Éclosion assistée : pour
qui et pour quoi ?
Martine DUMONT-HASSAN*, Paul COHEN-BACRIE*
Introduction et définition de l'éclosion
assistée
Dans les conditions physiologiques l'embryon se
développe jusqu'au stade jeune blastocyste puis le blastocèle s'agrandit
; on obtient alors un blastocyste expansé qui possède une zone pellucide
(ZP) de plus en plus fine. Sous l'action de lysines embryonnaires (et utérines)
et de cycles de contraction-expansion du blastocyste, la ZP s'amincit, s'ouvre,
et l'embryon sort pour s'implanter dans l'utérus. La zone pellucide est une
membrane acellulaire composée de trois glycoprotéines majeures (ZP1, ZP2,
ZP3). Les changements biochimiques qu'elle subit au moment de la fécondation
la rendent plus résistante à différents agents chimiques (protéases,
tyrode acide) ; cette modification est appelée durcissement de la zone pellucide
("ZP Hardening"). En plus de ce durcissement induit par la fécondation, la
ZP peut subir un durcissement spontané après culture in vitro ou
après vieillissement in vivo ; cela a été bien montré
chez la souris. Chez la femme, un durcissement spontané de la ZP des ovocytes
intervient après 24 heures de culture in vitro ; cependant il n'y a
pas de corrélation entre l'épaisseur de la ZP et sa résistance à
une dissolution chimique. D'autres facteurs exogènes peuvent également
augmenter la résistance de la ZP : la congélation embryonnaire ou le traitement
des ovocytes à la hyaluronidase (voir revue de A. De Vos et coll, 2000).
L'hypothèse qu'un retard ou une
absence d'éclosion embryonnaire (dû à un durcissement de la ZP ou
à une diminution de la production de lysines par l'embryon ?) pouvait être
responsable d'échecs d'implantation a été émise par l'équipe
américaine de Cohen et al. dès 1989, suite à deux observations :
- L'analyse
rétrospective de l'aspect morphologique des embryons sur bandes vidéo-cinématographiques
et du résultat de leurs transferts a montré que les embryons à ZP
épaisse et uniforme (> 15 μm) s'implantaient beaucoup moins que les
embryons à ZP fine et irrégulière (10 % contre 25 %).
- Les embryons
issus d'ovocytes micromanipulés, c'est-à-dire ayant eu un trou dans leur
ZP avant d'être mis en fécondation, avaient un taux d'implantation plus
élevé que ceux à ZP intacte. D'où l'idée que l'échec
d'éclosion pouvait être un facteur supplémentaire contribuant à
l'échec d'implantation et que la capacité à éclore des embryons
pouvait être augmentée par un amincissement ou la perforation artificielle
de la ZP ; ce que l'on appelle éclosion assistée ou "Assisted Hatching
(AH)".
Quelles techniques ?
Éclosion assistée par technique mécanique
PZD conventionnelle
La dissection partielle de la zone
pellucide connue sous le sigle PZD (Partial Zona Dissection) est un procédé
mécanique mis au point par Malter et Cohen en 1989. Il consiste à embrocher
la zone pellucide de l'embryon avec une aiguille de verre et à écraser
le segment sous-tendu contre la pipette de contention. La difficulté avec cette
technique est de toujours réaliser une brèche qui soit de taille suffisante
pour obtenir une éclosion embryonnaire normale. Si le trou est trop petit (< 10
μm), l'embryon au cours de son éclosion peut subir un traumatisme.
PZD en 3D
Afin
d'éviter les traumatismes embryonnaires ou cours d'une éclosion par PZD
conventionnel, Cieslak et coll,1999, ont proposé de réaliser 2 brèches
en croix appelées PZD Tri Dimensionnelle. Celle-ci permettra à la ZP de
se déchirer dans plusieurs directions sous la pression du blastocyste.
Amincissement et perforation
de la ZP par Piezo-micromanipulation
Dans
cette technique, c'est la vibration, produite par un pulse piezoélectrique,
d'une micropipette d'injection, qui permet l'érosion d'une partie de la ZP
ainsi que la perforation.
