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2007 > Périnéologie > Prolapsus genitaux  Telecharger le PDF

Prothèses et prolapsus : indications et limites

M Cosson , J. Lucat , Debodinance P , P Collinet et M Boukerou

Introduction

Après avoir permis d’améliorer sensiblement les taux de réussite des chirurgies des défects pariétaux, les prothèses synthétiques ont révolutionné grâce à Ulf Ulmsten la chirurgie de l’incontinence urinaire. Depuis quelques années elles sont logiquement essayées dans la chirurgie des prolapsus génitaux par voie basse après s’être imposée pour les chirurgies de prolapsus génitaux par voie haute. Néanmoins, trop de chirurgiens implantent à leurs patientes des prothèses résorbables ou non sans connaître leur composition ou leur mode de fabrication. Trop d’entre eux pensent encore que le marquage CE d’un produit représente une garantie de qualité et surtout de résultats, voire de validation des complications potentielles chez l’homme au même titre que l’Autorisation de Mise sur le Marché peut l’être en ce qui concerne les médicaments. Les prothèses synthétiques ou non sont pourtant considérées comme des implants médicaux et le label CE qui leur est accordé ne relève que de garanties de fabrication et n’est pas assorti à des garanties de résultats.

Le mode de fabrication de ces matériaux, leur composition et leur mode de fabrication sont pourtant essentiels pour apprécier les propriétés mécaniques avant et après implantation tissulaire mais également pour leur tolérance ultérieure et leur réponse à une éventuelle infection bactérienne. Une compréhension de ces mécanismes est nécessaire afin de déterminer quels sont les matériaux les mieux adaptés à l’utilisation que nous souhaitons en faire dans les cures d’incontinence urinaire d’effort et les cures de prolapsus génitaux par voie vaginale. Cette compréhension est essentielle si l’on souhaite développer de nouveaux matériaux mieux adaptés à cet usage spécifique.Les matériaux utilisés actuellement ont été développés à l’origine pour une utilisation dans les renforts de parois abdominales et de hernies. Leur cahier des charges impliquait donc des propriétés mécaniques d’une part de résistance à l’expansion (60 Newtons dans les cures de hernie et 32 Newtons dans les cures d’éventration, chiffres non validés obtenus par simple modélisation …) mais également de résistance aux infections. Les objectifs impartis à ces matériaux semblent atteints au vu du développement majeur de ce segment d’activité grâce à un taux de réussite élevé et à un taux de complications modéré en particulier en terme d’infections secondaires (1).

Nous ne souhaitons pas ici reprendre cette description complète des différents matériaux vers laquelle nous renvoyons les lecteurs et avons préféré nous atteler à la description des complications liées à l’utilisation des prothèses et de leur symptomatologie mal connue et pas encore décrite dans la littérature.Nous nous intéresserons avant tout aux complications liées à l’utilisation de matériaux prothétiques synthétiques, sans revenir sur le traitement ou la description des complications de la technique elle-même comme les récidives de prolapsus après mise en place de prothèses par voie vaginale.Nous envisagerons donc successivement la description des complications des matériaux synthétiques et leur symptomatologie.Nous ne distinguerons que rarement les complications en fonction de la voie d’abord. Pourtant la fréquence des complications liées aux prothèse semble significativement plus importante après implantation voie basse, même si la spondylodiscite reste l’apanage de la promontofixation. De même la symptomatologie de ces complications prothétiques semble plus bruyante après implantation voie basse, sans qu’il soit démontré si ce fait est lié à des raisons anatomiques les prothèses étant de plus petite taille et plus éloignées du vagin après voie « haute ».Au vu des taux de complications présentés par certains matériaux implantés tout nouveau matériau synthétique, nouvelle enduction, nouveau tricotage devrait être validé pour chacun de ces critères sur modèle animal avant diffusion clinique. Le produit de comparaison doit être dans l’état actuel de nos connaissances le polypropylène monofilament tricoté à maille large de type Prolène Soft ou un équivalent.

Chapitre 1 : Classification des complications liées aux prothèses synthétiques

Type 1 : Défaut de cicatrisation vaginale : d’origine probablement vasculaire sans infection associée

1 A : défaut de cicatrisation isolé : granulomes vaginaux ou érosions vaginales ne sont pas des termes clairs et sont associés dans l’esprit de nombreux chirurgiens à un problème infectieux. Le terme le plus approprié est sans doute celui d’exposition vaginale de prothèse 1 B : troubles de la cicatrisation : polypes, synéchies Accidentelles : secondaire à une perforation passée inaperçue de localisation latérales Secondaires défaut de cicatrisation : localisation médiane sous une des incisionsOn peut sans doute rapprocher les synéchies vaginales postopératoires ou les polypes cicatriciels qui sont tous les deux anodins et peuvent le plus souvent être traités en salle de consultation.

