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Titre: Fausses couches spontanées répétées : pistes génétiques
Année: 2005
Auteurs: - Lejeune V.
Spécialité: Obstétrique
Theme: Fauses couches ŕ répetition

Fausses couches spontanées répétées : pistes génétiques

DR VéRONIQUE LEJEUNE*,
DR MARIE-FRANCE PORTNOL*

Les fausses couches spontanées (FCS) précoces sont le plus souvent sporadiques et correspondent à un processus naturel de sélection. Elles sont fréquentes, survenant environ lors de 15 % des grossesses diagnostiquées. La cause d'une FCS est rarement connue, mais parfois identifiée, soit embryonnaire (anomalie chromosomique), soit maternelle (syndrome de antiphospholipides, par exemple).

Définies par 2 FCS successives, les FCS répétées concernent 1 % des couples désirant un enfant. Devant la répétition des FCS chez un couple, la recherche de pathologies génétiques peut permettre d'expliquer certains de ces accidents. Les pistes actuelles sont la recherche de translocations parentales, et les biais d'inactivation de l'X.

Causes génétiques des FCS

FCS sporadiques

Les anomalies chromosomiques représentent la cause la plus fréquente de FCS sporadique, et elles sont retrouvées dans 50 à 70 % des FCS du 1er trimestre (soit 5 à 10 % de toutes les grossesses). Elles sont mises en évidence par culture puis caryotype du trophoblaste de la grossesse arrêtée, qui reste une technique difficile avec un taux d'échec de culture important de 10 à 40 %.

L'étude de Boué et al. en 1975 met en évidence parmi ces anomalies chromosomiques [1] :

-   94 % d'anomalies de nombre

   • 54 % de trisomies (16,18,21,22)

   • 20% de triploïdies et polyploïdies

   • 20% de monosomies X

Ces anomalies ont un risque de récurrence faible.

Leur fréquence augmente avec l'âge de la mère, sauf la monosomie X.

-   6 % d'anomalies de stucture

La moitié d'entre elles sont héritées d'un parent porteur d'une translocation équilibrée.

FCS répétées

Chez les couples ayant fait 2 FCS successives, le taux de récidive est plus élevé que celui attendu par le hasard seul [2] :

-   après 2 FCS : 17-35 %

-   après 3 FCS : 25-46 %

-   après 6 FCS : > 50 %

Le pourcentage d'anomalies du caryotype sur trophoblaste diminue avec le nombre de FCS pour se stabiliser autour de 20% après 4 FCS.

Dans une série de Stephenson [3] décrivant 422 caryotypes sur trophoblaste chez des couples ayant fait auparavant au moins 3 FCS, on retrouve 54 % d'anomalies chromosomiques dont :

-   96 % d'anomalies de nombre

   • 66,5 % de trisomies

   • 10 % de polyploïdies et triploïdies

   • 9 % de monosomies X

   • 0,5 % d'association T21 et monosomie X

 

-   4 % d'anomalies de structure

Translocations déséquilibrées

 

Les anomalies chromosomiques du produit de FCS sont donc moins fréquentes quand les FCS se répètent, mais la répartition des différents types d'anomalie est la même dans les FCS sporadiques et les FCS répétées.

Caryotype parental chez les couples avec des FCS

à répétition : recherche de translocations équilibrées

Des anomalies du caryotype sont retrouvées chez 4,7 à 6 % des couples ayant fait au moins 2 FCS. Elles sont légèrement plus fréquentes chez les femmes que chez les hommes.

Type d'anomalies du caryotype parental

-   L'anomalie la plus fréquemment retrouvée est une translocation réciproque (« échange » de matériel entre 2 chromosomes). Sa fréquence est de 4 à 6 %, soit plus de 30 fois supérieur à celui de la population générale (1/1000) [4-5].

-   On peut également retrouver des translocations robertsoniennes ou fusions centriques (fusion de 2 chromosomes par leur centromère). La plus fréquente est la translocation t(13q ; 14q), qui est 4 à 6 fois plus fréquente que dans la population générale.

-   Plus rarement, on peut retrouver des inversions péri ou paracentriques, qui sont parfois difficiles à mettre en évidence.

-   Enfin, il a été décrit de façon anecdotique des anomalies des chromosomes sexuels, des petits chromosomes surnuméraires et des microremaniements.

