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2004 > Néonatologie > entérocolite ulcéro-nécrosante  Telecharger le PDF

Prise en charge ambulatoire secondaire de l'entérocolite ulcéro-nécrosante

J. Baudon , F. Gold , F Lebas , S Ducrocq et V Mucignat

L'entérocolite ulcéro-nécrosante (ECUN) est la complication digestive la plus redoutée du nouveau-né prématuré au cours de son hospitalisation. Elle est la plus fréquente des urgences digestives médico-chirurgicales néonatales avec une prévalence globale de 1 à 5 % des admissions en Néonatologie et de 1 à 3 °/oo des naissances vivantes. Elle est cent fois plus fréquente chez le pré-terme que chez le nouveau-né à terme, avec un pic de fréquence de survenue entre 32 et 35 semaines d'âge post-menstruel. Le traitement entrepris médical et/ou chirurgical va modifier la prise en charge de ces nouveau-nés lors de leur retour à domicile.

L'ECUN résulte de l'intrication de plusieurs facteurs de risque : ceux relatifs à l'hypoxie ischémie (asphyxie périnatale, persistance du canal artériel, détresse respiratoire, apnée-bradycardie, retard de croissance intra-utérin, exsanguino-transfusion), ceux relatifs à l'infection (infection materno-fœtale, septicémie, méningite), et ceux relatifs à l'alimentation.

Définition

L'ECUN est définie par l'existence d'une nécrose intestinale suspectée sur l'association :

– de troubles digestifs : intolérance digestive avec résidus gastriques +/- bilieux, distension abdominale avec météorisme abdominal, sang dans les selles ;

– de signes généraux : instabilité thermique, apnée, bradycardie, détresse respiratoire, léthargie, hypotonie voire trouble hémodynamique avec choc septique ;

– de signes radiologiques : iléus, distension intestinale et pneumatose intestinale +/- portale, voire pneumopéritoine.

Bell a proposé en 1978 une classification des ECUN en trois stades (Bell MJ et coll. Am Surg 1978 ; 1987 : 1-7).

Stade

Signes généraux

Signes intestinaux

Signes radiologiques

ECUN douteuse

IA suspectée

§ apathie ou agitation,

§ apnées-bradycardies,

§ dysrégulation thermique,

§ ± CRP ­

§ volumes des résidus gastriques ­,

§ vomissements,

§ météorisme abdominal indolore et non silencieux

§ ± Modification des selles, pas de sang macroscopique

Aspect normal ou dilatation des anses intestinales, iléus modéré (anse fixée)

IB probable

Idem ci-dessus

Idem ci-dessus + sang rouge dans les selles

Idem ci-dessus

ECUN prouvée

II de gravité faible à moyenne

Idem ci-dessus

§ ± acidose métabolique

§ ± thrombopénie

Idem ci-dessus

+météorisme silencieux

± résidus verts

± défense

± plastron FID

± paroi inflammatoire

§ Dilatation intestinale

+ pneumatose intestinale et/ou portale

§ ± épanchement péritonéal

III grave

Idem ci-dessus

§ ± Hypotension, oligurie, troubles hydro-électrolytiques,

§ ± Acidose mixte

§ ± Neutropénie

§ ± CIVD

§ ±SDRA

Idem ci-dessus

§ + météorisme volumineux, douloureux avec contracture

Idem ci-dessus

§ ± pneumopéritoine de la grande cavité ou localisé

§ +épanchement péritonéal franc

Indications thérapeutiques

Le traitement médical est une urgence. Il comporte un arrêt de l'alimentation entérale associé à une aspiration gastrique, une nutrition parentérale exclusive, un arrêt de la ventilation non invasive (si elle est commencée), une ventilation trachéale, une antibiothérapie (Métronidazole, Céfotaxime et Aminoside).

Les ECUN de stade III sont exposées à une défaillance polyviscérale avec déséquilibre hydro-électrolytique.

Le traitement chirurgical à la phase aiguë précoce est discuté. Un certain consensus existe cependant sur les points suivants : il ne peut être envisagé qu'une fois l'équilibre hémodynamique et l'hématose relativement stabilisés ; il est indiqué, pour beaucoup d'équipes, en cas de pneumopéritoine récidivant après ponction évacuatrice à l'aiguille, de météorisme abdominal important gênant la ventilation, de syndrome infectieux sévère et persistant. Il doit être limité pour la plupart à une stomie en zone saine avec drainage péritonéal, les anses intestinales n'étant extériorisées pour exploration que si l'hémodynamique est bien stabilisée avant l'intervention.

Dans les 3 à 6 semaines suivant la phase aiguë initiale :

– en l'absence de traitement chirurgical, l'alimentation entérale (à base de lait de femme) est reprise par voie gastrique continue, environ 3 semaines après le début de l'ECUN, après avoir ou non réalisé un lavement opaque avec opacification de la dernière anse grêle à la recherche de sténose(s) intestinale(s) séquellaire(s) ;

– si une stomie de décharge (en règle iléale) a été réalisée à la phase aiguë initiale, l'alimentation gastrique continue est reprise 15 jours après l'intervention avec du lait de femme associé à une supplémentation en sel (perte iléale 12 mmol/L de Na).

Complications à court terme

Elles sont de 3 ordres.

