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2004 > Pédiatrie > Mucoviscidose  Telecharger le PDF

La mucoviscidose à la naissance : annonce du diagnosticet prise en charge néonatale

G Travert , J. Duhamel , M. Laurans et J Brouard

Annonce du diagnostic

L'annonce du diagnostic d'une mucoviscidose représente pour le médecin ou l'équipe alerté par le Centre de Dépistage un moment très difficile. Initialement, en effet, deux situations sont possibles.

– La première et la plus simple est celle où la trypsine élevée à un niveau supérieur à 60 μg/litre est associée à la mise en évidence de deux mutations du gène de la mucoviscidose.

Face à cette situation, plusieurs possibilités existent :

– la famille est connue du médecin référent, il va pouvoir appeler la famille directement, demander à la voir rapidement avec l'enfant en raison de la présence d'une anomalie au dépistage de J3 sans annoncer d'emblée le diagnostic au téléphone même s'il est certain. Même dans cette situation, la démarche reste délicate car la maladie est maintenant mieux connue du public et son pronostic également. Il faut donc expliquer, en prenant tout le temps, la maladie et ses différentes expressivités, les modalités thérapeutiques, nutritionnelles et pulmonaires, la surveillance et répondre aux questions souvent nombreuses suscitées par l'annonce du diagnostic avec ses incidences familiales et sociales.

– L'autre situation en fait la plus courante est celle où la famille n'est pas connue du médecin du Centre de Ressources et de Compétences pour la mucoviscidose (CRCM) ; il est difficile dans ces conditions d'appeler directement les parents et il paraît plus humain de joindre le pédiatre de maternité ou le médecin traitant qui connaît la famille pour transmettre le résultat et leur demander d'organiser au plus vite un rendez-vous pour mettre en place la prise en charge.

Les situations les plus fréquentes sont celles où la trypsine est élevée avec une seule mutation présente ou encore celles où la trypsine est élevée et qu'il n'existe, au moment du dépistage, aucune mutation décelée.

Ici, il faut aussi joindre la famille sans qu'aucun diagnostic ne soit d'emblée possible ; la démarche est délicate, celle de convoquer directement où là encore par l'intermédiaire de la maternité ou du médecin traitant, une famille à qui d'emblée il est impossible de donner une réponse quant à un diagnostic de certitude à partir des seules données de la biologie.

La consultation comportera un examen clinique avec appréciation de la situation respiratoire, de la courbe de poids depuis la naissance, du nombre de selles ; elle doit être complétée par des contrôles biologiques trypsine IR mais aussi du ionogramme sanguin et urinaire et du bilan nutritionnel mais aussi d'emblée, dès la première consultation, par un premier test de la sueur ce même jour. Certains centres sont opposés à la réalisation du test de la sueur avant que le nouveau-né ne soit âgé d'un mois ou si le poids le jour de la consultation est inférieur à 4 kg. Nous ne partageons pas ce point de vue car pour les parents, il est souhaitable de pouvoir apporter le maximum d'informations d'emblée, même si nous prenons en compte les difficultés d'interprétation du test de la sueur chez des enfants jeunes et de poids très modeste, pour beaucoup de familles un diagnostic est déjà possible.

Dans le cas de figure où le test de la sueur n'est pas définitivement informatif, les informations aux familles restent compliquées. Le ionogramme sanguin voire une échographie ayant permis d'écarter une origine rénale à l'hypertrypsinémie, il faudra en l'absence de diagnostic, mettre en place une surveillance clinique avec le médecin traitant et revoir l'enfant dans le centre de référence qui suivra l'évolution de son hypertrypsinémie et rechercher des mutations plus rares et refaire plusieurs mois plus tard un nouveau test de la sueur de référence (Tableau I). Pendant toute cette période, la famille reste dans l'incertitude quant à un diagnostic. Ceci peut justifier, pour certaines familles, un soutien du médecin voire en complément d'une psychologue car l'incertitude est une situation lourde à supporter.

Il apparaît donc que l'annonce du diagnostic de la mucoviscidose, à partir du dépistage néonatal, s'avère plus complexe que pour l'hypothyroïdie ou la phénylcétonurie.

En effet, dans la majorité des cas, le bilan réalisé dans le CRCM à partir de la mesure de la trypsine IR et la recherche complémentaire d'une des 20 mutations étudiées en période néonatale ne permet pas de trancher ; c'est dire les difficultés de gestion de la situation pour les familles qu'il faudra revoir, entourer, aider à partir des évolutions cliniques, biologiques et de celles des nouveaux tests de la sueur, c'est dire aussi que la création justifiée des CRCM leur confère une responsabilité majeure pour la prise en charge des enfants malades d'une part mais aussi dans celle du suivi des situations intermédiaires d'une hypertrypsinémie isolée ou associée à une seule mutation. Il existe un important travail de secrétariat pour reconvoquer ces familles. Dans l'avenir, il est prévu de disposer d'un kit comportant non plus vingt mais trente mutations.