Fréquence des anomalies retrouvées

2 séries ont quantifié ces anomalies du caryotype chez les couples ayant fait au moins 2 FCS.

 

Fryns et al. [6]

   1986   1998

Nombre de couples   1 555   1 743

Anomalies   6,3 %   5,3 %

Translocations réciproques   3,60 %   3,55 %

Translocations robertsoniennes   1,75 %   0,50 %

Inversions   0,64 %   0,56 %

 

Portnoi et al. [7]

   Ž 2 FCS   FCS   Total
      et enfant normal

˙

Nombre de couples

˙771

˙256

˙1 142

˙Anomalies

˙4,02 %

˙6,64 %

˙4,81 %

˙Translocations réciproques

˙ 

˙ 

˙2,80 %

˙Translocations robertsoniennes

˙ 

˙ 

˙0,78 %

˙Inversions

˙ 

˙ 

˙1,25 %

Pronostic des grossesses ultérieures
en cas de translocation équilibrée parentale

Le risque de FCS est très élevé, et dépend du type de translocation.

Il faut toujours chercher une autre cause éventuellement accessible à untraitement, comme le syndrome des antiphospholipides (SAPL).

Dans une série de Suguria-Ogasawara publiée en 2004 qui étudie 1 284 couples avec au moins 2 FCS consécutives, et chez qui un traitement par aspirine + héparine est proposé en cas de SAPL, on retrouve [5] :

-   61 % de récidive de FCS si l'homme est porteur d'une translocation

-   72,4 % de récidive de FCS si la femme est porteuse d'une translocation

Prise en charge des couples après découverte
d'une translocation équilibrée parentale

La consultation de génétique est indispensable, et doit être idéalement pratiquée avant la réalisation du caryotype pour informer les parents de ce que l'on recherche. Si le caryotype a été prescrit par l'obstétricien, il doit expliquer aux parents la possibilité de découverte d'une telle anomalie.

Il faut ensuite rassurer les couples car, si le taux de FCS est augmenté, il n'est jamais égal à 100%. Le risque est celui d'obtenir chez le produit de conception une translocation déséquilibrée compatible avec le développement embryonnaire puis fœtal, mais entraînant parfois des anomalies morphologiques ou fonctionnelles graves.

 

Il est donc recommandé de réaliser une amniocentèse ou une biopsie de trophoblaste sur les grossesses évolutives des couples dont l'un des membres est porteur d'une translocation équilibrée.

 

Chez certains couples où les FCS répétées sont très mal vécues, un diagnostic pré-implantatoire (DPI) peut être parfois proposé. Il consiste à l'entrée pour le couple dans un protocole de fécondation in vitro (FIV) avec sélection des embryons réimplantés après un DPI effectué sur quelques cellules embryonnaires avant replacement.

Ce DPI n'est possible que sur certaines translocations.

Il faut expliquer à ces couples le choix qu'ils ont à faire entre un risque de FCS élevé lors d'une conception naturelle, et la lourdeur des protocoles de FIV.

Enfin, il faut savoir qu'il existe des associations de parents porteurs de translocations équilibrées, qui peuvent aider ces couples dans leur parcours.

Biais de l'inactivation de l'X et FCS répétées

Certains couples font préférentiellement des FCS sur les embryons mâles, faisant évoquer l'hypothèse de maladies géniques léthales récessives liées à l'X.

Les généticiens se sont donc intéressés aux biais de l'inactivation de l'X chez les femmes faisant des FCS à répétition, surtout si elles ne donnent naissance qu'à des filles.

Inactivation normale de l'X

-   L'inactivation de l'X est un mécanisme de régulation génique du chromosome X de la femme, qui permet d'égaliser dans les 2 sexes l'expression des gènes liés à l'X.

-   Elle consiste en un arrêt de la transcription des gènes d'un des 2 X dans chaque cellule

Hypothèse de Mary Lyon en 1961

-   Dans les cellules diploïdes, un seul X est actif, quel que soit le nombre d'X

-   Les femmes subissent une activation de l'un des X, appelé Xi

-   L'Xi s'entoure de chromatine dense dite hétérochromatime et devient visible dans chaque cellule (corpuscule de Barr)

Conséquences de l'inactivation

•   Arrêt d'expression des gènes d'un des 2 X : dans les 2 sexes, les cellules deviennent monosomiques pour les gènes de l'X

•   Modification de la chromatine de l'Xi

   - Réplication tardive

   - Méthylation des gènes

   - Hypoacétylation des histones H3H4

   - Incorporation d'une histone macroH2A

   - Rôle clé dans le silence des gènes

Mécanismes de l'inactivation de l'X

-   Début dès les premiers stades du développement embryonnaire

-   Il existe une méthylation des îlots CTG des gènes de l'Xi, bloquant la transcription. Cette méthylation est responsable de la transmission de l'état Xi au cours des divisions cellulaires.