Éclosion
assistée par technique chimique (ZD)
Le "Zona Drilling" (ZD) est un procédé
chimique mis au point sur les ovocytes de souris par Gordon et al. en 1986.
Il consiste à créer un orifice dans la ZP de l'embryon en appliquant une
solution de tyrode acide (pH 2,3) à l'aide d'une micropipette en verre. Cette
méthode permet de réaliser des trous de taille plus importante (diamètre
des trous 20 ± 6 μm). Les embryons sont ensuite abondamment rincés
avant d'être remis en culture puis transférés.
Éclosion assistée par laser
L'importance que le laser a connu en médecine
a encouragé certaines équipes de FIV à considérer son application
pour percer la ZP (Obruca et coll, 1997 ; Antinori et coll, 1996 ; Germond et coll,1995).
Plusieurs lasers à infrarouge (1480nm de longueur d'onde) sont actuellement
disponibles dans le commerce ; ils s'adaptent facilement sur les microscopes et
permettent de perforer ou d'amincir la ZP avec précision et rapidité ;
cependant cette technologie est onéreuse.
Éclosion
assistée par dissolution complète de la ZP
Certaines équipes ont choisi de s'affranchir
de l'étape d'éclosion en retirant complètement la ZP des blastocystes
par dissolution ; soit par des protéases (Fong et coll, 2001; Urman et coll,
2002), soit par le tyrode acide (Jelinkova et coll, 2003).
In Vitro
La perforation de la ZP, qu'elle soit faite mécaniquement,
au tyrode acide ou par laser augmente significativement le taux d'éclosion
des blastocystes (Malter et Cohen, 1989 ; Dokras et coll, 1994 ; Mandelbaum et coll,
1994 ; Wong et coll, 2003).
Quelles patientes ? et/ou quels embryons ?
Pour quels résultats ?
Aucun effet bénéfique de l'éclosion
assistée n'a été montré chez des patientes non sélectionnées.
Les patientes sélectionnées pour leurs faibles chances d'implantation,
susceptibles de bénéficier de l'éclosion assistée sont les
patientes d'âge avancé (> 38ans) et/ou à FSH élevée
et/ou en échecs répétés d'implantation embryonnaire ainsi que
les patientes ayant des transferts d'embryons congelés.
Les données sur l'impact de l'éclosion
assistée sur les résultats de l'AMP (Assistance Médicale à la
Procréation) sont extraites de l'étude européenne multicentrique,
prospective et randomisée de Priami et coll [1] présentée à
la journée de la SMR en 2003 ; et de la revue de Edi-Osagie et coll ; 2003
[2] sur l'impact du hatching sur les taux de naissance.
Femmes d'âge avancé
Les résultats sont contradictoires avec des
effets positifs pour certains ou pas d'effets sur le taux de grossesses, trouvés
par d'autres. D'après l'étude d'Edie-Osagie et coll, 2003, l'éclosion
assistée augmente probablement le taux de grossesses cliniques chez les femmes
« âgées ». Priami et coll, ne montrent pas d'effet bénéfique
du hatching chez ce groupe de femmes pour lesquelles, on le sait bien, le taux d'anomalies
génétiques embryonnaires souvent élevé est en grande partie,
responsable du mauvais taux de grossesses et d'un fort taux de fausses couches spontanées.
Femmes à FSH de base élevée, à
J3
D'après Cohen et coll, 1992, l'éclosion
assistée des embryons de 30 femmes ayant une FSH de base élevée au
troisième jour du cycle a permis d'obtenir un taux d'implantation embryonnaire
de 26 % contre 10 % pour le groupe contrôle. Il n'y a pas d'autres données
dans la littérature, permettant d'affirmer l'effet bénéfique du hatching
dans ce groupe de patientes.