Type 2 : Infection du matériau : diffusion le long de l’implant, favorisé par la densité du matériau

2 A Erosions vaginales persistantes ou à distance par infection

2 B Infection diffusant le long de la bandelette

2 C Erosion cutanée à proximité du point de sortie de la prothèse

Infection des espaces de contiguïté :fistules le long de la prothèse

Abcès de contact

Abcès à distance 2 F Fistules 2 G Infection aigues : cellulite pelvienne

Type 3 : Rétractions prothétiques :

Grade 1 : Prothèse palpable indolore : rétraction asymptomatique modérée (bras ou corps de la prothèse palpable sans épaississement)Grade 2 : Rétraction modérée (moins 50% de la surface) et/ou peu symptomatique : palpation sensible( épaississement non nodulaire de la prothèse)Grade 3 : rétraction importante (plus de 50% de la surface) et/ou symptomatique palpation douloureuse (épaississement nodulaire de la prothèse)Grade 3 A : rétraction importante peu symptomatiqueGrade 3 B : rétraction importante symptomatiqueGrade 4 : bandelette douloureuse ++ au contact, même si la rétraction n’est pas toujours palpable

Type 4 : érosions prothétique

Les érosions prothétiques « vraies » sont à différencier du terme d’érosion vaginale improprement attribué aux expositions vaginales de prothèse. Il s’agit après cicatrisation d’une érosion de voisinage par frottement ou compression de la prothèse.Cette érosion peut apparaître au niveau du vagin même si cette situation est exceptionnelle au regard des expositions de prothèses ou des plaies de cul de sac vaginaux per opératoires. La plupart du temps ces érosions sont observées au niveau des organes de voisinage. Elles sont la plupart du temps liées à une mise en tension excessive compliqué ou non d’une rétraction. Ces complication sont exceptionnelles dans notre expérience mais au vu de l’expérience des prothèses mise en place dans le cadre des cures de hernies inguinales ou de promontofixations elles peuvent s’observer parfois plusieurs années ou dizaines d’années après la mise en place initiale.a- érosions vaginales : cul de sac vaginalb- érosions urétralesc- érosions vésicalesd- érosions rectalese- autres érosions à distanceCette classification ne peut malheureusement qu’être provisoire mais a l’avantage de mieux individualiser les différentes catégories de complications qui sont le plus souvent confondues dans les publications. Cette classification s’enrichira, n’en doutons pas, dans les années à venir de nouvelles rubriques qui n’ont pas encore été individualisées. Seule une évaluation précise de ces diverses complications peut néanmoins permettre de valider leur usage en pratique clinique notamment pour de nouvelles indications comme les cures de prolapsus génitaux par voie basse.

Chapitre 2 : Symptomatologie des complications

Type 1 a et/ou b peut être asymptomatique ou responsable de leucorrhées prolongées mêlées éventuellement à de petites pertes de sang spontanées. Dans notre expérience une érosion vaginale sur prothèse asymptomatique présente un risque important de devenir symptomatique secondairement.

Type 2 : la plupart du temps ces complications sont associées à l’existence de leucorrhées parfois très abondantes, sales, jaunes ou marrons, accompagnées parfois de métrorragies spontanées ou provoquées. Elles sont rarement douloureuses dans les stades initiaux.On retrouvera dans tous les cas un orifice de fistule entre la prothèse et le vagin ou la peau. Cet orifice laisse sourdre du pus ou au moins des leucorrhées sales, il est parfois difficile à objectiver car il peut être millimétrique mais est toujours retrouvé par un examen soigneux, éventuellement sous anesthésie. La prothèse infectée est souvent engainée dans une coque de tissus inflammatoire et on peux alors palper une induration souvent sensible à l’examen vaginal.

Type 3 : la plupart du temps asymptomatiques les rétractions prothétiques (grade 1) sont parfois responsables de douleurs pelviennes spontanées ou survenant à l’effort et surtout de dyspareunies (grade 3 ou 4). Dans un certain nombre de cas la rétraction prothétique est asymptomatique mais la palpation de la zone est sensible pour la patiente.On retrouve sous le vagin au toucher vaginal la prothèse indurée et chiffonnée, dans les cas les plus avancés la prothèse est totalement rétractée comme un corps étranger localisé en sous vaginal. La rétraction tissulaire péri prothétique évoque dans les cas extrêmes les nodules endométriosiques par la rétraction de contact du vagin ou des organes de voisinage (grade 3b)…grade 4 : On peut rapprocher des rétractions les douleurs de contact des prothèses même si la rétraction de la prothèse n’est pas ici prédominante, ni même parfois palpable. C’est le cas des bandelettes rétropubiennes parfois responsables de douleurs le long du trajet, souvent réveillées par la palpation de la prothèse. De même dans les bandelettes trans obturatrices on retrouve parfois des bandelettes qui ne sont pas réellement rétractées mais douloureuses parois responsables de dyspareunies ou de douleurs provoquées à l’effort. la persistance de cette symptomatologie après plusieurs mois d’attente ou de traitement médical, la douleur à la palpation de la portion de prothèse au contact de l’os conduit parfois à réaliser une exérèse secondaire de la bandelette.