Prise en charge néonatale

Au moment du dépistage, la dénutrition est présente dans 5 à 25 % selon les études et les paramètres utilisés. Le bénéfice d'un statut nutritionnel satisfaisant sur l'évolution de la situation pulmonaire et donc du pronostic de la maladie a été clairement établi (1).

La prise en charge néonatale doit être la plus précoce possible, personnalisée, organisée de façon rationnelle et coordonnée par une équipe émanant d'un CRCM. Les principaux objectifs de cette prise en charge consistent à retarder l'apparition des lésions parenchymateuses pulmonaires et à assurer parallèlement un développement staturo-pondéral le plus proche possible de la normale.

Si la mise en évidence de deux mutations du gène de la mucoviscidose permet d'établir le diagnostic de mucoviscidose de façon certaine, la situation est moins simple lorsqu'on ne détecte aucune ou une seule mutation de CFTR. Il est difficile de trancher entre un « faux positif » du dépistage par la TIR et la possibilité d'une authentique mucoviscidose dont l'une voire les deux mutations causales ne sont pas détectables parmi le panel des 20 mutations recherchées. Il faut s'aider d'un contrôle de la TIR à J21 et surtout d'une mesure rapide du taux de chlore sudoral : face à cette situation, trois possibilités existent :

– Le test de la sueur est normal (Cl < 40 mmol/l), le diagnostic de mucoviscidose est écarté, la famille est rassurée définitivement . Cependant, tous les cas d'hétérozygotie seront dirigés vers une consultation de génétique. Un des éléments mis en évidence à partir du dépistage néonatal est l'existence dès les premiers mois de la vie,même chez les hétérozygotes, d'anomalies biologiques intéressant les AGE, les marqueurs protéiques, les vitamines A,E et 25OHD3 (2). Ces faits justifient une adaptation de ces apports et un recontrôle du statut clinique et biologique à 6 et 12 mois lors de consultations de contrôle.

– Le test de la sueur est intermédiaire ( 40 < Cl < 60 mmol/l, une poursuite de l'étude moléculaire est préconisée à la recherche d'une mutation plus rare sur l'autre allèle. Le problème le plus délicat est soulevé par l'absence de détection d'au moins une mutation CFTR. Un suivi clinique et biologique est nécessaire jusqu'au prochain rendez-vous de test de la sueur de référence qui pourra confirmer ou infirmer le diagnostic de mucoviscidose.

– Le test de la sueur est positif (Cl > 60 mmol/l), le diagnostic est certain. La consultation comportera un examen clinique avec appréciation de la situation nutritionnelle et respiratoire . Un bilan biologique de départ sera réalisé comportant un ionogramme sanguin et urinaire, des marqueurs protéiques, des dosages de vitamines : A,E, 25OHD3,C et pour certains du _ carotène et d'oligo-éléments : Fe, Zn et Se. On peut y ajouter le contrôle du statut en AGPI et des immunoglobulines (3).

Parallèlement des informations seront apportées concernant : le programme des vaccinations, comportant systématiquement la grippe, l'existence d'associations qui pourront aider les familles, les précautions utiles concernant l'environnement de l'enfant essentielles durant la première année de la vie : l'absolue éviction du tabac et des crèches collectives. Une prise en charge psychologique sera débutée au moment de l'annonce du diagnostic et sera poursuivie et adaptée en fonction de la demande des familles. La prise en charge à 100 % sera effectuée le jour de la confirmation du diagnostic.

Secondairement, une consultation génétique sera proposée avec recherche des mutations chez les parents ainsi qu'un rendez-vous auprès de l'assistante sociale.

Sur le plan respiratoire,

une prise en charge physiothérapique une à deux fois par semaine, est conseillée d'emblée, même en l'absence de signe respiratoire, destinée au développement des possibilités de ventilation et à la formation des familles. Dès que le nourrisson présente une infection respiratoire haute ou basse, une consultation médicale urgente s'impose avec réalisation d'un prélèvement bactériologique voire virologique ; le traitement est mis en place,complété par une séance quotidienne voire deux s'il existe une exacerbation pulmonaire.

Sur le plan nutritionnel,

des conférences de consensus ont confirmé la nécessité d'apports énergétiques élevés et de supplémentations minérales, en AGE et en vitamines, adaptées à chaque nouveau-né et nourrisson et régulièrement modifiées lors des consultations en fonction de l'évolution clinique et de celle des marqueurs biologiques (4, 5, 6).

Chez le nouveau-né sans complication digestive,

certains préconisent pour ceux ayant une croissance pondérale normale et lorsque l'insuffisance pancréatique exocrine est modérée, un régime comportant allaitement maternel ou artificiel avec les enrichissements en calories, minéraux, vitamines et oligo-éléments associé à une opothérapie pancréatique (1000 à 2000 UI lipase pour 120 ml) (4). Cette alternative reste compliquée pour les familles en raison des adjonctions multiples. Par ailleurs, le lait de femme se caractérise par une faible teneur en protéines et minéraux.

