Ostéopénie, ostéoporose Quel
bilan faire ? Quel traitement proposer ?
F. TREMOLLIERES, J.-M. POUILLES, C. RIBOT
L'ostéoporose est une maladie déminéralisante
du squelette que se définit par un état de fragilité diffuse, lié
à une diminution de la masse minérale et des altérations de la micro-architecture
osseuse et qui peuvent se compliquer de fractures à l'occasion de traumatismes
minimes. Le développement des méthodes de mesure non invasives du contenu
minéral osseux a permis d'établir une nouvelle définition « densitométrique »
de l'ostéoporose (1) avant la survenue de l'évènement fracturaire
qui constitue certes l'expression clinique de la maladie, mais qui représente
déjà un stade évolué de celle-ci.
L'ostéoporose se définit
désormais comme une diminution de la densité minérale osseuse (DMO)
de plus de 2,5 écart-types de la valeur maximale de l'adulte jeune (t-score
< -2,5), alors que l'ostéopénie représente la situation dans laquelle
le t-score est inférieur à -1 mais supérieur à -2,5.
L'ostéopénie constitue ainsi un facteur de risque de la fracture ostéoporotique,
selon la relation bien établie par de nombreuses études prospectives associant
diminution de la DMO et augmentation du risque fracturaire. Pour chaque réduction
d'1 écart-type (soit, environ 10 à 15 %) de la DMO, il existe un doublement
du risque de fracture aussi bien chez la femme, que l'homme. Il est cependant important
de garder en mémoire que cette définition de l'ostéoporose ne s'applique
qu'à la technique d'absorptiométrie biphotonique à rayons X (DXA)
et aux mesures réalisées sur les sites axiaux : vertèbres et/ou l'extrémité
supérieure du fémur.
Quelles explorations complémentaires devant une
ostéoporose ?
La mise en évidence d'une diminution de la
DMO telle, qu'elle permet de classer la patiente dans le groupe des femmes à
ostéoporose densitométrique, doit conduire à soulever la question
de l'étiologie de cette ostéoporose. De fait, les explorations complémentaires
visent avant tout à éliminer une ostéoporose secondaire et notamment
une endocrinopathie ou une hémopathie maligne (tableau 1). Certaines d'entre
elles peuvent être guidées par l'anamnèse et les données de
l'examen clinique. En théorie, ces explorations seront d'autant plus à
recommander que la femme est jeune (témoignant de l'importance du déficit).
Il ne faut cependant pas méconnaître que, dans cette situation, la recherche
étiologique est rarement positive et que dans notre expérience, la mise
en évidence d'une cause d'ostéoporose secondaire n'est retrouvée
que dans 2 à 3 % des cas, en dehors de tout contexte clinique évocateur
(pathologie endocrinienne évolutive, corticothérapie en cours ou récente,
hémopathie maligne...). Ceci s'explique avant tout par le déterminisme
génétique de la masse osseuse qui sous-tend plus de 80 % du niveau de
la DMO. La recherche d'antécédents de fractures chez les ascendants peut
représenter un élément d'orientation en cas de positivité. Il
peut également ne pas être inintéressant de pouvoir disposer d'une
mesure de la DMO chez la mère et/ou le(s) fille(s) de la patiente de manière
à confirmer cette hypothèse d'une masse osseuse génétiquement
abaissée.
Avec l'âge, un t-score diminué
est une éventualité plus fréquente qu'en début de ménopause
(la prévalence de l'ostéoporose densitométrique passe de l'ordre
de 8 à 10 % entre 45 et 55 ans, à près de 30 % au-delà de 65
ans), ce qui peut soulever l'intérêt réel de la recherche systématique
d'une ostéoporose secondaire, d'autant que l'ancienneté de la ménopause
et le taux de perte osseuse post-ménopausique sont des facteurs de risque complémentaires.
Néanmoins, la prudence doit rester de mise surtout si le déficit osseux
est important et/ou s'il est associé à des antécédents personnels
de fractures par fragilité. Une diminution de la taille peut être informative
d'un antécédent de fracture vertébrale asymptomatique (ce qui le
cas chez environ 2/3 des patientes fracturées). En cas de doute, une radiographie
du rachis dorso-lombaire de face et de profil est à recommander. La mise en
évidence d'une TSH effondrée en faveur d'une hyperthyroïdie asymptomatique
ou infra-clinique est également une éventualité plus fréquente
qu'en début de ménopause.
