la méthode est réalisé par l’examen clinique et des examens complémentaires. La surveillance a été faite soit par une échographie pelvienne dans 50 % des cas, soit par un dosage de b hCG plasmatique quantitatif dans 20 % des cas ou soit par l’association des deux dans 30 % des cas. La réussite de la méthode a été de 94,3 %. Des complications ont été observées dans 9,8 % des cas. Un geste chirurgical a été nécessaire dans 5,7 % des cas. Les échecs observés (rétention totale ou partielle, grossesse évolutive) surviennent tous pour un terme de grossesse supérieur ou égal à trente huit semaines d’aménorrhée. Le taux résiduel de b hCG était toujours dans ces cas supérieur à 3000 UI. | | Taux | Traitement médical | Traitement chirurgical | Rétention totale | 2 % | 0,3 % | 1,7 % | | Rétention partielle | 3,4 % | 2,6 | 0,8 % | | Endométrite | 0,7 % | 0,7 % | 0 % | | Hémorragie | 1,4 % | 0,5% | 0,9 % | | Grossesse extra-utérine | 0,3 % | 0 % | 0,3 % | | Grossesse évolutive Total | 2 % 9,8 % | 0 % 4,1 % | 2 % 5,7% | | | | | | | | | | |
Les premiers résultats de l’enquête d’acceptabilité montrent que 60 % des femmes ont très bien vécu la méthode médicamenteuse et 40 % l’ont bien vécu. 83 % des femmes disent choisir de nouveau cette méthode dans l’hypothèse d’une nouvelle grossesse non désirée. ConclusionLa création d’un réseau hôpital et médecins de ville a permis de faciliter l’accès à la prise en charge des IVG médicamenteuses. Celui ci n’a entraîné aucun dysfonctionnement du centre d’orthogénie ni de diminution franche de l’activité des IVG chirurgicales (1 %). Cependant, nous observons une diminution de 20 % des IVG réalisées par voie médicamenteuse dans notre centre. Les complications de cette méthode ont été identiques à celles décrites dans la littérature. Cependant la réalisation de l’IVG médicamenteuse en ville doit rester un choix de la patiente. Les problèmes rencontrés par le médecin ont été le paiement de l’acte (forfait de 191,74 euros comprenant les 4 consultations et les médicaments), le respect du délai de réflexion de 7 jours entre la consultation de confirmation de l’VG médicamenteuse et la prise de Mifépristone, les démarches administratives lourdes (fiches de liaison à adresser au centre hospitalier et à remettre à la patiente, envoi de la déclaration anonyme au centre) et la disponibilité afin de prendre en charge dans un délai raisonnable les patientes ne pouvant être accueillies par le centre. BibliographieFaucher Ph, Hassoun D, Interruption volontaire de grossesse médicamenteuse, Estem, 2005 Vilain A, Les interruptions volontaires de grossesse en 2004, Etudes et Résultats, N° 522. Septembre 2006, DREES Circulaire du Ministère de la Santé et des solidarités N°DHOS/DSG/O1/SD6D/2006/321 du 19 Juillet 2006 relative à la prise en charge des IVG pendant la période d’été. Complémentarité de l’offre en établissements de Santé et en médecine de ville. Coordination des différents acteurs. Loi n° 2001-588 du 4 Juillet 2001- Décret n° 2002-796 du 3 Mai 2002 (JO du 5 mai 2002)- Décret n° 2004-636 du 1er Juillet 2004 ( JO du 2 Juillet 2004)- Arrêtés du 1er Juillet 2004 ( JO du 13 Juillet 2004) et du 23 Juillet 2004 ( JO du 28 Juillet 2004). Circulaire DGS/ DHOS/ n° 2003-356 du 16 Juillet 2003 relative à la mise en œuvre des recommandations du groupe national d’appui à l’application de la loi du 4 Juillet 2001 relative à l’IVG t à la contraception. Circulaire N° DGS/DHOS/DSS/DREES/04/569 du 26 Novembre 2004 relative à l’amélioration des conditions de réalisation des IVG : pratique des IVG en ville et en établissements de santé. Circulaire N° DGS/6D/DHOS/01/2005/290 du 22 Juin 2005 relative à la prise en charge des IVG dans les établissements de santé et en médecine de ville pendant la période d’été. Circulaire N° DHOS/E2/DSG/SD3A/2005/501 du 9 Novembre 2005 relative aux médicaments utilisés dans l’IVG par voie médicamenteuse. Praticien hospitalier. Service du Pr Claude Hocké. Hôpital Saint-André. Bordeaux |