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2007 > Obstétrique > Complications proctologiques des SDC  Telecharger le PDF

Complications proctologiques dans les suites de couches: conduite à tenir en 2007

P. Atienza

L’accouchement par voie basse peut être à l’origine de pathologies proctologiques diverses :

.précoces, habituellement douloureuses mais fugaces et réversibles et /ou

.tardives, plus insidieuses, mais pouvant retentir gravement, à long terme, sur la continence anale.

Si l’étiopathogénie des premières reste hypothétique en revanche les secondes ont bénéficiées, durant ces vingt dernières années, de travaux continus sur l’origine des lésions, sphinctériennes et neurologiques, induites par la délivrance vaginale.

Si les “ périnées complets ” concernent moins de 1% des délivrances et justifient une réparation sphinctérienne immédiate en revanche les ruptures sphinctériennes occultes, ont fait l’objet de travaux récents tentant de préciser l’intérêt de leur diagnostic et prise en charge immédiate.

Ces défects sphinctériens (3) sont à l’origine d’incontinences anales souvent modérées (gaz, impériosité des selles) et fréquemment réversibles ; leur évolution ultérieure reste encore mal définie. Elles s’associent dans la moitié des cas à des lésions de dénervation périnéale secondaire (origine ischémique ?) et à un étirement des terminaisons des nerfs pudendaux. Les facteurs de risque sont mieux identifiés tant pour les lésions neurologiques que musculaires (1).

La surveillance ultérieure de ces femmes, victimes d’un traumatisme sphinctérien obstétrical, permet de prédire les risques d’apparition d’une incontinence anale secondaire et poser l’indication d'une césarienne lors des accouchements ultérieurs.

Chronologie des complications proctologiques du post-partum

A court terme

. Pathologie hémorroïdaire, fissuraire, fécalome, …

. Altérations fonctionnelles de la délivrance vaginale régressives

. Pathologie iatrogène (lavements, suppositoires, .…)

. Périnée complet

A moyen terme

. Autres pathologies sphinctériennes en rapport avec l’accouchement

A long terme

. Décompensation d’une incontinence anale

Les complications proctologiques du post-partum

La pathologie hémorroïdaire

80% des femmes attribuent le début de leur pathologie hémorroïdaire à une grossesse ou un accouchement (2). Les thromboses sont d’aspect particulier, multiples, très œdémateuses, elles sont douloureuses et ne se prêtent guère à un geste d’excision. L’incidence des thromboses hémorroïdaires varie, selon les publications, entre 12 et 34%, quasiment toujours dans les heures suivant l’accouchement. La seule conséquence rapportée concerne la dégradation de la qualité de vie de la mère liée à la douleur que le traitement doit s’attacher à réduire rapidement.

Certains facteurs ont été soupçonnés dans la survenue de cette symptomatologie : la constipation, l’action directe des hormones sur les vaisseaux hémorroïdaires, une prédisposition familiale et un accouchement dystocique (la césarienne ayant une moindre incidence de complications hémorroïdaires).

Le traitement doit être résolument médical, de première intention, reposant sur les laxatifs non irritants, associés aux antalgiques type paracétamol voire en cas d’œdèmes douloureux importants le recours aux anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) voire aux corticoïdes en période courte (5 jours). L’adjonction de topiques locaux favoriserait la disparition de la douleur.

Les AINS, si ils sont contre-indiqués durant le dernier trimestre de la grossesse peuvent, comme l’Académie Américaine de pédiatrie le préconise, être prescrits chez la femme allaitante. Le Kétoprofène®, sous protection gastroduodénale, est particulièrement actif sur 3 à 5 jours à la dose quotidienne de 200 à 300 mg, aux repas. Moins de 1% passe dans le lait maternel.

L’incision ou l’excision sont des gestes souvent inutiles voire délétères en majorant la douleur sur ces thromboses souvent multiples et/ou particulièrement œdémateuses.

