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2007 > Gynécologie > Cancer du sein  Telecharger le PDF

Hormonothérapie adjuvante des cancers du sein chez la femme ménopausée

M. Espie et S. Hamy

Introduction

Pendant de nombreuses années le tamoxifène a été la molécule de référence tout d’abord chez les femmes ménopausées atteintes d’un cancer du sein métastasé, mais également chez les femmes avant la ménopause.Le tamoxifène a été utilisé initialement à des doses de 20 à 40 mg pendant des durées variables de un à deux ans. Petit à petit, grâce aux méta-analyses il a pu être démontré que des durées plus longues de 4 à 5 ans étaient plus efficaces. Si le tamoxifène a été utilisé initialement par certains sans tenir compte du statut par rapport aux récepteurs hormonaux , il a finalement été prouvé qu’il n’était efficace que chez les patientes dont la tumeur présentait des récepteurs hormonaux positifs. Administré à la dose de 20 mg/j pendant 5 ans, le tamoxifène est devenu le traitement de référence chez toutes les femmes dont la tumeur présente des récepteurs hormonaux positifs, qu’elle s’accompagne d’un envahissement ganglionnaire ou non et que les patientes soient ménopausées ou non.

Il y a longtemps eu en France une réticence à prescrire le tamoxifène en préménopause en raison de l’hyperestradiolémie parfois très importante que cette molécule induit, mais d’un point de vue pragmatique il n’a jamais été démontré que cette hyperestradiolémie diminuait l’efficacité de cette molécule.Les méta-analyses de l’EBCTCG [1] [2] ont pu mettre en évidence que, pour 5 ans de traitement, le tamoxifène réduisait de 10,9% la mortalité à 10 ans pour les patientes dont la tumeur s’accompagnait d’un envahissement ganglionnaire et de 5,6% en l’absence d’envahissement.La durée de prescription du tamoxifène est empirique et la barre des cinq ans arbitraire.

Deux essais ont cependant mis en évidence qu’un traitement de plus longue durée n’apportait pas de bénéfice en termes de gain en survie, essentiellement en raison de la majoration des effets indésirables du tamoxifène avec la durée de traitement [3] [4]. Des essais sont en cours avec des effectifs beaucoup plus importants et devraient nous donner des réponses plus précises (ATLAS : Adjuvant tamoxifen Longer Against Shorter et ATTOM Adjuvant Tamoxifen Treatment offer more ?)Les patientes sous tamoxifène se plaignent pour l’essentiel de bouffées vasomotrices, de sueurs nocturnes et parfois d’un état dépressif ainsi que de leucorrhées. Sous cette molécule, il existe un risque accru d’accidents thromboemboliques et de cancer de l’endomètre mais, par contre, le tamoxifène a plutôt un effet favorable sur la densité minérale osseuse et un bon profil lipidique [5] [6].

Hormonothérapie adjuvante des femmes ménopausées :

Depuis le début des années 2000, le traitement hormonal s’est modifié grâce à la mise en évidence de l’efficacité des inhibiteurs de l’aromatase initialement en situation métastatique puis en adjuvant. Ces molécules bloquent un enzyme : l’aromatase qui permet la conversion des androgènes, produits pour l’essentiel par les surrénales, en estrogènes dans les tissus musculaires et adipeux et au sein de la tumeur elle-même. Chez des patientes métastasées, les inhibiteurs de l’aromatase se sont avérés aussi ou plus efficaces que le tamoxifène et mieux tolérés [7] et [8] [9] [10].

Essais comparant d’emblée un inhibiteur de l’aromatase au tamoxifène :

La première étude publiée en adjuvant est l’étude ATAC (Arimidex, Tamoxifen Alone or in Combination) [11] [12] [13].