Si cette recherche étiologique
apparaît logique devant la mise en évidence d'un t-score abaissé,
inférieur à -2,5, elle est nettement moins justifiée en cas
d'ostéopénie (-2,5 < t-score < -1) qui doit être avant tout
considérée comme un facteur de risque de l'ostéoporose. En effet,
du fait de la diminution de la masse osseuse avec l'âge, la fréquence
de l'ostéopénie est d'autant plus grande que la femme est plus âgée
(plus de 50 % des femmes sont " ostéopéniques " après l'age de 60
ans). La conduite à tenir doit alors avant tout s'attacher à rechercher
d'éventuels facteurs cliniques de risque associés. De même, l'évaluation
du taux de perte osseuse est un élément important à considérer.
En effet, les données récentes montrent que le risque absolu de fracture
à 10 ans en cas d'ostéopénie lorsqu'elle est associée à
au moins 1 autre facteur de risque clinique ou biologique (en cas de majoration
des marqueurs biochimiques du remodelage osseux) est équivalent à celui
d'une valeur de t-score inférieure à -2,5.
Moyens thérapeutiques de l'ostéoporose
Le traitement de l'ostéoporose a bénéficié
de progrès importants durant ces dernières années et, à côté
du traitement hormonal (THS), de nouveaux médicaments sont désormais disponibles
tant pour la prévention primaire que la prévention secondaire des fractures.
Ces médicaments, qui sont comme les estrogènes des inhibiteurs plus ou
moins puissants de la résorption osseuse, sont représentés par les
bisphosphonates et le raloxifène, seul SERM actuellement disponible. Le but
ultime des traitements de l'ostéoporose est la prévention des fractures
(de la première fracture, tout comme des récidives fracturaires chez une
femme ayant déjà présenté un tel évènement).
De fait, nous disposons d'essais randomisés
contrôlés, répondant aux exigences de la méthodologie pour apporter
un niveau de preuve suffisant, qui ont bien montré l'efficacité antifracturaire
de ces différents agents vis-à-vis de la fracture vertébrale, tout
comme de celle des fractures périphériques. Néanmoins, cette efficacité
apparaît avant tout patente chez les femmes à haut risque osseux du fait
d'une ostéoporose densitométrique et le plus souvent associée à
des fractures. Plusieurs analyses complémentaires ne portant que sur les patientes
ostéopéniques (ce qui avaient été rendues possibles par des
erreurs d'inclusion lié à un calcul de t-score initialement sur-estimé)
ont permis de montrer que l'intérêt anti-fracturaire de ces traitements
et notamment des bisphosphonates était beaucoup plus limité. A l'opposé,
ces travaux ont permis de souligner le risque élevé de récidive fracturaire
chez une femme ostéoporotique déjà fracturée et sur des périodes
de temps relativement courtes (2 - 5 ans). Ainsi, un antécédent
de fracture de poignet survenant vers l'âge de 60 ans double le risque de présenter
une fracture du col du fémur. Un antécédent de tassement vertébral
multiplie par un facteur 4 à 5 le risque de nouveau tassement, plus de 20%
de ces récidives survenant au cours de l'année qui suit la 1ère fracture.
Enfin, la survenue d'une fracture du col du fémur multiplie par 6 le risque
de survenue d'une 2ème fracture de ce type.
Bases de l'efficacité anti-fracturaire des moyens thérapeutiques
actuels
Le THS
Le traitement hormonal substitutif (THS) représente
depuis de nombreuses années le traitement de première intention pour la
prévention de la perte osseuse post-ménopausique. Les estrogènes
inhibent la résorption osseuse et leur utilisation en début de ménopause
permet non seulement de préserver le capital osseux pré-ménopausique,
mais également les qualités micro-architecturales du tissu osseux. Cet
effet s'étend à l'ensemble du squelette, est indépendant de l'âge
et/ou de l'ancienneté de la ménopause et persiste aussi longtemps que
le traitement est prescrit. La mise en route d'un THS permet un gain densitométrique,
habituellement plus net pour les sites trabéculaires, dont l'activité
métabolique est plus importante (vertèbres), que les sites corticaux (col
du fémur). Il correspond à la réduction de l'espace de remodelage
et au maintien de l'activité de minéralisation de l'unité de remodelage.
