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2003 > Pédiatrie > maladies métaboliques  Telecharger le PDF

Prise en charge polyvalente d'un nouveau-né suspect de maladie héréditaire du métabolisme : conduite immédiate à tenir

F. Gold

Comme cela a été souligné au cours des exposés précédents de cette session, l'expression néonatale des maladies héréditaires du métabolisme se fait parfois sur un mode prédominant, notamment neurologique, hépatique ou cardio-vasculaire. Mais souvent le tableau est d'allure initiale beaucoup moins spécifique, beaucoup plus banale, du fait notamment d'une présentation digestive ou respiratoire, si courante en pathologie néonatale.

Dans ces situations, la prise en charge va consister, de façon simultanée et aussi coordonnée que possible, en 3 démarches complémentaires : prendre en charge l'enfant au plan général en assurant sa sauvegarde vitale et fonctionnelle en même temps que son confort ; penser le plus rapidement possible à la possibilité de la révélation précoce d'une maladie héréditaire du métabolisme ; mettre en route les recherches adéquates et éventuellement les thérapeutiques spécifiques urgentes, le plus souvent alors en relation au moins téléphonique avec un service spécialisé ou un consultant. Il faut d'ailleurs à ce sujet souligner la remarquable disponibilité dont font preuve depuis de nombreuses années les collègues qui ont une expertise dans ce domaine, une grande part de cet état d'esprit collaboratif étant résulté de l'action de J.M. SAUDUBRAY, qui a été le pionnier de cette attitude dans notre pays.

Ce mode de présentation général et de prise en charge polyvalente, et les problèmes qu'il soulève, sont bien illustrés par un cas personnel récent.

Cas personnel récent

Jérémy est né le 21 mai 2002. Sa maman, âgée de 26 ans, première pare, première geste, n'a aucun antécédent familial ou personnel particulier. La grossesse s'est déroulée normalement. Il y a eu 3 échographies anténatales, dont la dernière a mis en évidence un excès de volume du liquide amniotique.

L'accouchement a eu lieu de façon eutocique, par voie basse, au terme de 39 SA + 2 jours. Le poids de naissance était de 3350 g, la taille de 52 cm, et le tour de tête de 37 cm. Le score d'Apgar a été côté à 10 à la 1re et à la 5e minutes de vie.

1.2. Dès la fin du premier jour de vie, et alors qu'il a émis précocement son méconium, après les 2 premières tétées au sein, l'enfant présente des vomissements verdâtres. Il est pour cette raison transféré rapidement dans un service de chirurgie viscérale, avec la suspicion d'une occlusion néonatale.

Lors de son admission en chirurgie, il est constaté un ballonnement abdominal discret et le caractère sensible de l'abdomen à la palpation. La radiographie de l'abdomen sans préparation montre une aération intestinale harmonieuse, en dehors du rectum qui n'est pas visualisé ; l'opacification du cadre duodénal est normale, ainsi que l'échographie des vaisseaux mésentériques, ce qui élimine une malrotation et un volvulus. Les 22 et 23 mai, l'enfant n'est pas alimenté, le méconium continue à être émis, les résidus gastriques sont devenus clairs ; une deuxième radiographie de l'abdomen sans préparation pratiquée le 23 est interprétée comme pratiquement normale.

Le tableau initial se compliquant progressivement par l'apparition d'un état geignard et surtout d'une franche polypnée, il est débuté une antibiothérapie à large spectre, et l'enfant est transféré dans le service de néonatologie pour détresse respiratoire néonatale d'apparition secondaire.

L'admission en néonatologie intervient donc au 3e jour de vie, le 23 mai. La fréquence respiratoire est de 60 cycles/mn, et le score de Silverman est côté à 3/10 ; l'auscultation pulmonaire est normale. L'état circulatoire est normal. L'abdomen est modérément météorisé ; on ne constate pas d'hépatosplénomégalie nette. L'enfant est hypotone et somnolent.

Les premiers examens complémentaires donnent les résultats suivants : pH sanguin = 7,49 , PaO2 = 110 mmHg , PaCO2 = 25 mmHg, BE = - 1,7, bicarbonates = 18,8 mmol/L ; taux de CRP < 15 mg/l ; ionogramme sanguin : Na = 150 mEq/l, créatininémie = 92 μmol/l, taux de glycémie = 6 mmol/l ; NFS : 6,4 millions de GR/mm3, Hb = 19,9 g/dl, taux de plaquettes = 369 000/mm3, formule sanguine sans particularité. La perfusion est poursuivie.