9366 patientes ont été randomisées entre 1996 et 2000. Cette étude a initialement mis en évidence une amélioration de la survie sans événement sous anastrozole par rapport au tamoxifène (la survie sans événements regroupe les rechutes locales, les cancers controlatéraux et les métastases) chez les patientes RE +. Avec un recul de 68 mois de suivi, on observe en valeur absolue un gain de 2,4% en survie sans évènement pour l’ensemble de la population et de 2,9% si l’on ne prend en compte que les patientes dont la tumeur est RE +. 831 décès ont été observés, dont 500 par cancer du sein. Il n’a pas été observé de différence en termes de survie entre les deux traitements HR = 0,97 (0,85- 1,12) Des études de sous-groupes ont été effectuées qui tendent à montrer une plus grande efficacité de l’anastrozole chez les patientes non traitées par chimiothérapie et chez les patientes dont la tumeur ne s’accompagnait pas d’un envahissement ganglionnaire. Il a également été observé une efficacité plus significative chez les patientes dont la tumeur était RE +, RP-. Il faut cependant se méfier des études de sous-groupes où le facteur chance peut être non négligeable dans le résultat observé.

Le bras associant tamoxifène et anastrozole avait par ailleurs été arrêté en raison d’une absence d’efficacité supérieure au tamoxifène seul.En ce qui concerne les effets indésirables, l’anastrozole induit moins de problèmes gynécologiques, de cancers de l’endomètre et d’accidents thromboemboliques que le tamoxifène. On note en revanche, davantage de problèmes musculaires, articulaires et de fractures osseuses. Ces effets indésirables observés sont logiques par rapport au mécanisme d’action des inhibiteurs de l’aromatase. Il faut cependant noter qu’il est curieux d’observer près de 30% d’arthralgies sous tamoxifène, ce qui ne correspond pas à notre observation clinique et qui souligne les limites méthodologiques des recueils de données de ces effets indésirables. Quoi qu’il en soit, une étude de qualité de vie pendant les deux premières années de traitement portant sur 1021 patientes n’a pas trouvé de différence majeure entre les deux bras de l’étude [14]. Il faut cependant noter davantage de sécheresse vaginale, de dyspareunie et de diminution de la libido sous anastrozole.

Le tableau I résume les principaux effets indésirables observés

E.I. Anastrozole Tamoxifène p
BVM 35,7% 40,9% < 0,0001
Arthralgies 35,6% 29,4% < 0,0001
Métrorragies 5,4% 10,2% < 0,0001
Leucorrhées 3,5% 13,2% < 0,0001
Cancer endomètre 0,2% 0,8% 0,02
Fractures 11% 7,7% < 0,0001
AVC 2%% 2,8% < 0,03
Embolies 1,6% 2,4% 0,02
Accidents thrombo-emboliques 2,8% 4,5% < 0,0004

La deuxième étude de ce type a comparé le létrozole au tamoxifène.

C’est en fait une partie de l’étude BIG 1-98 (Breast International Group) [15] qui est une étude randomisée comparant 5 ans de letrozole à cinq ans de tamoxifène et à deux ans de tamoxifène suivis de trois ans de létrozole et à deux ans de létrozole suivis par trois ans de tamoxifène. 8010 femmes ont été recrutées :4003 dans le bras létrozole et 4007 dans le bras tamoxifène. Le recul est court : 25,8 mois. Il a été observé 351 événements sous létrozole contre 428 sous tamoxifène. Le létrozole réduit donc de manière significative le risque de survenue d’un événement HR = 0,81 (IC = 0,70-0,93) et de rechute à distance : HR = 0,73 (IC : 0,60-0,88). Le bénéfice en valeur absolue en survie sans événement à 2,2 ans est de 2,6%.

Les études de sous-groupes montrent une plus grande efficacité du létrozole dans tous les sous- groupes.Il a été observé davantage de fractures sous letrozole : 5, 7% versus 4% (p< 0,001) et moins d’accidents thromboemboliques et de problèmes gynécologiques que sous tamoxifène (tableau II)

Effets indésirables

Létrozole

Tamoxifène

P

Accidents thrombo-emboliques

61 (1,5%)

140 (3,5%)

< 0,001

Insuffisance cardiaque

31 (0,8%)

14 (0,4%)

0,01

Saignements vaginaux

132 (3,3%)

263 (6,6%)

< 0,001

Bouffées vasomotrices

1332 (33,5%)

1516 (38%)

< 0,001

Biopsies endométriales

72 (2,3%)

288 (9,1%)

< 0,001

Sueurs nocturnes

554 (13,9%)

647 (16,2%)

0,004

Fractures

225 (5,7%)

