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2005 > Pédiatrie > Erreurs médicales  Telecharger le PDF

Les erreurs de diagnostic en pédiatrie hospitalière

J. Dommergues

« Faire un diagnostic » est une opération complexe dans l'exercice médical en général – et tout spécialement en pédiatrie - dont le but est de permettre l'adoption pour le malade du traitement le plus approprié à la maladie mise en cause en fonction des connaissances du moment.

« Faire » un diagnostic s'apparente classiquement par bien des côtés à un travail artisanal élaboré à partir de différents ingrédients : l'interrogatoire, l'examen clinique, les examens complémentaires.

Les voies du diagnostic

Poser un diagnostic peut se faire selon trois principales voies :

– la reconnaissance des formes ;

– la décision dichotomique ou algorithmique ;

– la méthode probabiliste [1].

Nous rappelons brièvement ces trois voies avant de réfléchir à ce qui se passe dans la réalité médicale quotidienne.

La reconnaissance des formes

Elle comporte les étapes suivantes : le recueil des données ; le choix des éléments considérés comme des indices pour le raisonnement diagnostique ; le regroupement du plus grand nombre d'indices dans une « forme » qui paraît un ensemble cohérent ; la construction d'hypothèses diagnostiques en comparant cet ensemble avec des tableaux cliniques de maladies déjà connues du médecin. Cette démarche diagnostique est la plus classique. Elle fait appel à l'intuition et à la connaissance antérieure du médecin.

Trois types d'écueil sont possibles :

– les limites de la connaissance et de la mémoire (biais d'incompétence) ;

– l'attraction par une connaissance d'acquisition récente ou générant un intérêt personnel pour le médecin, un diagnostic qui a impressionné le praticien... (biais de motivation) ;

– une sélection erronée des indices à cause d'une opinion pré-établie (biais de préjugé).

Les algorithmes

On peut avoir recours à des algorithmes décisionnels précisant la conduite à tenir devant tel symptôme ou signe physique ou telle situation : toux chronique, ictère, anémie, retard statural. Ils ont pour but de pallier les incertitudes et la composante personnelle de la reconnaissance des formes. Ces algorithmes peuvent eux-même être construits 1) à partir de schémas physiopathologiques, 2) à partir d'études de recherche clinique de valeur scientifique variable. Ils s'avèrent particulièrement utiles lorsqu'il s'agit de décider si l'on doit ou non faire appel à des techniques sophistiquées (imagerie telle que tomodensitométrie, IRM, épreuves fonctionnelles endocrinologiques etc...).

Certaines disciplines plus que d'autres, telles l'hématologie, l'endocrinologie, se prêtent bien à ce type d'arbres de décision. (Par exemple : quand demander une épreuve de stimulation de l'hormone de croissance devant un retard statural ? Comment conduire la démarche diagnostique devant une anémie ?).

L'arbre de décision peut également être conduit en fonction du temps écoulé depuis le début de la maladie, l'existence ou non d'une donnée initiale considérée comme décisionnelle telle la présence ou l'absence d'altération de l'état général dans l'algorithme de la conduite à tenir d'une fièvre prolongée...

La décision algorithmique d'un problème clinique est généralement très didactique, elle peut donner un sentiment de sécurité au médecin qui l'applique mais sa simplicité n'est souvent qu'apparente car la transformation de données pour la plupart quantitatives en une réponse binaire « oui » « non » peut poser problème.

La méthode probabiliste

Le raisonnement probabiliste consiste à évoquer en premier lieu les hypothèses les plus fréquentes. Il est très habituel dans l'exercice médical quotidien. La méthode probabiliste a sur les autres méthodes les avantages suivants :

1) Elle n'élimine aucune hypothèse diagnostique ; même si sa probabilité est faible, une hypothèse peut être retenue dans la décision thérapeutique si son contenu « d'utilité » est déterminant ou prioritaire.

2) Elle est transposable à d'autres sous-populations dont on connaît les paramètres distinctifs.

