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Titre: Combien de temps doit-on ou peut-on traiter une ménopause précoce compte-tenu des résultats de l'étude WHI ?
Année: 2004
Auteurs:
Spécialité: Gynécologie
Theme: Ménopause

Combien de temps doit-on
ou peut-on traiter
une ménopause précoce
compte-tenu des résultats
de l'étude WHI ?

H. ROZENBAUM

Position du problème

Un certain nombre de publications récentes : étude HERS, étude WHI, étude MWS ont remis en question les effets du traitement hormonal substitutif de la ménopause (THS).

L'étude HERS (Heart and Estrogen/progestin Replacement Study) (1), publiée en 1998, fut la première à remettre en cause les effets cardio-vasculaires (c.v.) bénéfiques attribués aux estrogènes, ne montrant aucune différence en terme de morbidité entre femmes traitées et femmes sous placebo. Il s'agissait d'une étude d'intervention, c'est-à-dire randomisée en double insu, portant sur des femmes souffrant d'une coronaropathie.

La conclusion tirée de cette étude fut, à l'époque, une absence d'efficacité des estrogènes en prévention cardio-vasculaire secondaire.

En 2002, les résultats de la plus importante étude d'intervention jamais réalisée sur le THS furent publiés. Cette publication constitua un véritable coup de tonnerre : lors de cette étude appelée WHI (Women Health Initiative Study) (2), 8 506 femmes, âgées de 50 à 79 ans, traitées par 0,625 mg d'estrogènes conjugués associés à 2,5 mg de médroxyprogestérone acétate (MPA), ont été comparées à 8 102 femmes sous placebo.

Les objectifs essentiels de cette étude étaient de suivre l'incidence de sept affections : la maladie coronarienne, les cancers du sein (les femmes des deux groupes ont bénéficié d'une mammographie tous les ans), les accidents vasculaires cérébraux, les accidents thrombo-emboliques, les cancers de l'endomètre, du côlon et enfin les fractures ostéoporotiques avec, en particulier, les fractures du col du fémur.

Contrairement à l'effet préventif attendu vis-à-vis des affections cardio-vasculaires, une légère augmentation du risque coronarien : RR = 1,29 (intervalle de confiance (I.C.) à 95 % : 1,02-1,63) fut observée, ainsi qu'une augmentation du risque d'accident vasculaire cérébral (AVC) : RR = 1,41 (I.C. à 95 % : 1,07-1,85).

Les auteurs avaient initialement fixé des limites concernant les risques des différentes affections étudiées, en particulier pour le cancer du sein. Ces limites ayant été franchies, après 5,2 années de suivi moyen, le comité de surveillance a décidé d'interrompre l'étude, la balance bénéfice-risque penchant plutôt du côté des risques.

La légère augmentation de fréquence du cancer du sein observée, RR = 1,26 (I.C. 95 % : 1,00-1,59) correspondant en risque absolu à 8 cas supplémentaires de cancer du sein pour 10 000 années-femme (A.F.) était en accord avec les données de la littérature publiées à ce jour sur ce sujet.

Lors de la méta-analyse de 51 études incluant 52.705 femmes publiées dans le Lancet en 1997 (3), le nombre de cancers du sein prévisibles dans les 5 années à venir était de 45 pour 1000 femmes non traitées âgées de 50 à 70 ans. Le surrisque lié à un THS était estimé à 2 cas supplémentaires en 5 années, à 6 cas en 10 années et à 12 cas en 15 années.

L'étude MWS (Million Women Study) (4), a été publiée en août 2003 dans le Lancet : il ne s'agit plus d'une étude d'intervention mais d'une étude d'observation : dans le cadre du dépistage du cancer du sein organisé en Angleterre par le National Health Service (équivalent du Ministère de la Santé), toutes les femmes âgées de 50 à 64 ans sont invitées à subir une mammographie tous les trois ans. De 1996 à 2001, un questionnaire contenant entre autre des questions sur un éventuel traitement hormonal substitutif (THS) fut adressé en même temps que la lettre invitant à subir une mammographie. 1.084.110 femmes furent ainsi recrutées, dont la moitié avaient utilisé à un moment donné un THS. 9.364 cas de cancer du sein furent colligés sur une période moyenne de 2,6 années ainsi que 637 décès liés à ce cancer sur 4,1 années en moyenne.

Globalement, une augmentation de risque de cancer du sein : RR = 1,66 (I.C. à 95 % : 1,58-1,75) et de mourrir de celui-ci fut observée chez les femmes sous THS : RR = 1,22 (I.C. à 95 % : 1-1,48). En revanche, ce risque disparaissait à l'arrêt du traitement : RR = 1,01 (I.C. à 95 % : 0,94-1,09) et 1,05 (I.C. à 95 % : 0,82-1,34) respectivement. Le risque relatif avec estrogènes seuls était à 1,30 (I.C. à 95 % : 1,21-1,40), à 2 (I.C. à 95 % : 1,88-2,12) avec estrogènes + progestatifs et à 1,45 (I.C. à 95 % : 1,25-1,68) avec la tibolone. L'augmentation du risque avec estrogènes + progestatifs était significative : p<0,0001, par rapport aux autres traitements.