159 (4%)

< 0,001

Arthralgies

806 (20,3%)

491 (12,3%)

< 0,001

Sans que la différence soit significative, il a été observé 4 cancers de l’endomètre contre 10 sous tamoxifène et il a été noté plus d’hypercholestérolémie sous létrozole et plus d’événements cardiaques de grade 3,4 et 5 : 2,1% contre 1,1% (p < 0,001) avec un excès de décès liés à un problème cardiaque ou vasculaire cérébral (p = 0,08)Une troisième étude d’envergure est en cours. Il s’agit de l’étude TEAM (Tamoxifen Exemestane Adjuvant Multicenter study) comparant 5 ans de tamoxifène à 5 ans d’exemestane chez 7000 patientes. Le schéma de l’étude a été récemment modifié et finalement 5 ans d’exemestane seront comparés à 2 ans de tamoxifène suivis de trois ans d’exemestane. Les premiers résultats seront publiés en 2006.

b. Essais d’hormonothérapie prolongée :

Un essai conjoint du National Cancer Institute du Canada et du Breast International Group, l’essai MA17/BIG 1-97 [16] [17] a randomisé chez des patientes ménopausées RH+ qui avaient poursuivi 5 ans de tamoxifène la prise de létrozole pendant cinq autres années à un placebo. Cet essai a été arrêté prématurément après une analyse intermédiaire qui a mis en évidence un gain thérapeutique en faveur du létrozole. Ce bénéfice obtenu en regroupant les rechutes loco-régionales, les rechutes à distance et les métastases était de 3,5% à un suivi médian de 30 mois. Il était attendu un bénéfice absolu à 4 ans de 4,6%. Un bénéfice en survie globale a été mis en évidence pour les patientes dont la tumeur s’accompagnait d’un envahissement ganglionnaire avec un Hazard Ratio de 0,61 (IC = 0,38-0,98). Les analyses de sous-groupes sont également en faveur du létrozole.L’arrêt prématuré de cet essai fait que nous manquons de données pour une analyse optimale des effets indésirables. Les principaux sont colligés dans le tableau III

Effets indésirables

Létrozole

Placebo

P

Bouffées vasomotrices

1486 (58%)

1383 (54%)

0,003

Alopécie

126 (5%)

89 (3%)

0 ,01

Saignements vaginaux

145 (6%)

196 (8%)

0,005

Arthralgies

651 (25%)

532 (21%)

< 0,001

Myalgies

380 (15%)

310 (12%)

0,004

Fractures

137 (5,3%)

119 (5,6%)

0,25

Ostéoporose apparue

209 (8,1%)

155 (6%)

0,003

Evénement cardiovasculaire

149 (5,8%)

144 (5 ,6%)

0,76

En raison de l’arrêt de cet essai, nous ne pouvons pas non plus savoir quelle est la durée optimale d’un traitement par létrozole après tamoxifène. Une extension de ce protocole est en cours et nous aidera probablement à avoir davantage de données d’efficacité et de toxicité avec cependant des biais inhérents à la levée du double aveugle de cet essai. Une étude de qualité de vie a été menée parmi seulement 582 patientes dans les deux ans suivant la randomisation.

Essais d’hormonothérapie séquentielle (non programmée) :

Plusieurs essais randomisés ont comparé le tamoxifène pendant cinq ans à une séquence tamoxifène pendant 2 ou 3 ans suivie d’un inhibiteur de l’aromatase. Le premier essai publié utilisait l’exemestane [18]. Il s’agit de l’essai IES/BIG (Intergroup Exemestane Study) au cours duquel 4742 patientes ménopausées ont été randomisées. Après 30,6 mois (23,9-36,6) de médiane de suivi il a été noté 449 événements: 266 sous tamoxifène et 183 sous exemestane avec un Hazard Ratio de 0,68 (IC : 0,56-0,82) p = 0,00005, soit une différence en valeur absolue de 4,7% à trois ans.Il a été observé davantage de symptômes gynécologiques sous tamoxifène (p< 0,001) etd’événements thromboemboliques (p = 0,003) ainsi que l’apparition de 53 seconds cancers primitifs sous tamoxifène contre 27 sous exemestane (p 0,003).Sous exemestane, on a noté davantage de crampes (p < 0,001), d’arthralgies (p = 0,001) et de diarrhées (p < 0,001) ainsi qu’une incidence plus élevée d’ostéoporose (p < 0,05) et de troubles visuels (p = 0,04).Une actualisation de cet essai a été présentée au congrès de 2006 de la société américaine de cancérologie [19] à 55,7 mois de médiane de suivi. On a noté la survenue de 354 événements sous exemestane contre 454 sous tamoxifène avec un gain en survie globale en faveur de l’exemestane pour les patientes dont les récepteurs des estrogènes étaient positifs ou inconnus RR = 0,83 (IC : 0,69-0,99) .