Le recours à la chirurgie d’hémorroïdectomie est exceptionnel et ne se conçoit qu’après une inefficacité avérée, au terme de 48-72 heures, des AINS ou corticoïdes sur un prolapsus circonférentiel thrombosé ou un syndrome hyperalgique devant faire évoquer une fissure associée.

La pathologie fissuraire

Elle survient surtout dans les semaines suivant l’accouchement avec une fréquence de 3 à 39%. Le syndrome fissuraire typique est retrouvé (douleur liée à la défécation, court intervalle libre puis réapparition d’une douleur anale vive durant plusieurs heures, sans fièvre). Anorragies et fécalome réactionnel majorent encore les douleurs. Généralement située au pôle antérieur de l’anus, elle n’est paradoxalement pas associée à une hypertonie anale comme l’ont démontré les travaux manométriques Plusieurs éléments ont été soupçonnés dans sa physiopathologie : sphinctériens, neurologiques ou hormonaux. Deux facteurs semblent toutefois prépondérants : la dyschésie et la dystocie.

Le traitement est résolument médical par régulateurs du transit, antalgiques et topiques locaux. La chirurgie est exceptionnelle, réservée aux échecs d’un traitement médical correct durant plusieurs semaines. Elle consistera en une fissurectomie simple sans aucun geste sphinctérien.

Le fécalome

Primitif ou réactionnel à une pathologie hémorroïdaire ou fissuraire, il cède à l’emploi de lavements type Normacol. Il peut être favorisé par des troubles fonctionnels anorectaux d’origine neurologique et secondaires à l’accouchement par voie basse.

Les altérations fonctionnelles anorectales de la délivrance vaginale

Une incontinence fécale survient après l’accouchement chez près d’une primipare sur 10. Les anomalies de la sensation rectale du besoin ou des épisodes d’incontinence anale régressent habituellement en quelques semaines. Leur persistance doit faire évoquer des lésions plus sévères. Au décours de tout accouchement non compliqué de rupture sphinctérienne, apparaît une altération de la fonction des sphincters : diminution significative des pressions basales et des pressions de contractions volontaires, mesurées 6 semaines avant et après l’accouchement par voie basse (10). Au décours d’un accouchement par césarienne, ces pressions ne sont pas modifiées. L’incontinence anale n’est pas corrélée à la constatation de lésions sphinctériennes échographiques (4) impliquant le rôle d’autres mécanismes (processus neuropraxique pelvien ?).

Trois mois après l’accouchement, il existe, habituellement, une normalisation spontanée des pressions étudiées en manométrie ano-rectale.

Cette altération fonctionnelle est la conséquence d’un ensemble de minimes traumatismes obstétricaux à l’origine de dilacérations des fibres conjonctives, musculaires et nerveuses du périnée et de la chute du taux hormonal.

Sur le plan neurologique, des études électrophysiologiques (10) ont mis en évidence un allongement significatif de la latence distale motrice du nerf pudendal chez l’accouchée par voie vaginale. Cette neuropathie distale n’existe pas après une césarienne. Elle se corrige spontanément durant les deux à douze mois suivant l’accouchement, dans la majorité des cas.

La pathologie iatrogène (lavements, suppositoires, .…)

L’emploi de topiques locaux, suppositoires ou de lavements peuvent être à l’origine d’irritations locales très gênantes. L’emploi de mucilage doit être préféré à la paraffine, responsable de suintements.

Le périnée complet

Les lésions de grade 3 compliquent l’expulsion dans 0,5 à 1% des accouchements par voie basse. Elles sont traitées en règle par une réparation primaire : suture bout à bout du sphincter externe immédiatement après l’accouchement.

Les lésions associées de la muqueuse anale (lésions périnéales de grade 4) peuvent compliquer la réparation primaire par ses risques infectieux et par la formation d’une fistule ano ou recto-vaginale.

Malgré le traitement initial, une incontinence anale est notée dans 17 à 47 % des cas. Il s’agit, dans les deux tiers des cas, d’une incontinence modérée aux gaz ou d’une impériosité à la défécation, d’où l’importance de l’interrogatoire systématique.