3) Son processus logique peut être soumis à l'analyse pour déterminer ces insuffisances, les incertitudes...

4) Elle permet la constitution et l'exploitation de banques de données. Il convient ensuite de savoir à quel moment on ne s'autorise plus à garder ces hypothèses.

Dans la pratique médicale quotidienne

Dès l'interrogatoire du patient et en fonction du contexte, des hypothèses diagnostiques – au plus trois ou quatre – sont formulées et implicitement hiérarchisées. Les questions sont alors choisies en fonction de leur rôle attendu dans l'une ou l'autre des hypothèses : elles font alors fonction de « point d'ancrage » : si la réponse élève la probabilité de l'une d'entre elles, la question suivante aura pour fonction de l'élever encore si la nouvelle réponse lui est favorable et inversement si les réponses sont négatives. La démarche diagnostique exprime donc un processus itératif où la recherche des informations successives est orientée par les réponses précédentes afin d'élever la probabilité de la maladie jusqu'à un seuil décisionnel où une décision peut être raisonnablement prise.

L'interrogatoire

Il s'intéresse au passé, à l'histoire personnelle du patient, aux problèmes de santé déjà repérés dans la famille, aux symptômes que le malade rapporte et à leur retentissement. La maladie a également une histoire, si tant est que le malade ne consulte pas dès l'apparition du premier symptôme comme on le voit trop souvent aujourd'hui aux urgences dans une ambiance d'intolérance au symptôme...

L'interrogatoire confronte le médecin d'enfants à plusieurs membres de sa famille et les différentes versions de la mère, du père, voire des grands-parents apportent chacune leur part d'ombre et de lumière sur les symptômes, et leur retentissement sur la vie de l'enfant. L'interrogatoire de l'enfant, en présence de ses parents mais également le dialogue avec l'enfant seul peut être décisif pour orienter le diagnostic.

Ces dernières années ont mis notamment en exergue la valeur de l'interrogatoire de l'enfant douloureux considéré comme l'interlocuteur le plus important en la matière. Un enfant de 2 ou 3 ans qui se plaint de la tête, c'est insolite et ce signe peut être le seul indicateur d'une tumeur cérébrale ; un enfant plus grand peut être capable de donner des détails sur le déroulement d'une « crise » de migraine.

La construction de l'histoire de la maladie doit permettre une hiérarchisation des symptômes avec pour ambition l'élaboration d'un « maître symptôme » qui servira de tuteur au raisonnement diagnostique (exemple : fièvre isolée, toux chronique isolée, amaigrissement, détresse respiratoire...).

L'examen clinique

Il est guidé et orienté en fonction des symptômes du malade mais le déborde très largement. L'art de mettre en confiance l'enfant doit s'exercer pour permettre de réaliser un examen complet. Quelques exemples parmi d'autres : chacun sait que devant des douleurs abdominales, on risque de passer à côté d'un purpura rhumatoïde si l'on ne fait pas enlever les chaussettes pour rechercher le purpura pétéchial débutant ; à côté d'un saturnisme si l'on oublie de s'intéresser aux conditions du logement ; à côté d'un diabète en cours de décompensation si l'on oublie de poser la question de l'amaigrissement concomitant, toujours présent dans ce cas... Devant une angine, il est de bonne pratique de rechercher une grosse rate, devant une fièvre un purpura débutant...

Les pièges des examens complémentaires

Beaucoup d'examens de laboratoire prescrits à l'enfant sont encore prescrits avec une réflexion insuffisante sur leurs indications et leurs interprétations. Ceci nous a conduit au fil des ans à observer puis à essayer de caricaturer à des fins didactiques un certain nombre de comportements médicaux. Nous les stigmatiserons par la description de quelques syndromes qui ne sont réellement nouveaux que par le vocable qui leur est attribué mais que chacun peut observer quotidiennement. C'est ainsi que l'anxiété ou le « manque d'idées » peuvent inciter à demander des examens « tous azimuths » liés au seul embarras du médecin.