Des essais numériquement plus petits ont testé le même principe d’hormonothérapie séquentielle mais avec l’anastrozole. Il s’agit de l’essai ITA (Italian Tamoxifen Anastrozole Trial) [20] et de la compilation de l’essai ABCSG 8 (Austrian breast and colorectal study group) et de l’essai ARNO (Arimidex Nolvadex) [21] . 448 patientes N+, RE + ont été randomisées dans l’essai ITA. Avec une médiane de suivi de 36 mois, 45 évènements ont été observés dans le bras tamoxifène contre 17 sous anastrozole (p = 0,0002). Il existe également un bénéfice en survie sans rechute de 5,8% à 3 ans (IC : 5,2%-6,4%). Il y a eu davantage d’effets indésirables rapportés sous anastrozole : 43,9% versus 36%, mais davantage d’effets indésirables graves sous tamoxifène.La compilation des essais ABCSG et ARNO regroupe 3224 patientes ménopausées RH+, N- ou N+. Les critères d’inclusion des deux essais n’étaient pas strictement superposables de même que le moment de la randomisation à l’entrée de l’étude dans l’essai ABCSG,

au cours des deux ans de tamoxifène dans l’essai ARNO, ce qui a pu faire exclure des patientes ayant rechuté précocement. Quoi qu’il en soit, à une médiane de suivi de 28 mois on a noté 67 événements sous anastrozole contre 110 sous tamoxifène (HR = 0,60 IC : 0,44-0,81).Il a été observé plus de fractures (p = 0,015) sous anastrozole et plus d’accidents thrombo-emboliques sous tamoxifène (p= 0,034).Nous n’avons pas encore les résultats des hormonothérapies séquentielles programmées telles que prévues dans le protocole BIG1 -98, qui est toujours en cours. Ce protocole comporte,comme nous l’avons déjà mentionné, quatre bras permettant une comparaison tamoxifène 5 ans versus létrozole 5 ans versus tamoxifène deux ans suivi de létrozole trois ans versus létrozole deux ans suivi de tamoxifène 3 ans.

Une méta-analyse [22] regroupant cinq essais randomisés avec, au total, 8794 patientes a été publiée. Il a été observé une diminution de 23% de la survenue d’événements sous inhibiteurs de l’aromatase (RR = 0,67 IC : 0,59-0,76) avec un bénéfice en valeur absolue de 3,8%. La survie sans rechute locale et à distance est également améliorée sous inhibiteurs (RR = 0,68 IC : 0,59-0,79) de même que la survie globale avec un bénéfice en valeur absolue de 1,2% et de 24% en diminution du risque relatif (IC = 0,62-0,93) Cette méta-analyse s’est également intéressée aux effets indésirables et a confirmé l’excès de fractures sous inhibiteurs de l’aromatase RR = 1,5 (IC : 1,12-2,02) et de moindre survenue de cancer de l’endomètre : RR = 0,32 (IC = 0,13-0,77) par rapport aux patientes restées sous tamoxifène. Il n’a pas été observé d’hétérogénéité entre les différentes études.