A l’échographie endo-anale, on note la persistance d’un défect sphinctérien dans 65 à 80% des cas, en dépit de la réparation chirurgicale initiale. Toutes les femmes symptomatiques, même transitoirement, ont une rupture sphinctérienne.

Le devenir de ces femmes est mal connu, cependant on peut estimer qu’une grande proportion de celles qui ont un défect à l’échographie verront s’aggraver leurs symptômes lors des accouchements ultérieurs (6) et au moment de la ménopause. Il existe un risque d’incontinence définitive significatif (17 %) après un autre accouchement chez les femmes ayant eu une incontinence transitoire après un périnée complet.

Les ruptures sphinctériennes occultes

Il y a 13 ans, l’étude, méthodologiquement correcte du Saint Marks Hospital (10), caractérise ces lésions occultes.

- Chez des femmes évaluées par échographie endo-anale 6 semaines avant et après leur accouchement.

- Chez les primipares un défect sphinctérien apparaît dans 35 % des cas.

- Chez les multipares, il préexiste dans 40 % des cas et ce chiffre n’augmente que de 4 % en post-partum.

- Aucune rupture n’est notée après une césarienne.

C’est donc le premier accouchement qui semble le plus traumatisant pour le sphincter anal.

Dans la moitié des cas la rupture sphinctérienne est mixte, dans un tiers des cas il existe une rupture isolée du sphincter interne. L’atteinte du sphincter externe ne semble survenir qu’en cas de déchirure ou d’épisiotomie (en continuité avec la destruction périnéale) alors que l’atteinte du sphincter interne peut se voir avec un périnée intact.

Seul un tiers de ces femmes sont symptomatiques (impériosité, incontinence anale aux gaz, aux selles liquides dans moins de 10 % des cas) et 40 % d’entre elles s’améliorent avant le 6ème mois, sans que les lésions échographiques ne se modifient. Le devenir des femmes asymptomatiques ou présentant des symptômes transitoires reste encore à étudier.

Une étude récente (5), prospective, révèle que le dépistage en salle de travail de ces lésions sphinctériennes à l’échographie et leur réparation immédiate diminuerait la survenue d’une incontinence anale. Ce travail, bien qu’intéressant 752 primipares, n’est pas dépourvu d’interrogations et demande confirmation.

Les autres pathologies sphinctériennes en rapport avec l’accouchement

Les hématomes intra-sphinctériens

Contemporains des hématomes périnéaux post-obstétricaux, ils ont été identifiés par le développement récent de l'échographie endo-anale. Ils apparaissent comme des images des distensions sphinctériennes, sans rupture, régressives au contrôle échographique à 2-3 mois. Leur retentissement fonctionnel sphinctérien anal n'a pas été étudié à court et moyen terme.

L'endométriose intra-sphinctérienne

Plusieurs articles rapportent la présence de nodules endométriosiques dans l'appareil sphinctérien anal voire le muscle pubo-rectal après accouchement. Ils siègent généralement dans la cicatrice d'épisiotomie mais d'autres localisations sont possibles. L'intérêt de l'échographie endo-anale dans leur identification est primordial (7). Le traitement chirurgical, en cas de symptômes résistants au traitement médical, consiste en l'exérèse du nodule avec sphinctérorraphie dans le même temps.

Les fistules ano-périnéales ou ano-vaginales post-obstétricales

Elles représentent 90 % des fistules recto-vaginales (FRV) et surviennent dans 0,1 % des délivrances vaginales. Leur siège est antérieur ou médio-latéral (déchirures ou séquelles d’épisiotomies). Le rôle de l’épisiotomie dans l’apparition de ces fistules reste controversé, préventif pour certains ou favorisant pour d’autres par réparation imparfaite ou surinfection. Certaines formes trompeuses doivent être connues.

Certaines particularités caractérisent l’origine obstétricale : le trajet souvent direct, la fermeture spontanée possible en post-partum et le rôle du travail prolongé par nécrose transmurale secondaire. L’histologie systématique peut révéler du tissu endométriosique.