L'enfant est réexaminé plus complètement quelques heures après, dans la matinée du 24 mai. Sur le plan respiratoire, il présente à l'évidence une hyperventilation caractérisée par l'existence d'une respiration irrégulière, saccadée, avec des hoquets incessants et de brèves apnées sans désaturation ; le contrôle de la gazométrie sanguine confirme la persistance d'une alcalose respiratoire ; la radiographie pulmonaire est normale.

L'examen cardiaque et l'état circulatoire sont normaux ; l'échographie cardiaque est normale. Au niveau de l'abdomen, il existe un ballonnement modéré, mais la paroi abdominale est souple et paraît indolore ; il existe une hépatomégalie modérée mais semble-t-il indiscutable ; l'échographie abdominale met en évidence un foie dont la hauteur sur la ligne médio-claviculaire est mesurée à 6 cm, avec une structure homogène.

Enfin, sur le plan neurologique, l'enfant est maintenant à l'évidence comateux, avec une hypotonie axiale nette et un certain degré d'hypertonie périphérique comportant notamment des réflexes ostéo-tendineux rotuliens vifs ; il n'y a pas de mouvements anormaux ; l'échographie cérébrale transfontanellaire est normale ; l'EEG est très perturbé, sans orientation bien particulière.

Au terme de cet examen clinique, il paraît probable qu'on est en fait devant une perturbation neurologique centrale dont la date de début, très légèrement décalée par rapport à la naissance qui s'est déroulée normalement, évoque la possibilité d'une maladie héréditaire du métabolisme, une pathologie neurologique proprement dite n'étant toutefois pas complètement écartée.

1.4. Les examens complémentaires qui sont alors prescrits dans ce sens donnent les résultats suivants : taux de lactate = 1,53 mmol/l, taux de pyruvate = 97 μmol/l ; b-hydroxybutyrate = 40 μmol/l ; acéto-acétate = 98 μmol/l ; enzymes hépatiques : ASAT = 47 UI/l, ALAT = 92 UI/l, CPK = 304 UI/l ; une bandelette urinaire s'avère négative ainsi que la réaction de Brandt ; le prélèvement pour dosage d'ammoniémie est malheureusement inexploitable à 2 reprises dans la journée du 24 : on n'obtient finalement un résultat fiable qu'en début de matinée le 25 mai, où le taux est très élevé à 968 puis après recontrôle 1 180 μmol/l.

Pendant toute cette période, l'enfant a été laissé à jeun, avec une perfusion dépourvue de protéines.

Après le résultat du taux d'ammoniémie, documentant une hyperammoniémie considérable, l'orientation vers une maladie métabolique se confirme, expliquant la présentation clinique équivalente à celle du syndrome de REYE ; en l'absence d'acidocétose et d'hypoglycémie, c'est plus spécialement une anomalie congénitale du cycle de l'urée qui est évoquée.

Un conseil téléphonique est pris en milieu de journée auprès du Professeur J.M. SAUDUBRAY, qui évoque en premier lieu un déficit en OCT, malheureusement dans une forme très péjorative, ce qui lui amène à conseiller par téléphone aux parents une abstention de thérapeutique intensive. Après réflexion, les parents décident de suivre le conseil qui est donné par le spécialiste, et l'on met donc en route un accompagnement de l'enfant et des parents vers le décès prochain de l'enfant.

En définitive, le petit garçon décède dans les bras de sa mère et entouré par l'ensemble de sa famille le 27 mai dans la matinée.

On pratique, avec l'accord des parents, en post-mortem immédiat, une biopsie hépatique et une biopsie cutanée. Le lendemain, le résultat de la chromatographie des acides aminés sanguins qui avait été pratiquée le 25 montre un profil très évocateur d'un déficit en arginosuccinate lyase, qui sera ensuite définitivement confirmé.

Conduite immédiate à tenir

Prise en charge polyvalente

Adaptée à la symptomatologie développée par l'enfant, elle comporte le plus souvent un repos digestif associé à une aspiration gastrique permanente ou intermittente, et un traitement de support respiratoire qui peut, en cas d'apnées répétées avec désaturations, conduire à la nécessité d'une ventilation mécanique.