Dans les essais contrôlés, le gain moyen par rapport au placebo, au niveau
de la colonne vertébrale, est ainsi de + 5,4 % [intervalle de confiance à
95 % (IC) 4,24 - 6,46] à 1 an et de + 6,8 % [5,63 - 7,89] après
2 ans de traitement, alors qu'il n'est au col fémoral que de + 2,5 % [1,16
- 3,85] et de + 4,12 % [3,45 - 4,8], respectivement après 1 et
2 ans de traitement. Par la suite, au-delà du 12e - 18e
mois de traitement, du fait du ralentissement global du remodelage osseux lié
au couplage des activités de formation et résorption osseuse, la masse
osseuse ne varie que très peu et se stabilise.
Par ailleurs, l'étude WHI (2)
a permis de confirmer et pour la première fois de manière irréfutable
l'efficacité des estrogènes pour diminuer de manière significative
l'incidence de toutes les fractures ostéoporotiques. 16 608 femmes ménopausées
et non hystérectomisées de 50 à 79 ans (âge moyen : 63 ans)
ont été ainsi randomisées en 2 groupes pour recevoir soit le traitement
hormonal (ECE + MPA combiné continu), soit un placebo. Les objectifs principaux
de cette étude concernaient le risque cardio-vasculaire, notamment la survenue
des accidents coronariens, des accidents vasculaires cérébraux ou des
pathologies thrombo-emboliques veineuses, les cancers gynécologiques (sein
et endomètre), les évènements fracturaires et notamment les fractures
du col du fémur ainsi que les autres cancers. Bien que cette étude avait
été initialement mise en place pour une durée de 8 ans, elle a été
interrompue prématurément en Juillet 2002 (après une durée moyenne
de 5,2 ans) en raison d'une balance bénéfice/risque négative. En
effet, les femmes recevant le THS avaient présenté 21 évènements
graves supplémentaires pour 10 000 femmes/année par rapport aux femmes
du groupe placebo. Il faut néanmoins souligner que la prise du traitement hormonal
avait été à l'origine d'une diminution de toutes les fractures par
fragilité et notamment de 34 % pour les fractures vertébrales symptomatiques
(RR = 0,66 [IC 95 % 0,44 - 0,98]) et de 34 % pour les fractures du col du fémur
(RR = 0,66 [0,45 - 0,98]).
Lorsque la question de la prévention
du risque osseux se pose en début de phase post-ménopausique, le THS doit
rester l'option de choix de 1ère intention, chaque fois que celui-ci est souhaité
et possible. La nécessité d'un traitement prolongé pour une prévention
optimale de l'ostéoporose soulève néanmoins le problème de la
balance risque/ bénéfice à long terme des estrogènes et le principe
de la poursuite du traitement doit être régulièrement re-évalué
en fonction des avantages et des inconvénients propres à chaque femme.
Lorsque la poursuite d'une prise en charge osseuse est nécessaire, une prise
de relais par les alternatives disponibles (raloxifène, bisphosphonates) peut
être discutée.
Les bisphosphonates
Les bisphosphonates sont des analogues synthétiques
du pyrophosphate qui possèdent une forte action anti-ostéoclastique. Leur
mécanisme d'action précis reste encore mal élucidé, fonction
du type de bisphosphonate et pour une large part lié à leur capacité
de liaison au cristal d'hydroxyapatite. Ils inhibent ainsi directement l'activation
et le recrutement des ostéoclastes (par la voie du mévalonate notamment)
et favoriseraient leur apoptose. La « puissance » de leur action
anti-résorption in vitro a augmenté avec le développement des molécules
de dernière génération, l'alendronate et le risédronate ayant
une activité respectivement 1 000 et 2 000 fois plus marquée que celle
de l'étidronate. Il est cependant important de noter que l'absorption intestinale
des bisphosphonates est extrêmement limitée, à quelques pourcents
de la dose orale pour certains d'entre eux et que la prise concommittente d'aliments
diminue encore cette absorption à un niveau négligeable.
L'étidronate est le premier bisphosphonate
à avoir été utilisé dans le traitement de l'ostéoporose
vertébrale fracturaire. Il permet une diminution de l'incidence des nouveaux
tassements vertébraux, même si cette diminution n'a été retrouvée
de manière significative que chez les femmes présentant déjà
une ostéoporose sévère avec la présence d'au moins 2 tassements
avant le début de l'étude. De plus, son efficacité vis-à-vis
des fractures du col du fémur n'a jamais été montrée. Bien
que bénéficiant d'une excellente tolérance clinique, son utilisation
tend actuellement à être supplantée par celle des bisphosphonates
de 2e et de 3e génération.