Type 4 : la symptomatologie est ici directement dépendante de l’organe lésé. Dans les érosions vaginales isolées leucorrhées et métrorragies sont fréquentes mais pas systématiques. Pour les érosions urétrales les brûlures mictionnelles, les urêtrorragies, les infections urinaires à répétition doivent alerter et faire pratiquer systématiquement une urétroscopie et/ou une échographie périnéale. Les érosions vésicales sont de symptomatologie proche. Bien entendu dans tous ces cas le retard de prise en charge, souvent lié à une symptomatologie fruste peux parfois amener à l’infection secondaire.Les érosions rectales sont marquées par des rectorragies, des épreintes ou des ténesmes, le toucher rectal ou la rectoscopie permettant de faire le diagnostic.L’échographie pelvienne plus que l’IRM ou le Scanner peut permettre de visualiser la prothèse rétractée, de préciser l’importance de la rétraction par la visualisation des replis prothétiques ainsi que le rapport avec les organes de voisinage afin d’anticiper d’éventuelles complications per ou post opératoires.

Chapitre 3 : fréquence de ces complications

Il est difficile de rapporter l’ensemble des complications observées dans les cures de prolapsus génitaux avec mise en place de prothèse par voie vaginale.Nous rapporterons ici les taux de complications concernant deux séries publiées par le groupe TVM portant sur 684 procédures TVM et 110 Prolift (2). Bien entendu ces complications ne sont pas rapportées selon la classification présentée ici et n’interviennent qu’à titre indicatif.Ainsi les rétractions prothétiques rapportées regroupent sans doute les grades 3 de notre classification.

Complications TVM Prolift
Complications per-opératoires 2,05% (n=684) 0,9% (n=110)
Hémorragies per-opératoires 7
Plaie vésicale 5 1
Plaie rectale 1
Erosion rectale 1
Complications post-opératoires précoces 2,6% (n=684) 1,8% (n=110)

Hématomes pelviens

13 2
Abcès périnéaux 2
Fistule vésico vaginale 1
Fistule recto vaginale 1
Cellulite pelvienne 1
Complications post-opératoires tardives (n=684) (n=106)
Exposition prothétique 77 (11,3%) 5 (4,7%)
Rétraction prothétique 80 (11,7%) 18 (17%)
Récidive de prolapsus36 (5,3%)5 (4,7%)
Incontinence de novo 37 (5,4%) 5 (4,7%)
Tableau I : Complications des procédures (2)

Conclusion :

Les prothèses synthétiques mises en place pour rune cure d’incontinence urinaire ou de prolapsus génital, et en particulier par voie vaginale sont bien responsables de complications spécifiques dont la fréquence peut être diminuée par des mesures de prévention. Leur prise en charge fait l’objet de stratégies spécifiques que tout chirurgien utilisant ces produits devrait connaître, notamment pour éviter un retard de prise en charge préjudiciable pour la patiente.Enfin il faut rappeler que chacun d’entre-nous est tenu de déclarer à l’AFSSAPS toute complication secondaire après mise en place d’un dispositif médical (dont font partie les prothèses) et nous devrions donc nous astreindre à ces déclarations. Seules ces déclarations permettront de bénéficier par ce biais d’un suivi national et permettrait aux autorités de juger lorsqu’un « seuil de sécurité » semble dépassé, voire de prendre une décision de suspension ou de retrait de produit. Seule l’analyse prospective et si possible randomisée de ces taux de complications permettra d’analyser si les bénéfices liés utilisation de ces matériaux prothétiques en terme de taux de récidive à distance et de morbidité postopératoire sont bien supérieurs nettement aux complications per et postopératoires secondaires.

Bibliographie

1. Cosson M, Boukerrou M, Lambaudie E, Lobry P, Crepin G, Ego A: Biomécanique de la réparation et résistance des tissus biologiques dans les cures de prolapsus : pourquoi utiliser des prothèses ? J Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris) 2003; 32(4): 329-37.2. Debodinance P, Berrocal J, Clave H, et al.: Évolution des idées sur le traitement chirurgical des prolapsus génitaux : Naissance de la technique TVM. J Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris) 2004; 33(7): 577-88.

Clinique de gynécologie, Hôpital Jeanne de Flandres, Université Médecine Lille * Service de gynécologie Obstétrique CH Dunkerque