Femmes ayant eu des échecs d'implantation après
plusieurs transferts d'embryons
Embryons frais
L'application de l'éclosion assistée
chez les femmes ayant eu des échecs de transferts d'embryons améliore
significativement le taux de grossesses cliniques par transfert pour Priami et coll,
2003 (3 échecs de transfert : 14-16 % contre 9,3 % pour les témoins) ;
à condition que les embryons soient de bonne qualité. De même, L'analyse
des études randomisées publiées [2] confirme une augmentation significative
du taux de grossesses cliniques chez ce groupe de patientes.
Embryons congelés
Après 2 transferts d'embryons
congelés-décongelés, l'application du hatching permet d'augmenter
significativement le taux de grossesses cliniques par rapport aux témoins
(9,4% versus 0 %) [1]. La dureté ou l'élasticité des ZP moyennes
ou épaisses (> 16 μm) des embryons semble être modifiée par
la congélation, ce qui dans ces conditions, diminue l'implantation embryonnaire.
Aide à l'implantation d'embryons sélectionnés
Au cours d'une première étude réalisée
sur 137 femmes jeunes à FSH normale à J3, l'équipe américaine
de J. Cohen a montré que les embryons à ZP épaisse micromanipulés
s'implantaient plus fréquemment que leurs témoins aux mêmes caractéristiques
; d'où l'idée de baser les indications de hatching sur l'aspect morphologique
des embryons au troisième jour post-ponction et de réaliser une éclosion
assistée sélective des embryons. Seuls les embryons plutôt de mauvais
pronostic, possédant au moins une des caractéristiques morphologiques
suivantes devaient être traités par éclosion assistée : épaisseur
de la zone pellucide > 15 μm et/ou moins de six blastomères et/ou plus
de 20 % de fragments dans l'espace périvitellin. Cette politique d'éclosion
assistée sélective leur a permis d'obtenir un taux d'implantation embryonnaire
de 25 % contre 18 % dans le groupe contrôle lors d'une étude prospective
sur 163 patientes. D'autres études semblent également indiquer une augmentation
de l'implantation des embryons dont le développement est un peu lent après
culture prolongée en milieux séquentiels (Urman et coll, 2002; Jelinkova
et coll, 2003) ou après vitrification au stade blastocyste (Vanderzwalmen et
coll, 2003).
Conclusion
Les études publiées sont difficiles
à comparer car les méthodologies sont différentes : technique de
hatching, population étudiée, âge des embryons ; de plus un traitement
associé à la cortisone et des antibiotiques n'est pas toujours donné
aux patientes alors qu'il semble avoir un intérêt important pour certaines.
On manque également de données sur le taux de naissances.
L'éclosion assistée est une
technique à réserver à une population sélectionnée. Elle
peut être proposée aux femmes en échecs répétés de
transferts d'embryons frais ou congelés. Cependant, en plus des critères
cliniques, il semble important de tenir compte d'un certain nombre de critères
embryonnaires qui sont encore à préciser (morphologie des PN, cinétique
de division des embryons, etc.) auxquels il faudrait peut-être ajouter la mesure
de la variation d'épaisseur des ZP afin de pouvoir évaluer la capacité
à éclore des embryons (Gabrielsen et coll, 2001) ; ceci afin de réaliser
une éclosion assistée sélective des embryons comme l'a suggérée
Cohen et coll, 1992.
C'est une technique qui peut être
réalisée en complément d'une autre technique (culture prolongée
des embryons, congélation lente ou vitrification des embryons) si l'on estime
que cette dernière peut avoir altéré la capacité à éclore
des embryons.
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*AMP EYLAU - 55, rue
Saint-Didier - Paris. 102 M. DUMONT-HASSAN,
P. COHEN-BACRIE omalies
d'éclosion
d'après J. Cohen et coll. 1990
ÉCLOSION ASSISTÉE :
POUR QUI ET POUR QUOI ? 103
D'après Nakayama et coll, 1998
104 M. DUMONT-HASSAN,
P. COHEN-BACRIE ÉCLOSION
ASSISTÉE : POUR QUI ET POUR QUOI ? 105
106 M. DUMONT-HASSAN,
P. COHEN-BACRIE ÉCLOSION
ASSISTÉE : POUR QUI ET POUR QUOI ? 107 |