L'alendronate est un amino-bisphosphonate
de 2e génération qui a fait l'objet d'un développement
pré-clinique majeur et pour lequel nous disposons de données cliniques
importantes issues d'études ayant impliqué plusieurs milliers de femmes.
L'efficacité de l'alendronate
pour inhiber la perte osseuse à tous les sites (vertèbres et fémur)
en début de ménopause est dose-dépendante et apparaît similaire
à celle des estrogènes dès la posologie de 5 mg/jour. Le meilleur
rapport efficacité/risque est retrouvé pour la posologie de 10 mg/jour.
Utilisé pendant 3 ans chez des
femmes âgées en moyenne de 65 ans et présentant une diminution de
leur masse osseuse (t-score - 1,6) avec ou sans fracture associée, l'alendronate
à la posologie de 10 mg/j entrainaît un gain densitométrique osseux
par rapport au placebo, de 6,2% à la colonne vertébrale et de 2,4% au
col fémoral (3) . Cet effet est lié à une diminution importante de
l'espace de remodelage osseux avec une diminution dès le 3ème mois de
traitement de l'ordre de 70 % des marqueurs de la résorption et de 50 % des
marqueurs de la formation osseuse. Surtout, l'incidence des nouveaux tassements
vertébraux était diminuée de manière significative de 50 % (p
= 0,03). Il existait également une diminution de l'incidence des fractures
de l'extrémité supérieure du fémur (ESF) dans le sous-groupe
des femmes les plus à risque, c'est-à-dire celles qui présentaient
initialement un t-score au col du fémur < -2,5. Ainsi le « nombre
de femmes à traiter » (ou NNT pour « Number Needed to Treat »)
pour éviter une nouvelle fracture passe d'une valeur comprise entre 15 et 36
chez les femmes à haut risque osseux (t-score < -2,5 et/ou présence
de fractures préalables) à plus de 300 chez les femmes présentant
un t-score supérieur à - 2.
Le principal effet secondaire de l'alendronate
qui peut limiter son utilisation chez les femmes âgées ou à risque
d'ulcère est une tolérance digestive haute médiocre avec un risque
d'érosion de l'oesophage et d'oesophagite aigüe. Cette tolérance
parfois médiocre, de même que des conditions de prise relativement rigoureuses
sont autant d'éléments susceptibles de gêner l'observance à
long terme. Le développement de la forme hebdomadaire de l'alendronate à
la posologie de 70 mg devrait permettre d'améliorer cette observance au long
cours. Sa disponibilité a été rendue possible par la pharmacocinétique
particulière des bisphosphonates caractérisée par une forte affinité
osseuse et une fixation prolongée dans les zones en renouvellement. L'effet
d'une même dose cumulée sur la diminution de la résorption osseuse
apparaît alors comparable avec une administration journalière ou hebdomadaire.
Ainsi, le gain de DMO est comparable au rachis (+ 6,8 % vs + 7,4 %) et au fémur
(+ 4,1 % vs + 4,3 %) entre l'alendronate 70 mg, une fois par semaine et la forme
journalière à 10 mg.
Le risédronate est un bisphosphonate
cyclique de 3e génération qui a également bénéficié
d'un développement pré-clinique et clinique important et qui dispose d'une
AMM comparable à celle de l'alendronate.
Deux grandes études réalisées
aux USA et en Europe ont permis de montrer une réduction significative de l'incidence
des tassements vertébraux chez les femmes recevant 5 mg/j de risédronate,
avec un effet positif dès la fin de la 1ère année de traitement.
Dans l'étude Américaine (4) qui concernait 2 458 femmes âgées
en moyenne de 68 ans, le risque de nouveau tassement vertébral était significativement
diminué, de 65 % par rapport au placebo dès la 1ère année de
traitement, de même que celui des fractures non vertébrales (diminution
de 39 % à 3 ans, p = 0,005). Parallèlement à la diminution de l'incidence
fracturaire, un gain densitométrique par rapport au placebo de + 4,3 % au rachis
et de 2,8 % au col fémoral était observé chez les femmes traitées.