D'autres équipes préconisent des préparations comportant des protéines hydrolysées et des enrichissements en TCM, en acide linoléique et _ linolénique, en vitamines et en oligo-éléments. Ces préparations assurent une meilleure biodisponibilité des macronutriments et retardent l'administration des extraits pancréatiques gastro-protégés (EPGP) souvent difficile au cours des premiers mois de la vie. Dans un souci de simplification, une préparation diététique destinée spécifiquement destinée aux nourrissons atteints de mucoviscidose, mise au point par les professeurs JF Duhamel et G Lenoir, est disponible depuis un an sur le marché, sous le nom de Cystilac R (tableau I) (laboratoire Milupa)(7,8).

Cette formule a l'avantage d'apporter 83 kcal/100ml soit 120 à 140 kcal/kg/j avec des volumes adaptés à l'âge (9). Elle est bien acceptée par les nourrissons, sa tolérance est très satisfaisante et permet une évolution des courbes staturo-pondérales excellente.

Chez les 10 à 20 % des nouveau-nés ayant des complications digestives néonatales, iléus méconiaux, grêles courts, certains doivent bénéficier initialement d'une nutrition parentérale exclusive. Dans un deuxième temps, les formules prédigérées gardent leur place avec parfois la nécessité d'une alimentation par sonde nasogastrique ou par gastrostomie.

Le dépistage de l'atteinte hépato-biliaire doit être réalisé dès la naissance et l'adjonction d'acide ursodesoxycholique : 15 à 20 mg/kg/j doit être mis en œuvre précocément. Celle-ci est systématique en cas d'atteinte hépatique chronique, et peut être proposée par certaines équipes en cas d'antécédents d'iléus méconiaux (10).

Bibliographie

[1] Farrell PM, Kosorok MR, Laxova A, Shen G, Kosak RE Bruns WT et al. : Nutritionnal benefits of neonatal screening for cystic fibrosis. N Engl J Med 1997 ; 337 : 963-9.

[2] Ferenchak AP, Sontag MK, Wagener JS, Hammond KB, Accurso FJ, Sokol RJ. : Prospective, long-term study of fat-soluble vitamin status in children with cystic fibrosis identified by newborn screen. J Pediatr 1999; 135 : 601-10.

[3] Lloyd-Still JD, Johnson SB, Holman RT. : Essential fatty acid status and fluidity of plasma phospholipids in cystic fibrosis infants. Am J Clin Nutr 1991 ; 54 : 1029-35.

[4] Ramsey BW, Farrell PM, Pencharz P and the Consensus Committee. Nutritional assessment and management in cystic fibrosis : a consensus report. Am J Clin Nutr 1992 ; 55 : 108-116.

[5] Sinaasappel M, Stern M, Littlewood J et al. Nutrition in patients with cystic fibrosis : a european consensus. J Cyst Fibr 2002 : 1 : 51-75.

[6] Conférence de Consensus. Prise en charge du patient atteint de mucoviscidose : observance, nutrition, gastro-entérologie et métabolisme. Arch Pediatr 2003 ; 10, suppl 3 : 381S-508S.

[7] Duhamel JF, Laurans M, Folio D et al. Interest of formula Cystilac R for infant suffering from cystic fibrosis. XIII th International Cystic Fibrosis Congress, Stockholm, 4-8 juin 2000.

[8] Duhamel JF. La mucoviscidose : progrès dans le diagnostic et la prise en charge.Bull Acad Natl Med 2000 : 184 : 1281-95.

[9] Duhamel JF, Laurans M, Lenoir G. Prise en charge nutritionnelle de la mucoviscidose. In : Journées Parisiennes de Pédiatrie. Paris Fla Med Sci ed 2002 :203-9.

[10] Colombo C, Apostolo MG, Ferrari M, Seia M,Genoni S, Giunta A et al. Analysis of risk factors for the development of liver disease associated with cystic fibrosis. J Pediatr 1994; 124, 393-399.

LA MUCOVISCIDOSE A LA NAISSANCE 119

Tableau 1 : Composition du Cystilac pour un litre de préparation.

Protéines partiellement hydrolysées (g) : 20 Sodium ( mmol) : 25

Vitamine A (μg) : 1 400

Lipides (g) : 45, dont TCM 23 % Vitamine D (μg) : 16

AGE 12,4 / Vitamine E (mg) : 37

Vitamine C (mg) : 110

Glucides (g) : 87 Fe (mg) : 6

Zinc (mg) : 7

Energie (Kcal) : 830

120 J.-F. DUHAMEL, M. LAURANS, J. BROUARD, G. TRAVERT

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122 J.-F. DUHAMEL, M. LAURANS, J. BROUARD, G. TRAVERT

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