Inhibiteurs de l’aromatase en situation adjuvante et os :

Comme nous l’avons déjà souligné, une majoration de l’ostéoporose et des fractures a été observée sous ces molécules. Dans l’essai ATAC une sous- population de 308 patientes a été étudiée plus particulièrement. Après un an de traitement, il a été observé une élévation des marqueurs du remodelage osseux : élévation de 12,9% des uNTX (urinary type I collagen N-telopeptide) et 21% des BAP (bone specific alkaline phosphatase) sous anastrozole alors que sous tamoxifène ces marqueurs étaient diminués [23] [24].La densité minérale osseuse a diminué de 4% au niveau du rachis lombaire au bout de deux ans de traitement alors qu’une augmentation de 1,9% a été notée sous tamoxifène. Dans l’ensemble de la population de l’essai ATAC on a noté à 33,3 mois de médiane de suivi 5,9% de fractures contre 3,7% sous tamoxifène (p<0,0001). A 47 mois de médiane de suivi, on notait 7,1%de fractures versus 4,4% (p<0,001).Le taux de fracture sous anastrozole semble ne pas s’aggraver au cours du temps [25]. Après 60 mois de durée médiane de traitement, il a été observé un taux de fractures de 11% sous arimidex et de 7,7% sous tamoxifène (p< 0,0001) [13]. Nous n’avons pas de données concernant le létrozole sur les marqueurs de la résorption osseuse ni sur la densité minérale osseuse en dehors d’un travail portant sur 57 patientes ménopausées qui a mis en évidence une diminution statistiquement significative de la DMO au niveau de la clavicule et de l’épaule [26].

Concernant le letrozole, 226 patientes ont été étudiées (122 sous letrozole, 104 sous placebo). Toutes les patientes recevaient une association de calcium et de vitamines D. A 24 mois il a été observé sous létrozole une diminution statistiquement significative de la DMO au niveau du col fémoral (-3,6% versus -0,71% p = 0,044) et au niveau du rachis lombaire (- 5,35% versus -0,70% p= 0,008). Sous letrozole, il a été observé une élévation du taux des marqueurs de la résorption osseuse (N telopeptides). Davantage de femmes ont vu se développer une ostéoporose au niveau du rachis lombaire (4,1% versus 0% p = 0,064) [27].

En raison de l’arrêt prématuré de cet essai, il faudra attendre les données de l’essai BIG 1-98 pour avoir davantage de données sur les effets à plus long terme du létrozole sur l’os.L’exemestane semble avoir les mêmes effets sur l’os que les autres inhibiteurs de l’aromatase. Dans une étude portant sur 147 patientes ménopausées la perte annuelle de la DMO au niveau du rachis a été de 2,17% sous exemestane contre 1,84% sous placebo. Au niveau du col fémoral la diminution a été de 2,72% versus 1,48% sous placebo (p = 0,023).Il a été observé une élévation significative des C telopeptides (CTX) et des N telopeptides (NTX) marqueurs de la résorption osseuse et également des phosphatases alcalines osseuses et du pro-collagène de type I (PINP) [28]. Dans l’essai rapporté par Coombes [18], il a été mis en évidence l’apparition de davantage de nouveaux cas d’ostéoporose sous exemestane que sous tamoxifène (7,4% versus 5,7% p = 0,05) et un excès de fractures (3,1% versus 2,3% p = 0,08).

Il n’y a donc pas d’effet protecteur sur l’os de l’exemestane mis en évidence comme certains l’avaient avancé en raison de sa structure stéroidienne et de son éventuel effet androgénique.L’effet sur l’os des inhibiteurs de l’aromatase semble donc être un effet de cette classe de molécules. Il est actuellement conseillé d’effectuer une ostéodensitométrie de référence à l’initiation du traitement et de la renouveler 18 à 24 mois après afin d’apprécier d’éventuelles modifications et de débuter des traitements adaptés généralement à base de diphosphonates.

Profil lipidique et inhibiteurs de l’aromatase :