Dans l'étude Européenne, les critères d'inclusion étaient plus
sévères puisque les femmes devaient avoir présenté au moins
2 tassements vertébraux. Le bénéfice thérapeutique a néanmoins
été comparable avec une diminution de 49 % du risque de nouvelle fracture
et de 61 % dès la fin de la première année. Le risque de fracture
périphérique était également diminué de 33 %.
Nous disposons également des résultats
d'une étude randomisée contre placebo visant à évaluer l'efficacité
du risédronate dans la prévention de la fracture de l'ESF chez la femme
âgée (5). Cette étude a concerné 9 331 femmes âgées
de plus de 70 ans recrutés selon l'existence d'une diminution de la densité
fémorale ou pour les femmes de plus de 80 ans de facteurs de risque cliniques,
notamment de chute. Le résultat apparaît globalement positif, bien que
l'efficacité du risédronate ait été surtout patente dans le
sous-groupe de femmes ayant une diminution du BMD fémoral (taux de facture
de 1,9 % dans le groupe risédronate vs 3,2 % dans le groupe placebo). Aucune
différence significative n'était par contre retrouvée dans le sous-groupe
de femmes qui avaient été recrutées sur la base de facteurs de risque
cliniques de fracture. Indépendamment de la démonstration du bénéfice
du risédronate dans cette indication de prévention primaire de la fracture
de hanche chez la femme âgée, cette étude souligne l'importance de
l'examen densitométrique pour identifier les femmes les plus à risque
de fracture et donc à mêmes de bénéficier d'un traitement de
prévention par les bisphosphonates.
La tolérance digestive du risédronate
apparaît satisfaisante, tout au moins sur la base des résultats des essais
cliniques. Les mêmes conditions de prise que pour l'alendronate doivent être
respectées de manière à limiter les signes d'intolérance digestive
haute et la prudence reste de mise chez les patients à haut risque d'ulcère
gastro-duodénal. Comme pour l'alendronate, le risédronate est disponible
sous forme hebdomadaire à la posologie de 35 mg.
Les bisphosphonates de dernière
génération constituent donc de puissants agents antiostéoclastiques
dont l'efficacité anti-fracturaire est surtout marquée chez les femmes
à haut risque osseux (c'est-à-dire présentant une diminution de la
densité osseuse de plus de 2,5 écart-type de celle de l'adulte jeune et/ou
des fractures osseuse préalables). De ce fait, ils apparaissent plus comme
des agents préventifs de deuxième intention, d'autant que leur AMM actuelle
en limite leur utilisation dans la prévention de la perte osseuse des femmes
en début de ménopause.
Le raloxifène
Le raloxifène fait partie de la famille
des SERMs (Selective Estrogen Receptor Modulators) qui est une nouvelle classe de
molécules à action tissulaire spécifique possédant à la
fois une action agoniste et antagoniste des estrogènes selon les tissus.
En début de ménopause, il
permet une prévention efficace de la perte osseuse tant trabéculaire que
corticale. Les femmes recevant 60 mg/j de raloxifène avaient ainsi, en moyenne
après 2 ans de traitement, des valeurs de densité osseuse vertébrale
et fémorale significativement plus élevées de 2,5 % par rapport à
celles des femmes ayant reçu le placebo. Cet effet osseux, confirmé également
chez des femmes plus âgées et ostéoporotiques, apparaît lié
comme pour les estrogènes à une diminution de la résorption ostéoclastique,
comme en témoigne le retour à des valeurs pré-ménopausiques
des marqueurs biochimiques du remodelage osseux. Il est cependant important de remarquer
que les variations densitométriques apparaissent habituellement inférieures
à celles observées avec les estrogènes.
De manière plus intéressante,
le raloxifène entraine une diminution de l'incidence des nouveaux tassements
vertébraux chez la femme ostéoporotique (6,7). L'étude MORE (Multiple
Outcomes of Raloxifene Evaluation) a ainsi intéressé 7 705 femmes présentant
une ostéoporose densitométrique (t-score < - 2,5), dont près d'un
tiers avait déjà eu au moins un tassement vertébral et qui ont été
randomisées pour recevoir en double insu le raloxifène ou un placebo.
