Les XXIIe JTA
> Présentation
> Programme
> Comité scientifique
> Intervenants
> Contacter les JTA

En pratique
> S'inscrire
> Renseignements
> Hébergement
> Programme social
> Post-congrès

Les archives
> Andrologie
> Biologie
> Gynécologie
> Infertilité
> Médecine foetale
> Néonatologie
> Nutrition
> Obstétrique
> Pédiatrie
> Périnatalité
> Périnéologie
> Phlébologie
> Psychosomatique

Rechercher

Titre: Impact des hémoglobinopathies sur la grossesse, le fœtus et le nouveau-né
Année: 2005
Auteurs:
Spécialité: Andrologie
Theme: Accouchement

Impact des hémoglobinopathies sur la grossesse, le fœtus
et le nouveau-né

A. AGOSTINI, B. BLANC

Il existe différents types d'hémoglobinopathies. Nous étudierons les deux principales qui sont la thalassémie et la drépanocytose.

Thalassémie

Physiopathologie

Il s'agit d'une maladie génétique autosomique récessive caractérisée par des désordres de synthèse des chaînes de globine. Les atteintes des gènes sont des mutations ou des délétions. Ces atteintes entraînent des anomalies de synthèse qui concernent la chaîne b (b thalassémie) ou b (b thalassémie) de
l'hémoglobine.

La sévérité de l'a-thalassémie est proportionnelle au nombre de gènes atteints. L'atteinte d'un seul gène est asymptomatique (portage silencieux). L'atteinte de deux gènes (trait thalassémique) entraîne une polyglobulie avec microcytose et hypochromie classiquement sans anémie ni carence martiale. L'atteinte de trois gènes (hémoglobinose H) entraîne une anémie hémolytique chronique. L'atteinte des quatre gènes est incompatible avec la vie et entraîne un tableau d'hydrops fetalis avec décès in utero ou néonatal.

Les anomalies géniques concernant la chaîne b entraînent une inactivation partielle ou complète de la production de la chaîne b. La gravité de la maladie n'est pas uniquement liée à l'anomalie génétique mais à d'autres facteurs (génétiques et environnementaux). Selon le type d'atteinte, on décrit par analogie à l'b-thalassémie quatre formes cliniques. La forme intermédiaire et la forme majeure entraînent un tableau d'anémie hémolytique chronique plus ou moins sévère.

Épidémiologie

L'b-thalassémie est présente en Afrique, en Asie et plus rarement autour de la Méditerranée. C'est surtout en Asie que les formes cliniques graves de la maladie ont été décrites. La b-thalassémie est principalement présente sur le pourtour méditerranéen et plus rarement en Afrique et dans le Sud-Est asiatique.

Clinique

Les formes graves (hémoglobinose H, b-Thalassémie intermédiaire ou majeure) entraînent un tableau clinique d'anémie chronique hémolytique. Le tableau classique est la présence d'un retard staturo-pondéral et un aspect mongoloïde du visage dû à l'augmentation du volume des os du crâne et de la face (hyperplasie médullaire), une hépatosplénomégalie. L'évolution spontanée entraîne le décès en deux à cinq ans.

Les complications actuelles sont secondaires à la surcharge martiale post-transfusionnelle. Elle atteint le cœur, le foie et les glandes endocrines. L'utilisation d'un chélateur du fer (déféroxamine-Desféral®) a permis d'allonger l'espérance de vie de ces patientes. Elle était de 15 à 20 ans en 1970, elle est de 40 ans actuellement. La majorité des patientes présente une infertilité primaire. Il s'agit d'un hypogonadisme hypogonadotrope dû aux dépôts d'hémosidérine sur l'hypophyse et l'hypothalamus.

Le retentissement maternel

Le principal risque maternel est l'aggravation d'une insuffisance cardiaque. Ainsi on n'autorisera une grossesse ou une aide à la procréation médicale (induction de l'ovulation) qu'après un bilan cardiaque normal (1-3). L'association du traitement par folates est recommandée afin d'éviter une anémie mégaloblastique surajoutée. Les transfusions doivent maintenir une hémoglobine à 10 g mais il existe un risque de surcharge volémique brutale et une défaillance cardiaque. Le risque thrombotique existe surtout en cas de splénectomie (hyperplaquettose) (3,4).

La déféroxamine (Desféral ®) est le chélateur de fer utilisé en première intention dans les thalassémies majeures. Ce produit est tératogène chez l'animal et par conséquent contre-indiqué pendant la grossesse (5). Cependant, aucun effet tératogène chez l'homme n'a été rapporté.

Le déroulement de la grossesse

Les risques de prématurité et de retard de croissance intra-utérin sont classiquement élevés mais semblent diminués si une prise en charge pré-conceptionnelle est effectuée (6). L'augmentation du taux de césarienne est principalement due au risque de disproportion fœtopelvienne.

Le diagnostic préimplantatoire et prénatal

Le diagnostic prénatal est possible par analyse du DNA obtenue sur cellules trophoblastiques ou amniotiques par ponction de liquide amniotique ou ponction trophoblastique. Le diagnostic préimplantatoire est possible en cas de couple hétérozygote ou de couple avec un parent homozygote et l'autre hétérozygote.

Drépanocytose

Épidémiologie

La drépanocytose est une affection grave qui se traduit par une morbidité et une mortalité élevées. En cas de complications, les pronostics maternel et fœtal sont respectivement compromis dans 1 à 2 % et 30 % des cas (7,8).

L'augmentation du nombre de cas de sujets adultes atteints de drépanocytose (HbSS) semble confirmée depuis quelques années par les observations faites tant à la Jamaïque qu'aux États-Unis, au Koweït, en Arabie saoudite ou en Afrique noire, où l'affection est préoccupante.

C'est la pathologie génétique la plus fréquente en Guadeloupe (1 naissance sur 260 et 12 % de transmetteurs) (9). Au Togo, cette affection représente 16 % de la population, dont 3 % d'homozygotes, et constitue un problème de santé publique en raison de la morbidité qu'elle engendre. Depuis plusieurs années, les sujets atteints par cette affection arrivent à l'âge adulte, et des jeunes femmes homozygotes peuvent procréer.

Génétique

La drépanocytose est la maladie génétique humaine la plus fréquente. La
drépanocytose est une maladie autosomique récessive due à une mutation unique, ponctuelle, du gène de la bêta globine situé sur le chromosome 11 (11p 11-5). La mutation du 6e codon entraîne le remplacement de l'acide glutamique 6 par de la valine (Glu6Val). Les sujets hétérozygotes HbA//HbS sont des porteurs sains. La drépanocytose homozygote et les doubles
hétérozygoties SC et Sb-thalassémiques sont regroupées dans le cadre des syndromes drépanocytaires majeurs (HbS//HbS (70 %), HbS//HbC (25 %), HbS//Hb-Thalassémie (5 %)).

Clinique

- la forme homozygote ou drépanocytose majeure HbSS, pour laquelle, à l'électrophorèse, l'HbS est toujours supérieure à 50 % ;

- la forme hétérozygote, où l'HbS est toujours inférieure à 50 %. Elle est en règle générale asymptomatique et l'espérance de vie des drépanocytaires hétérozygotes est normale. Dans cette forme, il n'existe pas de complications particulières pendant la grossesse, hormis les infections urinaires qui seraient plus fréquentes. Des accidents hypoxiques ont été signalés au cours de l'anesthésie générale et des interventions chirurgicales.

La drépanocytose est une hémoglobinopathie beaucoup plus fréquente chez les sujets de race noire (10). Les complications de cette affection hémolytique peuvent grever le pronostic vital maternel (11). En effet, il y a quelques années, le pronostic de l'association drépanocytose et grossesse était si redoutable qu'il réduisait l'espérance de vie des femmes enceintes, et très peu de femmes avaient accès à la maternité (12). La grossesse était même déconseillée à une femme drépanocytaire (13). De nos jours, la prise en charge de cette association s'est véritablement améliorée grâce aux progrès scientifiques accomplis.

Répartition géographique

Cette affection est fréquente en Afrique, en Amérique du Nord et du Sud, dans les Antilles, dans les pays du Maghreb, en Sicile, en Grèce, dans tout le Moyen-Orient, au nord-ouest de l'Inde, en Asie du Sud-Est. Depuis quelques décennies, la drépanocytose est également présente en Europe de l'Ouest. La répartition géographique de la drépanocytose est superposable en proportion à celle de l'indice plasmodique.

Influence de la grossesse sur la drépanocytose homozygote SS

Anémie hémolytique

Elle est constante, avec un taux d'hémoglobine restant entre 6 et 8 g/100 ml au moins pendant les 8 premiers mois de la grossesse. L'anémie est encore aggravée par les déficits en acide folique et en fer, par l'hémodilution, les crises de déglobulisation et les crises aplasiques dues à l'inhibition de l'érythropoïèse au décours d'infections.

Crises douloureuses vaso-occlusives

Elles sont fréquentes en fin de grossesse, pendant le travail et dans les
premiers jours du post-partum. Ce sont surtout des douleurs osseuses et articulaires, des infarctus osseux, avec parfois une embolie graisseuse ou des infarctus viscéraux. La complication majeure est l'embolie graisseuse pulmonaire. Il faut noter qu'à ces crises douloureuses peut s'associer le syndrome toxémique, et c'est une complication redoutable au moment du travail,
surtout dans le post-partum immédiat.