On insiste surtout sur le support nutritionnel et énergétique qu'il faut apporter à ces enfants pour stopper ou en tout cas limiter le catabolisme intense qu'ils subissent. C'est la raison pour laquelle, en l'absence initiale de possibilité d'alimentation digestive, le recours à la pose d'un cathéter central et au démarrage d'une nutrition parentérale exclusive est habituellement nécessaire.

Les objectifs principaux sont les suivants :

• veiller à l'hydratation, en raison du risque de déshydratation rapide, et à l'équilibre ionique (notamment Na, K et P) ;

• veiller à l'équilibre acido-basique : l'apport de bicarbonate de Na est recommandé quand le pH sanguin est < 7,10, en continu, à hauteur de 1/4 à 1/2 des apports de Na ;

• veiller à l'apport calorique : > 80 – 100 kcal/kg/24 h, basé initialement sur glucides ± lipides sans protéines.

Orientation vers une maladie héréditaire du métabolisme

Devant un tableau a priori banal de la période néonatale, qui existe chez pratiquement tous les nouveau-nés qui sont malades précocement, les éléments qui doivent attirer l'attention et faire évoquer un tel diagnostic sont classiquement les suivants : le caractère inexplicable dans l'immédiat des symptomes (par exemple, l'absence de malformation intestinale en cas de syndrome pseudo-occlusif, ou la normalité de l'examen pulmonaire physique et radiologique dans un tableau respiratoire prédominant) ; l'aggravation de l'état de l'enfant, notamment au plan général et neurologique, malgré la prise en charge symptomatique des troubles ; l'association rapidement progressive de plusieurs catégories de désordres avec très souvent une note neurologique, pratiquement constante à plus ou moins brève échéance, et parfois également une note hépatique ; l'existence d'antécédents familiaux (notamment consanguinité ou décès précoce inexpliqué) retrouvés par l'interrogatoire, tout en soulignant qu'ils sont inconstants ; enfin et peut-être surtout, l'existence d'un intervalle libre, parfois très bref et limité à quelques heures comme dans le cas personnel sus-cité, entre la naissance de l'enfant et le début de la symptomatologie.

Confirmation de l'orientation diagnostique

Dès lors qu'un tel diagnostic est évoqué, il convient de prescrire rapidement un certain nombre d'examens complémentaires, ne serait-ce que pour éliminer l'hypothèse d'une maladie héréditaire du métabolisme. Les données les plus contributives à ce sujet sont initialement les suivantes : recherche d'une cétonurie et de la positivité des tests de Brandt et DNPH, recherche d'une acidose lactique ou pyruvique, recherche d'une hyperammionémie, recherche d'une hypoglycémie, recherche d'une hypertransaminasémie hépatique, mise en évidence du caractère périodique d'un EEG pathologique.

Parallèlement, il est toujours souhaitable de prendre avis auprès d'un consultant, qui peut conseiller d'autres explorations complémentaires, telles que notamment des chromatographies sanguines ou urinaires (acides aminés sanguins, acides organiques urinaires par exemple). De plus, c'est lui qui peut au mieux prescrire, souvent de façon urgente, un certain nombre de thérapeutiques plus spécialisées telle qu'une épuration ou une vitaminothérapie. Enfin, il est le mieux à même de fixer l'attitude à avoir en ce qui concerne l'indication ou non d'une thérapeutique intensive (dilemme éthique), et éventuellement à avoir en cas de décès rapide de l'enfant (examens à pratiquer en vue du conseil génétique ultérieur aux parents : au minimum, conserver un buvard type « Guthrie » dont tous les ronds ont été remplis, et congeler un flacon d'urine).

En définitive, à court ou moyen terme, il est souvent nécessaire de transférer l'enfant en milieu spécialisé pour une prise en charge spécifique.

Bibliographie

[1] OGIER de BAULNY H., LABARTHE F., SAUDUBRAY J.M. Maladies métaboliques. In LAUGIER J., ROZE J.C. (eds). Soins au nouveau-né avant, pendant et après la naissance. Masson, Paris, 2002, p 439-457.

[2] POGGI F., RABIER D., VASSAULT A., CHARPENTIER C., KAMOUN P., SAUDUBRAY J.M. Protocole d'investigation métabolique des maladies héréditaires du métabolisme. Arch Pediatr 1994 ; 1(7) : 667-673.

[3] SAUDUBRAY J.M., NASSOGNE M.C., de LONLAY P., TOUATI G. Clinical approach to inherited metabolic disorders in neonates : an overview. Semin Neonatol 2002 ; 7 (1) : 3-15.