-   Réversible à la meiose : au stade d'ovocyte, l'Xi est réactivé

-   Au hasard dans chaque cellule, l'X maternel ou paternel est inactivé, avec normalement une distribution d'environ 50/50 (toute fille est une mosaïque pour les gènes liés à l'X)

-   Il existe probablement des facteurs autosomiques (venant des autres chromosomes) qui viendraient protéger un X par cellule

-   Dans chaque cellule, tous les X sont incativés sauf 1 (compte des X)

Inactivation incomplète

Certains gènes échappent à l'Xi et sont exprimés par les 2 X. Ils sont situés préférentiellement sur le bras court (Xp) dans la région dite pseudo-autosomique (PARs)

Ces gènes sont des gènes candidats pour les phénotypes associés aux aneuploïdies de l'X (phénotypes exprimés quand X surnuméraire ou manquant).

Par exemple, le syndrome de Turner est le phénotype correspondant à l'haplo-insuffisance des gènes PARs.

Déséquilibre d'inactivation de l'X

Certaines femmes n'ont pas le mode d'Xi aléatoire.

-   Elles ont une utilisation préférentielle d'un des 2 X

-   Lorsqu'il existe une anomalie sur un X, il y a inactivation préférentielle de l'X remanié ou muté. On parle de biais d'inactivation extrême si le déséquilibre atteint 90/10.

-   Cette sélection est secondaire par rapport au développement embryonnaire :

   • Au début, inactivation aléatoire

   • Puis sélection au cours du développement embryonnaire des populations cellulaires ayant inactivé l'X anormal.

Mise en évidence d'un déséquilibre de l'inactivation de l'X

-   Par des techniques de biologie moléculaire, on peut différencier les populations cellulaires ayant inactivé l'un ou l'autre X

-   Pour cela, on amplifie par PCR un gène marqueur du chromosome X = gène du récepteur aux androgènes

-   Pour ce gène, il existe un polymorphisme de répétition des CG et CC qui permet de distinguer les chromosomes X d'origine maternelle ou paternelle

-   Le gène inactivé étant méthylé, on utilise des enzymes de restriction sensibles à la méthylation qui « coupent » les séquences CG ou CC non méthylées

-   On peut ainsi quantifier sur des lymphocytes le pourcentage d'Xi d'origine maternelle ou paternelle

Causes des biais d'inactivation de l'X

•   Anomalie de structure de l'X

•   Mutation de l'X

   - Explique le phénotype atténué des femmes pour les maladies liées à l'X

   - Mais elles peuvent la transmettre à leurs fils

   - S'il s'agit d'une mutation léthale, ces femmes auront des FCS à répétition et n'auront que des filles

•   Mutation du gène XIST (gène initiateur de l'inactivation de l'X)

•   Formes familiales

•   Hasard

Relations entre déséquilibre d'inactivation de l'X et FCS répétées

-   Si une femme est porteuse d'une mutation léthale sur un chromosome X, toutes ses grossesses mâles aboutiront à des FCS.

-   C'est le cas par exemple de l'incontinenta pigmenti qui donne chez les femmes quelques taches cutanées (dans les populations cellulaires ayant échappé à l'inactivation de l'X muté), et des FCS pour toutes les grossesses mâles.

Des séries récentes [8-9] ont montré une augmentation de fréquence des biais de l'inactivation de l'X chez les femmes faisant des FCS répétées.

Dans la série de Lanasa publiée en 2001 [8], étudiant 105 femmes, on retrouve un biais extrême d'inactivation de l'X ( Ž 90 %) chez 15 % des femmes contre 3-4 % des contrôles.

En étudiant ces familles, on retrouve :

•   Un excès de filles

•   Une transmission maternelle du biais d'inactivation de l'X

•   Un taux de FCS d'environ 40 %

Ainsi, les femmes porteuses d'un caractère léthal lié à l'X sont génétiquement disposées aux FCS répétées avec perte des grossesses mâles.