Dans l’essai ATAC, il a été rapporté une plus grande fréquence de l’élévation du cholestérol que sous tamoxifène [11] de même que dans l’essai ITA [20], mais nous n’avons pas davantage de détails. Il existe par ailleurs de petites études avec des résultats divergents.Il a été observé sous exemestane dans un essai randomisé en double aveugle, à deux ans, une Dans un essai randomisé en double aveugle à deux ans, il a été observé sous exemestane unediminution du HDL cholesterol d’environ 6 à 9% alors que l’on notait une élévation de 1 à 2% sous placebo (p< 0 ,001) associée à une diminution significative de l’apolipoprotéine A1 (p = 0,004) [28]. Le HDL cholesterol est considéré comme le « bon cholestérol » ayant un effet cardioprotecteur. Un suivi de la mortalité cardiovasculaire à long terme est donc nécessaire.Dans l’essai BIG 1-98 il a été noté une élévation du cholestérol plus fréquente sous létrozole que sous tamoxifène alors qu’il n’a pas été observé davantage d’hypercholestérolémie sous létrozole que sous placebo dans l’essai MA17. Au total, le profil lipidique des patientes sous inhibiteurs de l’aromatase est à suivre, l’élévation du cholestérol et la chute du HDL cholestérol pouvant augmenter le risque coronarien. Il a en effet été confirmé que les estrogènes avaient un effet cardioprotecteur lorsqu’ils étaient prescrits dans la foulée de l’installation de la ménopause (y compris dans l’essai WHI) et non 15 ans après l’installation de celle-ci [29] [30], ce qui soulève des interrogations sur le rôle des carences estrogéniques profondes.

Quel traitement proposer ?

Il existe un consensus pour proposer chez les femmes ménopausées un inhibiteur de l’aromatase à un moment quelconque de leur traitement adjuvant [31]. Cependant le meilleur usage et la meilleure molécule restent inconnus. Il n’y a pas eu, en effet, en situation adjuvante de comparaison directe entre les différents inhibiteurs de l’aromatase. Faut-il commencer le traitement adjuvant d’emblée par un inhibiteur de l’aromatase et lequel ? Est-il préférable de débuter par le tamoxifène et de poursuivre par un inhibiteur ou l’inverse ?Des modèles mathématiques ont été proposés pour privilégier telle ou telle attitude. Un modèle de Markov suggère qu’il est préférable, après deux ou trois ans de prise de tamoxifène, de permuter vers un inhibiteur de l’aromatase pour réduire les risques de rechute dans les 10 à 15 années ultérieures [32] alors que Cuzick pense qu’il est préférable de débuter le traitement d’emblée par un inhibiteur de l’aromatase [33], ce qui illustre bien les limites de ces approches.Les données des essais publiés peuvent faire penser que des sous-groupes de patientes peuvent bénéficier de tel ou tel traitement.

Les inhibiteurs de l’aromatase pourraient être plus bénéfiques chez les patientes dont la tumeur est RE +, RP- [21] et ils pourraient être plus actifs en cas de surexpression de CerbB2 [34]. Les cancers du sein hormono-dépendants sont variés. Certains vont faire partie des cancers du sein luminal A (RE +, RP + et de bas grade), d’autres des cancers luminal B (généralement de haut grade) et d’autres auront une surexpression de CerbB2. En fonction de ces différentes présentations des hormonothérapies différentes pourraient peut-être être utilisées.Doit-on utiliser les inhibiteurs de l’aromatase après la chimiothérapie ou en même temps ? Leur efficacité diffère –t-elle en fonction de celle-ci ? Quand une aménorrhée est induite par la chimiothérapie, peut-on proposer des inhibiteurs de l’aromatase ? En fait, aménorrhée ne veut pas dire ménopause et une récupération de la fonction ovarienne peut-être observée jusqu’à 24, voire 36 mois après l’arrêt des règles. Smith IE [35] a rapporté que sur 45 femmes âgées en moyenne de 47 ans (39- 52 ans) 27% avaient retrouvé une fonction ovarienne sous inhibiteurs de l’aromatase .Le choix des différents traitements doit aussi être envisagé en fonction du profil de tolérance (ostéoporose, accidents thromboemboliques…)

Conclusion

L’hormonothérapie adjuvante des cancers du sein s’est considérablement enrichie ces dix dernières années avec l’introduction des inhibiteurs de l’aromatase. La survie sans événement des patientes s’est améliorée de manière statistiquement significative par rapport aux patientes traitées par tamoxifène. Avec le recul, un bénéfice en survie globale va très certainement apparaître. Il reste à mieux cerner nos indications et à apprécier les effets indésirables à long terme de ces nouvelles modalités thérapeutiques.

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Centre des maladies du sein –oncologie médicale, Hôpital Saint Louis Paris: