Principes du calcul de risque d'anomalie
chromosomique
J.-P. BERNARD, Y. VILLE
Le dépistage consiste à séparer
la population en deux groupes en fonction d'un ou de plusieurs tests : un groupe
à bas risque et un groupe à haut risque à qui sera proposé un
test diagnostique.
L'évaluation de ce dépistage
repose sur deux indices, la sensibilité qui est le taux de sujets malades détectés,
et le taux de tests positifs.
Par abus de langage, le terme de faux
positif est employé pour évaluer le taux de test de positifs engendrant
une procédure de diagnostic invasive, c'est-à- dire que dans ce contexte
les faux positifs sont en fait la somme des faux et des vrais positifs, mais la
valeur prédictive de ce test étant « malheureusement » faible,
numériquement cet abus de langage n'a pas de conséquences.
Il existe bien sûr un lien entre
la sensibilité et le taux de faux positif, pour un même test plus on acceptera
de réaliser un grand nombre de gestes invasifs plus grand sera le nombre de
sujets malades détecté donc plus grande sera la sensibilité. Lorsque
l'on veut comparer deux tests ou deux politiques de dépistage il faut que l'une
de ces deux valeurs soit constante : soit on compare la sensisibilité obtenue
pour un taux de faux positif constant (5 % par exemple) soit on compare le taux
de faux positif permettant d'obtenir la même sensibilité.
Pour qu'un paramètre (clinique,
biologique ou échographique) puisse être utilisé comme test de dépistage,
il faut que les distributions des sujets sains et des sujets malades obéissent
à des lois normales et que ces distributions soient décalées, on
peut apprécier cet « éloignement » par la différence entre
les médianes. Plus les médianes sont décalées plus le test sera
performant si deux distributions sont tellement éloignées que la valeur
la plus élevée pour un sujet sain est inférieure à la valeur
la plus faible pour un sujet malade ; en tenant compte des intervalles de confiance
de la mesure on disposerait d'un test de diagnostic.
À ce jour, les tests dont nous
disposons présentent des distributions qui se chevauchent c'est-à-dire
que pour une valeur donnée de ce paramètre nous trouvons des sujet sains
et des sujets malades. Imaginons que pour une maladie un seul paramètre modifie
le risque d'être malade ; le risque peut être calculé de façon
très simple par le rapport pour une valeur donnée entre le nombre de sujets
malades et le nombre de sujets sains présentant cette caractéristique
du risque.
En pratique, l'intérêt des
calculs de risque tient au fait que de nombreux paramètres font varier ce risque ;
il faudra donc établir un calcul plus complexe dans lequel on sommera pour
une valeur donnée le risque initial (avant test) de chacun des sujets présentant
cette valeur et on établira pour une valeur donnée le rapport entre le
nombre de sujets malades que l'on estimait devoir trouver et le nombre de sujets
que l'on a trouvé. Ce rapport qui est en fait un facteur de vraisemblance est
plus connu sous le terme anglo-saxon de likelihood ratio (LH). Pour connaître
le risque présenté par la patiente, on considère le risque qui est
le sien avant d'appliquer le test et on le multiplie par le LH.
Un LH à 1 révèle un
test dont la valeur du résultat est neutre, le risque de la patiente est identique
avant et après le test. Un LH supérieur à 1 indique une augmentation
du risque de base d'une patiente. Par exemple, un risque avant réalisation
d'un test à 1/1000 soumis à un test dont le résultat fait apparaître
un LH de 20 sera re-calculé à 1/1000 ¥ 20
=1/50. Un LH inférieur à 1 correspond à une diminution de risque
; un risque initial de 1/100 et un LH à 0,2 conduiront à un risque final
de 0,2 ¥ 1/100 = 1/500.
Pour la trisomie 21, l'effet de l'âge
maternel est celui qui est connu depuis le plus longtemps et le risque initial est
donc celui-ci, qui augmente avec l'âge maternel. Ce risque doit être modulé
par l'influence de l'âge gestationnel qui a un effet inverse puisque environ
40 % des fœtus trisomiques n'évolueront pas jusqu'au terme. Un troisième
facteur participe au calcul initial du risque qui est l'antécédent d'aneuploïdie
au cours d'une grossesse évolutive précédente. Ceci fait prendre
en considération la probabilité d'une mosaïque germinale qui peut
être évaluée à 0,75 %.
Ce risque initial pourra alors être
modifié par tous les tests successifs de dépistage qui seront appliqués
au premier et/ou au deuxième trimestre de la grossesse sans augmenter le nombre
de faux positifs si la méthode des LH est appliquée pour chacun d'entre
eux, sur le modèle suivant :
R fin = Rin ¥
LH1 ¥ LH2 ¥
... LHn
Ces calculs sont rendus possibles par
l'utilisation d'une unité de mesure commune. Celle-ci sera définie par
l'utilisation de multiples d'une valeur médiane définie dans une distribution
normale de valeurs qui nécessitera éventuellement une transformation logarithmique
des valeurs observées dans la population normale afin que les valeurs observées
puissent être exprimées en multiples de cette valeur médiane.
Ceci n'est vrai que dans le cas où
chaque facteur de risque étudié est indépendant des autres. Ceci
est le cas de l'âge maternel, l'âge gestationnel, la mesure de la clarté
nucale, le dosage des marqueurs sériques et la présence de malformations
fœtales diagnostiquées au deuxième trimestre.
Cette méthode séquentielle
doit être préférée aux calculs successifs de risque pour lesquels
le résultat du test le plus récent efface celui des précédents,
et qui constitue une faute majeure de raisonnement médical, induit un nombre
de faux positifs cumulatifs et donc de gestes invasifs coûteux en termes de
pertes fœtales et d'économie de santé.
PRINCIPES DU CALCUL DE RISQUE
D'ANOMALIE CHROMOSOMIQUE 197
198 J.-P. BERNARD,
Y. VILLE |