Les techniques utilisent la voie d’abord locale laissant abord abdominal et transpositions musculaires aux FRV d’autres étiologies. Trois procédés sont employés : abord trans-anal (Laird), transvaginal ou périnéal (Musset). La préparation colique avec nutrition parentérale est préférée à la colostomie de protection par la majorité des auteurs pour la réparation initiale de ce type de FRV. La colostomie à la faveur de plusieurs auteurs lors de réinterventions. L’emploi de la colle biologique, technique d’épargne sphinctérienne, est décevant dans ce type de fistule.

Les fistules recto-vaginales d’origine obstétricale sont, classiquement, simples et de bon pronostic. L’échographie visualise les trajets inhabituels et vérifie l’intégrité sphinctérienne conditionnant l’indication chirurgicale. Une prévention accrue lors des délivrances vaginales et une fermeture rigoureuse des épisiotomies devraient encore réduire leur faible fréquence.

Décompensation d’une incontinence anale

Au cours de la sixième décade, la fréquence de l’incontinence fécale est 8 fois plus fréquente chez la femme.

De nombreux travaux soulignent l’association de lésions neurologiques et musculaires d’origine obstétricale dans leurs survenues.

Les lésions neurologiques

Depuis les travaux de Snooks (9) il est acquis que la dénervation des muscles du plancher pelvien et du sphincter externe retrouvée dans 75 % des incontinences anales “idiopathiques ” est associée à l’existence d’accouchement par voie vaginale. La latence motrice distale du nerf pudendal est augmentée chez la moitié des femmes accouchant (35 % des primipares, 50 % des multipares) par voie basse ; elle est normale après césarienne. A 2 mois, elle redevient normale, sauf dans 10 % des cas ou elle reste allongée chez les multipares ou après forceps. Deux études montrent le caractère cumulatif des lésions du nerf pudendal avec les accouchements par voie basse ultérieurs.

Les lésions musculaires

Les déchirures périnéales grade 3 et 4 sont responsables d’incontinence anale malgré parfois leur réparation. Les sphincters anaux peuvent être déchirés sans lésion périnéale visible. Elles sont retrouvées chez 45 à 96% des parturientes rapportant une incontinence anale. Le sphincter externe est le plus exposé.

En résumé, parmi les incontinences anales d’origine obstétricale :

- 55 % sont mixtes,

- 30 % ont une rupture sphinctérienne isolée,

- 15 % ont une neuropathie isolée.

Les facteurs de risque (1)

. Ceux délétères sur le nerf pudendal

L’utilisation de forceps,

le premier accouchement par voie basse,

un gros poids de naissance,

un travail prolongé.

Ceux délétères sur l’appareil sphinctérien anal

L’utilisation de forceps, toutefois l’étude de De Parades (4) relativise ce facteur (13% des primipares ont un défect après forceps), si l’obstétricien est expérimenté,

la pratique d’un épisiotomie pour le sphincter externe (8),

le premier et aussi le second accouchement,

un travail prolongé.

Ces facteurs se retrouvent comme associés aux incontinence anale du post-partum selon des pourcentages variables selon les études publiés mais difficilement comparables.

Les explorations fonctionnelles ano-rectales

Leurs places restent importantes et n’apportent des éléments de raisonnement fiables que 12 semaines après la délivrance.

La manométrie ano-rectale : une sonde à ballonnets ou cathéters perfusés enregistre les pressions du canal anal. Elle mesure la pression intra-canalaire basale, la longueur du canal anal, l’amplitude et la durée de la contraction volontaire, les caractères du réflexe recto-anal inhibiteur, le volume de la première sensation rectale et le volume maximum tolérable. C’est un examen indolore, qui confirme les déficits et les quantifie. Il oriente vers un mécanisme préférentiel de l’incontinence (trouble de la fonction musculaire prédominant sur le sphincter interne et/ou externe ; trouble de la sensibilité ou du volume rectal). Son caractère reproductible permet d’évaluer l’évolution après traitement.