Crises aiguës de déglobulisation

Elles surviennent dans les mêmes circonstances et sont caractérisées par une chute importante du taux d'hémoglobine, de l'ordre de 2 g/100 ml, avec hépatosplénomégalie et cardiomégalie, suivies d'une évolution vers l'insuffisance cardiaque. La vie de la mère est en jeu, une réanimation intensive est nécessaire. Cette crise est aggravée par les infections. Les pronostics maternel et fœtal sont réservés.

Infections

Elles se voient dans 50 à 70 % des cas de drépanocytose. On observe fréquemment des infections urinaires majorant encore les risques d'accouchement prématuré. Ces infections peuvent être asymptomatiques ou aiguës à type de cystites, pyélonéphrites. Les femmes enceintes homozygotes sont particulièrement sujettes aux infections à pneumocoques, d'où la fréquence des pneumonies, parfois difficiles à différencier d'un infarctus pulmonaire. Les infections endométriales et des plaies opératoires sont fréquentes. Ces infections sont pratiquement constantes en cas de césarienne.

Influence de la drépanocytose homozygote sur la grossesse

Retentissement maternel

Fausse couche spontanée

La fréquence est variable d'une étude à l'autre, soit 20 à 32 % au premier trimestre (meddeb). Ainsi, elle serait de 40 % dans la forme homozygote SS à Abidjan, 19 % à Yaoundé, et 26 % à Cotonou (14,15).

Menace d'accouchement prématuré

Elle serait plus fréquente dans cette population, variant de 14 % à 30 % (liée à l'hyperthermie, l'infection et l'anémie) surtout en cas d'hémoglobinopathies SC-thalassémiques, S-thalassémiques (8,16). Éviter si possible l'emploi de bêta mimétiques.

Hypertension artérielle et prééclampsie

Sa survenue est d'autant plus fréquente qu'il existe d'autres facteurs de risque (néphropathies, hypertension artérielle [HTA] chronique...). Les lésions vasculorénales occasionnées par la falciformation en sont les plus grandes pourvoyeuses, surtout en cas d'homozygotie. Le taux de survenue est variable selon les auteurs, et se situerait entre 13 et 30 %, contre 5 % dans la population générale (17,18).

Infection

Il s'agit essentiellement d'infections de la sphère urogénitale occasionnées par une modification des défenses immunitaires et des modifications physiologiques et anatomiques pendant la grossesse. Il est donc conseillé de réaliser un dépistage systématique par un examen cytobactériologique des urines en cours de grossesse.

Mortalité maternelle

Le taux de mortalité maternelle varie selon les études, mais paraît plus élevé pendant la grossesse, surtout dans les hémoglobinopathies SC-S-thalassémiques, SC-thalassémiques. Mais cette mortalité maternelle est améliorée par la surveillance prénatale et les thérapeutiques modernes (16).

Retentissement fœtal

Chez le fœtus, le retentissement fœtal est majeur, la morbidité et la mortalité sont élevées. Les complications décrites sont : le retard de croissance intra-utérin, l'hypotrophie, la prématurité et la mort fœtale in utero ou le décès néonatal.

Le taux de mortalité fœtale est de 6 % en Guadeloupe (19). Il varie de manière importante en fonction des structures médicales du pays.

L'enfant est hypotrophique dans 10 à 30 % des cas. Le poids moyen de naissance est inférieur à la normale chez les femmes homozygotes SS. Les enfants nés vivants sont des hypotrophes asymétriques, ceci étant la conséquence de l'hypoxémie et des thromboses placentaires (16).

Traitement

Le traitement est avant tout préventif. Il s'agit de grossesse à risque, qui nécessite une surveillance à la fois obstétricale et hématologique. Ce traitement vise donc à :

- prévenir, par un conseil génétique et par la contraception, la transmission de cette affection ;

- assurer le suivi médical régulier et pluridisciplinaire ;

- lutter contre la douleur, l'hypoxie, l'anémie, les infections.

Traitement préventif

Avant la grossesse

Le conseil génétique est utile au couple pour informer les parents drépanocytaires sur les risques d'une grossesse éventuelle. Le diagnostic prénatal peut être proposé aux couples à risque qui ne souhaitent pas avoir d'enfant atteint de drépanocytose homozygote. Il s'inscrit dans le conseil génétique à donner aux porteurs de la drépanocytose. La biologie moléculaire permet de faire le diagnostic de drépanocytose homozygote à partir d'une biopsie de trophoblaste ou ponction de liquide amniotique. Le diagnostic préimplantatoire est aujourd'hui disponible en France et certains pays.

Pendant la grossesse

L'anémie est traitée par des transfusions dès le deuxième trimestre, lorsque le taux d'hémoglobine est bas. Il faut maintenir le taux d'hémoglobine supérieur à 70 g/L et assurer une alimentation adéquate.