Aucune différence ne fut observée en fonction :

- du type d'estrogènes : conjugués équins ou estradiol,

- de leur posologie,

- et de la voie d'administration : RR 1,32 (I.C. à 95 % : 1,21-1,45) pour la voie orale, 1,24 (I.C. à 95 % : 1,11-1,39) pour la voie transdermique et 1,65 (1,26-2,16) pour les implants. Aucune différence ne fut observée entre les trois progestatifs utilisés en Angleterre : MPA, norethindrone et norgestrel, ni entre traitement séquentiel et continu.

Une augmentation du risque de cancer du sein fut observée en fonction de la durée du traitement : RR = 1,21 (I.C. à 95 % : 1,07-1,37) pour moins de 5 années de traitement par estrogènes seuls, et de 1,34 (1,23-1,4) pour plus de 5 années ; RR = 1,7 (I.C. à 95 % : 1,56-1,85) pour moins de 5 années de THS estro-progestatifs et 2,21 (I.C. à 95% : 2,06-2,37 pour plus de 5 années ; RR = 1,32 (I.C. à 95 % : 1,04-1,69), pour une prise de tibolone inférieure à 5 années et 1,57 (I.C. à 95 % : 1,3-1,9) pour plus de 5 années.

Cette augmentation correspondrait à 5 (3-7) cancers supplémentaires pour 1 000 femmes en 5 années avec les estrogènes seuls, et 19 (15-23) avec estrogènes + progestatifs.

La problématique actuelle concernant les femmes en ménopause précoce est donc la suivante :

- une ménopause constitue un facteur de risque cardio-vasculaire reconnu ;

- elle augmente également le risque d'ostéoporose ;

- en revanche, les femmes ménopausée tôt sont moins à risque de cancer du sein que celle ménopausées tard.

Sachant qu'il n'est plus licite d'espérer un effet protecteur cardio-vasculaire sous THS, bien que les effets à long terme des traitements utilisés en Europe, et plus particulièrement en France, n'aient pas été évalués, peut-on envisager un THS relativement prolongé chez les femmes sachant qu'il augmentera légèrement leur risque de cancer du sein ?

Autrement dit, comment évaluer la balance bénéfice-risque d'un THS chez les femmes en ménopause précoce et, si un THS est entrepris, combien de temps peut-on le prolonger ?

- jusqu'à la disparition des symptômes vaso-moteurs ?

- jusqu'à l'âge d'une ménopause « normale », c'est-à-dire vers la cinquantaine ?

- ou au-delà de cet âge ?

Les arguments en faveur d'un traitement

Psychologie

La survenue d'une ménopause précoce constitue indéniablement un lourd handicap psychologique, la femme se sentant le plus souvent dévalorisée, en situation d'infériorité par rapport aux femmes du même âge ayant conservé leurs fonctions ovariennes.

Si, sauf rares exceptions, la fécondité n'est pas restaurée par le THS, celui-ci en rétablissant un cycle menstruel artificiel, estompera le sentiment d'injustice ressenti par la patiente.

Troubles vaso-moteurs

Ils constituent au début les symptômes les plus gênants, justifiants à eux seuls la mise en route d'un THS dont l'efficacité dans ce domaine n'est plus à démontrer.

Peau et phanères

Ici encore, les effets bénéfiques du THS sont reconnus.

Risque cardio-vasculaire

Les relations entre risque coronarien et âge de la ménopause ont donné lieu à des publications dont les résultats apparaissent peu probants.

L'étude des infirmières de Boston avait, en 1987, mis en évidence un risque d'affection cardio-vasculaire doublé en cas de ménopause chirurgicale (5).

Dans un travail récent (6), les coordinateurs de cette étude observent un risque augmenté d'affection cardio-vasculaire uniquement chez les femmes en ménopause précoce fumeuses : RR : 1,04 (I.C. à 95 % : 1,01-1,07) ; en revanche, chez les non fumeuses, aucune augmentation significative ne fut observée. Sachant que le tabac avance de 2 années l'âge de la ménopause et qu'il constitue, en soi, un facteur de risque cardio-vasculaire, les auteurs mettent en doute les résultats des autres études ayant établi une relation entre ménopause précoce et risque cardio-vasculaire, l'ajustement pour le tabagisme n'ayant pas été réalisé lors de ces travaux.

De toutes façons, depuis le résultat de l'étude WHI, la prévention cardio-vasculaire ne constitue plus une indication du THS en ménopause. Faute de travaux démonstratifs effectués chez les femmes en ménopause précoce et/ou avec les molécules utilisées en Europe et, plus particulièrement, en France, il est actuellement impossible de recommander un THS pour cette indication.