L’échographie endo-anale : au mieux réaliser en tridimensionnelle, permet la visualisation de la localisation des ruptures, de leur siège sur l’anneau sphinctérien et de leur hauteur (haute, moyenne ou basse), leur volume est calculable. Cet examen indolore objective la qualité d’une réparation chirurgicale.

Certains pièges d’interprétation et les limites de l’EEA doivent être connus. Il convient ainsi de connaître les subtilités d'interprétation des images échographiques liées aux :

aspects normaux du muscle strié :

Le « vide » antérieur physiologique de la sangle puborectale, situé au niveau de la partie proximale du canal anal, ne doit pas être confondu avec un défect complet antérieur du sphincter externe. La forme elliptique du sphincter externe dans la partie distale du canal anal ainsi que l'aspect hypoéchogène du ligament ano-coccygien doivent être distingués d'authentiques défects postérieurs du sphincter externe. L'expérience pratique permet en principe d'aisément reconnaître ces images.

remaniements anatomiques obstétricaux (hors défects) :

Une épisiotomie peut remanier le sphincter externe au niveau de son versant externe sous la forme d'une zone hétérogène, mal limitée, de petite taille, n'interrompant pas l'anneau musculaire. Ce type d'images correspond probablement à la section partielle de quelques fibres du sphincter externe. De surcroît, si l’endosonographie est réalisée tôt, dans les jours suivant l'accouchement, l'œdème périphérique de la plaie d'épisiotomie peut déborder sur le sphincter externe sous la forme d'un halo hypoéchogène, mal limité, qui peut ressembler à un défect mais qui disparaît en quelques semaines. La survenue d'un hématome et/ou d'une suppuration peut encore davantage compliquer l'évaluation du sphincter. De fait, afin d’éviter ces artefacts, il est probablement préférable d’attendre quelques mois après un accouchement avant de faire une endosonographie.

En outre, chez les femmes ayant accouché par voie basse, il n'est pas rare de constater un raccourcissement du canal anal, une diminution de la distance ano-vulvaire et/ou un amincissement de la partie antérieure du sphincter externe. Ces modifications anatomiques définitives peuvent gêner la visualisation du sphincter externe dans sa partie antérieure. La compression de la paroi vaginale postérieure basse par un doigt endovaginal et/ou la contraction sphinctérienne anale pourraient alors faciliter l'interprétation des images.

antécédents chirurgicaux complexes :

Certaines interventions complexes (réparations chirurgicales itératives, graciloplastie, mise en place d'un sphincter artificiel) et certaines malformations congénitales entraînent des remaniements tissulaires majeurs qui rendent l’endosonographie souvent peu contributive.

La place de l’EEA dans la stratégie diagnostique d’une incontinence anale est primordiale.

Dans la mise en évidence des défects sphinctériens, l’endosonographie est plus fiable que l'examen clinique. Elle est aussi fiable mais moins désagréable que l'électromyographie qu'elle a donc supplantée. Elle est également aussi fiable que l'imagerie par résonance magnétique mais plus facile d'accès, plus simple à mettre en œuvre et moins coûteuse. En revanche, elle est complémentaire de la manométrie, du reste du bilan électrophysiologique et/ou de la défécographie et, dans le cadre du bilan d'une incontinence anale, elle se place au sein d'une stratégie englobant ces diverses explorations.

Les explorations électrophysiologiques périnéales postérieures : elles comprennent un examen de détection par électromyographie, une étude de la latence du réflexe bulbo-caverneux, la latence distale motrice du nerf pudendal (grâce à une électrode du St Mark’s Hospital qui se fixe au doigt et permet une stimulation du nerf pudendal au niveau de son trajet en regard de l’épine ischiatique) et l’étude des potentiels évoqués corticaux somesthésiques du nerf pudendal.

Elles permettent d’explorer les différents étages neurologiques potentiellement lésés (neuropathie d’étirement, hématome compressif médullaire après anesthésie péridurale, ... )

La manométrie, l’échographie et la latence motrice distale du nerf pudendal sont réalisables et reproductibles même chez la femme enceinte.