Les sténoses intestinales séquellaires

sont particulièrement à craindre quand le syndrome inflammatoire initial a été important (CRP > 120 mg/l : environ 70 % des sténoses secondaires) et quand une iléostomie a été nécessaire à la phase initiale. Elles peuvent mettre 3 à 6 semaines pour se constituer.

Lors des résections anastomoses de ces éventuelles sténoses intestinales séquellaires, tout doit être tenté pour sauver la valvule de Bauhin et la dernière anse grêle.

Si la valvule iléo-cæcale a pu être conservée, et si la longueur du grêle restant est > 80 cm, la reprise de l'alimentation entérale est simple : alimentation gastrique continue débutée avec du lait de femme ou un aliment diététique industriel à base de protéine hydrolysée si la mère n'allaite pas.

Si la valvule iléo-cæcale n'a pas pu être conservée et/ou si la résection intestinale a été étendue (grêle restant entre 40 et 80 cm), une alimentation mixte devra être poursuivie d'autant plus longtemps que la longueur du grêle restant est brève, sous forme d'une alimentation gastrique continue, avec un aliment diététique sans lactose, des protéines hydrolysées, et dont 50 % des graisses sont des triglycérides à chaîne moyenne. La résection du grêle terminal amène à discuter la réalisation, dans le même temps opératoire, d'une cholécystectomie pour prévenir la survenue ultérieure de lithiase biliaire, fréquente dans ces cas ; elle requiert en tout cas au décours un apport parentéral complémentaire de vitamine B12 ainsi qu'un traitement par des chélateurs des sels biliaires (Questran 0,5 à 2 g/Kg/J per os). Quant au grêle très court (<40 cm), qui nécessite une réanimation nutritionnelle très prolongée, il pose éventuellement un problème éthique dans cette population de nouveau-nés.

Une choléstase

d'étiologie multifactorielle est fréquente au décours des ECUN (30 % des cas). Elles nécessitent une surveillance hépatique prolongée et un contrôle des apports de vitamines liposolubles. L'apport vitaminique D est réalisé sous forme de 25 OH D (une goutte de Dédrogyl + 800 UI de vitamine D par jour) ; l'alimentation entérale s'effectue avec un lait industriel dont 50 % des graisses sont des triglycérides à chaîne moyenne.

La leucomalacie cérébrale

peut compliquer une ECUN avec trouble hémodynamique et syndrome infectieux sévère : ceci justifie au décours une surveillance neurologique rapprochée et la réalisation d'ETF répétées.

Complications à moyen terme et long terme

Les troubles du transit et/ou un retard de croissance sont rares (4 à 5 % des survivants), et sont uniquement le fait des ECUN ayant fait l'objet de résection intestinale étendue. La survenue d'une occlusion sur bride, avec son risque potentiel de volvulus du grêle, est une complication plus rare.

Le risque tardif d'ulcération des anastomoses iléo-sigmoïdiennes, peut-être en rapport avec une pullulation microbienne, est de traitement difficile ; les résections limitées sont généralement vouées à l'échec ; une antibiothérapie préventive discontinue est pour certains la meilleure solution.

Les ECUN de stade III, avec trouble hémodynamique, syndrome infectieux sévère, résection intestinale étendue et choléstase prolongée, sont à haut risque neuro-développemental (leucomalacie et retard de développement psychomoteur), justifiant une surveillance neurologique prolongée.

Prise en charge digestive en ambulatoire

– Pour les ECUN n'ayant pas requis un traitement chirurgical, l'enfant est alimenté par du lait maternel ou par un lait industriel à base de protéine hydrolysée si la mère n'allaite pas. La réintroduction d'un lait industriel standard est réalisée vers l'âge de 3 à 4 mois.

– Pour les ECUN ayant requis une stomie de décharge (en règle iléale), l'alimentation est constituée de lait maternel ou d'un lait industriel à base protéine hydrolysée. Elle est complétée par une supplémentation en sel per os (du fait des pertes iléales : 12 mmol de Na). Le rétablissement de la continuité digestive et la résection-anastomose des sténoses séquellaires éventuellement associées, se fait habituellement 6 semaines plus tard, après un lavement opaque pré-opératoire.

Les complications tardives de l'iléostomie sont : le prolapsus ; la sténose cutanée secondaire à une nécrose, une suppuration locale ; l'éventration ;l'irritation cutanée (brûlure, mycose) ; les saignements liés à un appareillage trop serré, au frottement.

Il existe plusieurs types d'appareillage :

– des systèmes à 1 ou 2 pièces (plaques avec protecteur cutané)

– des poches : vidables ou vidangeables

– un protecteur cutané en tube (Stomahésive® pâte)

– une poudre, uniquement en cas de suintement (Orahésive®).

Pour les iléostomies, la plaque doit être découpée à distance de la stomie (+ 4 mm), associée à un joint de pâte.

Pour les colostomies, la découpe doit se faire proche de la stomie.

Pronostic

Le pronostic de l'ECUN demeure sévère, avec une mortalité de 9 à 28 %, une morbidité d'autant plus significative que l'âge gestationnel à la naissance était faible, que l'ECUN a été initialement grave, que l'alimentation parentérale exclusive a été prolongée et en cas de résection anastomose, que la valvule de Bauhin n'a pu être conservée, avec une longueur de grêle restant inférieure à 80 cm.

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