Bibliographie

[1]   M Karagiorga-Lagana : Fertility in thalassemia : The Greek experience. J Pediatr Endocrinol Metab 1998;11:945-951.

[2]   P Negri, V De Sanctis, E Grechi, MR Gamberini and L Urso : Preliminary observations about assisted reproduction in thalassemia. J Pediatr Endocrinol Metab 1998;11: 929-933.

[3]   N Skordis, S Christou, M Koliou, N Pavlides and M Angastiniotis : Fertility in female patient with thalassemia. J Pediatr Endocrinol Metab 1998;11: 935-943.

[4]   D Surbek, A Koller and N Pavic : Succesful twin pregnancy in homozygous beta-thalassemia after ovulation induction with growth hormone and gonadotropins. Fertil Steril 1996;65:670-672.

[5]   E Voskaridou, K Konstantopoulos, D Kyriakou and D. Loukopoulos : Deferoxamine treatment during early pregnancy : Absence of teratogenicity in two cases. Haematologica 1993;78:183-184.

[6]   CE Jensen, SM Tuck and B Wonke : Fertility in beta-thalassemia major : A report of 16 pregnancies, preconceptual evaluation and a review of the litterature. Br J Obstet Gynaecol 1995;102: 625-629.

[7]   Letsky E : Les maladies hématologiques. In : WM Barron, MD Lindheimer, JM Davison (Ed.) Médecine de la femme enceinte. Paris : Médecine-Sciences Flammarion : 1990 ; 272-322.

[8]   Meddeb B, Hafsia R, Ben Abid H, Ben Romdhane N, Hafsia A, Boussen M « Drépanocytose et grossesse ». Tunisie Méd 1990 ; 1 : 5-8.

[9]   Mérault G, Diara JP, De Caunes F. : Dépistage néonatal et prise en charge coordonnée de la drépanocytose en Guadeloupe. Drépanocytose et santé publique. Paris : Colloque INSERM, 1990 : 32.

[10]    Sangaré A, Sanogo I, Ebongo E, Meite M, Kple-Faget P, Sawadogo S, et al. : Contribution à l'étude des relations entre la drépanocytose et le paludisme. Méd Afr Noire 1990 ; 37 : 268-273.

[11]   Salque C, Berrebi A, Alie-Daram S, Ayoubi JM, Rigal-Huguet F : Drépanocytose et grossesse : à propos de la transfusion prophylactique systématique. J Gynécol Obstét Biol Reprod 2001 ; 30 : 160-165.

[12]   Berkane N, Nizard J, Dreux B, Uzan S, Girot R Drépanocytose et grossesse. Complications et prise en charge. Pathol Biol 1999 ; 47 : 46-54.

[13]    Fort AT, Morrison JC, Diggs LW, Fish SA, Berreras L : Counseling the patient with sickle cell disease about reproduction : pregnancy outcome does not justify the maternal risk. Am J Obstet Gynecol 1971 ; 111 : 324-327.

[14]    Alihonou E : Pathologie tropicale. In : JM Thoulon, F Puech, G Boog (Ed.) Obstétrique. Tours : Ellipses : 1995 ; 444-500.

[15]    Bouree P, Lemetayer MF : Maladies tropicales et grossesse. Paris : Pradel, 1990

[16]    Lansac J : Pathologie tropicale et grossesse. In : Obstétrique pour le praticien. Paris : Masson : 2000 ; 236-249.

[17]    Perry KG Jr, Morrison JC : The diagnosis and management of hemoglobinopathies during pregnancy. Semin Perinatol 1990 ; 14 : 90-102.

[18]    Seoud MA, Cantwell C, Nobles G, Levy DL : Outcome of pregnancies complicated by sickle cell and sickle C hemoglobinopathies. Am J Perinatol 1994 ; 11 : 187-191.

[19]    Leborgne-Samuel Y, Janky E, Venditelli F, Salin J, Daijardin JB, Couchy B, et al. : Drépanocytose et grossesse : revue de 68 observations en Guadeloupe. J Gynécol Obstét Biol Reprod 2000 ; 29 : 86-93.

286   A. AGOSTINI, B. BLANC

   IMPACT DES HÉMOGLOBINOPATHIES SUR LA GROSSESSE, LE FŒTUS ET LE NOUVEAU-NÉ   287

288   A. AGOSTINI, B. BLANC

   IMPACT DES HÉMOGLOBINOPATHIES SUR LA GROSSESSE, LE FŒTUS ET LE NOUVEAU-NÉ   289

290   A. AGOSTINI, B. BLANC

   IMPACT DES HÉMOGLOBINOPATHIES SUR LA GROSSESSE, LE FŒTUS ET LE NOUVEAU-NÉ   291

292   A. AGOSTINI, B. BLANC