Ce « syndrome du parapluie » (à l'image d'un parapluie que l'on ouvre « pour se couvrir » dans un orage d'incertitude et de doute) affecte particulièrement les hôpitaux. Il est sujet à de petites épidémies avec un maximum saisonnier en novembre et en mai, au moment des changements des internes inquiets devant les situations souvent nouvelles qu'ils rencontrent. À l'inverse, la prescription d'examens complémentaires doit tenir compte de l'apport que l'on en attend. Autrement dit, il est nécessaire de poser la question préalable : quelle est la sensibilité et quelle est la spécificité de cet examen ?

La multiplication des examens conduit en outre à des prises de sang itératives, source de désarroi et de douleur pour l'enfant et de dépenses de santé abusives. La difficulté peut également conduire à des résultats faussés par l'attrition tissulaire liée au traumatisme des prélèvements (kaliémie, phosphorémie, bilan d'hémostase, lactacidémie etc...). Ces faux résultats peuvent générer de fausses hypothèses diagnostiques et sont susceptibles d'entraîner de nouveaux examens... véritable « syndrome de la boule de neige »...

Au maximum, l'enfant subit le « syndrome de Saint-Sébastien » dénommé ainsi par analogie avec le martyr de Saint-Sébastien transperçé par d'innombrables flèches et dont le martyr a inspiré de nombreux peintres...

Le « syndrome de l'autoroute » consiste à prendre une position diagnostique apparemment simple et à ne pas vouloir la changer ou la remettre en question par analogie avec l'automobiliste sur autoroute qui refuse de s'intéresser à d'autres voies de communication... Nous en présenterons un exemple lors du congrès à propos d'un enfant appartenant à une famille d'hypercholestérolémie.

Le syndrome du « bruit épidémique ambiant » consiste par exemple à étiqueter bronchiolite toute détresse respiratoire se présentant aux urgences pédiatriques entre le 15 novembre et le 15 janvier... L'analyse de telles erreurs de diagnostic met le plus souvent en lumière un défaut d'interrogatoire ou un défaut d'examen clinique rigoureux.

Quelques réflexions spécifiques à la pédiatrie

La compétence parentale

En contrepoint de l'affolement de certains parents qui vient entraver leurs compétences dès les premiers symptômes de maladie chez leur enfant, il faut savoir tirer parti de l'appréciation globale intuitive des parents. Elle est à considérer en référence à l'expérience qu'ils ont de leur enfant dans sa vie quotidienne : ils sont les seuls à pouvoir mesurer l'écart entre son état actuel (vigilance, tonus, vie relationnelle, expression faciale, motilité spontanée, qualité du sommeil, coloration, tolérance de la fièvre, etc.) et son état « normal ». Plusieurs exemples seront présentés au cours de la table ronde du congrès illustrant cette compétence et les erreurs liées à sa méconnaissance.

L'attente des parents face à leur pédiatre

L'élaboration du diagnostic se fait face à des parents qui attendent en premier de leur pédiatre qu'ils les rassurent sur la bénignité de la maladie en cours. Le « penchant naturel » du pédiatre et l'empathie qui se crée avec les enfants et leurs parents seraient donc de nature à influencer plus ou moins consciemment le pédiatre dans son objectivité lorsqu'il analyse des symptômes ou des signes et qu'il doit les retenir comme potentiellement graves. Il y a là un nouveau biais dans le traitement des informations au moment où sont formulées les hypothèses diagnostiques.

Exemples pratiques d'erreurs de diagnostic en pédiatrie hospitalière

Des cas cliniques illustrant des erreurs de diagnostic aux différents stades de l'élaboration d'un diagnostic seront présentés aux JTA 2005. Pour permettre une réflexion didactique réelle, ils ne sont pas « dévoilés » dans ce texte qui a simplement pour but de fournir un support d'ensemble applicable à la discussion de chaque cas.

Bibliographie

[1] Grenier B : Évaluation de la décision médicale. Masson, Paris.

* Fédération de Pédiatrie Hôpital de Bicêtre et Faculté de médecine Paris-Sud.