A l'issue des 4 années de l'étude, les femmes traitées par 60 mg/j
de raloxifène présentaient par rapport aux femmes ayant reçu le placebo,
une diminution de 30 % du risque de nouveau tassement vertébral (risque relatif
(RR) = 0,68 [IC 95 % 0,55 - 0,81]) avec une efficacité comparable chez les
femmes déjà fracturées par rapport à celles qui ne l'étaient
pas (0,51 [0,35 - 0,73]). Par contre et sur la base de données actuellement
disponibles, il n'y avait pas d'effet significatif vis-à-vis des fractures
périphériques (RR = 0,9 [0,8 - 1,1]), notamment des fractures du col du
fémur.
Nous disposons donc avec le raloxifène
d'une molécule dont l'efficacité préventive vis-à-vis des fractures
vertébrales est actuellement bien démontrée et comparable à
celle des bisphosphonates. Leur intérêt plus général est lié
à la multiplicité des cibles tissulaires potentielles et à leur action
estrogénique sélective. L'absence d'effet délétère sur
le tissu mammaire, voire leur possibilité de prévenir le cancer du sein
comme le montrent les résultats à 4 ans de l'étude MORE (8) et leur
très bonne tolérance endométriale constitueront très certainement
des éléments particulièrement important dans la stratégie de
prise en charge de l'ostéoporose.
Place des traitements dans la prise en charge de l'ostéoporose
Le choix thérapeutique doit avant tout prendre
en compte le risque osseux sous-jacent (dont on sait qu'il est pour une large part
déterminé par le niveau de la DMO, mais également par d'autres facteurs)
ainsi que les effets potentiels extra-osseux de chaque molécule. De plus, rappelons
qu'en dehors du THS, l'utilisation du raloxifène ou d'un bisphosphonate ne
devrait pas être envisagée sans une mesure préalable de la densité
osseuse par une technique validée (DXA), à fortiori en l'absence de tout
antécédent de fracture. L'âge apparaît également constituer
un élément majeur de la décision thérapeutique, non seulement
parce qu'il est un des éléments clés du risque fracturaire (à
niveau de DMO équivalent), mais également parce qu'il peut conditionnée
la tolérance des différentes thérapeutiques.
En théorie, la place de chacun
de ces différents moyens thérapeutiques apparaît bien définie
:
- Le THS est le seul à pouvoir
être réellement utilisé dans le cadre d'une véritable prévention
primaire, c'est-à-dire en prévention de la perte osseuse post-ménopausique
chez une femme qui aborderait sa ménopause avec un capital osseux conservé
ou peu diminué. Rappelons néanmoins que les estrogènes ont également
fait la preuve de leur efficacité en prévention des fractures et qu'ils
peuvent parfaitement être utilisés chez des femmes à haut risque
osseux, voire déjà fracturées.
- Les autres traitements, raloxifène
ou bisphosphonates, sont plus réservés aux situations qui pourraient être
étiquetées de prévention « primo-secondaire »,
c'est-à-dire, chez des femmes à plus haut risque osseux, soit en raison
d'une ostéoporose densitométrique (t-score < -2,5), soit d'antécédents
de fractures par fragilité. C'est souvent le cas des femmes plus âgées,
à distance de la ménopause. La prépondérance du déficit
osseux sur le versant cortical doit plutôt faire considérer le choix d'un
bisphosphonate par rapport au raloxifène dans la mesure où cette dernière
molécule n'a pas fait la preuve de son efficacité dans la prévention
des fractures périphériques.
Dans la réalité pratique
cependant, le choix du traitement n'est souvent pas aussi aisé. La mise en
route du THS se heurte de plus en plus, et au-delà des problèmes de tolérance
générale et gynécologique, à son acceptation par la femme. En
effet, la publication des résultats des derniers grands essais cliniques et
notamment de la WHI, largement médiatisée dans le grand public, a indiscutablement
changé la donne dans la perception qu'ont désormais beaucoup de femmes
vis-à-vis du THS. Il apparaît actuellement de plus en plus difficile de
proposer un THS de principe, chez une femme asymptomatique et à faible risque
osseux et ce d'autant, que la plupart des études soulignent la nécessité
d'un traitement très prolongé (donc, susceptible de majorer le risque
de cancer du sein) pour permettre une réduction de l'incidence de la fracture
de l'extrémité supérieure du fémur. De fait, la stratégie
de prévention de l'ostéoporose défendue par certains, ne devrait
concerner que les femmes déjà « à haut risque osseux »
, sur la base d'un risque absolu de fracture à 5 ou à 10 ans élevé.
