Résumé Incontinence urinaire à l’effort pure de la femme : toute exploration est inutile; Incontinence urinaire à l’effort résistante à la rééducation : les explorations urodynamiques sont non seulement utiles mais indispensables; Incontinence urinaire à l’effort de la femme non pure (urgences mictionnelles ou pollakiurie associée, troubles anorectaux) : urodynamique systématique; Bilan préchirugical d’une incontinence à l’effort : urodynamique indispensable, étude morphologique utile; Incontinence urinaire opérée et récidivée : étude urodynamique, radiologique, cystoscopique systématiques. Dans tous les cas, toute exploration est superflue ... en l’absence d’examen clinique et d’évaluation par échelles validées de qualité de vie. Introduction D’une extrême fréquence, l’incontinence urinaire à l’effort de la femme ne pose en règle pas tant un problème diagnostique que physiopathologique. En effet ses mécanismes sont nombreux et peuvent même être associés entre eux. L’interrogatoire et l’examen clinique, même s’ils restent un préalable indispensable à toute autre évaluation, ne sont pas dans tous les cas contributifs. En revanche, les explorations urodynamiques démontrent le plus souvent le mécanisme physiopathologique des fuites. Pourtant elles ne sont pas forcément utiles, du moins d’emblée, en raison du caractère stéréotypé de la réponse thérapeutique. En effet, la rééducation périnéale est en règle toujours essayée de première intention ce d’autant qu’elle est habituellement efficace (même si ce n’est que transitoire), et que d’autre part ses contre-indications sont exceptionnelles. De même, le consensus actuel de traiter systématiquement par oestrogénothérapie locale les femmes ménopausées, quel que soit le pattern physiopathologique, enlève encore un intérêt théorique aux explorations complémentaires. Pourtant ces dernières ne sont pas toujours superflues, devenant dans certains cas non seulement utiles mais indispensables. C’est ainsi le cas de l’incontinence urinaire à l’effort pure non améliorée par la rééducation périnéale, du bilan pré-chirurgical et lorsque le caractère strictement lié à l’effort des fuites n’est pas démontré ou s’accompagne encore de troubles mictionnels divers (urgence mictionnelle, dysurie) voire anorectaux (incontinence fécale). Les différents examens complémentaires Les explorations à visée physiopathologique : les explorations urodynamiques. La cystomanométrie est l’étude des pressions intravésicales pendant le remplissage de la vessie. Cet examen devient indispensable lorsque l’incontinence à l’effort n’est pas pure et que s’y associent des manifestations " irritatives " de type urgences mictionnelles, pollakiurie, voire fuite par impériosité avec faible délai de sécurité. Elle permet dans ces cas de retrouver le mécanisme physiopathologique de ces symptomes sous la forme soit de contractions non inhibées du détrusor (contraction dépassant 20 cm d’eau avant 200 ml de remplissage), soit d’un défaut de compliance (mauvaise adaptation de la vessie au remplissage avec hypertonie). Ce dernier élément doit toujours faire évoquer la possibilité d’une pathologie de la muqueuse urétro-vésicale (tumorale, infectieuse, inflammatoire) et impose un bilan urologique (cystoscopie avec biopsie vésicale). Ailleurs, la mise en évidence d’une hyperactivité vésicale doit faire suggérer la possibilité d’une atteinte neurogène ce d’autant que l’on retrouve une anomalie de l’examen périnéal (hypoesthésie périnéale, hypotonie sphinctérienne anale, abolition du réflexe clitorido-anal) ou d’autres éléments cystomanométriques évocateurs (dyssynergie vésico-sphinctérienne, hypoesthésie associée à l’hyperactivité, résidu post mictionnel). Le dernier intérêt de la cystomanométrie est pronostique : en cas de chirurgie envisagée en raison de l’échec des solutions médicales (rééducatives ou médicamenteuses), le risque de dysurie (voire de rétention) post-opératoire sera d’autant moins important que la contractilité vésicale vérifiée au cours d’un stop-test au cours de la cystomanométrie sera mauvaise (pression isométrique inférieure à 20 cm d’eau), et que l’étude pression-débit retrouve un syndrome obstructif. L’étude sphinctérométrique (au mieux réalisée au microcapteur électronique), permet elle aussi d’apporter des éléments physiopathologiques et pronostiques : la constatation d’une défaillance sphinctérienne avec effondrement des résistances urétrales et positivité du Vasalva Leak Point, plaide en faveur d’une incompétence sphinctérienne et constitue un marqueur du mauvais pronostic d’une chirurgie de colposuspension. C’est dans ces cas ou l’hypermobilité cervico-urétrale n’est pas le facteur physiopathologique principal (négativité de la manoeuvre de Bonney, insuffisance sphinctérienne avec pression de clôture inférieure à 30 cm d’eau, positivité du Leak Point avec une pression de fuite inférieure à 60) que se discute une fronde sous cervicale voire l’implantation d’un sphincter artificiel urinaire après échec de solution temporaire (injection périurétrale de macroplastique par exemple). Dans d’autres cas, l’étude sphinctérométrique permet de retrouver une instabilité de l’urètre, une fatigabilité sphinctérienne pathoogique à l’effort, voire une dysréflexie urétrale d’effort dont le traitement est avant tout médical (rééducation, alphastimulant, bétabloquant, anticalcique). Quant au classique " défaut de transmission " des pression vésicales à l’urètre, il doit désormais être abandonné du moins en tant que témoin supposé d’une éventuelle cervico-cystoptose en raison de l’absence totale de reproductibilité, de sensibilité et même de spécificité puisqu’une diminution du ratio PV/PU peut tout aussi bien illustrer une atteinte neuro-musculaire purement tonico-réflexe (défaut de transmission observé