Conduite à tenir

Le schéma thérapeutique suivant peut-être proposé :

Traitement curatif

En présence d’une incontinence anale du post-partum même minime : impériosité des selles, incontinence anale aux gaz, malgré la rééducation périnéale habituelle, un premier bilan comprenant une manométrie ano-rectale et une échographie endo-anale sera réalisé, au plus tôt, à 3 mois.

Le dépistage de ces symptômes, souvent dissimulés par les patientes, est essentiel pour une prise en charge thérapeutique précoce et efficace. Il doit être fait, au même titre que la recherche d’un dysfonctionnement urinaire, à la visite obligatoire post-natale.

En l’absence de résultat manométrique ou échographique préoccupant, la récupération physiologique sera attendue en renforçant éventuellement la kinésithérapie habituelle par des séances de rééducation par biofeedback voire d’électrostimulation périnéale postérieure.

En cas de lésion sphinctérienne authentifiée par échographie, ces examens seront répétés après 3 mois. Une électrophysiologie périnéale permettra d’évaluer une éventuelle dénervation associée avant de poser l’indication chirurgicale.

La réparation sphinctérienne est une suture bout à bout du sphincter ou pour certains en paletot. Elle ne peut être réalisée que pour une rupture de moins de la moitié de l’anneau sphinctérien.

Après sphinctéroplastie, l’amélioration des symptômes est obtenue dans 80 % des cas et le défect échographique est corrigé dans les mêmes proportions.

La technique de flap-valve peut être associée avec de bons résultats en cas de fistule recto-vaginale. La réparation du sphincter interne peut être tentée par la réalisation d’une suture en deux couches : ses résultats sont contestés. La réparation isolée du sphincter interne n’est pas actuellement démontrée comme bénéfique.

Les résultats attendus de la réparation sphinctérienne, s’ils ne doivent pas faire renoncer formellement à l’intervention, doivent être nuancés en cas de neuropathie du nerf pudendal. Il existe une corrélation négative entre la qualité des résultats fonctionnels et l’existence d’une dénervation. Si l’incontinence anale est immédiatement secondaire à un accouchement compliqué d’une déchirure périnéale de grade 3 ou 4, et ce malgré une réparation primaire, il est licite de réaliser la réparation secondaire de façon plus précoce.

En cas d’incontinence anale sévère persistante et en l’absence de rupture du sphincter, une neuropathie isolée fera discuter après rééducation par biofeedback ou une autre technique comme la neuromodulation sacrée ou tibiale (TENS).

Traitement préventif

Il s’agit d’une prévention primaire par le recours aux manoeuvres obstétricales les moins traumatisantes pour le périnée à définir au mieux par l’obstétricien.

Une prévention secondaire des lésions périnéales post-obstétricales passe par le suivi clinique rigoureux, le recueil des données des explorations fonctionnelles consignées dans le dossier obstétrical des patientes ayant déjà eu un traumatisme sphinctérien. Une rééducation précoce ou un traitement chirurgical de bonne qualité et l’indication d’une césarienne en cas de grossesse(s) ultérieure(s) sur certains périnées fragilisés ou réparés de façon fonctionnelle pourront ainsi être discutés.

Conclusion

L’accouchement par voie basse est générateur de pathologies proctologiques multiples, immédiates et bénignes, ou plus graves et différées. Survenant dans un climat particulier, leurs prises en charge, bien codifiées, doivent permettre à l’accouchée de traverser cette période le moins inconfortablement possible. Les travaux, essentiellement sur l’incontinence anale dite “ idiopathique ” (8 fois plus fréquente chez la femme ménopausée que chez l’homme de même âge), apportent des notions plus précises sur les mécanismes physiopathologiques et leurs prises en charge optimale. Les explorations périnéales postérieures, où l’échographie tient une place prépondérante, précisent mieux la conduite à tenir et les modalités des accouchements ultérieurs.

Bibliographie

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Service de Proctologie médico-interventionnelle Groupe Hospitalier Diaconesses-Croix Saint-Simon (Site Reuilly) 18, rue du Sergent Bauchat. 75012 Paris – France.