Cette stratégie concernerait en majorité les femmes plus âgées
et s'adresserait avant tout aux alternatives des estrogènes (raloxifène,
mais également bisphosphonates), compte tenu du risque vasculaire potentiel
à débuter un THS à distance de la ménopause. Dans cette optique,
le raloxifène trouve une place prépondérante chez les femmes aux
alentours de la soixantaine chez lesquelles la prévention de la fracture vertébrale
apparaît au premier plan. De plus, sa très bonne tolérance générale
et endométriale, tout comme ses effets vis-à-vis du risque de cancer sont
autant d'éléments à prendre en compte à cet âge. Chez les
femmes plus âgées chez lesquelles les risque de fracture de l'ESF est
l'élément déterminant, le choix se fera plutôt en faveur des
bisphosphonates et d'autant que la disponibilité des formes à administration
hebdomadaire est susceptible d'en favoriser l'observance. Il faut cependant prendre
en compte le fait que chez les femmes n'ayant jamais encore présenté de
fractures, aucun de ces deux derniers traitements ne sera pris en charge par la
sécurité sociale. S'il est vrai que c'est dans la prévention de la
récidive fracturaire que ces molécules ont fait la preuve de leur meilleure
efficacité, il existe néanmoins souvent des situations cliniques (contre-indications
absolues du THS ou refus formel du THS) où ces traitements représentent
la seule thérapeutique disponible.
Au total, nous disposons des moyens
diagnostiques et thérapeutiques permettant d'envisager une meilleure prévention
de l'ostéoporose post-ménopausique. Cette prévention sera d'autant
plus efficace qu'elle sera ciblée sur les femmes les plus à risque de
fracture.
Tous les problèmes ne sont cependant
pas résolus pour autant : le non remboursement de l'examen de densité
osseuse dont la validité n'est plus contestée par les différentes
agences de santé française ou européenne limite encore l'efficacité
du dépistage. De plus, les conditions de remboursement des nouveaux traitements
de l'ostéoporose ne favorisent certainement pas une intervention précoce,
même chez les sujets à haut risque mais encore sans fracture. Il nous
reste à espérer que les ambiguïtés de la situation actuelle
soient rapidement levées pour que la prévention de l'ostéoporose
puisse être la plus large et la plus efficace possible.
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women. Results from the MORE randomized study. JAMA 1999; 281:2189-97.
322 F.
TRéMOLLIèRES, J.-M. POUILLES, C. RIBOT
Tableau 1 : Explorations biologiques et principales
causes d'ostéoporose secondaire. Paramètres
Pathologie recherchée
Calcémie, phosphorémie, protidémie, créatinurie Hyperparathyroïdie Myélome Insuffisance
rénale
Calciurie des 24 heures Hyperparathyroïdie Hypercalciurie
idiopathique
25-hydroxy-vitamine D3 Carence en vitamine D (primitive
ou secondaire)
PTH Hyperparathyroïdie
TSH Hyperthyroïdie
NFS, VS Hémopathie maligne Myélome
Electrophorèse des protides Hémopathie
maligne Myélome
Anti-corps anti-endomysium Maladie coeliaque
OSTéOPéNIE,
OSTéOPOROSE : QUEL BILAN FAIRE ? QUEL TRAITEMENT
PROPOSER ? 323
324 F.
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OSTéOPéNIE,
OSTéOPOROSE : QUEL BILAN FAIRE ? QUEL TRAITEMENT
PROPOSER ? 325
326 F.
TRéMOLLIèRES, J.-M. POUILLES, C. RIBOT
OSTéOPéNIE,
OSTéOPOROSE : QUEL BILAN FAIRE ? QUEL TRAITEMENT
PROPOSER ? 327
328 F.
TRéMOLLIèRES, J.-M. POUILLES, C. RIBOT
OSTéOPéNIE,
OSTéOPOROSE : QUEL BILAN FAIRE ? QUEL TRAITEMENT
PROPOSER ? 329
330 F.
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OSTéOPéNIE,
OSTéOPOROSE : QUEL BILAN FAIRE ? QUEL TRAITEMENT
PROPOSER ? 331
332 F.
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OSTéOPéNIE,
OSTéOPOROSE : QUEL BILAN FAIRE ? QUEL TRAITEMENT
PROPOSER ? 333 |