chez l’homme atteint d’un syndrome de la queue de cheval par exemple). D’autre test urodynamique sont parfois proposé dans les cas difficiles : fluid bridge test à la recherche d’une béance cervicale, test à l’eau glacée, cystomanométrie à remplissage rapide et holter vésical pour dépister une instabilité vésicale. Les explorations à visée morphologique Elles prennent tout leur intérêt dans le cadre du bilan préchirugical, notamment en cas d’incontinence récidivée. Le colpocystogramme (et bientôt l’IRM fonctionnelle dynamique), permet une évaluation de la statique et de la dynamique pelvienne. L’opacification des différents viscères (vessie, rectum, ...) permet de noter la position du col, le trajet urétral, l’évolution à la poussée et à la retenue du contenu pelvien, les situations et rapports respectifs des organes entre eux, leur " compétition " éventuelle, le retentissement anatomique éventuel. Parfois, la simple cystographie de profil en poussée est suffisante pour confirmer une béance cervicale et la cystoptose. L’échographie dynamique se développe de plus en plus mais reste très opérateur dépendant. Quant à la cystoscopie elle est indispensable en cas d’incontinence récidivée, d’impériosité associée, la simple calibration urétrale et méatique faisant partie de l’indispensable examen clinique. Les explorations à visée étiopathogénique Elles se résument en pratique à l’électromyographie périnéale : l’examen de détection des muscles du périnée permet de mettre en évidence des signes neurogènes périphériques, l’étude des latences distales du nerf pudendal par stimulation endorectale permet d’affirmer l’atteinte des fibres distales du nerf pudendal dans le cadre d’une neuropathie périnéale d’étirement dont on connaît d’une part la fréquence et d’autre part le rôle dans la genèse de l’insuffisance sphinctérienne. Cependant ces examens font plus l’objet d’une évaluation prospective dans le cadre de la recherche clinique, que d’examens de routine. Elles deviennent en revanche très utiles lorsque l’incontinence à l’effort n’est pas pure (recherche d’une étiologie neurogène devant une impériosité ou des fuites sur urgence mictionnelle associées), ou lorsque s’y associent des troubles anorectaux (hypocontinence fécale) ou génitosexuels (hypo ou anorgasmie). Dans ces cas, la mise en évidence d’une participation neurogène par lésion tronculaire voire plexique permet d’apprécier le pronostic et d’orienter au mieux la thérapeutique (graciloplastie électrostimulée, sphincter artificiel, rééducation, drogues alpha-adrénergiques). Evaluation et pronostic de l’incontinence urinaire a l’effort Le retentissement des troubles urinaires sur les activités de la vie quotidienne, les occupations professionnelles et de loisir ainsi que sur l'état psychologique, doit être pris en compte dans la démarche diagnostique (hiérarchie des examens complémentaires) et dans le traitement des troubles vésico-sphinctériens. Une évaluation de la qualité de vie apparaît ainsi indispensable nécessitant l'utilisation d'échelles codifiées, sensibles et spécifiques, explorant l'ensemble des dimensions touchées par les troubles mictionnels. Ces outils performants, peu coûteux, non invasifs permettent en particulier l'analyse de l'efficacité du traitement rééducatif. Plusieurs échelles sont utilisables en pratique quotidienne. L’échelle MHU (1) est un score de symptômes permettant de grader l’incontinence urinaire à l’effort. L’échelle Ditrovie (2) est une échelle de Qualité de Vie des troubles mictionnels, validée, sensible et spécifique, auto administrée, ayant fait l'objet d'une validation psychométrique lors d'études multicentriques. Le test d’incontinence (Pad test), permet une appréciation purement quantitative de l'incontinence urinaire d'effort (pesée d'une couche avant et après une série d'exercices codifiés pour chiffrer en ml/heure les fuites urinaires). Ce test apporte une idée objective de la réalité et de l'importance de l'incontinence urinaire à l'effort permettant dans un certain nombre de cas la prise de décision thérapeutique (implantation d'un sphincter artificiel), et de valider les résultats thérapeutiques (chirurgicaux, médicamenteux, rééducatifs). Ces tests ne préjuge en aucun cas du retentissement psycho-social et de la perturbation de la qualité de vie. Ainsi, et non pas à côté mais avant et après les éventuels examens complémentaires, l'évaluation clinique objective et quantitative des symptômes et celle de leur retentissement social et psychologique par des échelles et scores précis, devient de plus en plus indispensable (3). Cette évaluation clinique permet de nuancer les décisions qu'elles soient diagnostiques (hiérarchie des examens complémentaires) ou thérapeutiques (indication chirurgicale). Elle apporte des arguments objectifs sur l'impact des traitements (notamment rééducatifs). Leur intérêt médico-légal (importance du retentissement conduisant à un acte chirurgical) et économique (absence de coût des échelles) n'est pas non plus négligeable. Bibliographie 1. Amarenco G., Kerdraon J., Perrigot M. Échelle d'évaluation du handicap pelvien: mesure du handicap urinaire (échelle M.H.U..) Entretien de Rééducation, Montpellier 1992, Masson. p. 498-04 2. Marquis P., Amarenco G., Sapede C., Josserand F., Mc Carthy C., Zerbib M., Richard F., Jacquetin B. ,Villet R., Leriche B., Casanova JM. "Elaboration et validation d'un questionnaire qualité de vie spécifique de l'impériosité mictionnelle chez la femme" Prog Urol, 1997; 7, 56-63 3. Wyman J., Harkins S., Choi S., Taylor J., Fantl J. Psychosocial impact of urinary incontinence in women. Obstet Gynecol 1987; 70, (3), 378-81 Laboratoire d’Urodynamique et de Neurophysiologie, Service de Rééducation Neurologique Centre Hospitalier Robert Ballanger, 93602 Aulnay-sous-Bois |