Elles peuvent être identifiées par l'étude moléculaire du biais d'inactivation de l'X.

Par ailleurs, une étude de Beever a mis en évidence une plus grande fréquence de FCS liées à des trisomies chez les femmes ayant un biais de l'inactivation de l'X, ce qui laisse supposer qu'une mutation léthale liée à l'X n'est pas la seule explication des FCS de ces patientes [10].

Utilisation en pratique

Il est aujourd'hui impossible d'affirmer qu'un biais de l'inactivation de l'X est la cause des FCS répétées d'un couple, et cette étude ne doit être réalisée que dans le cadre d'une protocole de recherche.

Il n'y a aujourd'hui aucune thérapeutique envisageable.

Le lien entre trisomie et biais d'inactivation de l'X est encore trop anecdotique pour proposer systématiquement une amniocentèse dans ce cas.

Conclusions

•   Les pistes génétiques dans les FCS répétées sont multiples et complexes

•   Un caryotype parental doit être systématiquement proposé à la recherche d'une translocation équilibrée pour :

   - donner une explication aux parents

   - proposer un diagnostic anténatal à la recherche d'une translocation déséquilibrée en cas de grossesse évolutive

   - orienter éventuellement les couples vers le DPI

•   Si une cause maternelle (SAPL, thrombophilie) est mise en évidence et un traitement proposé, le caryotype sur trophoblaste du produit de fausse-couche en cas d'échec est intéressant, pour rechercher un accident chromosomique intercurrent

•   La relation entre biais d'inactivation de l'X et FCS est retrouvée dans plusieurs études mais :

   - la technique de mise en évidence reste difficile

   - la répartition chez les sujets « normaux » est mal connue

   - il n'y a pas de thérapeutique envisageable

   - elle semble concerner surtout les femmes porteuses d'une maladie léthale liée à l'X

   - il semble exister une plus grande fréquence de trisomies chez les embryons de femmes ayant des antécédents de FCS répétées et un biais d'inactivation de l'X

Bibliographie

[1]   Boue JG, Boue A : Chromosomal anomalies in early spontaneous abortion. (Their consequences on early embryogenesis and in vitro growth of embryonic cells). Curr Top Pathol. 1976;62:193-208.

[2]   Ogasawara M, Aoki K, Okada S, Suzomori K : Embryonic karyotype of abortuses in relation to the number of previous miscarriages.Fertil Steril. 2000 ;73:300-4.

[3]   Stephenson MD, Awartani KA, Robinson WP : Cytogenetic analysis of miscarriages from couples with recurrent miscarriage : a case-control study. Hum Reprod 2002;17:446-51.

[4]   Azim M, Khan AH, Khilji ZL, Pal JA, Khurshid M : Chromosomal abnormalities as a cause of recurrent abortions : a hospital experience. J Pak Med Assoc 2003;53:117-9.

[5]   Sugiura-Ogasawara M, Ozaki Y, Sato T, Suzumori K : Poor prognosis of recurrent aborters with either maternal or paternal reciprocal translocations. Fertil Steril 2004;81:367-73.

[6]   Kleczkowska A, Fryns JP : Mosaic normal/unbalanced karyotype and recurrent fetal wastage. Am J Med Genet 1990;36:379.

[7]   Portnoi MF, Joye N, Van den Akker J, Morlier G, Taillemite JL : Karyotypes of 1142 couples with recurrent abortion. Obstet Gynecol 1988;72:31-4.

[8]   Lanasa MC, Hogge WA, Kubik CJ, Ness RB, Harger J, Nagel T, Prosen T, Markovic N, Hoffman EP : A novel X-chromosome-linked genetic cause of recurrent spontaneous abortion. Am J Obstet Gynecol 2001;185:563-8.

[9]   Robinson WP, McFadden DE, Stephenson MD : The origin of abnormalities in recurrent aneuploidy/polyploidy. Am J Hum Genet 2001;69:1245-54.

[10]   Beever CL, Stephenson MD, Penaherrera MS, Jiang RH, Kalousek DK, Hayden M, Field L, Brown CJ, Robinson WP : Skewed X-chromosome inactivation is associated with trisomy in women ascertained on the basis of recurrent spontaneous abortion or chromosomally abnormal pregnancies. Am J Hum Genet 2003;72:399-407.

* Hôpital Saint-Antoine, Paris.

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