Risque osseux

Une ménopause précoce constitue un facteur de risque reconnu d'ostéoporose. Plusieurs auteurs ont mis en évidence une diminution de la densité minérale osseuse (DMO) en cas de ménopause précoce :

- Pouillès et coll. (7), sur 66 femmes ménopausées avant 40 ans, observent une diminution de 15 % en moyenne de la DMO ;

- Ohta et coll. (8) comparant 18 femmes ménopausées avant 43 ans, à 19 femmes ménopausées après 43 ans, constatent dans le premier groupe un déclin de la masse osseuse pendant les 10 années qui suivent l'arrêt des fonctions ovariennes,

- citons encore, parmi les nombreux travaux publiés sur ce sujet le récent travail de Van Der Voort et coll (9), observant chez les femmes ménopausées précocement une augmentation du risque de fracture après l'âge de 50 ans : RR = 1,5 (I.C. à 95 % : 1,2-1,8)), y compris pour les tranches d'âge 70-74 ans : RR = 1,8 (I.C. à 95 % :1,1-3) et 75-80 ans : RR = 2,1 (I.C. à 95 % : 1,1-4).

L'étude WHI a été la première étude d'intervention randomisée en double insu confirmant une diminution du risque d'ostéoporose prouvée directement par une diminution de l'incidence des fractures :

- diminution globale : RR : 0,7 (I.C. à 95 % : 0,69-0,85),

- diminution du risque de fracture vertébrale : RR = 0,66 (I.C. à 95 % : 0,44-0,98)

- diminution du risque de fracture du col du fémur : RR = 0,66 (I.C. à 95 % : 0,45-0,98) soit 5 fractures de moins pour 10 000 A.F.

Les estrogènes (9) et la tibolone (10) se sont révélés efficaces pour préserver la masse osseuse des femmes ménopausées précocement.

Conclusion

Il est actuellement recommandé, lors de la poursuite d'un THS, de réévaluer périodiquement, tous les ans en pratique, la balance bénéfice-risque du traitement. Ces recommandations semblent pouvoir s'appliquer, en cas de ménopause précoce, lorsque la patiente traitée aura atteint l'âge « normal » de la ménopause, c'est-à-dire vers la cinquantaine.Bibliographie

[1]   HULLEY S., GRADY D., BUSH T., FURBERG C., HERRINGTON D., RIGGS B. ET COLL. FOR THE HEART AND ESTROGEN/PROGESTIN REPLACEMENT STUDY (HERS) RESEARCH GROUP. Randomized trial of estrogen plus progestin for secondary prevention of coronary heart diseases in port-menopausal women. JAMA, 1998 ; 280 : 605-13.

[2]   WRITING GROUP FOR THE WOMEN'S HEALTH INITIATIVE INVESTIGATORS : Risks and benefits of estrogen plus progestin in healthy postmenopausal women : principal results from the women's health initiative randomized controlled trial. JAMA, 2002 ; 288 : 321-333.

[3]   COLLABORATIVE GROUP ON HORMONAL FACTORS IN BREAST CANCER. Breast cancer and hormone replacement therapy : collaborative reanalysis of data from 51 epidemiological studies of 52 705 women with breast cancer and 108 411 women without breast cancer. Lancet, 1997 ; 350 : 1047-1059.

[4]   MILLION WOMEN STUDY COLLABORATORS : Breast cancer and hormone-replacement therapy in the Million Women Study. Lancet 2003 ; 362 : 419-27.

[5]   COLDITZ G.A., WILLETT W.D., STAMPFER M.J. et coll. : Menopause and the risk of coronary heart disease in women. N. Engl. J. Med., 1987, 316, 1105-1110

[6]   HU F.B., GRODSTEIN F., HENNEKENS C.H., COLDITZ G.A., JOHNSON M., MANSON J.E.,ROSNER B., STAMPFER M.J. : Age at natural menopause and risk of cardiovascular disease. Arch. Intern. Med., 1999 ; 159 : 1061-6.

[7]   POUILLES J.M., TRÉMOLLIÈRES F., BONNEU M., RIBOT C. : Influence of early age at menopause on vertebral bone mass. J. Bone Miner. Res., 1994 ; 9 : 311-5.

[8]   OHTA H., SUGIMOTO I., KOMUKAI S. et coll. : Decreased bone mineral density associated with early menopause progresses for at least ten years : cross-sectional comparisons between early and normal menopausal women. Bone, 1996 ; 18 : 227-231.

[9]   LYRITIS G.P., KARPATHIOS S., BANDEKIS et coll. : Prevention of post-oophorectomy bone loss with tibolone. Maturitas, 1995 ; 22 : 247-253

[10]   CASTELO-BRANCO C., PONS F., GONZALEZ-MERLO J. : Bone mineral density in surgically postmenopausal women receiving hormonal replacement therapy as assessed by dual photon absorptiometry. Maturitas, 1993 ; 16 : 133-137.

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